Texte intégral
Libération le 5 janvier 1998
Libération : L'occupation des Assedic par les chômeurs dure depuis plus de trois semaines. Pourquoi êtes-vous restée silencieuse ?
Nicole Notat : « Le silence aide au mûrissement de la parole… »
Libération : Pour la première fois, des associations de chômeurs semblent avoir obtenu des résultats. Deviennent-elles des interlocuteurs pour l’Unedic ?
Nicole Notat : « Je crois qu'il faut ramener l’action de quelques dizaines d'individus, dans quelques antennes Assedic, à sa juste proportion. Il s’agit d’opérations coups de poing à visée médiatique – merci à la trêve des confiseurs ! – et, bien sûr, à haute valeur symbolique. Personne n’est indifférent ou insensible à ce qu’est aujourd’hui le drame du chômage et de l’exclusion. Choisir pour cible quelques antennes Assedic, c’est injuste et paradoxal. Les Assedic ne sont pas les adversaires des chômeurs, l’Unedic n’est pas leur employeur. Cela laisse entendre que l’Unedic serait seule responsable de la solidarité qu’il convient d’apporter à ceux qui temporairement ou durablement privés d’emplois. Or, l’Unedic a pris très tôt conscience de la nécessité d’améliorer la situation de ceux qu’elle indemnise. Depuis le 1er juillet 1996, l’allocation plancher a été revalorisée de 471 F par mois. Par ailleurs, le conseil d’administration de l’Unedic décide tous les ans de revaloriser les allocations chômage, contrairement à d’autres aides d’État, comme l’allocation spécifique de solidarité (ASS). J’ai le sentiment qu’il y a de la manipulation de la détresse derrière tout ça. Par exemple, lorsqu’on sollicite chez elle une femme dans le plus grand dénuement, et qu’on lui dit : « Viens à l’Assedic demander ta prime de Noël. » Sa détresse est trop profonde pour être traitée ainsi. »
Libération : Comment réagissez-vous à l'accueil des associations de chômeurs par le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, et l’annonce d’une aide au transport en Île-de-France ?
Nicole Notat : « Je partage l’indignation des responsables CFDT de la région. Si le ministre a pu procéder à une superbe récupération de l’annonce de l’obtention de la Carte orange pour les chômeurs, c’est parce qu’elle était déjà sur la table, après un travail acharné de la CFDT et des autres gestionnaires des Assedic d’Île-de-France, une enveloppe de 20 millions pris sur les fonds sociaux. Depuis six mois, la CFDT en appelait au ministre pour qu’il débloque les fonds nécessaires. Et ce sont ceux qui fustigent la réforme des fonds sociaux qui sont reçus en grande pompe au ministère et ont la primauté de l’annonce, pendant que la CFDT, comme les autres partenaires sociaux, est tenue à l’écart. Les gens qui ont été reçus, quels ont été leurs résultats aux élections prud’homales ? Le ministre n’a pas rendu service à une conception représentative et démocratique de la société civile. Il sélectionne ses interlocuteurs, c’est un choix partisan. »
Libération : Parmi les interlocuteurs de Gayssot, il y avait aussi des militants des comités de chômeurs CGT…
Nicole Notat : « Je ne perçois pas bien la CGT dans cette affaire. Je vois bien un distinguo subtil entre la confédération et le comité des chômeurs CGT. Je sais aussi que l’Apeis (association de chômeurs, ndlr) est plus proche du PCF que de la CGT. Mais je suis en même temps perplexe, car, quelle que puisse être l’opposition d’origine de la CGT à la réforme des fonds sociaux, je ne peux pas imaginer que l’administrateur CGT de l’Unedic puisse cautionner les excès de ces dernières semaines. »
Libération : Pourquoi la CFDT n’a-t-elle pas elle-même une structure qui s’occupe des chômeurs ?
Nicole Notat : « Si nous fonctionnons dans le registre des groupes minoritaires, nous pourrions tout à fait l’envisager. C’est même une idée qui pourrait germer. C’est « montable en dix jours. »
Libération : N’existe-t-il pas un contentieux personnel entre vous et AC !, depuis l’invasion du siège de la CFDT en juin 1996 ?
