Texte intégral
M. le MINISTRE. – Bonjour.
Au titre des informations, qu’ai-je à vous dire ?
Je peux vous redire un mot des PAP. Je vais vous dire un mot du surendettement et des AGF.
Sur l’intervention du Premier ministre, je n’ai évidemment pas à surenchérir sur ce qui a été dit. Je voulais souligner que, du point de vue de mon administration, il y a clairement un triangle –je ne sais pas s’il faut appeler cela un « triangle d’or », parce que l’on a beaucoup gaussé sur ce genre d’image – qui est : croissance, emploi, solidarité. Il faut que l’on tienne les trois morceaux.
On ne peut pas gagner sur un des trois axes, voire deux, si l’on ne gagne pas sur les trois. C’est la conviction qui anime le Gouvernement.
Avancer vers la solidarité est à l’évidence nécessaire. C’est d’ailleurs un des éléments qui soutient la croissance. Avancer la solidarité au-delà de ce qui soutient la croissance ou, à l’inverse, tirer la croissance à tout prix en laissant tomber la solidarité serait, dans un cas comme dans l’autre, des démarches qui ne conviendraient pas. Il faut tenir les deux avec comme résultat, évidemment, l’emploi.
Si vous avez des questions sur des points particuliers qui ont été évoqués, j’essaierai d’y répondre, qu’il s’agisse de la revalorisation de l’ASS ou des procédures envisagées en matière de retour à l’emploi. Si vous voulez quelques commentaires, je les ferai.
Si vous voulez quelques commentaires sur ce que j’ai pu dire hier à l’Assemblée en matière de réduction du temps de travail, je suis également à votre disposition.
Un mot sur le surendettement. Le texte sur le surendettement est en préparation ici ; il est pratiquement achevé. Le point qui me manquait, c’est qu’il sera soumis au Conseil des Ministres d’ici fin à février ou tout début mars.
Vous connaissez le fond du problème. Il y a une législation sur le surendettement qui a apporté un certain nombre d’améliorations de la situation des ménages dans un cycle de surendettement insolvable, avec aujourd’hui un bilan qui est que, malgré tout, un petit tiers, 30 % des dossiers susceptibles d’être traités par les commissions de surendettement ne débouchent pas, d’où la nécessité de revoir cette affaire de procédure.
Dans le texte qui est en train d’être préparé, il y a deux ou trois innovations. La principale est de permettre la suspension des poursuites pendant la procédure d’examen du dossier. Dans la situation actuelle, ii y a examen du dossier, recherche de solutions par la Commission de surendettement mais pour autant les poursuites continuent. Evidemment, ce ne sont pas les meilleures situations psychologiques pour trouver une solution avec la personne concernée quand, dans le même temps, les huissiers tournent autour.
L’idée est de permettre, pendant la période d’examen du dossier – charge à la Commission de les traiter vite pour que cela ne devienne pas une situation anormale –, la suspension des poursuites.
Pour le moment, le seul instrument dont dispose la Commission de surendettement est une sorte de renégociation et d’étalement de la dette. L’idée est de trouver quelques nouveaux éléments d’intervention, dont le principal est un moratoire, qui pourrait faire deux ou trois ans, de façon que, pendant la période de moratoire, la situation financière des ménages concernés puisse se rétablir.
On constate, en effet, que les dossiers qui ne trouvent pas de solution sont les dossiers pour lesquels il y a bien eu un étalement, mais où, malgré cela, les remboursements demandés immédiatement après le traitement du dossier sont tels que très rapidement, deux, trois, quatre ou six mois après, la cessation de poursuite de la procédure arrive. Il faut trouver un moyen qui permette véritablement de commencer par remettre à peu près en équilibre financier ces ménages, avant d’entrer dans la procédure de sortie du surendettement.
L’idée du moratoire est assez généralement acceptée. Le texte est sur une base de trois ans ; on verra ce que les Parlementaires souhaitent. Il me semble qu’aussi bien les partenaires financiers que l’administration peuvent se mettre d’accord sur cette idée.
Evidemment, troisième élément, il faut qu’il reste dans les cas extrêmes des procédures d’effacement total ou partiel de la dette si, au terme du délai de trois ans, on n’a pas trouvé de solution pour commencer à rentrer dans un cycle de remboursement possible.
L’idée est – l’idée est simple et la réponse à apporter l’est tout autant – qu’il est bien d’avoir une procédure de traitement des cas de surendettement à condition qu’il ne reste pas, grosso modo, un tiers pour lequel cela n’aboutit pas. Aujourd’hui, plus des deux tiers sont traités de façon correcte par l’étalement, on en sort très bien. Il faut traiter le cas qui reste, qui est évidemment le cas le plus difficile. C’est l’objet du texte en question.
Cela va quand même concerner beaucoup de monde. Cela se compte en centaines de milliers de dossiers. Quand je dis « Là aussi », je pense aux 500 000 familles bénéficiaires de l’évolution sur les PAP. Ce ne sont pas des millions et des millions de personnes, mais chaque fois ce sont des mesures de plusieurs centaines de milliers de ménages. Mises bout à bout – encore que parfois cela se recoupe – cela finit par toucher beaucoup de monde par mesures successives de cette nature.
Je vais vous dire un mot sur les AGF.
Nous sommes en train d’arriver doucement au bout de ce dossier, dossier qui vous a beaucoup intéressés, puisque vous m’en parlez régulièrement quand je ne veux pas vous en parler. Pour une fois que je veux bien vous en parler, je suis sûr que cela va vous intéresser !
J’ai dit à plusieurs reprises, la fois la plus formelle ou la plus publique c’était aux entretiens de l’assurance en novembre, que ma fonction n’était pas de m’immiscer dans des opérations concernant les entreprises privées, en dehors de l’impact et de ce que la loi me confiait comme autorité de régulation.
J’ai vu que certains des participants, proches ou lointains du dossier, essayaient à tout prix de mettre ce Ministère comme acteur de cette affaire. Je ne veux pas commenter cela. La seule mission de l’Administration des Finances dans cette histoire c’est, conformément à la loi, de veiller aux règles prudentielles et donc, selon une belle formule, à l’intérêt général.
