Texte intégral
Le Figaro - 16 décembre 1999
LE FIGARO : Vous abandonnez votre mandat de député européen. Pourquoi avoir dit, pendant la campagne des élections européennes, que vous iriez siéger à Strasbourg ?
FRANÇOIS BAYROU : Ce que j’ai dit pendant la campagne, c’était exactement ceci : je siégerai à Strasbourg tout en conservant ma responsabilité locale dans les Pyrénées. J’avais fait un choix, qui était d’être un élu européen enraciné. Et j’ai assumé sérieusement ces deux mandats pendant six mois avec assiduité. Mais aujourd’hui, le gouvernement a décidé de changer la règle du jeu. Les parlementaires européens, et eux seuls, contrairement à tous les autres – députés nationaux, sénateurs ou ministres –, vont être interdits de fonctions locales. Ce choix est injuste : pourquoi deux poids, deux mesures ? Ce choix est antieuropéen. Etre un élu local, amené à pratiquer l’Europe sur le terrain, c’est un « plus » pour l’Europe. En tout cas, pour moi, c’est clair : puisqu’on m’oblige à choisir entre mes racines et le mandat européen, je choisis mes racines. Je ne me laisserai pas déraciner. Jamais.
LE FIGARO : Mais vous avez mené la liste qui s’affichait comme la plus européenne…
FRANÇOIS BAYROU : En quelques mois, notre liste a joué un grand rôle au Parlement européen. Ce rôle, naturellement, continuera. Nicole Fontaine a été élue à la présidence du Parlement européen. Forte de cette mission éminente, elle continuera à défendre nos idées. Jean-Louis Bourlanges est rapporteur général du budget européen. Alain Lamassoure, le général Morillon, pour ne citer qu’eux, sont devenus en quelques mois des pivots du Parlement. Et Françoise de Veyrinas, ancien ministre de la Ville, qui me remplacera, va apporter au Parlement européen une expérience précieuse. Pour moi, le combat est le même, il continuera à l’identique sur le terrain national. Et, comme responsable du Parti populaire européen, je pratiquerai assidûment mes rencontres avec les autres responsables des grands mouvements européens.
LE FIGARO : Lors de la campagne, on se doutait de l’évolution à venir de la loi sur le cumul des mandats. Pourquoi n’avoir pas mis cartes sur table ?
FRANÇOIS BAYROU : Pas du tout. Le gouvernement avait un projet sur le cumul des mandats qui était le même pour tous les mandats parlementaires. On peut en discuter, mais, au moins, le traitement était le même pour tous. Je n’aurais jamais imaginé qu’il accepterait de prendre pour cible les parlementaires européens, et eux seuls. Beaucoup de socialistes, d’ailleurs, pensent comme moi, mais ils n’osent pas le dire. Je mènerai moi-même, à l’Assemblée nationale, même s’il ne reste qu’une chance sur cent de changer la loi, le combat contre cette injustice.
LE FIGARO : Les chefs de parti ayant du mal à se détacher de la scène française et à tenir leurs engagements, ne faudrait-il pas désigner de vrais techniciens de l’Europe pour mener les listes aux européennes ?
FRANÇOIS BAYROU : Des techniciens, bien sûr, il en faut. Mais l’Europe n’est pas affaire de techniciens. Elle est affaire de politiques engagés. L’Europe, ce n’est pas une affaire bruxelloise. C’est une affaire de terrain. C’est un enjeu pour tous les Français. C’est aux politiques, français et européens, de la prendre en charge, de se battre pour elle, de la simplifier.
C’est le combat que je menais à Strasbourg et que mes colistiers continueront, comme pour ma part, je le mènerai en France.
DECLARATION DE FRANÇOIS BAYROU - Samedi 18 décembre 1999
Aujourd’hui 18 décembre, les parlementaires européens doivent choisir leur mandat.
Au terme de ma réflexion, ayant envisagé toutes les difficultés et toutes les possibilités, je me suis posé une seule question : où est le choix de l’avenir ?
Et à cette question, il me semble que l’on peut apporter avec certitude deux réponses :
L’avenir sera au respect des engagements pris. Une parole est une parole, et la parole donnée ne peut pas être reprise.
L’avenir, c’est aussi celui de la France, dont le destin dépend désormais de la réussite ou de l’échec du projet européen. Les leaders politiques français ne peuvent donc pas, pour l’avenir, déserter le Parlement européen.
J’ai donc pris ma décision, et malgré toutes les difficultés qu’elle représente pour moi, ce choix me rend profondément heureux.
Je respecterai l’engagement que j’ai pris devant les Français. Je siégerai au Parlement européen et j’y mènerai le combat auquel je me suis engagé.
Je n’abandonnerai pas mes racines. Je choisis de demeurer Président du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, au Parlement de Navarre.
Pour me conformer à la loi, j’abandonne aujourd’hui mon mandat de député national.
Pour l’UDF et en son nom, je choisis l’avenir, la cohérence, la parole respectée.