Nicole Notat : « Ce genre de pratique n’existe dans aucun autre pays européen. L’Unedic, sa présidente, et la secrétaire générale de la CFDT seraient responsables du chômage en France ? Mais quelle arrière-pensée y a-t-il derrière tout ça ? Les ultralibéraux ont de beaux jours devant eux, avec des associations comme ça. »
Libération : Vous ne les recevrez pas ?
Nicole Notat : « En tant que quoi ? »
Libération : Comme association de chômeurs…
Nicole Notat : « Nous rencontrons demain Maurice Pagat (fondateur en 1982 du premier « syndicat des chômeurs », aujourd’hui en retrait, ndlr). Nous avons des relations avec ATD-quart monde, la Fnars et d’autres associations de lutte contre l’exclusion. Nous ne prétendons pas avoir le monopole de la représentation des chômeurs. Mais nous ne laisserons pas à des gens, dont la représentativité dans le milieu des chômeurs reste à prouver, le monopole de l’expression du désarroi des exclus. »
Libération : Martine Aubry, elle, les reçoit dans le cadre de la préparation de la loi contre l’exclusion.
Nicole Notat : « C’est une question préoccupante et dont j’aurai à rappeler l’importance de mes discussions avec le gouvernement, et notamment avec le premier ministre. »
Libération : Le chômage de longue durée ne cesse d’augmenter. Cela pose la question d’un revenu minimum…
Nicole Notat : « C’est très délicat. La question de fond n’est pas celle des personnes encore indemnisées, même s’il faut toujours l’améliorer. Mais celles des gens qui basculent dans le chômage de longue durée et donc dans le sentiment de déclassement. La CFDT se refuse à glisser, progressivement mais dangereusement, vers l’idée d’un revenu universel garanti. Elle revient, en fait, à accepter que notre société soit coupée en deux. Une partie qui aurait droit, plus ou moins facilement, à la reconnaissance par l’activité, et puis une autre, à qui l’on donnerait simplement un peu d’argent pour subvenir aux besoins vitaux : manger, se loger, se nourrir. Notre part du sous-développement, en somme. Il faut prévenir les situations de chômage de longue durée. J’espère que la loi en préparation sur l’exclusion nous en donnera les moyens. »
Libération : A propos de moyens, Martine Aubry vient d’apporter 500 millions de francs à l’Unedic au titre de l’allocation formation-reclassement (AFR)…
Nicole Notat : « Je suis ravie que la ministre de l’Emploi apporte satisfaction à une demande que l’Unedic lui a présentée depuis juillet ! Cela nous permettra d’aller sous de meilleurs auspices, mercredi, à des négociations qui ont justement pour objet l’AFR. »
Libération : Ne regrettez-vous pas d’avoir, fin 96, accepté que les cotisations employeurs et salariés soient abaissés ?
Nicole Notat : « En 1996, nous avons négocié avec 13 milliards de francs d’excédent sur la table. Le patronat voulait supprimer l’Arpe (préretraite contre embauche, ndlr), les fonds sociaux, il ne voulait entendre parler de rien d’autre que la restitution de l’excédent aux cotisants de l’Unedic. Nous avons obtenu qu’on atténue la dégressivité, l’augmentation de 300 F de l’allocation unique dégressive (AUD) plancher, la sauvegarde et l’amplification de l’Arpe, le règlement du problème des chômeurs ayant plus de quarante années de cotisations et la réforme des fonds sociaux. Le patronat a accepté à condition qu’une partie de l’excédent soit restituée sous forme de baisses des cotisations. Nous aurions préféré utiliser cet argent à d’autres fins… »
Libération : Pour les fonds sociaux ?
Nicole Notat : « Davantage pour le mettre au service du développement des politiques actives. Par exemple pour développer le système préretraite contre embauche, pour mettre en œuvre la cessation progressive d’activité en fin de carrière. A la CFDT, nous irons toujours dans un juste équilibre entre l’amélioration des indemnités et le financement de mesures qui amènent des gens privés d’emplois à trouver du travail. Aujourd’hui, plus de 100 000 personnes sont entrées dans un emploi grâce aux mesures actives de l’Unedic. Ce n’est pas négligeable. »
Libération : Comment expliquez-vous que la réforme des fonds sociaux soit si critiquée ?