J’ai eu deux objectifs dans cette bataille boursière qui est sur le point de se terminer : la première est d’éviter qu’il y ait une bataille boursière suicidaire qui conduise à des prix hors de proportion avec des évaluations raisonnables des AGF, pour une raison simple. On pourrait dire : « Qu’est-ce que cela peut vous faire, puisque vous dites ne pas vous immiscer dans les opérations privées, en quoi cela vous regarde ? »
Cela me regarde indirectement et c’est pour cette raison que cela me souciait. Le rachat, par des OPA surenchérissant les unes sur les autres, des AGF à un prix déraisonnable conduit inévitablement pour le repreneur, par la suite, à une contrainte de rentabilité très élevée pour arriver à rentabiliser cet achat fait à un prix particulièrement élevé, avec un problème qui risque de se poser au détriment des assurés et de l’emploi. Par ce canal, en dehors de considérations plus générales sur l’équilibre du marché et d’éviter les flambées spéculatives, il est de mon point de vue souhaitable que les opérations se traitent à des valeurs de marché qui ne soient pas complètement déraisonnables. J’ai eu un souci de ce point de vue. Cela m’a intéressé de voir comment l’évolution se faisait.
Le second souci, bien entendu, c’est qu’il y avait dans cette affaire une petite partie qui n’était pas uniquement une opération privée : c’est ce qui concerne les intérêts publics en matière de COFACE. Il s’agissait donc de veiller à ce que, pour la COFACE, les intérêts de la France soient préservés. Je l’ai d’ailleurs dit à l’Assemblée Nationale, il y a plusieurs semaines. C’est une question qui m’était posée.
Les négociations ne sont pas totalement bouclées. Grosso modo, on n’en est pas très loin. On a reçu hier, des autorités allemandes, le dossier que l’on attendait pour finir l’examen prudentiel C’est en cours d’examen. Cela va se faire maintenant assez vite.
J’ai de bonnes raisons de penser, sur le premier point, qu’effectivement on revient à des valeurs qui sont déjà élevées, mais que l’on a échappé au risque de surenchère sans fin, et, sur le second, que nous allons trouver une solution qui me paraît satisfaisante en matière de COFACE.
Il n’y a pas grand-chose comme élément. Ce dossier semble avoir nourri la chronique pendant longtemps. Il était bon, maintenant que nous en sommes au terme, de faire le point des raisons pour lesquelles le Gouvernement s’est intéressé à cette affaire, peut-être un peu plus qu’il n’a pu s’intéresser à d’autres mouvements de marché.
Le dernier point porte sur le Crédit Lyonnais.
J’ai rencontré – j’ai le sentiment que j’aurais du mal à le cacher – Karel VAN MIERT lundi matin à Bruxelles. En soi, ce n’est pas très extraordinaire. Cela doit être la cinquième ou sixième rencontre que nous avons sur beaucoup d’autres dossiers que le Crédit Lyonnais. Sur ce sujet, qui semble beaucoup agiter les médias, je crois que les choses avancent. Vous connaissez le sujet. La France a demandé la neutralisation du prêt de l’EPFR. C’est considéré par Bruxelles comme une aide supplémentaire. L’aide supplémentaire conduirait à l’examen du dossier et, à partir de là, à la demande supplémentaire de la part de Bruxelles, puisque la logique bruxelloise, que l’on peut approuver ou contester, est de dire : « Il faut proportionner les contraintes que l’on fait peser sur le Crédit Lyonnais à l’importance de l’aide qui lui est apportée ». Logique bruxelloise.
A partir de là, les demandes extrêmement fortes sont faites par Bruxelles. Le côté français fait valoir que l’objectif de la viabilité long terme du Crédit Lyonnais ne peut pas être mis en cause et, par conséquent, qu’il y a des limites à ce qui peut être demandé, lesquelles limites s’apprécient lorsque l’on a le sentiment – c’est évidemment subjectif – qu’une demande de restriction de périmètre – puisque ce sont principalement des problèmes de périmètre qui se posaient – toucherait à la viabilité à long terme du Lyonnais.
J’ai eu le sentiment pendant l’entretien – je ne vous l’aurais pas dit mais Karel VAN MIERT lui-même l’a énoncé, il n’y a pas de raison de revenir en arrière – que cette discussion avait été positive, que le dossier évoluait favorablement et que l’on pouvait avoir bon espoir, dans un délai raisonnable, de trouver une solution définitive à cette affaire du Lyonnais.
Quand ce dossier sera totalement terminé, je me réserve le droit d’en refaire l’historique depuis quelques années et de voir quelle est l’origine des différentes pertes qui sont souvent mises en avant. Il y a certainement des erreurs de la Direction de l’époque du Crédit Lyonnais ; un certain nombre d’autres ont été faites depuis 1995, dont on doit à la vérité historique de les mettre en lumière le moment venu.
En attendant, le seul problème urgent est de sortir de cette affaire. J’avais prononcé une phrase qui va un peu en sens inverse de ce que je viens de faire, puisque je vous en ai parlé spontanément sans même que vous me posiez de questions. J’allais dire qu’il ne serait peut-être pas mauvais qu’on laisse le dossier se terminer sans que, toutes les cinq minutes, il y ait des articles sur ce sujet. Je voulais vous appeler à une sorte de chasteté journalistique sur le Crédit Lyonnais. Comme c’est moi-même qui ai lancé le sujet, je me sens en porte-à-faux pour cela. Je ne prononce même pas cette phrase.
Un intervenant. – Deux questions Monsieur le Ministre. En ce qui concerne le surendettement, envisagez-vous d’étendre systématiquement la procédure qui est valable dans les trois Départements de l’Est concernant la faillite personnelle ?
Autre question concernant l’euro, l’Allemagne par la voix de la Bundesbank a plusieurs fois mis en cause la convergence juridique notamment en ce qui concerne le statut des banques centrales. Vous avez fugacement évoqué vous-même, il y a 15 jours, la mise à niveau de la législation française sur ce problème. Pourriez-vous en dire plus ?
M. le MINISTRE. – Sur le surendettement, Marylise LEBRANCHU, qui pour moi traite ce dossier, a beaucoup étudié cette affaire de faillite personnelle. La pente sur laquelle nous sommes aujourd’hui est, plutôt, de ne pas retenir cette solution. Elle a des avantages mais aussi des inconvénients. C’était une piste intéressante mais, tout bien pesé, on est sur l’idée de ne pas s’engager dans cette direction.
Sur le problème de l’euro, je ne sais à quoi vous faites allusion en disant que la Bundesbank a mis en cause. La Bundesbank s’occupe des affaires de la Bundesbank.
Ce qui est vrai, c’est que le Traité de 1992 prévoit que, lorsque le SEBC, le système européen de banque centrale, sera mis en place au plus tard au 1er juillet 1998, l’ensemble des ajustements de statuts des différents organismes banques centrales devra avoir été effectué. Il reste pour la France, comme pour les autres pays, des ajustements qui n’ont pas toujours été faits. Ils sont mineurs mais il faut les mener.
