Texte intégral
Mme Sinclair : Il a été champion olympique il y a 20 ans, il fait de la politique depuis 15. Il est aujourd'hui ministre de la jeunesse et des sports, Guy Drut est mon invité à 7 sur 7, ce soir.
Il a la réputation de parler vrai. Nous l'écouterons dans deux minutes avec, au sommaire de l'émission, les principaux sujets de la semaine :
- Tragique au Zaïre ;
- Attendu aux États-Unis, avec la réélection de Clinton ;
- Préoccupant à Tours, Poitiers ou Cayenne ;
- Réconfortant avec Airbus ;
- Acide, enfin, comme les polémiques, entre pro et anti-Juppé.
Guy Drut, sur tout cela dans deux minutes.
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Mme Sinclair : Bonsoir, Guy Drut.
M. Drut : Bonsoir.
Mme Sinclair : Tout le monde vous connaît depuis 20 ans, depuis votre exploit olympique à Montréal où vous avez été médaille d'or du 110 mètres de haie. Vous avez 45 ans, vous faites de la politique depuis 15 ans. Vous avez été député, vous êtes maire de Coulommiers. Aujourd'hui, vous êtes ministre des sports. C'est aussi au ministre de la jeunesse que j'ai demandé de venir commenter l'actualité ce soir. Un des ministres les plus populaires de ce gouvernement qui ne l'est pas tant que cela.
On va passer avec vous en revue tous les sujets, d'une part, cela vous sortira un peu des pages sportives et, en plus, cela donnera peut-être l'occasion à un homme politique, connu pour son franc-parler, de parler vraiment des sujets d'actualité. Par les temps qui courent, c'est plutôt un avantage.
Guy Drut, la politique, cela n'apparaît pas comme le prolongement naturel d'une carrière sportive et pourtant cela vous a assez vite tenté.
Qu'est-ce qui vous a tenté dans la politique ? Qu'est-ce qui vous a attiré dans les valeurs de la politique ?
M. Drut : C'est une rencontre. Et je vous remercie de me permettre de sortir un petit peu des pages sportives parce que c'est peut-être l'histoire d'une deuxième carrière, d'une reconversion et c'est vrai que cela n'a pas toujours été facile pour un sportif qu'on a plutôt tendance à considérer comme un garçon tout à fait sympathique, mais un peu musculaire, qui n'a pas grand-chose à dire. Je suis ravi d'avoir contribué à apporter la preuve inverse. Cela n'a pas toujours été facile, loin s'en faut. Je n'ai pas fait les grandes écoles, ni l'ENA, ni polytechnique...
Mme Sinclair : ... C'est un avantage par les temps qui courent.
M. Drut : Il paraît ! Moi, j'ai une opinion un peu particulière des énarques. J'estime que ce sont des gens de grande qualité, mais il faut que le politique décide. Mais nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.
Pour ce qui est le sport, je suis un homme heureux. Heureux dans ma vie et heureux dans mon action. Comment je suis venu à la politique ? En rencontrant Jacques Chirac et puis j'ai mis mes pieds dans les siens.
Mme Sinclair : Quel type de rapports avez-vous eus avec lui ? Très vite, des rapports d'amitié ?
M. Drut : Très vite, des rapports d'amitié et puis disons maintenant des rapports d'affection mais qui ne nous empêchent pas, l'un et l'autre, de garder des rapports professionnels qui doivent être tout à fait lucides.
Mme Sinclair : Vous n'avez jamais fait de sport avec lui ?
M. Drut : Si, si.
Mme Sinclair : ... de la gym avec lui ?
M. Drut : Dans les années 84, 85, 86, c'était un élève très attentif, très appliqué, mais un peu comme moi j'essaie de l'être dans la politique. J'ai fait pour la politique ce que j'ai fait pour le sport, c'est-à-dire d'avoir une succession d'expériences. J'ai d'abord été conseiller de Paris, adjoint au maire de Paris, député. Puis, je suis devenu maire de Coulommiers. Et, aujourd'hui, je suis devant vous en tant que ministre. À 26 ans, j'ai été champion olympique, à 36 ans, député, aujourd'hui, ministre.
Jacques Chirac m'a tout de suite dit qu'il y avait des écueils. Il y a un écueil surtout important à éviter, et il tenait cela du Président Pompidou, c'était le fait d'avoir la grosse tête. Cela est tout de même le danger essentiel. Puis aussi d'éviter le fait du prince. Et le fait du prince, j'arrive à essayer d'éviter cela. Vous connaissez la chanson de Barbelivien « quitter l'autoroute pour voir les chemins de France... etc. », eh bien, moi, de temps en temps, j'aime bien quitter le cortège officiel, pas pour le regarder passer, mais pour aller vers les gens, pour discuter avec eux, pour avoir une idée assez précise de ce qui se passe.
Mme Sinclair : À votre avis, est-ce très différent du sport la politique ? Est-ce toujours le meilleur qui gagne ?
M. Drut : On peut faire des parallèles et on peut faire des différences. Cela dépend des élections aussi. Mais en général, c'est le meilleur qui gagne.
Mme Sinclair : La politique a joué un rôle un peu salvateur pour vous parce que la politique vous a tiré du mirage de la vedette sportive à la Une des journaux et cela vous a fait passer une étape et passer un cran parce que vous auriez pu gérer, en effet, l'image d'une star du sport ?
M. Drut : Tout à fait. Mais comme je vous disais tout à l'heure, cela m'a surtout appris l'expérience, le service, le combat, la remise en cause perpétuelle. Lorsque je vous parlais de la grosse tête, en 1976-1977, je l'ai eue comme les autres parce que c'est une maladie qui peut arriver à tout le monde, mais dont il faut guérir très rapidement. Après, quand les lumières s'éteignent les unes après les autres, quand on se retrouve seul, c'est à ce moment-là très difficile. Il faut trouver un entourage, des gens qui vous aident et peut-être aussi ne jamais oublier ce qui se passe à ce moment-là et se remettre en cause perpétuellement.
Mme Sinclair : Une ou deux questions au ministre des sports puisque vous l'êtes. Votre popularité, vous la devez aussi au fait qu'à Atlanta, vous avez été le représentant de la France, la France qui gagne et qui a remporté tant de médailles. Est-ce qu'Atlanta, à votre avis, a été un moment de grâce d'une élite sportive ou est-ce que cela a déjà essaimé partout des répercussions dans tous les petits clubs de France où, aujourd'hui, on a une mentalité Altanta.