Nicole Notat : « C’est une mauvaise controverse. Les fonds sociaux n’ont été ni supprimés, ni diminués en 1996, 1,2 milliards de francs ont été dépensés ; en 1997, ce sera 1,6 milliard. Le but de la réforme était et reste de réorienter les aides matérielles sur des personnes confrontées à des besoins vitaux en coordination avec d’autres pour les loyers, les factures d’électricité et d’eau. Ce qui se passe en ce moment démontre que, pour faire face aux problèmes des plus démunis, il faut une coordination de toutes les institutions qui distribuent des aides sociales de manière éparse. L’idée induite par la réforme des Assedic, c’est celle-là. Une mobilisation concertée pour moins d’aides fragmentées.
Tout cela, il faut le faire parce que les effets du chômage et de l’exclusion sont de plus en plus intolérables dans leur ampleur comme dans leur nature. Mais cela ne remplacera pas le besoin profond de reconnaissance, d’utilité et de dignité sociale auquel chacun aspire. La vraie réponse est du côté de réformes en profondeur conduisant réellement à l’augmentation du volume et de l’offre de travail (réduction du temps de travail, réforme et financement de la protection sociale, développement d’activités et de richesses nouvelles…). Il est temps que ce pays tourne le dos au choix implicite du chômage contre l’emploi. Cela dure depuis 1974, c’est le seul et vrai défi posé aux acteurs politiques, économiques et sociaux. La société française l’attend. »
Libération : Pour en revenir à la crise d’aujourd’hui, vous demandez qu’on pérennise les cellules départementales mises en place par Marine Aubry ?
Nicole Notat : « Absolument. En ce moment, plus personne ne sait où frapper. Cette décision de confier aux préfets le soin de coordonner les actions va très bien à la CFDT. Le comble est que ce sont les détracteurs zélés de la réforme des fonds sociaux qui en auront démontré le bien-fondé par des actions coup de poing. C’est là un paradoxe qui me plaît.
France 2 le mercredi 7 janvier 1998
D. Bilalian : Vous avez tenu cette réunion de l’Unedic. 15 millions, pensez-vous que ça va suffire à calmer cette fronde qui s’étend à toute la France ?
Nicole Notat : « Je voudrais d’abord dire que, je ne serais pas la responsabilité que je suis à l’Unedic, au nom de la CFDT, la CFDT n’aurait pas les revendications qu’elle a depuis très longtemps comme la réduction de la durée du travail pour l’emploi, le redéploiement de la réforme des charges sociales qui ne pèsent pas contre l’emploi, de nouveaux emplois à trouver – si son obsession n’était pas de trouver une vraie réponse, à la fois en termes d’indemnisation, parce que les gens qui sont privés d’emploi ont besoin du minimum vital, mais où en même temps, rien n’est mieux que de retrouver un travail, un emploi. »
D. Bilalian : Revenons à ces 15 millions pour des revendications qui les dépassent largement.
Nicole Notat : « Oui parce que, si vous voulez, il faut replacer les responsabilités là où elles sont. Le régime d’assurance-chômage – il faut peut-être le redire, parce qu’il y a eu de la confusion dans qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? à travers ces dernières semaines – c’est un régime d’assurance, comme son nom l’indique, qui reçoit des cotisations des salariés et des entreprises mis pour apporter un revenu de remplacement lorsque nous arrive le coup dur du chômage. Évidemment, quand le chômage prend aujourd’hui les proportions qu’il prend, le régime d’assurance-chômage ne peut plus suffire à satisfaire ce besoin de minimum vital qui est légitime. A l’assurance-chômage, nous couvrons, nous indemnisons 1,9 million de personnes. Vous voyez qu’il y en a encore beaucoup à côté. Et c’est ceux-là qui sont dans la plus grande détresse. Depuis un an, prenant conscience de ce problème particulier pour ceux qui avaient les plus basses allocations, nous avons revalorisé de 341 francs l’allocation minimum pour chaque personne, 13% d’augmentation en un an. Nous avons fait une réforme des fonds sociaux – pas pour les supprimer comme cela a été dit – mais pour qu’ils soient mieux adaptés, plus efficaces, plus équitables et transparents. »
