Texte intégral
L’Humanité : Peut-on dire que la pauvreté recule en France ?
André Lajoinie : Non. Bien au contraire. Tous les témoignages entendus lors de cette rencontre font état d’une aggravation de la situation. Par exemple, on compte de plus en plus de diplômés, parfois de haut niveau, parmi les demandeurs et les bénéficiaires du RMI, lequel est présenté comme le revenu des gens en difficulté pour s’adapter à la modernisation de la société.
En fait, quand on additionne les chômeurs inscrits, ceux qui ne le sont plus, les précaires à faibles salaires, on arrive à plus de 5 millions de travailleurs potentiels privés de ressources suffisantes pour vivre décemment. Avec leurs familles, cela nous donne 11 millions de gens victimes de la pauvreté, dont beaucoup d’enfants retirés des restaurants scolaires parce que leurs parents ne peuvent plus leur payer le repas de midi. C’est intolérable.
L’Humanité : Pensez-vous que le projet de loi d’orientation du gouvernement relatif au renforcement de la cohésion sociale soit de nature à faire reculer la grande pauvreté ?
André Lajoinie : On ne peut pas examiner ce projet en soi, indépendamment de la politique gouvernementale dans sa globalité. Et là, nous constatons que le chômage continue d’augmenter, que la flexibilité du travail précarise les revenus d’un nombre croissant de ménages. Le gouvernement a amputé d’un tiers la prime de rentrée scolaire en septembre. Le prochain budget du logement réduit les aides à la construction et l’aide personnalisée au logement. Dans ce contexte, le projet de loi gouvernemental relève plus d’une volonté d’accompagner l’exclusion sociale que de la faire reculer. Avec d’ailleurs des effets pervers comme, par exemple, la mise à contribution des collectivités locales qui ne pourront que répercuter le coût de la solidarité sur les contribuables locaux, ménages modestes compris.
L’Humanité : Que proposent les élus communistes pour commencer à sortir de cette spirale de la pauvreté ?
André Lajoinie : D’abord, des mesures immédiates, qu’il faut arracher par l’action avec le concours des intéressés. Nous considérons que les milliards d’excédents de l’UNEDIC doivent servir à améliorer l’indemnisation des chômeurs. En même temps, les 500 francs par enfant que le gouvernement a fait retenir en septembre sur la prime de rentrée scolaire doivent être versés aux familles bénéficiaires de cette allocation spéciale à l’occasion de la Noël, comme Robert Hue l’a demandé récemment. Il faut également permettre à tous les enfants de manger dans les cantines scolaires en modulant les prix en fonction du quotient familial. L’efficacité de l’aide mise en place depuis six ans par le conseil général du Val-de-Marne a, de ce point de vue, valeur d’exemple. Enfin, j’ai moi-même écrit au premier ministre afin que les banques alimentaires et les organisations caritatives aient largement accès aux denrées stockées dans les frigos et les silos de l’Union européenne, à commencer par les importants stocks de viande bovine de qualité.
L’Humanité : Et s’agissant du droit au logement ?
André Lajoinie : Il faut d’abord interdire les expulsions et les coupures d’énergie et d’eau pour les locataires et autres occupants de bonne foi pour cause d’impayés. Un syndicaliste d’EDF nous a dit que l’entreprise – qui remboursait jusqu’à cette fin d’année les détenteurs de capitaux d’avant la nationalisation – peut très bien affecter 1 % de ses ressources pour apurer les dettes des abonnés en difficultés. Et puis, il faut revoir la politique du logement : augmenter l’aide à la pierre pour construire plus et à meilleur coût, contraindre toutes les villes à construire des logements sociaux ; relever les barèmes de ressources pour l’accès à ses logements afin de favoriser la mixité sociale et non les ghettos, augmenter l’aide personnalisée de 15 % comme l’a déjà demandé l’Association des élus communistes et républicains.