M. Drut : Je suis intimement persuadé que les résultats auront des suites et qu'à partir d'aujourd'hui il est hors de question d'avoir aux Olympiades d'été moins de 30 médailles. Je crois que c'est le résultat d'un travail. Il y a vraiment une école, une image française du sport, une conception. Et d'ailleurs le Président de la République et le Premier ministre ne s'y sont pas trompés puisqu'ils ont souhaité conserver au sport français les cadres techniques. L'état d'esprit aussi des jeunes a changé. Avant, ils allaient un peu trop pour uniquement participer, aujourd'hui, ils n'ont plus peur de la victoire. Donc, quand ils vont aux jeux olympiques, c'est vraiment pour se battre à armes égales avec les autres et, si possible, vraiment les battre. C'est ce qui m'a fait dire qu'on avait des Français qui savaient gagner.
Mme Sinclair : Il y a tout de même un écueil qui hante beaucoup de sportifs, c'est le problème du dopage. J'ai été frappée par le cri d'alarme, par le SOS qu'a lancé la Fédération française de cyclisme, il y a 15 jours, en faisant un véritable appel au secours, à vous notamment, en disant : « Comment peut-on avoir des moyens pour contrôler le dopage qui s'étend, y compris dans le cyclisme, pas que dans le cyclisme mais y compris dans le cyclisme ? »
M. Drut : Je connais bien le président de la Fédération française de cyclisme, c'est un homme de grande qualité qui a eu les résultats que vous connaissez à Atlanta. Le dopage menace et, à travers le dopage, on peut aussi parler de la toxicomanie. C'est certainement le danger le plus important pour tous les athlètes. Les moyens existent, il faut les augmenter, c'est sûr, et il faut se doter de moyens supplémentaires. C'est ce qui est prévu dans la loi que je présenterai certainement au printemps prochain au Parlement.
Mme Sinclair : Des moyens supplémentaires de quel ordre ?
M. Drut : De tous niveaux, c'est-à-dire des moyens financiers et des moyens législatifs, à la fois aussi des moyens de prévention et puis de punition. Et, moi, je déclare une guerre totale.
Autant je suis assez indulgent avec les athlètes parce qu'ils sont jeunes, une indulgence raisonnée, bien entendu, autant je suis sans pitié, vraiment sans pitié, pour toutes celles et ceux qui, autour, profitent justement de cette innocence de la jeunesse pour la · faire gagner afin que les bénéfices se retournent vers eux. Pour ceux-là, il n'y a aucune pitié à avoir.
Mme Sinclair : À quand un organisme anti-dopage qui soit à la fois indépendant du ministère et des fédérations ?
M. Drut : C'est prévu dans la loi.
Mme Sinclair : Autre sujet, on vous doit une expérience de nouveaux rythmes scolaires, c'est-à-dire qu'à cette rentrée, environ 100 000 enfants dans 700 établissements en France ont un autre rythme de l'année scolaire, de la semaine scolaire, avec certains après-midis consacrés non seulement au sport, mais aussi à des activités culturelles, comme le théâtre, la musique, etc. Le frein, c'est quoi ? C'est un problème d'argent ou un problème de mentalités ?
M. Drut : C'est plus un problème de mentalités. La France est un pays merveilleux, mais un pays un peu vieux où les habitudes sont tout de même difficiles à changer. Et je crois que, là, on a des habitudes presque séculaires à changer. L'école française est une école de grande qualité mais, même si elle est de qualité, rien n'empêche de vouloir progresser.
Cela fait tellement longtemps qu'on entend parler de ces rythmes scolaires, qu'il faudrait faire davantage de sport, davantage de culture, davantage aussi d'initiation et d'éducation à la santé, à l'instruction civique, etc. que j'ai souhaité, selon la volonté aussi du Président de la République et du Premier ministre, aller plus loin et vraiment faire une expérimentation de terrain qui parte de la situation.
Mme Sinclair : Parce qu'il y a certains enseignants aussi qui sont rétifs en disant : « On va nous cantonner, nous réduire à apprendre à lire, à écrire et à compter et le reste nous échappera ».
M. Drut : Ils le sont beaucoup moins aujourd'hui, Madame Sinclair, parce que, justement, des débats ont eu lieu dans les écoles, partout. Sur tous les sites, il y a débats et, maintenant, nous allons rentrer dans la phase de l'évaluation. Je suis intimement persuadé qu'avant la fin de ce siècle, il n'y aura peut-être pas une généralisation totale, mais on aura déjà fait un grand pas vers ce renforcement qualitatif de notre école.
Mme Sinclair : Deux images de sport de la semaine : une de cette nuit qui est la défaite de Mike Thysson à Las Vegas, dépossédé de sa couronne mondiale de lourds WBA par son compatriote, Hollyfield, par arrêt de l'arbitre à la 11e reprise, 37 secondes après la cloche. Qu'est-ce que vous inspire la chute d'un géant ?
M. Drut : Hollyfield a fait mentir les prévisions, comme quoi il ne faut pas toujours accorder trop d'importance aux sondages...
Mme Sinclair : ... Il a même dit : « Tout le mérite revient à Dieu ».
M. Drut : Oui, mais lui y était un peu pour quelque chose, tout de même. Et comme dirait votre collègue, Thierry Roland : « ce sont deux sacrés poulets » et celui-là particulièrement. Je ne connais pas Mike Thysson, mais j'ai eu l'occasion d'être à deux ou trois reprises à côté d'Hollyfield, pourtant je ne suis pas petit, mais lui c'est vraiment un géant...
Mme Sinclair : Il vous a impressionné visiblement.
M. Drut : Ah ! Oui, c'est vraiment un géant.
Mme Sinclair : Autre image de la semaine, il y a 8 jours, dimanche dernier, est parti des Sables-d'Olonne, le Vendée Globe qui est une course en solitaire autour du monde, c'est la troisième fois qu'elle a lieu, sans escale, sans assistance, avec un itinéraire absolument fantastique.
M. Drut : Je crois que c'est l'un des derniers endroits où l'on peut réellement parler d'aventure. Bien sûr, il faut sortir le sidéral, l'interplanétaire, etc. l'espace. J'ai eu l'occasion d'aller aux Sables-d'Olonne et je suis monté à l'arrêt...