D. Bilalian : Est-ce que vous êtes contre l’idée d’une forme de salaire pour les chômeurs ?
Nicole Notat : « Je crois qu’il y a un risque à ne pas prendre. Il faut agir dans trois directions. Il y a la direction de l’indemnisation du chômage. Pour ceux qui ont cotisé, l’assurance-maladie doit les prendre en compte le mieux possible. On distribue 116 milliards de francs d’allocations par an. Il y a des cas de détresse : ce sont ceux qui sortent du filet de l’assurance- chômage, seulement 500 000 personnes en solidarité de l’État – vous voyez le décalage – et d’autres qui ne sont nulle part ou dans le RMI. Donc, il faut un filet de protection minimum pour ceux qui effectivement sont dans le besoin. Il faut que chacun puisse vivre, se loger se nourrir en attendant de retrouver le pied à l’étrier. Mais tout cela n’enlève pas le sentiment de déclassement social. Ça n’enlève pas le besoin de dignité, de reconnaissance sociale dont les gens ont besoin en s’insérant positivement dans la société et en travaillant. Donc, si on décide définitivement qu’on a notre population sous-développée en France et qu’elle est durablement sous-développée ceux qui travaillent à côté auront la conscience tranquille, peut-être feront-ils pendant 15 jours semblant de pleurer parce qu’on aura un peu pitié de ces pauvres gens. Non. Il faut apporter des réponses à ces gens-là : le minimum qui leur permet de vivre, décent, vital. Et là, la solidarité nationale doit jouer, pas seulement le régime d’assurance. »
D. Bilalian : C'est donc à l’État d’intervenir, plus qu’à vous ?
Nicole Notat : « C’est à l’État. C’est à d’autres institutions. Et l’Unedic vient de conforter l’idée, qui a été décidée par l’État, que des préfets mobilisent tous les fonds sociaux. Dans le département de l’Aisne, c’est un véritable parcours du combattant entre les différentes institutions pour accéder aux fonds sociaux. Ce qui veut dire qu’il faut mobiliser tous les fonds qui existent dans toutes les institutions, il faut les coordonner autour des préfets, ce sera plus efficace. Et je pense qu’il y a de l’argent pour ceux qui en ont le plus besoin. Donc, il faut avancer dans ce sens-là et les Assedic seront partie prenante. »
D. Bilalian : Des questions plus politiques. On a entendu J. P. Chevènement dire qu’il comptait beaucoup sur la réunion de l’Unedic pour régler le problème. Ils vont être déçus aujourd’hui.
Nicole Notat : « Je crois que J. P. Chevènement est un homme avisé. Je pense que c’était une manière de se dire que si l’Unedic pouvait faire un petit peu, l’État en ferait moins demain. Vous savez, je ne fonctionne pas dans cet esprit. C’est la responsabilité de l’un ou l’autre. Tous les acteurs aujourd’hui sont concernés par les réponses à apporter au chômage. »
D. Bilalian : F. Bredin a dit que vous gériez l’Unedic comme une boutiquière parce que lorsqu’il y a des fonds à partager à la fin de l’année, on ne le partageait en réduisant les cotisations des salariés, des entreprises sans penser aux chômeurs.
Nicole Notat : « F. Bredin est sans doute mal informée. Son propos n’est pas très agréable, je ne vais pas faire de commentaire. Mais si elle veut signifier par là que j’ai, en tant que présidente et, avec moi beaucoup d’autres administrateurs de ce régime, l’intention de bien gérer ce régime… parce que c’est l’intérêt des demandeurs d’emploi de pouvoir les indemniser, parce qu’un régime en déficit est un régime qui ne peut plus payer – ça a failli nous arriver – c’est vrai que je n’ai pas la conception de la gestion qui a été celle du Crédit Lyonnais pendant plusieurs années. »
D. Bilalian : Les chômeurs se rassemblent, vous avez été une des premières à dire qu’ils étaient manipulés. Vous le pensez toujours ? Par qui et contre qui ?
