Texte intégral
TF1 – 7 novembre 1999
Ruth Elkrief. - Bonsoir. Je suis très heureuse de vous retrouver pour ce 10e numéro de « 19:00 dimanche ». Nous allons bien sûr rester un instant dans l'ambiance du rugby en nous rendant à la tour Eiffel où viennent d'arriver les joueurs du XV de France. Nous parlerons un peu rugby mais surtout politique générale avec Jean-Pierre Chevènement qui s'exprimera pour la première fois depuis la démission de Dominique Strauss-Kahn. Nous reviendrons avec le ministre de l'intérieur sur ses principaux dossiers, les sans-papiers ou la sécurité et nous regarderons ensemble un reportage sur l'accueil des jeunes délinquants dans un centre dirigé par des militaires. Enfin, nous finirons en musique avec une Patricia Kaas intime qui, à quelques jours de ses concerts au Zénith de Paris, s'est confiée à notre équipe. Je vous le disais, on va donc retrouver la fête du rugby à la tour Eiffel, le XV de France a perdu mais les Français ne les boudent pas pour autant, ils applaudissent l'exploit : être arrivé en finale. Voilà, on va retrouver donc Roger Zabel, vous êtes à la tour Eiffel, l'ambiance est formidable, ils viennent d'arriver, comment cela se passe ?
Roger Zabel . - Oui, Ruth… pardonnez-moi mais je n'ai pas entendu votre question…
Ruth Elkrief. - Je voulais juste avoir évidemment une note d'ambiance parce que les joueurs sont arrivés il y a peu de temps à la tour Eiffel, on les a vu en direct sur TF1 et donc je voulais un petit peu savoir si la fête continuait à la tour Eiffel.
Roger Zabel. - Voilà, les joueurs du XV de France qui sont actuellement en train d'être présentés sur cette scène que vous découvrez maintenant, ces joueurs qui sont arrivés il y a quelques minutes seulement ici, sous la tour Eiffel où 30 000 spectateurs se sont amassés depuis le début de l'après-midi, ils les ont attendus. Et j'attends pour ma part, et je le vois arriver, Abdelatif Benazzi, l'un des héros de ce XV de France, Abdelatif Benazzi qui a été probablement l'un des meilleurs joueurs de cette Coupe du Monde. Abdelatif Benazzi, le voilà, qui a été non pas élu meilleur joueur mais ce n'est pas passé loin, Timorane (ph) est passé juste devant mais Abdel, vous avez été élu deuxième meilleur joueur de cette Coupe du Monde.
Abdelatif Benazzi, XV de France. - Ecoutez, moi ce qui me fait plaisir, c'est qu'on a regagné le respect de toutes les grandes nations de rugby et ça, c'est extraordinaire. Vous savez, quand on s'est engagé dans cette compétition de Coupe du Monde, on s'est posé beaucoup de questions et on a prouvé à force de travail et de compétition qu'on pouvait exister et je suis vraiment fier d'être vice-champion du monde aujourd'hui.
Roger Zabel. - Abdel, vous êtes arrivé avec probablement un peu de déception dans le coeur mais ce réconfort du public est tout simplement extraordinaire, ça a commencé à Orly tout à l'heure.
Abdelatif Benazzi. - Vraiment ça été une grande surprise, peut-être que ça été fait exprès, on ne nous a rien dit, on était un petit peu dans l'anonymat en Pays de Galles. Quand on voit ça, on se demande si on avait ramené le trophée, qu'est-ce que ça aurait été encore mais vraiment ça fait chaud au coeur et je voudrais tellement remercier ses gens qui nous ont soutenus dans notre mondial et ça, c'est fabuleux. Vous savez, on est comme des gosses. On est des gens simples qui travaillons un peu dans l'humilité mais quand on voit ça, ça donne envie d'être champion du monde la prochaine fois.
Roger Zabel. - Abdel, quelle image allez-vous garder ? Est-ce que ce sera celle de la victoire face aux Blacks qui restera probablement gravée à jamais dans l'histoire du rugby ?