Mme Sinclair : ... Le trajet est extraordinaire parce que c'est le Cap de Bonne Espérance, tout le tour de l'Antarctique, le Cap Horn.
M. Drut : C'est vraiment l'aventure. Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que, sur le plan sportif, c'est l'un des rares domaines où les hommes ou les femmes sont à égalité.
Mme Sinclair : En tout cas, pas dans la course parce qu'il y a 13 hommes et 2 femmes...
M. Drut : ... Ah ! Ça, oui.
Mme Sinclair : Le record est détenu par Titouan Lamazou, puis on va voir ce que vont faire les participants.
M. Drut : Mais cela reste une très grande compétition.
Mme Sinclair : Ils ont déjà eu de gros vents dans le Golfe de Gascogne. En tête, Yves Parlier suivi de Hervé Laurent et Isabelle Autissier est troisième. Vous allez suivre cela de très près ?
M. Drut : De très près. Je vais même aller au PC avec Jeantot.
Mme Sinclair : Ceci était les belles images de la semaine. Malheureusement, il y en a des cruelles, il y en a des terribles, l'horreur pour tout dire, au Zaïre. On regarde.
Au secours ! Non-assistance à peuple en danger. La communauté internationale n'arrive pas à se décider sur les modalités d'une intervention militaire et humanitaire dans l'est du Zaïre. En grande partie à cause des États-Unis qui hésitent à participer à cette force multinationale composée de 5 000 hommes qui seraient chargés d'assurer la sécurité des zones de secours.
Mme Sinclair : La France est quasiment seule, Guy Drut, à réclamer une aide occidentale. Bernard Kouchner avait une formule terrible vendredi. Il disait : « On devrait inventer le mot "fossoyeurs sans frontières" », pour parler de l'ONU impuissante.
M. Drut : L'anarchie africaine, comme on voit là, c'est vraiment l'horreur absolue. Vous avez dit tout à l'heure que j'avais mon franc-parler, eh bien j'estime qu'il y en a franchement ras-le-bol que la France soit systématiquement seule devant les égoïsmes des États pour réclamer un peu de considération pour tous ces peuples. L'Afrique n'a pas le droit d'être oubliée de cette façon-là. Cela fait un an, vous le savez très bien, que le Président de la République, que la France demande une conférence internationale pour réclamer ce problème des Grands lacs et voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Mme Sinclair : Parce que c'est un problème de frontières, bien au-delà de l'humanitaire.
M. Drut : Oui, mais c'est proprement scandaleux. Il est tout de même inadmissible de constater qu'il est plus difficile de monter une action humanitaire qu'une action militaire aujourd'hui. Alors que l'ONU se prenne une fois pour toute en charge pour régler ce genre de problème. Vraiment, cela me met hors de moi.
Mme Sinclair : Quand on est ministre de la jeunesse et des sports, on prend son téléphone pour appeler le Premier ministre ou le ministre des affaires étrangères pour dire : « Il faut que l'on fasse quelque chose au Zaïre » ou chacun reste chez soi en disant : « Ce n'est pas mon domaine » ?
M. Drut : Il y a une solidarité gouvernementale totale dans ces cas-là. Il est bien évident que c'est plus du domaine du Premier ministre, du Président, du ministre des affaires étrangères, nous sommes vraiment solidaires. L'une de mes grandes fiertés est d'être au conseil des ministres avec quelqu'un comme Xavier Emmanuelli qui vit vraiment au plus profond de lui-même tous ces drames humanitaires, que ce soit d'ailleurs en France comme à l'étranger et, là, au Zaïre. Le mercredi matin, il y a une solidarité totale de tous les ministres derrière cette action du Président de la République parce qu'elle est nécessaire et il faut absolument la continuer.
Mme Sinclair : Suite de la semaine avec un Clinton triomphant. Viviane Jungfer, Joseph Pénisson.
Clinton : Ça y est, c'est fait. Comme prévu, William Jefferson Clinton est réélu Président des États-Unis. C'est le deuxième démocrate après Roosevelt à faire un second mandat à la Maison Blanche. À l'issue d'une campagne sans suspense qui a battu tous les records d'abstentions, les Américains ont finalement voté la continuité et Bill Clinton sera contraint de gouverner avec un congrès à majorité républicaine.
En politique étrangère, les priorités restent les mêmes : le Proche-Orient, la Bosnie ou encore l'Irlande du Nord, trois dossiers où la diplomatie américaine a encore fort à faire.
Opération réussie : Est-ce vraiment un hasard de calendrier ? Au moment même où Bill Clinton était réélu Président, Boris Eltsine jouait aussi son avenir, mais sur la table d'opération.
Mme Sinclair : De Eltsine, on revient à Clinton. Il vous fascine Clinton ? Vous dites : « quelle bête politique » ?
M. Drut : Tout à l'heure, en parlant d'Hollyfield, je disais qu'il avait su faire mentir les prévisions. Rappelez-vous Clinton, il y a deux ans, personne n'aurait parié, j'allais dire « un kopeck » mais admettons « un dollar » sur un lui.
Mme Sinclair : Là, en revanche, ce n'est pas le cas.
M. Drut : Là, ce n'est pas mal. C'est un homme qui a su évoluer avec sa politique et qui donne une image de son pays assez extraordinaire de volonté, d'action, d'enthousiasme.
Mme Sinclair : Évoluer, justement on lui reproche un peu d'être un Président démocrate réélu sur des valeurs qui appartenaient plutôt à son concurrent, Dole, républicain. Trouvez-vous que c'est une sorte de trahison d'idéel ou dites-vous : « C'est au fond... »
M. Drut : ... Non, il a su s'adapter.
Mme Sinclair : S'adapter aux réalités ?
M. Drut : Il a su s'adapter. Si j'avais fait les grandes écoles, je vous aurais dit : « il est pragmatique », mais comme je ne les ai pas faites, je vous dirais : « il est concret, il est efficace et il a su faire avancer son pays dans le sens de la marche ». Ce sont les résultats qu'on voit, c'est-à-dire qu'il y a une croissance très importante, il y a de la création d'emplois.
Ce qui me frappe toujours, je ne suis pas spécialement ébahi devant le modèle US, c'est la confiance que tous ces gens ont en eux, sur le plan individuel et sur le plan collectif. Là, on peut peut-être prendre exemple sur les Américains. Ils n'ont jamais perdu, c'est toujours la remise en cause, le combat et ils savent qu'au bout de la route, ils vont s'en sortir, et cela reste une grande Nation. Là, peut-être que les Français devraient s'en inspirer un peu plus.