C’est en cours dans la plupart des pays. Ce le sera en France en temps utile. Il n’y a pas de débat particulier autour de cette affaire. Il y aura un débat à l’Assemblée, bien sûr, mais il n’y a pas de difficultés particulières.
Votre question porte sur un autre aspect qui me paraît plus important. Par ailleurs, il y a un train de mesures qui touche plus les entreprises sur la comptabilité en euro, sur un certain nombre de choses de ce type et qu’il faut faire passer rapidement parce que les entreprises en ont besoin, disent-elles, avant la période de leurs Assemblées générales, notamment pour la transformation du capital social, etc.
On a un vrai problème. Il n’y a pas de débat en soi, sauf qu’il y a un problème de calendrier parlementaire. Les Assemblées, c’est au mois de mai, en gros. Il faudrait donc que l’on arrive à faire voter tout cela avant le mois de mai, faute de, quoi cela compliquera la vie des entreprises qui seraient obligées de refaire leurs Assemblées plus tard. Il faut essayer de l’éviter. Il faut donc que l’on arrive à faire tenir cela dans les délais.
L’une des solutions que l’on envisage est de mettre cela dans le DDOF qui est prévu. L’inconvénient est que ce DDOF commence à devenir un peu obèse. Nos organismes de régulation – Conseil d’Etat, etc.– n’aiment pas qu’un DDOF, qui est là par nature pour mettre des choses un peu éparses, devienne des opérations importantes. Il y a 26 articles rien que sur l’aspect entreprise, euro, etc. L’article 16 du Code du Commerce est à changer. Cela fait un DDOF qui tend vers 60 ou 70 aujourd’hui, ce qui est considéré comme un scandale républicain ! On a donc une vraie difficulté.
Le DDOF est inscrit. Si on peut le mettre dedans, on arrive à passer dans les délais. En revanche, s’il faut un projet de loi spécifique, on a un vrai problème de calendrier. Je ne sais alors pas comment on arrive à tenir. Cela tient notamment à ce que, cette année, la session est raccourcie par la suspension des séances liée aux élections régionales et cantonales.
C’est un sujet compliqué. Ma tendance est qu’il faut arriver à débrouiller pour faire tenir cela dans le DDOF mais si cela fait un gros DDOF.
Un intervenant. – Dans le DDOF, en dehors des mesures techniques, y a-t-il des articles importants ?
M. le MINISTRE. – Il y a le surendettement.
Un Intervenant. – En dehors du surendettement ?
M. le MINISTRE. – Il y a un “paquet” d’articles sur la simplification, résultat du rapport de Dominique BAERT, qui n’étaient pas purement réglementaires et qui ont besoin d’un appui législatif. Puis, il y a un “tas de bazar” comme toujours dans les DDOF. Je ne peux même pas vous donner la liste mais ce sont des questions éparses.
Les deux gros sujets sûrs sont le surendettement et la simplification. Quant au troisième, si je peux le faire ce qui me conviendrait plutôt bien, ce serait les 25 articles. Mais il n’y a pas que les entreprises. De nombreux articles dettes publiques sont là-dedans aussi.
J’ai été trop rapide tout à l’heure. Ce ne sont pas que les entreprises. Il y a aussi toutes les mesures pour l’administration qui consistent à autoriser les conversions au 1er janvier 1999.
On me souffle le calendrier du DDOF. Il n’y a pas le débat. Le problème, c’est le contenu. Il serait déposé fin février, début mars et voté d’ici juin. Il faudrait qu’il le soit d’ici à mai pour que les Assemblées générales soient en état d’en tirer conséquences.
Un Intervenant. – Sur le surendettement, n’y a-t-il pas un risque, à partir du moment où il y a des moratoires, d’effets pervers ? (La suite inaudible)
M. le MINISTRE. – Du point de vue purement théorique, vous avez raison, il y a un risque. Le problème est de peser ce risque, encore qu’il est très largement réalisé parce que ces populations ont déjà beaucoup de mal à accéder au crédit, et le fait de les laisser dans la situation dans laquelle elles sont. Le paradoxe, vous le sentez comme moi, est que si vraiment ces populations étaient exclues du crédit, elles ne seraient pas aujourd’hui en situation de surendettement.
La réalité est que certaines formes de crédits, qui ne sont pas toujours conscientes, dont les mécanismes ne pas toujours clairs pour les ménages qui s’endettent, sont justement celles qui leur sont non pas imposées par la pratique commerciale mais suggérées fortement. Elles s’y engagent sans trop se rendre compte des conséquences et ensuite, elles s’aperçoivent de l’effet boule de neige. C’est de cela qu’il faut sortir.
De toute façon, la situation des commissions de surendettement, c’est quand même du sur-mesure, c’est du traitement au cas par cas des situations des ménages concernés, avec un accord des banques, de l’administration fiscale, de l’administration financière, etc.
Toute cette démarche, complétée comme elle le sera, aura plutôt un effet préventif. Au bout du compte, il faut essayer de traiter les situations de surendettement qui existent mais il faut surtout éviter de remettre des ménages dans cette situation. Si cela a pour effet qu’un certain nombre de prêteurs se méfient un peu plus et poussent un peu moins systématiquement des ménages en situation financière fragile vers l’endettement lié notamment à des produits de consommation, cela ne peut être que bénéfique.
Un Intervenant. – Ce moratoire s’imposerait-il à tous, y compris aux gens qui ne sont pas autour de la table ? Si c’est un moratoire qui est discuté entre les administrations fiscales, les banquiers, etc., s’impose-t-il à un propriétaire privé ?
M. le MINISTRE. – Il y a deux “paquets” différents : un “paquet” fiscal et un “paquet” bancaire. Lorsque l’administration fiscale prend une décision, éventuellement de report, etc., elle ne s’impose pas pour autant au partenaire bancaire. En revanche, il y a discussion avec les partenaires bancaires pour ce qui est des dettes bancaires. Je ne sais si je suis clair.
Un intervenant. – Pour les autres créanciers éventuels ?
M. le MINISTRE. – Par exemple ?
Un Intervenant. – Un propriétaire privé d’immobilier.
M. le MINISTRE. – Je n’en sais rien !
Une Intervenante. – (Inaudible).