Abdelatif Benazzi. - Vous savez, quand on s'est engagé dans cette Coupe du Monde, on n'était pas du tout favoris, on était outsiders et puis d'un seul coup, on s'est retrouvé devant les All Blacks. Et ça, je retiens cette semaine extraordinaire, cette semaine de travail acharné. Et puis on voulait relever tellement le défi ! Vous savez, les All Blacks, c'est le must, c'est le Brésil du football ! Je crois qu'on a tout donné pendant ce match-là. On voulait rééditer la performance en finale mais je crois qu'on est tombé sur une grande équipe d'Australie qui est habituée à ce genre de match. Mais je suis fier de toute mon équipe et je suis fier du travail qu'on a accompli.
Roger Zabel. - Abdel, ça vous donne envie de continuer encore à faire un petit bout de chemin avec ce XV de France ?
Abdelatif Benazzi. - Il est clair… que l'équipe est jeune, il y a un tournoi qu'il faut préparer. L'essentiel pour nous, c'est de ne pas redescendre de marche. On a montré notre potentiel et il faut y rester. Il faut viser encore plus haut.
Roger Zabel. - Merci Abdelatif Benazzi. Je suis désolé mais…
Ruth Elkrief. - Non, mais c'est très bien. Merci beaucoup Roger Zabel, merci beaucoup Abdelatif Benazzi d'avoir été en direct avec nous. C'est l'événement, c'est le direct, c'est le rugby sur TF1. Alors on continue évidemment, « 19:00 dimanche » reprend sa formule habituelle et le déroulement de l'émission, c'est bien sûr la rubrique des gens de la semaine préparée par Gilles Bouleau.
Agenda de la semaine
Ruth Elkrief. - Voilà, bien sûr, vous en saurez plus sur le rugby dans le journal de Claire Chazal après notre émission ; vous saurez tout sur la journée des joueurs qui sont arrivés, donc vous le savez, il y a un instant, à la tour Eiffel. Bonsoir Jean-Pierre Chevènement. Merci d'être avec nous. Vous venez de publier un livre chez Plon qui s'intitule « La République contre les bien-pensants » où vous déplorez une fois de plus le spectacle d'une France ouverte à tous vents, dominé par le politiquement correct, libéral et mondialiste. Alors on va en parler dans un instant mais le rugby, ça vous intéresse, vous l'homme de l'Est, l'homme de Belfort ? D'habitude c'est plutôt le football là-bas, non ?
Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. - Je ne peux pas dire que je sois spécialiste du rugby. Un humoriste a dit que c'est un jeu qui consistait à porter la balle aussi loin que possible vers le but adverse et à se défendre partout les moyens quasiment contre la poussée adverse, tous les moyens y compris la fracture du nez ou l'épaule luxée qui en d'autres circonstances vous voudraient une semaine de prison.
Ruth Elkrief. - C'est le ministre de l'intérieur qui parle…
Jean-Pierre Chevènement. - C'est un très beau jeu, je suis très fier de l'équipe de France qui a quand même montré ce qu'elle était capable contre les All Blacks…
Ruth Elkrief. - Et un petit peu moins pour la finale.
Jean-Pierre Chevènement. - Vous savez, nous avons été vaincus par une force physique supérieure il faut bien le dire.
Ruth Elkrief. - Dans votre livre, Jean-Pierre Chevènement, vous dites souvent… enfin vous dites en tout cas une phrase : jamais le masochisme national ne s'est mieux porté qu'aujourd'hui. J'ai envie de vous dire : regardez, la Coupe du Monde de football, quasiment la Coupe du Monde de rugby, ça montre que la France gagne, que la France peut gagner et ce masochisme national n'est pas vraiment d'actualité.