Nicole Notat : « Les mots font toujours choc surtout quand on les monte un peu en épingle. En tout cas, je ne serai plus dans cette fonction le jour où je ne saurai plus le faire. Je n’accepterai jamais de mentir, ni ne pas dire la réalité, la vérité aux gens. Et quand j’ai le sentiment qu’on emmène des gens dans l’impasse, qu’on leur faire croire qu’il va être possible d’avoir une prime ou qu’il faut apporter des aides ponctuelles à ceux qui en ont besoin…Mais s’il faut l’argent nécessaire à cette prime, je préfèrerais, si quelqu’un était capable de la débloquer, qu’elle serve en partie l’augmentation des minima sociaux ! Et ça, c’est l’État qui est responsable. Mais je préfèrerais qu’on fasse plus de mesures actives, qu’on mette les gens à l’étrier de l’emploi comme on l’a fait à l’Unedic : plus de gens qui partent à 40 années de cotisations parce qu’ils ont leur 40 années de retraites, ce qui permet d’embaucher des jeunes ; plus de gens qui reprennent un petit travail et qu’on indemnise en même temps ; plus d’entreprises qui réduisent le temps de travail parce que ça permet d’embaucher des gens, ce qui leur permet d’avoir un sentiment de dignité, de citoyenneté sociale et en même temps un revenu. »
France Inter le 8 janvier 1998
S. Paoli : Qui va payer pour les chômeurs ? Cette question que tout le monde se renvoie, des syndicats au patronat, du Gouvernement à l’Unedic, illustre ce que le professeur de droit social, J.-J. Dupeyroux, disait ici même hier matin : il y a aujourd’hui une crise de la représentativité et une disparition des repères sociaux classiques en France. Ainsi la responsabilité de la gestion de ce dossier brûlant du chômage semble, elle, se diluer entre l’assurance chômage et le Gouvernement. Bien que l’on ait mesuré le changement de ton de la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, M. Aubry, hier à l’Assemblée, qui avait d’abord parlé d’un mouvement illégitime. L’Unedic propose 12 millions de francs d’aide d’urgence pour les chômeurs en grande difficulté. C’est très loin de ce que demandent les chômeurs ?
Nicole Notat : « Vous savez, l’Unedic a une fonction qui est la sienne, c’est-à-dire d’indemniser des demandeurs d’emploi qui ont déjà travaillé, qui ont acquis des droits de leur cotisation, qui est aussi celle des employeurs et donc l’Unedic ne peut redistribuer que l’argent de cotisations des salariés et des employeurs. Et l’Unedic hier a mis à disposition des fonds d’urgence qui existent, qui existaient et qui ont toujours existé au niveau des Assedic. Les fonds dont elle disposait, qui restaient, qui n’avaient pas été affectés sur d’autres fonds sur la réforme en particulier, parce qu’il y avait des blocages pour permettre des aides mieux adaptées en direction des aides au logement pour nos demandeurs d’emploi. L’Unedic fait avec les moyens qu’elle a. Je voudrais vous rappeler qu’il y a 1 900 000 personnes qui sont indemnisées par l’assurance-chômage ; que personne, dès lors qu’ils ont travaillé à temps complet, ne touche moins de 3 148 francs par mois aujourd’hui et que quand on passe dans le régime de solidarité on arrive tout de suite à 2 300 francs. La solidarité comporte 500 000 personnes, il y en a toujours de moins en moins. »
S. Paoli : Vous avez entendu hier – c’était sur toutes les ondes, y compris sur la nôtre – évidemment tous ces chômeurs qui disent : moi, j’ai cotisé pendant 20 ans, regardez ce que je touche. Qu’est-ce que vous leur dites à ceux-là ?
