Interview de M. Jack Lang, ancien ministre de l'éducation nationale et membre du bureau national du PS, à RTL le 4 février 1997, sur la réforme des premiers cycles à l'université, l'élection municipale de Vitrolles et l'incarcération de Bernard Tapie.

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Circonstance : Présentation par M. François Bayrou du rapport d'étape de la mise en oeuvre de la réforme de l'Université le 4 février 1997

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Lefèbvre : Vous êtes plutôt favorable aux propositions de F. Bayrou ?

J. Lang : Disons que F. Bayrou, une fois de plus, est un merveilleux funambule. Il joue habilement avec les mots, il reprend certaines idées que nous avions nous-mêmes mises en application. Malheureusement, on peut s’interroger sur la suite concrète des discours prononcés ce matin par le ministre. Je ne peux pas ne pas apprécier ce qu’il dit à la lumière des trois années écoulées. Rappelez-vous : le contrat pour l’école, il n’en reste pas grand-chose aujourd’hui ; la réforme du collège, résultat sur le terrain, peu de choses. Est-ce que la réforme universitaire subira le même sort ? C’est-à-dire, l’annonce de mesures qui, dans l’ensemble, méritent d’être considérées, et dans la réalité, aucun vrai changement. J’espère que cette fois-ci, nous aurons à la rentrée prochaine d’heureuses surprises. Mais je n’en suis pas sûr.

J.-M. Lefèbvre : Quel est le point le plus positif pour vous ? La semestrialisation ?

J. Lang : Je suis favorable à l’organisation en semestres. J’approuve d’autant plus aisément la réforme du premier cycle que nous avions, L. Jospin et moi-même, engagée. On peut regretter simplement que, depuis trois ans, elle ait été interrompue. Et malheureusement, du temps a été perdu depuis trois ans puisque cette réforme, voulu par Jospin et par moi-même, a été suspendue. On la reprend en gros aujourd’hui. Bien, tant mieux, espérons qu’elle deviendra enfin réalité. Je dirais, que les points sur lesquels il y a des manques et des lacunes, sont les suivants : peu de choses sur la rénovation des programmes, peu de choses sur la transformation de la pédagogie et la nécessaire meilleur encadrement des étudiants, notamment en première année et en deuxième année ; et surtout, silence ministériel sur les moyens budgétaires. J’ajoute que ce qui a été annoncé sur la filière technologique est reporté aux calendes grecques, ou à très très loin. Et parfois, on se demande, en écoutant F. Bayrou qui, encore une fois est un homme habile et qui ne manque pas d’intelligence, s’il ne se comporte pas plutôt en homme de l’opposition élaborant un programme et en se disant : le jour où je serai ministre, voilà ce que je réaliserai. On aimerait qu’aujourd’hui, il soit vraiment ministre, qu’il fasse coïncider ses intentions et ses actes.

J.-M. Lefèbvre : Certains y voient une forme de réconciliation entre la majorité et l’université.

J. Lang : Oui parce que, disons que jusqu’à présent, la majorité souhaitait la méthode brutale et Monsieur Bayrou lui-même, quand il était dans l’opposition, préconisait la décentralisation à outrance des universités, la sélection et d’autres mesures qui étaient des remèdes de cheval. D’une certaine manière, aujourd’hui, on a tourné le dos à ces genres de méthode qui auraient déstabilisé et déstructuré. D’une certaine façon, on a repris certaines des idées qui étaient les nôtres, nais on voudrait nous-mêmes que ces idées soient poussées beaucoup plus loin, et surtout qu’elles deviennent réalité, et on pas seulement discours généraux sur lesquels on ne peut pas être en désaccord.

J.-M. Lefèbvre : À Vitrolles, considérez-vous que le PS a fait tout ce qu’il devait ?

J. Lang : S’il ne l’avait pas fait, il doit le faire dans les prochaines heures. Et il doit le faire non seulement pour lui-même mais pour l’idée qu’on se fait de la République. Je crois qu’il faut vraiment que l’ensemble des citoyens de cette commune, quelle que soit leur appartenance à la majorité ou à l’opposition, fasse bloc pour empêcher une liste d’esprit totalitaire de l’emporter à Vitrolles. Que les habitants de Vitrolles qui auraient un doute se renseignent sur ce qui se passe à Toulon ou à Orange. Là où le FN a gagné, les maires y font régner un système d’oppression, d’intolérance qui rend la vie absolument insupportable. Je dirais que le Gouvernement serait bien avisé aussi de ne pas pactiser avec le FN ou avec ces maires, notamment dans une ville comme Toulon. Et je regrette que la destitution de G. Paquet, le directeur de Châteauvallon, n’ait pas été plus sévèrement condamnée par le Gouvernement et que le préfet, Monsieur Marchiani, qui représente le Gouvernement, ait prêté main forte au maire du FN. Pour revenir à Vitrolles, je crois qu’il faut absolument que les citoyens libres qui veulent une République de tolérance fassent bloc pour s’opposer à l’éventuel succès de la liste du FN.

J.-M. Lefèbvre : B. Tapie est incarcéré, un commentaire ?

J. Lang : Lorsque quelqu’un – B. Tapie ou un autre – connaît la privation de la liberté, on ne peut pas ne pas sentir une certaine tristesse. La justesse ou non de la sanction est à apprécier au regard des fautes commises. Je n’ai rien à ajouter de plus. Même si B ? Tapie a pu commettre quelques bêtises, je n’ai pas l’habitude, lorsque quelqu’un se trouve dans la difficulté, d’en rajouter.