Mme Sinclair : Quand je vous disais qu'il est critiqué, pas par la majorité du peuple américain parce qu'il a été réélu, d'avoir adapté son programme aux réalités politiques qu'il rencontre, c'est une critique que vous avez déjà entendu ici, en France, sur Jacques Chirac disant : « Il a promis quelque chose et il n'a pas fait ce qu'il avait promis ». Comment réagissez-vous à cela ?
M. Drut : On ne prête qu'aux riches. Il n'y a que les gens qui ont une grande personnalité et une volonté d'action qui sont critiqués. Lorsque vous faites le point des mesures qui ont été prises et des réformes qui ont été engagées, qui sont arrivées à terme ou qui sont engagées par le Président de la République française, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de déficit, bien au contraire, il y a plutôt des grandes avancées. Mais on y reviendra certainement.
Mme Sinclair : Suite de la semaine, du Pakistan à Tours, Viviane Jungfer, Joseph Pénisson.
Pakistan : grandeur et décadence, Benazir Bhutto est limogée par le Président du Pakistan pour, dit-il, corruption, népotisme et incompétence. Son mari est arrêté, soupçonné de complicité de meurtre. Le Parlement est dissous. C'est la deuxième fois que Benazir Bhutto est déchue, mais cette fois elle est désavouée par son propre clan politique.
Explosion TWA : Et revoilà la thèse du missile tiré par un navire de guerre américain en manoeuvre dans la zone. L'ancien conseiller de Kennedy, le journaliste Pierre Salinger, affirme que c'est la cause de l'explosion en plein vol du Boeing de la TWA. Il s'appuie sur un document que lui aurait remis un agent secret américain, document qui en fait circule déjà depuis des semaines sur Internet.
Commerce : Airbus remporte un formidable contrat aux États-Unis. US AIR, la cinquième compagnie américaine, lui commande 400 appareils petits et moyens porteurs, dont 120 fermes.
Bouffée de violence : jets de pierre, vandalisme, voitures incendiées, pendant près d'une semaine les incidents se sont multipliés à Tours.
À Tours comme à Poitiers, ces explosions de violence ont comme toujours symptomatiques du malaise qui règne dans les banlieues difficiles.
Mme Sinclair : Guy Drut, avant de parler de la jeunesse, je voudrais qu'on commente pendant deux secondes les images qu'on a vues sur Airbus parce que, finalement, les bonnes nouvelles sont rares en ce moment et celle-là est une vraie bonne nouvelle qui est à la fois un succès commercial et une bonne nouvelle pour l'emploi.
M. Drut : Vous voyez que, de temps en temps, la France sait gagner, c'est qu'on disait tout à l'heure. En 1970, le ciel était essentiellement Boeing, pour ne pas dire que Boeing. Maintenant, Airbus est là. C'est un grand succès, c'est un plus, c'est un grand point positif pour l'Europe parce que c'est non seulement à Toulouse, mais également à Hambourg. Ce qui fait que quand on compare ce qui est comparable, les États-Unis, continent presque, et l'Europe, on a des choses à dire.
Mme Sinclair : Cela peut servir d'argument ?
M. Drut : Par exemple !
Mme Sinclair : On va parler de la jeunesse, puisque vous êtes ministre de la Jeunesse, à propos de ces images qu'on vient de voir, et puis aussi de tout autre chose. Nous aurons un jeune en direct avec nous.
On se retrouve dans une minute.
Mme Sinclair : Reprise de 7 SUR 7 en compagnie de Guy Drut, ministre de la jeunesse et des sports.
Guy Drut, on a vu des images de ce qui s'est passé cette semaine à Tours et à Poitiers. Je voudrais juste que l'on voie quelques images de ce qui s'est passé à Cayenne. Après 48 heures d'émeutes, le calme semble revenu. Au départ, c'étaient les lycées en grève qui dénonçaient leurs mauvaises conditions d'études. Mais, très vite, le mouvement a été débordé par des pilleurs et des casseurs qui ont pillé plusieurs magasins.
Il faut dire que la Guyane est une poudrière et que 50 % de la population a moins de 25 ans.
Peut-être un mot de commentaire sur tous ces faits qui ne se rejoignent pas tous, mais finalement chômage, plus racisme, en tout cas en France, égal révolte, émeutes ?
M. Drut : Vous avez dit, en parlant de Cayenne, qu'il y avait eu des pilleurs, des casseurs, etc.
Je voudrais simplement signaler qu'il ne faut pas oublier le fait - ce n'est pas l'explication, bien entendu - que cela arrange certains, notamment quand on parle de drogue, de dealers, etc., de faire en sorte qu'il y ait ce climat pratiquement d'insurrection dans certains quartiers pour en faire des quartiers de non droit, parce que cela les arrange, ils en sont les chefs, et pour leur petit commerce qui est très lucratif, vous le savez, cela va mieux !
Mme Sinclair : Vous n'excluez pas des provocations qui viennent…
M. Drut : Il y en a des provocations. Bien sûr qu'il y en a, cela, c'est indéniable, il faut le reconnaître.
Mme Sinclair : Il y a, cela dit, un véritable malaise dans les quartiers difficiles ?
M. Drut : Il y a un malaise parce que la jeunesse d'aujourd'hui, je crois que ce qui lui manque essentiellement, ce sont des repères et de la considération.
Je vous ai dit tout à l'heure qu'il m'arrivait souvent de quitter le cortège où, en situation, c'est-à-dire dans les banlieues, je vais voir les jeunes, j'essaie de discuter avec eux, pas de façon paternaliste, pas en faisant du « jeunisme », en disant : « Tiens, je suis comme vous. Je m'habille comme vous. J'écoute la même musique ». Tout cela est ridicule, et cela n'a jamais mené à rien.
Mais très souvent on se rend compte, quand on discute avec ces jeunes ou quand ils viennent me voir aussi... dernièrement j'ai eu une grande discussion avec Fodé Scylla, avec Khadileb Kandili, avec toutes celles et ceux…
Mme Sinclair : ... de SOS. Racisme...
M. Drut : Oui, SOS Racisme, avec la Maison des Potes, etc., qui sont des jeunes gens, des filles et des garçons, pleins d'idées.