Nicole Notat : « Les chômeurs qui ont cotisé depuis 20 ans, s’ils ont cotisé pendant 20 ans, ils ont effectivement dû bénéficier d’un nombre d’années d’indemnisation du chômage, simplement ils sont dans le cas où ils ont épuisé leurs droits parce que le régime d’assurance-chômage – et je suis la première à regretter qu’il en soit ainsi -, mais que voulez-vous, l’assurance-chômage ne peut pas porter à elle seule la nouvelle ampleur, la nouvelle nature de cette fracture sociale, de cette question de chômage, de cette notion d’exclusion sociale. C’est devenu un problème de solidarité nationale. »
S. Paoli : Donc un problème de gouvernement ?
Nicole Notat : « Donc un problème de gouvernement, et un problème de tous les acteurs sociaux et économiques concernés. A la CFDT nous ne cessons de dire – accorder-nous cela, vous qui êtes des observateurs attentifs à ce que nous disons – que la priorité des priorités des gouvernements ne doit pas seulement être l’emploi dans les discours mais qu’il doit être l’emploi dans les faits. Qu’il faut enfin en finir avec ce choix tacite, un choix implicite qui fait que depuis plus de 20 ans ce pays fait le choix du chômage contre l’emploi. »
S. Paoli : C’est presque un discours politique que vous tenez là.
Nicole Notat : « Cela ne me gêne pas de tenir un discours politique quand il est responsable. »
S. Paoli : Les syndicalistes représentent-ils aujourd’hui – c’est vraiment la question qui a été posée par J.-J. Dupeyroux – les chômeurs ? Y a-t-il une reconnaissance, une prise en compte réelle de ce qu’est le statut des chômeurs aujourd’hui dans ce pays ?
Nicole Notat : « Qu’est-ce que vous croyez ? L’assurance-chômage, depuis qu’elle existe, est gérée par les organisations syndicales et par le patronat. C’est-à-dire par les partenaires sociaux qui, jusqu’à nouvel ordre – je ne sais pas si cela va continuer – sont des gens qui sont habilités, qui sont reconnus comme des organisations représentatives parce qu’ils représentent les salariés qui payent pour la solidarité avec les chômeurs. Et ils représentent les chômeurs parce que les chômeurs, ce sont toujours eux qui ont décidé du nouveau de leur indemnisation aujourd’hui, qui ont fait qu’on n’aille pas à la faillite du régime d’assurance-chômage, qui ont fait qu’on améliore la situation quand on était là. Et vous croyez que la CFDT, quand on revendique la réduction de la durée du travail, ce n’est pas une manière de défendre les chômeurs pour leur donner du travail. Vous croyez que quand on demande que ce gouvernement s’attaque enfin, comme le précédent, à un redéploiement des charges sociales qui aujourd’hui jouent à contre-emploi, vous croyez qu’on ne défend pas les chômeurs. Défendre les chômeurs, c’est bien évidemment leur donner un revenu minimum garanti ne remplacera ce sentiment de déclassement social que ressentent les gens, ne remplacera ce besoin de dignité, de reconnaissance sociale dont ils ont besoin. »
S. Paoli : Vous regrettez le mot de manipulation ? Là, je vous vois très impliquée dans le discours.
Nicole Notat : « Je suis impliquée parce que je suis très concernée par la situation du chômage. Parce que la CFDT, depuis toujours tire la sonnette d’alarme sur cette question des chômeurs. Donc, moi, aujourd’hui je ne regrette rien de ce que j’ai dit parce que jamais je ne pourrais regretter de dire la vérité aux gens quand il faut dire la vérité. Je ne ferai pas la défense des chômeurs sur la base du mensonge, sur la base de la falsification de la réalité. Quand on les emmène dans le mur, je crois devoir dire aux chômeurs – et je sais qu’ils sont capables d’entendre ces propos – qu’on les mène dans l’impasse. »
S. Paoli : Vous le dites encore ce matin ?
Nicole Notat : « Je dis, ce matin, que ce qui m’intéresse, ce sont les chômeurs. La CGT, je l’ai entendue hier, j’ai entendu la CGT dire qu’elle déplorait les violences dans les Assedic, - je suis contente ; j’ai entendu la CGT dire que peut-être que la prime, ce n’était pas la meilleure des revendications. Je suis contente d’entendre la CGT dire cela dans nos instances. J’aimerais l’entendre peut-être le dire publiquement. Nous ne sommes pas si loin entre organisations syndicales aujourd’hui. Si le Gouvernement a un problème politique à régler, cela je le comprends. »