M. STRAUSS-KAHN. – La réponse, vous auriez pu la trouver tout seul. Pardon !
(Rires)
La mécanique est que l’on met autour de la table les créanciers pour trouver une solution qui satisfasse tout le monde, chacun se rendant compte qu’il ne sert à rien de tondre un œuf et, de toute façon, si le ménage concerné n’a pas les moyens de rembourser, il n’arrivera pas à rembourser. Il faut donc trouver une solution plus intelligente.
Par définition, cela ne concerne que le type d’institution sinon, individuellement, chacun est sûr, autour de la table – ? –. Un créancier privé, personne physique, qui aurait prêté à M. DUPONT, n’est pas concerné par cela. On peut faciliter un arrangement entre M. DUPONT et le ménage concerné, mais il ne peut pas être directement impliqué alors qu’il n’est pas partie prenante dans les discussions autour de la table. Cela dit, ce n’est pas la plus grosse part des aides.
Une intervenante. – Sur l’emploi, vous avez donné hier les chiffres de créations : 200.000 naturelles par an et 150.000 sur les jeunes. Quel est votre pronostic en termes de baisse du nombre de chômeurs ?
M. le MINISTRE. – Il y a une flexion tout le temps entre les deux qui d’ailleurs est quelque chose qui évolue. C’est compliqué.
Soyons plus clairs. Selon les phases du cycle, reprise ou ralentissement de la croissance, la flexion n’est pas la même. L’entrain que vous mettez tous à souligner combien la croissance repart est évidemment à l’origine d’un afflux sur le marché du travail de personnes qui, sinon, n’auraient pas décidé de se porter candidates. Cela modifie donc la notion de flexion.
Je reste sur des chiffres extrêmement classiques qui sont de l’ordre de un demi, deux tiers de l’effet chômage par rapport à l’effet emploi. On peut donc raisonnablement compter, à la fin de l’année, puisque c’est surtout au second semestre que l’effort va se faire sentir même si l’on a une stabilisation qui dans un cas existe maintenant depuis plusieurs mois, avec des mois meilleurs que d’autres mais c’est, en gros, une stabilisation du taux de chômage.
Je ne veux pas me lancer dans des pronostics, vous allez en faire de choux gras alors que ce ne sont que des prévisions. Mais une baisse sensible, notable du taux de chômage d’ici à la fin de l’année, surtout au cours du second semestre donc pour la fin de l’année, me paraît être une hypothèse raisonnable.
Une Intervenante. – On peut appliquer ce coefficient de un demi, deux tiers aux 350.000 emplois.
M. le MINISTRE. – Vous vous rendez bien compte du caractère toujours très spécieux des prévisions.
Un Intervenant. – C’est en tenant compte des 35 heures.
M. le MINISTRE. – Non, 200.000 emplois, c’est la croissance. Ce sont les chiffres quelque peu arrondis, vous vous en doutez. Et les 150.000 sont les 150.000 emplois jeunes qui devront être signés d’ici à la fin de l’année. Cela donne 350.000 postes de travail. Après, il y a le problème des 35 heures qui commencera à jouer en 1998 et surtout en 1999. Il faut le temps que les accords se signent. Tout cela, c’est de la négociation qui prend du temps.
Un Intervenant. – Trois milliards prévus, cela fait 140.000 emplois.
M. le MINISTRE. – C’est pour lancer la mécanique.
Un Intervenant. – Cela fait donc 140.000 de plus.
M. le MINISTRE. – Je ne sais si cela fait 140.000 de plus. C’est un calcul que vous avez fait vous-même. Je ne sais pas ce qu’il vaut.
Trois milliards ont été prévus pour initialiser le processus. Les simulations que j’ai présentées à la Commissions des Finances, l’autre jour, l’objet était bien de le vérifier, montrent bien que, quelle que soit la rapidité du mouvement dans les différents cas de figure, l’effet sur les finances publiques est quasiment négligeable parce que les rentrées compensent les sorties.
Malgré, cela, il y a un problème d’initialisation de la mécanique. Au départ, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas de rentrées mais des sorties. C’est la raison d’être des fameux 3 milliards. Même le calcul à 40.000 dont je sais comment il est fait, n’a pas beaucoup de signification. C’est un calcul à 40.000 qui fait l’hypothèse que l’on peut aller jusqu’à 40.000 avec les 3 milliards sans qu’il soit rentré le moindre sou par l’autre versant. Mais, même dans ces 40.000 premiers, une fois qu’ils sont en place, les effets cotisations sociales, etc., reviennent. L’effet impôts sur le revenu, je veux bien croire qu’il existe de plus loin mais l’effet TVA et cotisations sociales est immédiat. Les 3 milliards eux-mêmes permettent d’aller plus loin que les 40 000. Tout cela dépend du rythme auquel cela déroule.
Il fallait vérifier, qu’à rythme très lent ou très rapide, la mécanique était “water proof” en matière de finances publiques. Les simulations montrent que c’est le cas.
Une Intervenante. – Sur les AGF, vous êtes donc opposé à une bataille boursière excessive. Peut-on penser que cette philosophie va s’étendre à toute OPA éventuelle sur une banque française par exemple ?
M. le MINISTRE. – Je suis soucieux de tout ce qui est excessif.
Une Intervenante. – Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’un prix est excessif ? Vous avez des services d’évaluation à Bercy qui vous permettent de mettre, avec certitude, un prix sur une banque et une compagnie d’assurance ?
M. le MINISTRE. – Non, j’écoute ce que disent les deux acteurs. Quand l’OPAé et l’OPAeur disent tous les deux qu’ils sont à un prix trop élevé, ils ont raison.
J’ai tendance fâcheuse à me fier aux marchés, vous savez !
Une Intervenante. – Tous ces investisseurs qui, naïvement, ont acheté des valeurs bancaires françaises dans l’espoir de batailles boursières précisément, se trompent lourdement ?
M. le MINISTRE. – Vous ne m’entraînerez pas sur ce terrain extrêmement glissant.
En matière d’assurance, la situation est particulière puisque j’ai des responsabilités prudentielles. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels le Gouvernement n’a pas de responsabilité prudentielle. C’est plutôt l’immense majorité.
Une Intervenante. – Vous en avez dans le secteur bancaire.
M. le MINISTRE. – Quelle est la question ?
Une Intervenante. – Allez-vous empêcher des OPA hostiles dans le secteur bancaire ?
M. le MINISTRE. – Je n’empêche rien ! Il y a tellement d’implicite qu’il faudrait que je corrige chacun des mots.
Une Intervenante. – C’est très explicite, Monsieur le Ministre.