On se rend compte qu'ils ont des idées. Ils ont une volonté. Et que, de temps en temps, c'est simplement une écoute qui leur manque le plus.
Mme Sinclair : Je voulais, puisque vous êtes ministre de la Jeunesse et que l'on glose beaucoup sur la jeunesse, que vous dialoguiez, quelques instants, avec un jeune. Il est en direct avec nous. Il s'appelle Laurent Bouvet. Il est en direct de la Cité des Sciences et Techniques de la Villette, on aperçoit la Géode au fond. Il est étudiant et il a participé, il y a 15 jours, à un forum organisé à Grenoble et qui s'appelait « Régénération ». C'est un forum qui cherchait justement à analyser ce que sont les références, les refus ou les engagements de la jeunesse d'aujourd'hui.
Bonsoir, Laurent Bouvet.
M. Bouvet : Bonsoir, Madame Sinclair.
Mme Sinclair : Bien sûr, vous ne prétendez pas parler, je le précise tout de suite, au nom de la jeunesse. Vous n'êtes jamais qu'un élément de cette jeunesse, de cette génération, vous ne la représentez pas mais, disons, que vous la regardez, vous l'observez, comment la définiriez-vous aujourd'hui cette jeunesse des années 1980/1996 ?
M. Bouvet : Je parlerai d'abord non pas d'une jeunesse, d'une seule et unique jeunesse, mais plutôt d'un ensemble de jeunes qui ont des situations, des parcours, des expériences très différentes les unes des autres et qui, malgré tout, peuvent être quand même aujourd'hui considérés comme un ensemble social relativement homogène - je parle, là, des jeunes qui ont entre 20 et 30 ans - parce qu'ils sont confrontés à un certain nombre de problèmes très difficiles à résoudre, j'en conviens pour les hommes politiques, mais qui leur donnent peu de confiance en l'avenir, c'est le moins que l'on puisse dire !
Mme Sinclair : Vous pensez au chômage, bien sûr!
M. Bouvet : Oui, bien sûr, je pense au chômage et, au-delà du chômage, aux difficultés d'ensemble d'insertion dans la vie professionnelle et d'insertion dans la vie sociale, de façon générale, que représente aujourd'hui le taux de chômage, mais pas seulement, que représente la précarité des petits boulots, comme l'on dit, que représente aussi des difficultés lorsque l'on fait des études.
Il y a aujourd'hui plus de 2 millions et demi d'étudiants, et ce chiffre représente une masse. Ce n'est plus seulement une élite. Donc, les étudiants font partie de la jeunesse, ce n'est pas toute la jeunesse bien entendu. Mais lorsque l'on fait ses études aujourd'hui, quel que soit le niveau, on se retrouve avec une perspective qui n'est pas une perspective très optimiste.
On peut parler réellement de désespoir, de peur dans l'avenir, et dans ces conditions il est très difficile, quand on est individuellement, personnellement, touché par cette peur et ce désespoir, d'aller au-delà de sa propre expérience personnelle et de s'engager collectivement, par exemple, et de penser à un avenir collectif, à un avenir commun dans la Société.
Mme Sinclair : Guy Drut, êtes-vous d'accord avec ce constat que fait Laurent Bouvet, cette analyse d'une jeunesse qui est tellement préoccupée par son avenir immédiat, matériel, qu'elle a du mal à le dépasser, en effet, et à vouloir combattre ses aînés, peut-être ?
M. Drut : Je comprends tout à fait les interrogations, il me permettra de l'appeler Laurent. Je vais vous lire un passage de Michel Bourgat, le père du jeune Nicolas qui a été assassiné en septembre dernier à Marseille, qui a écrit un petit mot aux lycéens qui prenaient en charge la violence, qui essaient de se prendre en charge et de trouver des solutions. Ce monsieur a écrit : « Restez vigilants sur les valeurs de l'homme et imposez vos solutions aux technocrates qui se sont si souvent trompés. Bravo, pour votre enthousiasme, il me rappelle celui de mon fils. Votre génération a la solution, elle doit prendre en main l'avenir sans se laisser troubler par le pessimisme de la nôtre et de ses représentants les plus sordides ».
Cette lettre, ce mot est fantastique, parce que mon travail, ma volonté, c'est d'essayer de ne pas prendre les choses de la même façon, c'est-à-dire que là où l'on voit en la jeunesse un problème, d'y trouver une solution. Il faut que la France fasse le pari de sa jeunesse, mais pour cela il faut être à sa disposition, à son écoute et lui donner les moyens de la réussite…
Mme Sinclair : ... Là elle vous crie son angoisse.
M. Drut : Je l'entends bien, elle crie son angoisse.
On a parlé tout à l'heure des rythmes scolaires, il faut aller encore plus loin. Il faut vraiment faire que l'école prépare totalement la vie.
François Bayrou fait du bon travail. Il faut aller encore plus loin et dépasser tous les clivages, toutes les interrogations, toutes les inerties pour que les diplômes servent à quelque chose.
Un exemple, vous savez il y a l'école des travaux·publics à Egletons, là ils ont des succès, pourquoi ? Parce que c'est une formation qui débouche sur un métier. On pourrait aussi s'en inspirer.
Mme Sinclair : Laurent Bouvet, vous avez des diplômes. Vous êtes étudiant. Vous êtes privilégié dans une Société où un certain nombre, justement, n'ont pas de cartes en main qui permettent des débouchés professionnels.
Partagez-vous cette angoisse et cette inquiétude et que pensez-vous des propos de Guy Drut ?
M. Bouvet : Pour répondre directement à votre question, lorsqu'on est diplômé et diplômé de l'Enseignement Supérieur, comme c'est mon cas, on a moins d'angoisse et moins de problèmes à s'insérer dans la Société.
Néanmoins, il existe quand même des problèmes, y compris pour les diplômés et pour les diplômes les plus élevés de l'enseignement supérieur. Mais cette angoisse, dont on a une petite part, si vous voulez, on la ressent malgré tout parce qu'on n'est pas simplement dans son université, dans le lieu où l'on étudie, on se promène dans la rue, on voyage beaucoup. Nous sommes dans la réalité. Monsieur le ministre parlait tout à l'heure de ses rencontres avec la réalité, il se trouve que pour un citoyen de base, comme c'est mon cas, on est tous les jours dans une réalité quotidienne. On a, par son propre parcours, par ses expériences, un certain nombre de contacts avec une réalité beaucoup plus dure que celle que l'on peut vivre soi-même.