Jean-Pierre Chevènement. - Eh bien justement, il y a 15 jours, qui aurait imaginé que le XV de France aurait terminé en finale ? Personne. Et au contraire, nos rugbymen avaient le sentiment qu'ils faisaient l'objet de lazzi, de quolibets, ne se sentaient pas soutenus. Il a vraiment fallu la victoire en demi-finale contre les Néo-Zélandais pour qu'on se prenne à y croire. Et je trouve que c'est un exemple très caractéristique de la France. La même chose s'était passée pour la Coupe de football avec Aimé Jacquet et on a découvert finalement sur la fin qu'ils étaient capables du meilleur. Alors je crois que la France doit avoir une raisonnable confiance en elle-même, pas de masochisme, pas de chauvinisme non plus, mais aujourd'hui, le risque est plutôt l'autodénigrement.
Ruth Elkrief. - Oui, mais justement dans votre livre, vous ne parlez tout le temps de cet autodénigrement, vous le dénoncez mais j'ai envie de dire : est-ce que vous ne le propagez pas un petit peu à votre manière en disant souvent que la mondialisation est assassiné pour la France, quelle fait beaucoup de mal et qu'il faut s'en méfier ? Au contraire, il y a d'autres personnalités comme le Président de la République, Jacques Chirac, ou bien le nouveau ministre de l'Économie et des Finances, Christian Sautter, qui disent au contraire : il ne faut pas avoir peur de la mondialisation, la France est prête, la France a déjà gagné en partie.
Jean-Pierre Chevènement. - Je voudrais préciser que je parle de mondialisation libérale. Je ne suis évidemment pas contre les technologies, je ne suis pas contre Internet mais je vois que la mondialisation, c'est tout le pouvoir donné au capital, qui peut se déplacer librement, il n'y a plus aucun contrôle, avec ce que ça peut impliquer y compris le blanchiment de l'argent sale à une échelle totalement inédite. Et puis de l'autre côté, il y a des gens qui sont en quelque sorte attachées à la glèbe, qui sont assignés au local, qui ne peuvent pas se déplacer, ce sont les travailleurs d'un certain nombre d'entreprises qui sont victimes de restructuration…
Ruth Elkrief. - Mais ils ne bénéficient pas du tout de la mondialisation, pour vous ?
Jean-Pierre Chevènement. - Ecoutez, non, je vois les plans sociaux, je vois ce qui se passe par exemple chez moi à ALSTOM, je vois des groupes comme PECHINEY ou RHÔNE-POULENC qui ont été absorbés par des groupes étrangers plus puissants dont le siège social, par exemple pour PECHINEY, est à New-York. Je me souviens que c'est un des groupes nationalisés. Je m'inquiète quand même de l'évolution de nos structures productives dans cette partie extrêmement serrée. Et autant l'idée d'universalisme portait des valeurs auxquelles j'adhère, autant la mondialisation apparaît comme une sorte de phénomène subi devant lequel on ne peut pas grand chose sinon en définitive s'adapter.
Ruth Elkrief. - Mais Jean-Pierre Chevènement, vous n'êtes pas un peu isolé quand même sur ce thème à l'intérieur d'un gouvernement qui veut être dans la course, qui veut aussi être présent à l'étranger, qui veut que ses entreprises soient à l'étranger, qui veut aller à l'Organisation mondiale du commerce dans quelques semaines à Seattle défendre les couleurs de la France. Est-ce que dans votre discours, ce n'est pas un petit peu dépassé, ce n'est pas un petit peu d'une autre époque ?
Jean-Pierre Chevènement. - Si vous voulez, je suis tout à ma place dans ce gouvernement qui va à Seattle et je pense qu'il ne suffit pas d'aller à Seattle, il faut y aller dans un certain rapport de force. Et pour construire ce rapport de force, il faut s'appuyer sur la démocratie dont la nation qu'on le veuille ou non, reste le cadre privilégié. Par conséquent, il faut être le cas échéant capable de brandir comme on l'avait fait il y a quelques années au moment des négociations du GATT, le droit de veto, car c'est ce que font les Américains. Leurs négociateurs, ils travaillent sous le contrôle direct du congrès.
Ruth Elkrief. - Donc il faut y aller mais éventuellement utiliser le droit de veto et non pas faire la politique de la chaise vide comme le préconise Charles Pasqua dont parfois vous êtes assez proche dans votre livre.