M. le MINISTRE. – D’abord, je n’empêche rien, la preuve cela se fait.
Ensuite, dans le secteur bancaire, je n’ai pas du tout les mêmes responsabilités prudentielles que dans la protection des assurés en matière de code des assurances. Dans ces conditions, s’il devait y avoir un jour dans ce pays des OPA amicales ou pas amicales en matière bancaire, elles se dérouleraient normalement, comme celle-ci s’est déroulée normalement. Je me suis simplement intéressé à ce qui est de ma responsabilité et à suivre ce que la loi m’imposait pour vérifier que les caractéristiques prudentielles de ces affaires étaient convenables.
Un intervenant. – Vous n’envisagez pas de modification de la réglementation sur les OPA pour vous permettre de veiller à l’ampleur des surenchères ?
M. le MINISTRE. – Ce n’est pas dans le programme de travail du Gouvernement.
Un Intervenant. – Vous aviez annoncé, il y a quelques semaines, une mission parlementaire sur les fonds de pension. Elle tarde à se mettre en place.
M. le MINISTRE. – On a un problème : on commence à avoir beaucoup de parlementaires en mission. Il a donc été décidé que Didier MIGAUD, le rapporteur général, et quelques autres parlementaires de la Commission des Finances allaient travailler sur cette question sans que cela prenne la forme d’une mission parlementaire.
Les parlementaires en mission, c’est une procédure lourde. Il commence à y en avoir un peu partout. Cela commence à faire beaucoup. Quand on a une majorité de 450 députés, cela ne pose pas de difficultés que d’avoir 50 parlementaires en mission. Dans une majorité plus traditionnelle... Il ne faut pas exagérer. Cela ne change rien. Ils suivent la majorité, sans aucun problème.
Un Intervenant. – Sur le Crédit lyonnais, quand songez-vous soumettre des propositions à M. Karel VAN MIERT ? Sur la création d’emplois, à la suite de la semaine de 35 heures, M. TRICHET a dit devant le Sénat, hier, devant la Commission d’enquête, que les modèles utilisés pour le calculer sont inadaptés. Qu’en pensez-vous ?
M. le MINISTRE. – Sur la première question, bientôt !
(Rires)
M. le MINISTRE. – Le modèle de prévisions dont je dispose pour savoir quand le dossier sera prêt, n’est pas très adapté et donc je ne peux pas vous donner beaucoup de précisions sur la date à laquelle ce dossier sera totalement terminé. Cela avance bien.
Plaisanterie mise à part, mon souhait est que cela aille le plus vite possible, cela n’a que trop traîné. Il faut arriver, dans les semaines qui viennent, à trouver des formulations qui conviennent à tout le monde si c’est possible. C’aille ça ne les bat on verra gesse ce père que cela le sera possible.
Je ne veux pas commenter les déclarations du Gouverneur. Quand les déclarations du Gouverneur concernent la politique monétaire, je ne veux pas les commenter au nom de son indépendance et quand elles ne concernent pas la politique monétaire, je ne veux pas les commenter car cela n’est pas de la responsabilité du Gouverneur que d’avoir une opinion. C’est une opinion privée.
Un Intervenant. – Vous avez dit vous-même que vous pourriez allez vers modèle à un million – ? –. Vous êtes de l’avis de M. TRICHET.
M. le MINISTRE. – Non, je ne me souviens pas d’avoir dit cela mais j’aurais pu le faire ! Vous me connaissez bien !
M. le MINISTRE. – Toutes les projections économiques, qu’elles soient faites par l’administration, par les universitaires ou par les organismes de conjoncture, montrent que l’opération d’aménagement et de réduction du temps de travail à 35 heures peut être à l’origine – l’imprécision est volontaire – de centaines de milliers d’emplois. Il y a là-dedans plusieurs variables arbitraires, dont personne ne sait quelle valeur elles vont prendre, dont une, qui est centrale, qui est le rythme auquel des accords sont signés dans les entreprises.
Si l’on considère que le rythme va être extrêmement rapide et que, dans les mois qui viennent, il va y avoir des milliers et des milliers d’accords, on n’obtient pas le même nombre de créations d’emplois dans les deux ans qui viennent que si l’on dit que cela va être plus lent. Honnêtement, personne n’en sait rien aujourd’hui. On peut faire des hypothèses, bien sûr. On peut penser – c’est plutôt mon sentiment – qu’une fois que la loi sera votée, cela va se débloquer et que, dans de très nombreux cas, les chefs d’entreprise, qui sont pragmatiques par nature, vont saisir l’avantage qui leur est donné par la procédure avantage financier par les aides qui existent et avantage en termes d’annualisation et d’accord. C’est une hypothèse. Je conçois que d’autres puissent faire une hypothèse différente. Du coup, évidemment, on aboutit à des résultats très différents.
Ce qui est intéressant, me semble-t-il, c’est que, en dehors de ce que je disais en commençant, à savoir les simulations spécifiques finances publiques pour voir l’effet sur les finances publiques, quel que soit le schéma (très peu, beaucoup, très vite, etc.), le système de primes avait été calibré pour cela ex ante. Il fallait vérifier, ex post, avec des modèles bouclés, que c’était bien la situation. C’est bien la situation. Très bien ! C’était un premier sujet.
Ce qui est important, c’est que toute la flopée de prévisions que l’on est capable de faire met en évidence, avec un facteur de différence, des centaines de milliers d’emplois. L’argumentation de l’opposition politique et des organisations patronales consiste à dire que tout cela ne va pas créer d’emplois mais au contraire en détruire. Je ne dis pas que les prévisions sont parole d’évangile. En tout cas, tous ceux qui sont censés être des spécialistes de la question disent le contraire, à savoir que cela va créer des centaines de milliers d’emplois. Certains disent « 300.000 », d’autres « 800.000 ». Je préférerais que ce soit 800.000 que 300.000. Personae n’est en-dessous de 250.000 ou 350.000 emplois. Il faut en tirer les conclusions.
Soit on dit que tous les gens qui travaillent sur l’économie et l’emploi n’y connaissent rien, qu’il n’y a que moi, chef d’entreprise, ou moi, Député RPR de tel département, qui y connais quelque chose, et si c’est cela, je ne discute même plus, soit on se réfère à tous ceux qui sont censés, parce qu’ils y travaillent depuis des années, avoir une opinion sur la question, et on est obligé d’admettre que, si leurs opinions sont largement divergentes, il y a un point clair : ce sont des centaines de milliers d’emplois. Les divergences, quand on regarde dans les modèles, viennent principalement du rythme. Le rythme, évidemment, personne ne le connait exactement.