Face à cette angoisse, ce que vous avez dit, Monsieur le ministre, c'est très bien, mais je crois qu'il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt et, aujourd'hui, c'est insuffisant, enfin ce qui est fait par le gouvernement, ce n'est pas vous-même, Monsieur le ministre, mais le gouvernement dans son ensemble, vous en êtes membre, ce qui est fait est insuffisant, et notamment vis-à-vis des jeunes, pas seulement vis-à-vis des jeunes, parce que je crois qu'il ne faut pas séparer les jeunes du reste de la Société, ce serait une erreur, mais c'est insuffisant.
Or, la jeunesse représente toujours l'avenir d'une Société et si, aujourd'hui, les initiatives prises ici et là parmi les jeunes, qui sont très nombreuses, vous avez dit les jeunes ont des idées, bien sûr, les jeunes ont beaucoup d'idées, essaient de réaliser des initiatives, si elle ne trouve pas de soutien, si elle ne trouve pas de débouchés concrets, si les politiques aujourd'hui ne les aident pas, demain la Société appartiendra à des gens qui sont beaucoup moins bien intentionnés, et je pense, ici, bien entendu, à Le Pen et au Front national.
Pour éviter que, demain, les règles de la Société ne soient décidées par une toute petite minorité de ce pays, je crois qu'il est temps d'essayer d'aider les jeunes à s'en sortir…
Mme Sinclair : On va demander à Guy Drut de répondre.
M. Drut : Je prendrai juste un mot qu'a dit Laurent : initiatives.
S'il fallait que je fasse une mission pour la jeunesse, c'est de faire confiance à leurs initiatives. C'est certain, il a raison, on ne fait pas assez. Mais on va faire encore plus.
J'ai la volonté de créer - c'est en route d'ailleurs - une fondation ou un dispositif autour du défi, du défi et des initiatives, et j'ai déjà beaucoup de partenaires : j'ai La Poste, j'ai les entreprises privées, j'ai AXA, il y a HAVAS, il y en a plein comme cela qui souhaitent, autour du défi, se mettre à la disposition des jeunes pour les aider.
Avant d'être ministre, j'étais député de Meaux-Coulommiers. À Meaux, il y a une zone franche, avec le maire de Meaux, Jean-François Copé, on a fait en sorte de trouver des jeunes, de la zone franche, qui se sont constitués en corps de VRP des zones tranches, parce qu'ils sont mieux placés que quiconque pour aller faire la promotion de là où ils vivent.
Il y a les jeunes ruraux auxquels il faut s'intéresser, c'est la raison pour laquelle j'ai fait un contrat d'animation rurale.
Il faut être sans arrêt en situation pour être à l'écoute de ces possibilités. Et je crois que, s'il y avait une chose à faire, ce serait de donner la possibilité aux jeunes, et c'est à eux que cela revient, d'inventer demain, ·parce que c'est leur monde et que c'est à eux, demain leur appartient. Donc, il faut qu'ils inventent demain aussi.
Mme Sinclair : Je voudrais vous donner à tous les deux à méditer le sondage qu'a réalisé La SOFRES pour 7 Sur 7 ce soir, à la question
« Lorsque vous pensez à l'avenir des jeunes, vous sentez-vous :
- très confiants ? ;
assez confiants ? ;
- plutôt inquiets ? ;
- ou très inquiets ? ;
Regardez les résultats :
- très ou assez confiants : 9 % ;
- plutôt ou très inquiets : 90 %.
Bien entendu, ce sont les adultes et les jeunes mêlés. Quand on interroge que les jeunes, comme a fait la SOFRES pour Le FIGARO-Magazine, au mois de mars dernier, cela donnait des résultats beaucoup plus proches : les jeunes étaient inquiets, mais nettement moins que ne le sont les adultes.
Mais, quand même, 90 %, Guy Drut ?
M. Drut : Je pourrais être inquiet, mais je le suis nettement moins que cela, parce que je suis persuadé qu'il y a des solutions. Mais cela prouve que j'ai encore beaucoup de travail devant moi.
Mme Sinclair : Laurent Bouvet, un mot, une réaction et peut-être un espoir ?
Qu'avez-vous envie que fasse un ministre de la jeunesse pour la jeunesse ?
M. Bouvet : L'action ne doit pas venir seulement du ministre de la jeunesse, je pense que le budget du ministère de la jeunesse et des sports est très limité. Je crois que c'est une ambition collective, une ambition politique, une ambition qui doit venir non seulement du sommet, bien entendu, du Président de la République, du Premier ministre, des ministres, de l'ensemble des élus de ce pays.
Une ambition qui doit relayer, encore une fois, une volonté d'engagement collective qui existe, que l'on a vu à plusieurs reprises se manifester, mais qui n'a pas aujourd'hui de débouchés, ni de débouchés en termes d'organisation, ni de débouchés en termes d'accueil et d'organisation financière qui pourrait financer des initiatives locales.
Mme Sinclair : Vous faites partie des 90 % inquiets ?
M. Bouvet : Je fais partie des 90 % inquiets, oui, très nettement.
Mme Sinclair : Merci de l'avoir dit ce soir, de l'avoir dit au ministre qui vous a écouté avec attention...
M. Drut : … avec beaucoup d'attention, oui.
Mme Sinclair : Encore une fois, Laurent Bouvet ne représente pas et n'est pas là pour représenter la jeunesse, mais il était un jeune qui est diplômé et qui vous faisait part des inquiétudes...
M. Drut : Témoignage très intéressant, très instructif.
Mme Sinclair : Dernier paquet d'images, Guy Drut : politiques et polémiques.
Affaire Tibéri : le parquet d'Evry ordonne l'ouverture d'une information judiciaire contre l'épouse du maire de Paris qui, en 1994, avait perçu 200 000 F du conseil général de l'Essonne pour une étude sur la coopération décentralisée.
Alphen-Tibéri (suite) : décidément cette perquisition du juge Alphen n'en finit pas d'agiter les mondes politique et judiciaire. Coup sur Coup le président de la cour de cassation puis celui de la cour d'appel de Paris écrivent au garde des sceaux pour regretter les critiques formulées par le ministre de l'intérieur à l'encontre des juges qui ont sanctionné Olivier Foll, le patron de la police judiciaire.
Ambiance : et comme si tous ces remous ne suffisaient pas à agiter la majorité, Charles Pasqua tire à boulet rouge sur le gouvernement.