S. Paoli : Apparemment il semble en avoir un parce qu’il y a eu quelques voix discordantes ?
Nicole Notat : « Je comprends que le Gouvernement gère un problème politique. Mais qu’il ne fasse pas du problème des chômeurs, je dirais, maintenant, les otages d’un règlement de comptes entre différentes tendances au sein du Gouvernement. Jospin nous appelle, Jospin veut maintenant nous écouter. »
S. Paoli : Revenons-en au nerf de la guerre : qui va payer et comment ?
Nicole Notat : « Attendez, là, pour le coup, ce n’est plus ma responsabilité. Je vous ai dit qu’à l’Unedic nous avons fait avec les moyens que nous avons qui sont les cotisations des salariés et des entreprises. Aujourd’hui c’est une affaire de solidarité nationale. Maintenant j’attends du Gouvernement qu’il réponde à ce besoin de détresse pour répondre à la situation d’urgence qui n’est pas celle des gens indemnisés, qui est celle des gens qui ne sont plus indemnisés par le régime d’assurance-chômage et qui dépendent de la solidarité nationale. Moi, je vais lui donner quelques idées à Jospin. »
S. Paoli : Lesquelles ?
Nicole Notat : « A l’Unedic nous avons, cette année, augmenté de 13% le minimum de l’allocation d’en bas, la dernière. Peut-être que si l’allocation de solidarité qui n’a pas été revalorisée depuis 1994, qui aujourd’hui en est de 2 300 francs, peut-être que ce gouvernement peut se caler sur ce que nous avons fait. Cela serait une bonne étape : 13% d’augmentation. Cela ferait du bien à ceux qui sont dans la détresse. Je lui propose aussi que tous les fonds sociaux qui sont à la disposition de beaucoup et d’énormes institutions dans un département pour expliquer aux chômeurs là où il faut aller pour trouver les fonds sociaux, il faut des livres qui contiennent presque 200 pages. Donc il faut mobiliser tous ces fonds autour des préfets, il faut pérenniser – ce que le Conseil d’administration de l’Unedic a demandé – l’action de coordination de mobilisation de tous les fonds sociaux par les préfets pour que tous ceux qui sont, je dirais, en-dessous du minimum qui leur permet de rester la tête hors de l’eau ne peuvent pas être expulsés de leur logement, de pouvoir payer leurs factures d’eau et d’électricité, de pouvoir vivre décemment. Et que, sur dossiers, nous ayons autour des préfets toutes les institutions concernées avec les Assedic – nous en sommes d’accord – la possibilité de verser ces fonds d’urgence à tous ceux qui en ont besoin. »
S. Paoli : Des cotisations plus élevées ? Parce que le principe de l’assurance c’est cela : il faut que les cotisations soient plus élevées. On peut défendre une position comme celle-là aujourd’hui ?
Nicole Notat : « Je vous redis qu’aujourd’hui le problème n’est pas du côté de l’indemnisation de l’assurance-chômage et que tous ceux dont vous avez parlé ici, tous ceux qui vous ont parlé, tous ceux qui ont été présentés sur les écrans de télévision sont des gens qui ont épuisé leur droit à l’assurance-chômage. Alors effectivement, à un moment donné, le problème est quoi ? avant qu’ils aient épuisé leurs droits, on n’ait pas été en capacité de leur retrouver du travail. La plaie de ce pays c’est le chômage de longue durée. La plaie de ce pays c’est l’impossibilité qu’il y a à remettre le pied à l’étrier aux gens pour leur donner du travail. C’est la raison pour laquelle, sur impulsion des propositions de la CFDT, à l’Unedic, nous avons utilisé des fonds de l’Unedic, pas seulement pour indemniser, mais aussi pour permettre à des gens d’avoir un revenu de remplacement comme des chômeurs qui ont 40 années de cotisations ? Voilà encore une idée pour M. Jospin : qu’il généralise le départ des gens qui ont 40 années… »
S. Paoli : Il a intérêt à prendre des notes.
Nicole Notat : « Je l’espère. Qu’il favorise le départ pour les gens qui ont 40 années de cotisation pour embaucher les jeunes. Cela fera beaucoup de bien, cela redonnera du travail et donc du revenu économique a beaucoup de personnes. »