Un Intervenant. – Combien vont coûter les mesures annoncées hier par le Premier Ministre de rattrapage de la SS ?
M. le MINISTRE. – Il y avait entre 6 et 7 % de décalage non rattrapé, d’indexation nécessaire. Une augmentation de 3 % a déjà été annoncée par le Gouvernement. Il manque grosso modo 4 points. Cela fait environ 600 millions au titre du rattrapage que le Premier ministre a considéré comme légitime.
Un Intervenant. – S’agissant du débat sur les minima sociaux, ne voit-on pas resurgir le vieux débat pensée unique entre d’un côté la rigueur budgétaire et, de l’autre, la distribution du pouvoir d’achat ?
M. le MINISTRE. – Cela voudrait dire que ce Ministère est complètement schizophrène, car il tient les deux discours à la fois. Je ne sais pas s’il y a une pensée unique, mais en tout cas il y a une pensée cohérente.
Un Intervenant. – (Hors micro, inaudible).
M. le MINISTRE. – Le Premier Ministre n’a pas dit « non » aux minima sociaux. D’ailleurs, je ne sais pas très bien ce que veut dire : « dire non aux minima sociaux ». Il a dit : « On ne peut pas faire une revalorisation de 1500 francs des minima sociaux comme elle est demandée ». Il a dit : « Il est anormal que les minima sociaux, notamment la SS, n’aient pas été indexés depuis 1994. Nous allons non seulement l’indexer, mais rattraper ce qui aurait dû être fait par nos prédécesseurs ». Il a dit ensuite, mais je le laisse de côté : « Il y a des cas spécifiques (chômeurs de longue durée) que l’on va traiter à la suite du rapport JOIN-LAMBERT ».
Au-delà de cela, il a dit que nous avons un problème dans ce pays qui est – je ne sais pas comment il faut l’appeler ; j’appelle cela, avec mes collaborateurs, le « pontage » ; je ne suis pas sûr que la terminologie convienne – un « pontage » entre les minima sociaux et les salaires, notamment le SMIC, pour ceux qui retrouvent un travail et la difficulté, en termes d’évolution de revenus, qu’il y a à aller chercher un travail, le prendre, éventuellement payer les frais afférents à l’existence de ce nouveau travail, en termes de garde d’enfants, de transport, et la comparaison avec l’allocation dont on pouvait bénéficier. Il est vrai qu’il existe un problème, il faut le traiter.
La piste qu’a évoquée le Premier Ministre hier est simple. Il y a deux grandes lignes. Si l’on admet qu’il y a un problème – il est clair qu’il y en a un – il y a une analyse, pour caricaturer, de droite qui est de dire : « Très bien, il faut baisser les minima sociaux ». Aujourd’hui, on n’entend pas trop cela. Il suffit de regarder la littérature assez récente pour voir ce qui peut être dit sur la question. Cela consiste à dire : « L’écart entre les minima sociaux et les rémunérations du travail les plus faibles est trop modeste, l’incitation au travail, comme diraient les économistes américains, est trop limitée ; il faut donc baisser les minima sociaux ».
L’autre piste, qui est la nôtre, est de dire : « Pas du tout. Il faut que, pendant un temps, les nouveaux entrants sur le marché du travail, en raison même des frais nouveaux occasionnés par cette rentrée, soient susceptibles de conserver une part à définir pendant un temps à définir des allocations dont ils bénéficiaient ». C’est pour cette raison que j’appelle cela le « pontage », à savoir le passage d’une situation à une autre.
On a des travaux sur la question. On n’est pas encore au clair. D’ailleurs, cela dépend du nombre de personnes concernées. Ce n’est pas indépendant de ce que Mme JOIN-LAMBERT doit faire dans les semaines qui viennent. C’est pour cela que le Premier Ministre a évoqué cette piste. Je crois qu’elle est juste. On va voir comment il faut la mettre en œuvre. J’ai le sentiment que c’est un élément très important du retour à l’emploi.
Pour revenir à la question de la pensée unique, que je croyais morte depuis longtemps, il n’y a ni pensée multiple ni pensée unique là-dedans. Il y a un cadre financier, économique et un réglage conjoncturel dont je suis responsable et sur lesquels je tiens, qui incluent le soutien à la croissance, les finances publiques, l’évolution des taux d’intérêt, les problèmes de parités, etc. C’est une chose. Cet ensemble est évidemment lié. On ne déséquilibre pas un des éléments sans prendre des risques sur les autres.
Dans ce cadre-là, nous avons réussi à trouver la meilleure efficacité possible de l’argent public. Je vous ai beaucoup parlé – cela vous a peut-être semblé être des paroles en l’air – de l’efficacité de la dépense publique. Le discours du Premier Ministre hier soir à la télévision portait sur l’efficacité de la dépense sociale. C’est une partie de ce débat. Comment peut-on le mieux utiliser chaque franc qui provient des contributions fiscales des Français pour favoriser le retour à l’emploi ? La piste qu’il a ouverte peut se révéler très prometteuse.
Un Intervenant. – Je voudrais parler de l’Asie. Hier, la Société Générale a provisionné 1 milliard pour les pertes connues en Asie et les risques inconnus. Craignez-vous que la crise asiatique durable risque de toucher lourdement toutes les banques françaises ou les banques françaises présentes et les banques européennes ?
M. le MINISTRE. – Autant qu’on puisse la mesurer aujourd’hui, la crise asiatique touchera évidemment les banques françaises. Les banques allemandes y sont encore plus engagées que les banques françaises. Les banques européennes sont plus engagées en Asie que ne le sont les banques américaines. J’ai fait le point avec la COFACE, il y a quelques jours. L’influence est très limitée. Quand je dis : « ...est très limitée », c’est aujourd’hui. Je ne sais pas ce qui peut se passer dans un ou deux mois.
Les banques ont une réaction de provisionnement qui me paraît légitime.
Puisque on en vient à cette question, j’ai eu une longue conversation avec M. WOLFENSOHN avant-hier ou hier matin. Mon souci, dans cette affaire, c’est évidemment la crise dans laquelle nous sommes, encore que l’on peut avoir le sentiment – je dis cela avec toutes les réserves d’usage – d’avoir passé le plus dur. Beaucoup de guillemets. Mais c’est la crise immédiate.