Charles Pasqua : « Il y a un profond fossé entre ceux qui gouvernent et l'immense majorité des Français. Alors quand je constate que le pouvoir est sourd, je suis tenté de parler un peu plus fort ».
PS : le malaise dans la majorité fait bien sûr le jeu de l'opposition. Pour Lionel Jospin, le pouvoir est en décomposition, plus que jamais les socialistes préparent la relève pour 1998.
Mme Sinclair : Guy Drut, d'abord les attaques contre le Premier ministre venant des rangs de la Majorité, vous prenez cela comment ?
M. Drut : Pas très bien. Je vous ai amené une petite image, parce que l'on dit souvent qu'une bonne image vaut mieux qu'un long discours. Regardez ! Il est écrit : « L'esprit d'équipe, c'est savoir tout partager, même les victoires »...
Mme Sinclair : ... Et l'on voit la France qui gagne à Atlanta.
M. Drut : Et voilà ! Ce sont les escrimeuses qui ont gagné, qui ont été championnes olympiques.
Je crois qu'à la fois Charles Pasqua et François Léotard devraient s'inspirer de ces jeunes filles, qui sont charmantes d'ailleurs, et partager la victoire. Cela leur a peut-être échappé, mais on a gagné il y a 18 mois…
Mme Sinclair : ... Et partager aussi les soucis du moment, c'est cela que vous voulez dire ?
M. Drut : … Et partager les soucis du moment. Il y a évidemment tout ce que l'on dit toujours d'habitude : « Il ne faut pas tirer contre son camp, etc., etc., » mais j'ai retenu que l'on avait terminé l'intervention de Charles Pasqua sur le moment où il disait : « Je le dis plus fort ». Et ce n'est pas toujours celui qui parle le plus fort, qui a raison.
La qualité d'une équipe, la qualité d'un collectif, c'est la force de ses lignes, c'est la force et la qualité de l'ensemble de ceux qui composent l'équipe, y compris le banc des remplaçants, parce qu'à un moment ou à un autre il faut qu'ils viennent. Mais quand ces remplaçants veulent tout de suite rentrer sur le terrain, en occupant la place du capitaine, cela pose quelques petits problèmes.
Mme Sinclair : L'heure n'est pas venue des remplaçants ?
M. Drut : Ce n'est pas de mon domaine de toute façon !
Mme Sinclair : Non, mais à votre avis, il faut les faire rentrer ou ne pas les faire rentrer, les remplaçants ?
M. Drut : Ils rentreront bien un jour ou l'autre ! De toute façon, c'est la logique politique. Mais c'est du domaine à la fois du Président de la République et du Premier ministre.
Je suis dans une équipe solidaire et une équipe qui va gagner, j'en suis intimement persuadé.
Mme Sinclair : Attendez-vous du Président qu'il s'exprime, comme un certain nombre de voix au RPR l'ont demandé cette semaine ? Attendez-vous qu'il trace la ligne, qu'il trace la voie. Il l'a déjà un peu fait cette semaine en disant que le cap était maintenu et qu'il gardait la confiance entière à Alain Juppé ?
M. Drut : Il le fait régulièrement. Il l'a fait à l'issue de son élection. Il le fait régulièrement. Et puis il a des rendez-vous qui sont réguliers. Il a l'occasion de le faire.
Je peux vous dire que je suis vraiment très fier et très satisfait de travailler avec Alain Juppé. Ce n'est pas tous les jours faciles, cela, c'est indéniable ! C'est un Monsieur très rigoureux et qui a une telle puissance de travail qu'il en demande autant de la part de ses partenaires, de ses collaborateurs et de ses ministres. Mais on travaille dans le bon sens.
C'est vrai qu'il manque un peu de popularité, parce que c'est un peu le médecin. En général, les Français ont un peu peur du médecin. Pourquoi ? Parce que les remèdes les plus difficiles sont les plus douloureux. On a peur de la piqûre. Quand on va chez le dentiste, on a peur de la roulette. Ce n'est pas très intéressant.
Pour le docteur Juppé, la France est très malade, et le docteur Juppé doit donner des remèdes qui sont des remèdes d'importance. Alors, pour le moment, évidemment, on le craint un peu. Ça manque un peu de popularité mais quand, au fur et à mesure, on va voir que les résultats arrivent, vous verrez, j'en suis intimement persuadé, son courage et sa ténacité feront que les gens le reconnaîtront et reconnaîtront ses mérites.
Mme Sinclair : Guy Drut, au-delà des polémiques politiques, vous avez entendu cette semaine un certain nombre de voix, les socialistes à l'évidence, mais aussi à leur manière...
M. Drut : Cela, c'est normal !
Mme Sinclair : Philippe Séguin, Charles Pasqua, peut-être même les évêques de France qui disent : « On ne peut pas se contenter de dire aujourd'hui : il n'y a qu'une seule politique possible et qu'il y a d'autres voies à explorer, quand on voit les difficultés des Français ». N'êtes-vous pas sensible à cette argumentation-là ?
M. Drut : Bien évidemment, c'est normal que les socialistes disent qu'il y a une autre politique, sinon ils n'auraient aucune raison d'exister ou alors, ce serait dramatique ! Mais c'est la meilleure... J'estime que c'est la meilleure des politiques parce que nous sommes dans un processus qui va nous amener... le grand projet, c'est l'Europe.
Bien évidemment, il ne faut pas faire de l'Euro, un projet. C'est un moyen, c'est un outil pour y parvenir.
On a vu tout à l'heure le succès d'AIRBUS. Cela, c'est un succès, c'est comme ARIANE, c'est un succès positif de l'Europe. Il faut y aller.
On a des pays qui commencent à regarder et, puis, à faire un peu comme nous : l'Espagne, l'Angleterre.
Je suis intimement persuadé qu'à partir du moment où l'on se donnera les moyens d'avoir une économie compétitive, d'avoir une croissance retrouvée, automatiquement il y aura, à ce moment-là, l'emploi qui reviendra.
Jusqu'à présent on a toujours dépensé comme cela, sans trop faire attention. Des erreurs ont été faites. Aujourd'hui Alain Juppé fait ce qu'il dit et il dit ce qu'il fait, contrairement à l'adage. Il y a des moments où les remèdes sont un peu douloureux, je le répète, mais c'est un peu volontaire parce que c'est une méthode pédagogique, aussi, pour bien faire comprendre aux gens qu'on ne peut pas dépenser, vous le savez, plus qu'on ne gagne. Et, aujourd'hui, il faut remettre un peu d'ordre dans le porte-monnaie.