Un sujet va apparaître immédiatement après : le retour à la normalité entraîne, sinon une crise, du moins une autre sorte de difficulté pour les économies occidentales, à savoir la surcompétitivité que les économies du pourtour asiatique auront acquise, évidemment en termes de parité, encore que je ne sais pas à quel niveau de parité la stabilisation se fera ; tout donne à penser que même si les parités du won ou du baht remontent, elles ne remonteront pas au niveau antérieur. Il est d’ailleurs souhaitable qu’elles ne remontent pas au niveau antérieur. Il y a un effet parités.
Les systèmes bancaires de ces pays auront été fortement assainis. C’est absolument nécessaire. De fait, ils se retrouveront avec des systèmes bancaires très assainis. Nous nous retrouverons là avec des pays dont je pense que les fondamentaux de croissance n’ont pas été largement atteints et qui retrouveront une vigueur très nouvelle, notamment en termes de compétition à l’export. Cela posera certainement des problèmes au Japon. Cela posera aussi des problèmes aux économies européennes. Je pense qu’il faut réfléchir des maintenant, non seulement à la sortie de crise, mais aussi à l’après-crise.
Un Intervenant. – Sous quelle forme y réfléchissez-vous ? Que pensez-vous faire par rapport à la surcompétitivité ?
Vous dites qu’il faut réfléchir à l’après-crise. Pouvez-vous être plus concret ? En mettant les deux en parallèle, réfléchir à l’après-crise et surcompétitivité, cela veut-il dire qu’on va les empêcher d’exporter ?
M. le MINISTRE. – Bien sûr que non ! Cela veut dire qu’il faut continuer à travailler en matière de compétitivité de l’économie française, européenne en général et française. Par exemple, un sujet : l’inflation. J’entends des sirènes sur le thème : « Mais, finalement, un peu plus d’inflation ne serait-ce pas mieux ? Combien va-t-on avoir d’inflation l’année prochaine ? » C’est un élément important.
La question de savoir comment notre compétitivité prix va évoluer dans l’année qui vient, en liaison – ce n’est pas le seul élément – avec les pressions inflationnistes, me donner à penser que, compte tenu de ces risques compétitifs à moyen terme, il ne faut pas que nous relâchions la pression en matière d’inflation.
Un Intervenant. – Est-ce que les 35 heures sont une réponse ?
M. le MINISTRE. – Je pense, en effet, que les 35 heures sont un élément favorable à la compétitivité, si c’est le sens de la question. Quand je vois les monographies faites dans les centaines d’entreprises (il y en a 1500 environ) qui, dans le passé, ont signé des accords de réduction du temps de travail, de modulation du temps de travail sur l’année, je constate en effet que la compétitivité s’est améliorée.
Je suis pragmatique. Je regarde les accords qui ont existé Je vois que la compétitivité des entreprises en question a été meilleure. J’en conclus, peut-être un peu naïvement, que plus il y aura d’entreprises dans ce cas-là, mieux on se portera.
Un Intervenant. – Pensez-vous que le sujet de l’après-crise est un sujet auquel nous devons réfléchir avec nos partenaires européens ou seuls dans notre coin ?
M. le MINISTRE. – Il n’y a rien que nous devons faire tout seuls dans notre coin. Il ne s’agit pas seulement de nos partenaires européens, mais également de nos partenaires américains et japonais.
Un Intervenant. – Pouvez-vous trouver des solutions européennes ?
M. le MINISTRE. – Il faut déjà bien se mettre d’accord sur les diagnostics. On en a discuté au dernier ECOFIN. On va en discuter au G7 finances qui se tient le 21 février à Londres. On a prévu de recevoir CAMDESSUS au prochain ECOFIN. C’est un sujet sur lequel l’ensemble de la collectivité européenne travaille. Je suis en liaison régulière avec au moins mes partenaires du G7 européen, les Italiens, les Anglais et les Allemands sur ces questions-là.
Jusqu’à hier, tout le monde ne parlait que de la crise. Je vous dis que je me soucie aussi de l’après-crise. Donnez-moi encore 24 heures pour vous dire ce que l’on envisage de faire.
Un Intervenant. – (inaudible.)
M. le MINISTRE. – Je n’ai rien contre. Autant prendre le G7 de Londres.
Un Intervenant. – Ils veulent un « truc » à part qui ne soit pas limité au G7.
M. le MINISTRE. – Je vous remercie de me poser cette question. Cela me permet de corriger un peu. J’ai dit l’autre jour, à une manifestation, que cela ne me paraissait pas utile et que le G7 de Londres suffisait. Cela a été vu comme une fin de non-recevoir à la proposition faite par B. CLINTON. Ce n’est pas du tout cela. C’est une très bonne idée mais pourquoi attendre après le G7 ? Profitons déjà du G7. Ce n’est pas du tout pour écarter l’idée.
Un Intervenant. – Parce que les Américains voudraient un cadre plus large.
M. le MINISTRE. – Commençons par en parler au G7. Nous verrons ensuite au G7 quelle décision prendre.
Je voudrais vous rappeler – ce n’est pas totalement sans lien avec ce que vous venez de dire – que dans l’opération FMI en cours, les quotes-parts des pays européens représentent 30 % de l’effort fait pour 18 % pour les Etats-Unis. Dans la deuxième ligne de défense, les quatre pays G7 européens ont mis au pot la même somme que les Etats-Unis. De ce point de vue, il me semble qu’il faut que nos initiatives soient concertées au sein du G7. Ensuite, peut-être une réunion plus large sera-t-elle utile. Je n’ai rien contre. Je n’ai aucune réticence à cela. Puisque l’on a une réunion prévue dans même pas un mois, il faut commencer à aborder la question à ce moment-là.
Un Intervenant. – Peut-on revenir un peu en France ? J’ai cru comprendre que, dans quelque temps, doit être remis à plat le dispositif « zones franches » pour voir s’il y a lieu de modifier certains aspects. Pourrais-je avoir l’avis de l’ancien Maire de Sarcelles sur son efficacité et l’avis du Ministre des Finances sur son coût ?
M. le MINISTRE. – On repart dans la schizophrénie !
Ce n’est pas vraiment un sujet à l’ordre du jour. Je n’ai pas d’informations très neuves. Mon expérience locale, c’est que la mesure est efficace. Mon problème est que, lorsque j’en discute avec mes collègues des autres Villes, j’ai l’impression qu’elle est efficace dans ma zone franche et qu’elle l’est moins dans d’autres, et que ce n’est pas tout à fait généralisable. Dans la zone franche de Sarcelles-Garges, il y a 250 créations d’entreprises depuis le début de la mécanique, généralement de très petites entreprises, et un effet très positif.