Mme Sinclair : C'était le plaidoyer d'un « juppéiste » convaincu, en tout cas.
M. Drut : Je suis solidaire de mon chef.
Mme Sinclair : Quand vous voyez les affaires, on voyait l'affaire Foll, l'affaire Tibéri, qu'avez-vous envie de dire ?
M. Drut : Oh ! J'ai envie de dire que... je ne vais pas rajouter à la polémique. Je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai été pendant 6 ans d'abord conseiller, ensuite adjoint au maire de Paris. Donc, j'ai travaillé avec Jean Tibéri. Je suis personnellement convaincu de l'honnêteté du couple Tibéri, sans aucun problème.
Pour ce qui concerne M. Foll, je dirai deux choses : la première, c'est que le ministre de l'intérieur est resté solidaire de son collaborateur. Si cela m'arrivait au ministère de la jeunesse et des sports, j'en ferais autant. Cela ! c'est bien.
Mme Sinclair : Ce qu'on lui reprochait, ce n'est pas d'être solidaire, c'est d'avoir critiqué les juges qui avaient sanctionné Olivier Foll.
M. Drut : Il s'est expliqué sur ce point...
Mme Sinclair : ... Et d'ailleurs Jacques Toubon a été solidaire…
M. Drut : Je ne vais pas revenir sur ce qu'a dit Jean-Louis Debré mais, par contre, je voudrais dire ici toute l'estime et le respect que j'ai pour l'action de Jean-Louis Debré. On en parle beaucoup. De temps en temps on le raille et cela me fait un peu de peine, parce que c'est un ministre de l'intérieur d'une grande efficacité.
Souvenez-vous, en juillet 1995, juillet/août/septembre 1995, quand il y a eu les attentats, on n'en menait pas large ! En novembre, tout était réglé.
Les chiffres de la délinquance ont baissé de 10 % en 18 mois. L'immigration : calmement, les lois Pasqua, il faut les revoir, les adapter. C'est ce qu'il va faire.
Donc, que l'on dise un peu moins et qu'on retienne davantage les résultats qu'il obtient. Cela ira certainement beaucoup mieux !
Mme Sinclair : Dans le monde de Guy Drut, « tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil », vous n'avez pas des bons points à distribuer et des médailles à distribuer à tout le monde ou il y a quelquefois des gens dont vous dites : « Ce n'est pas bien ».
M. Drut : Je le leur dis. Je n'ai pas l'habitude de crier mon mécontentement, de me précipiter sur tous les micros..., quand je me déplace, il est inutile de faire savoir qu'on n'a rien à dire.
Mme Sinclair : Une avant dernière question en forme de requête : on se souvient de l'affaire des lanceurs de marteau français où la championne, Catherine Moyon-Debecque, avait été victime d'agressions sexuelles très graves de la part d'un certain nombre de membres de l'équipe de France d'athlétisme lors d'un stage national.
La Justice s'est prononcée. Les athlètes ont été condamnés, l'entraîneur a été sanctionné, et vos prédécesseurs, au ministère de la justice, ont reconnu une sorte de responsabilité morale du ministère de la jeunesse et des sports, en tout cas dans l'encadrement.
Il reste néanmoins un problème humain...
M. Drut : Bien sûr !
Mme Sinclair : ... Elle m'en a saisi. Elle m'a demandé de vous en saisir puisqu'il y a eu, justement, responsabilité morale, et je crois que ce qu'elle aimerait c'est avoir autre chose qu'un contrat à durée déterminée qui se termine, d'ailleurs, dans un mois.
M. Drut : Sa situation, je la comprends, est très difficile. Toutes les sanctions ont été prises.
Il est évident que Catherine a été très fortement choquée sur le plan moral, et je le comprends. Elle est très souvent au ministère. Elle sait qu'on l'aide. Elle souhaiterait que cela aille un peu plus vite, on va faire un peu plus vite. Mais elle ne peut pas dire que nous ne l'aidons pas, bien au contraire !
Mme Sinclair : En tout cas, vous l'aiderez. Ce que vous faites ce soir.
M. Drut : Je continuerai à l'aider, sans aucun problème.
Mme Sinclair : Guy Drut, un ministre heureux veut des médailles d'Atlanta. Qu'est-ce qu'il faut souhaiter ? Vous rêvez à un nouvel Atlanta pour les prochains Jeux Olympiques ? Quand on a tellement de succès, après tout c'est difficile de faire toujours mieux la prochaine fois, comme l'on dit ?
M. Drut : Ce sont surtout les athlètes qui ont eu les succès. On aurait pu parler de la Coupe du Monde de football, des jeux de Lille, de la candidature de Lille...
Mme Sinclair : Vous la soutenez ?
M. Drut : Oui, complètement. C'est la candidature française, on est tous derrière.
Mme Sinclair : Et il y a une chance ?
M. Drut : C'est très difficile, mais il y a toujours une chance, il y a toujours un espoir.
Sur les athlètes : ils ont eu un comportement exceptionnel à Atlanta. Chez les sportifs, ce que j'admire le plus, c'est leur générosité, leur grandeur de coeur.
Le Président de la République, quand il les a reçus à l'Élysée, a su leur dire, avec les mots qu'il convient, combien pour lui et pour eux, c'était important, pour la France, que tous ses fils et toutes ses filles se retrouvent dans cette rance, quelle que soit leur origine. Et c'est cela qui est important à mon sens, c'est que, aussi bien vous que moi, que ce soit la Marseillaise de Djamel Bourras ou la Marseillaise de David Douillet, elle nous a fait vibrer avec autant d'intensité.
Hier, comme modèle de la Marianne, on prenait Brigitte Bardot. Eh bien, j'aimerais bien que demain on puisse prendre Marie-Jo Pérec, ce ne serait quand même pas mal !
Mme Sinclair : D'ailleurs le symbole ne serait pas inintéressant.
M. Drut : Exact.
Mme Sinclair : Merci beaucoup, Guy Drut, d'avoir participé à ce 7 Sur 7.
Dimanche prochain, je recevrai Jack LANG.
Dans un instant, le journal de 20 heures de Claire Chazal.
Merci à tous.
Bonsoir.