Première réserve : je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour toutes les zones franches. Celle-ci est particulièrement bien placée, parce qu’être à mi-distance de Paris et de Roissy, c’est un pôle de développement utile.
La deuxième réserve est bien connue. Il s’agit souvent de délocalisations d’entreprises plutôt que de créations nettes. Cela peut être l’objectif poursuivi de dire : « Il faut attirer dans ces zones franches, pour des raisons d’aménagement du territoire, des problèmes de banlieues, etc., des entreprises qui, sinon, se seraient créées ailleurs ». On préférerait que ce soient des créations nettes que simplement le fait de déshabiller Pierre pour habiller Paul.
C’est avec ces deux éléments qu’il faut apprécier le coût. Je n’ai pas de bilan récent. On le fera sans doute pour la préparation de la prochaine loi de finances. Cela fera deux ans de mise en œuvre des zones franches. Il faudra que l’on voie à ce moment-là, sur l’ensemble des 38, ce que cela a donné. Je ne peux pas trop vous répondre.
Puisque vous voulez revenir en France, je vous distribuerais volontiers, si vous étiez disposés à l’accepter, une note sur le point conjoncturel. Vous avez vu l’indice de la production industrielle de novembre, qui est sorti, qui est à – 2,2, ce qui n’est pas bon mais fait suite à 3,5 en octobre. On sait aussi que l’IPI est un indice qui fluctue comme cela. Si l’on regarde sur une période plus longue, on est quand même, en glissement annuel, à + 6,8 de croissance de l’indice de la production industrielle en un an. Cela vient conforter toutes les autres études, Banque de France notamment, pour laquelle l’instrument est adapté, qui montrent quand même un retour à un climat assez positif de la part des chefs d’entreprises, notamment des PME.
Si vous le souhaitez – vous en ferez ce que vous voudrez ; je ne vois pas d’inconvénient à ce que vous en fassiez quelque chose – on a une note, que vous aurez à la sortie, sur le résumé des informations conjoncturelles qui existent. C’est toujours un peu disparate. On a pensé qu’il n’était pas inutile de remettre tout cela en forme.
M. le MINISTRE. – François veut absolument que je vous parle de la campagne sur l’euro. Je vais le faire sinon je me ferai attraper !
Il faut que je vous dise que cette campagne à bénéficier d’une excellente visibilité. En effet, plus de 6 Français sur 10 se souviennent spontanément avoir vu, lu ou entendu récemment une campagne sur l’euro. Vous l’avez tous vue ? Cette statistique est donc fausse !
Cela n’a pas mal marché. Honnêtement, on a un taux de retour plutôt positif. On a eu des questionnements assez nombreux. Il faudra d’autres campagnes de même nature. Il faut habituer à la campagne elle-même. Les tests traditionnels – je ne suis pas expert en matière de publicité – des publicitaires indiquent que les groupes de retour sont positifs. Très bien.
C’était utile, il faudra continuer, on a encore beaucoup d’informations faire passer. La campagne telle qu’elle s’est déroulée n’est pas le seul moyen d’information. Les colloques, les émissions de télévision, les articles que les uns et les autres écrivent, tout cela concourt à l’information.
On a encore un an pratiquement pour faire rentrer les éléments de base de ce schéma dans l’esprit et la compréhension de nos concitoyens. On va s’y atteler.
Un Intervenant. – On a encore le budget pour ?
M. le MINISTRE. – C’est largement financé par l’Union européenne. Elle a encore le budget pour.
Un Intervenant. – Sur le niveau des taux administrés, il y a quelque mois vous aviez ouvert la porte à une modification à terme. Pour l’instant, vous n’en parlez plus. Les banques AFB se calment un peu. Les taux sont toujours aussi bas, sur le marché les taux longs.
M. STRAUSS.-KAHN. – Et alors ?
Un Intervenant. – Envisagez-vous une modification ? Un jour aura-t-on un organisme chargé de gérer ces taux administrés ?
M. le MINISTRE. – J’ai dit à terme. Cela viendra donc à terme. Il faut sortir de la situation dans laquelle on est. Il n’y a pas de secret. Beaucoup de réflexions ont été conduites. Certaines pensent qu’il faut confier à un organisme, au-dessus de la mêlée, le fait de fixer par exemple tous les ans certains taux administres ; d’autres pensent qu’il faut réagir en fonction de l’évolution des taux de marché et de l’inflation. Plusieurs solutions sont possibles. Tout cela est concevable.
Je ne suis pas hostile à une évolution. Certains considèrent que c’est, pour le Ministre des Finances, une façon de se dessaisir de l’un de ses pouvoirs. Cela me laisse de marbre. L’idée que l’on puisse confier à une structure quelconque, ne me paraît pas impossible. Il faut pour cela une décision parlementaire.
On rejoint ce que je disais tout à l’heure, qui n’était pas du tout un discours de circonstance. On a un calendrier parlementaire extrêmement encombré. Des sujets doivent absolument passer car ce sont des engagements majeurs de la politique gouvernementale. Je pense aux 35 heures, à différents textes. Il faut le “caser” quelque part mais le thème reste ouvert. Il faut faire évoluer là, la pratique.
Un Intervenant. – La rémunération des comptes à vue ou courant, quand reparlera-t-on du problème de l’ouverture par rapport à l’euro ? Faut-il rendre les comptes rémunérés en France ?
M. le MINISTRE. – Vous avez opinion sur la question ?
Un Intervenant. – Cela pose la question du chèque payant, derrière.
M. le MINISTRE. – C’est habituellement ce que l’on dit.
Un Intervenant. – C’est un sujet délicat pour le Ministre des Finances.
M. le MINISTRE. – Surtout, il n’est pas neuf. Quand j’ai commencé à travailler comme chef de service du financement au plan, dans les années 80, c’était déjà à l’ordre du jour.
Il y a eu plusieurs rapports. Il y en aura de nouveau un puisque j’ai demandé à Yves HULMOT – ? –, au sein du Conseil national du Crédit et du titre, de me faire un papier sur ces relations d’ensemble entre les banques et les usagers et notamment dans le cadre du passage à l’euro. Cela fait partie du sujet. Je ne sais quand il doit le remettre. Il continue à travailler !
Un Intervenant. – D’arrache-pied !
M. le MINISTRE. – Je lui ai confié cette mission il y a deux mois. Je n’ai plus en tête la date de remise du rapport mais ce doit être dans quelques semaines ou deux ou trois mois. On verra les conclusions que nous en tirerons.
À bientôt.