Jean-Pierre Chevènement. - Je ne suis pas pour la politique de la chaise vide mais je crois à la nécessité de créer des rapports de force et au sein du gouvernement, j'ai quand même le droit de faire entendre ma voix. Le gouvernement n'est pas fait que de clones, c'est une majorité plurielle, donc diverse. ET moi je vois ce que sont les difficultés des couches populaires ; je pense qu'elles n'ont pas la partie si facile…
Ruth Elkrief. - Les autres ne les voient pas, ces difficultés ?
Jean-Pierre Chevènement.- Je pense que nos élites, prises dans le mouvement de la mondialisation…
Ruth Elkrief. - Je parle du gouvernement. Vous êtes le seul à le voir ?
Jean-Pierre Chevènement. - Disons que d'autres sont plus sensibles notamment au courant libéral libertaire qui apporte un certain concours à ce processus à contrôlé de déréglementations, de flexibilité, que j'appelle la mondialisation libérale.
Ruth Elkrief. - Alors évidemment nous allons parler de l'actualité et dans « Les gens de la semaine » qu'on a vu, il y avait évidemment Dominique Strauss-Kahn, le ministre de l'Économie et des Finances, qui a démissionné en début de semaine dernière. On va parler un petit peu de sa démission, des conséquences, des rapports entre la justice et les politiques – vous en parlez aussi dans votre livre. Est-ce qu'il a bien fait de démissionner, Dominique Strauss-Kahn ?
Jean-Pierre Chevènement. - Ecoutez, moi personnellement, quand je lui ai donné mon avis, mais il était trop tard, je le lui ai déconseillé. Je pense qu'il n'aurait pas dû démissionner parce qu'il y avait un vent médiatique, un ouragan médiatique sur la base de données qui étaient loin d'être avérées ; je pense qu'à partir du moment où Dominique Strauss-Kahn avez effectué une prestation, qu'il avait été payé mais qu'il avait déclaré ses honoraires au fisc, à partir du moment où cette opération avait abouti, je crois qui bénéficiera d'un non-lieu et par conséquent je dirais – mais c'est ma conception de la vie publique – que dans certains cas, il faut savoir résister aux vents médiatiques. Je l'ai bien fait dans d'autres circonstances que je ne veux pas vous rappeler…
Ruth Elkrief. - Si, on peut en parler, c'est pendant l'affaire Bonnet en Corse où beaucoup demandaient votre démission et vous n'avez pas démissionné.
Jean-Pierre Chevènement. - Effectivement je n'avais aucune raison de démissionner car j'avais donné des directives très précises qui étaient le respect de l'État de droit ; par ailleurs dans l'affaire du Golfe il y a dix ans, ou bien sur l'affaire dite des sans-papiers, je pense qu'il faut savoir expliquer ce qu'est sa position, défendre la position du gouvernement. Je respecte la décision de Dominique Strauss-Kahn, je suis persuadé qu'il l'a fait pour épargner au gouvernement une polémique mais d'une certaine manière, je pense que dans la vie politique, il faut savoir assumer certaines polémiques, surtout lorsqu'elles sont injustes et en l'occurrence je vous rappelle que Dominique Strauss-Kahn n'avait même pas été mis en examen, n'avait pas accès à son dossier. Il s'est trouvé confronté à une campagne qu'il ne maîtrisait absolument pas.
Ruth Elkrief. - Jean-Pierre Chevènement, Dominique Strauss-Kahn a lui-même reconnu dans son allocution de départ à Bercy qu'éventuellement peut-être des irrégularités de forme avaient été commises. Ça ne suffirait pas, selon vous ?
Jean-Pierre Chevènement. - Des irrégularités de forme, à mon avis, ne suffisent pas à discréditer un ministre très compétent, très capable, qui était un atout non seulement pour la gauche mais pour la France et qui aujourd'hui d'une certaine manière, nous manque.
Ruth Elkrief. - Jean-Pierre Chevènement, selon LIBERATION, LE QUOTIDIEN, il y aurait eu un faux. Il y aurait eu selon l'enquête de la police scientifique… c'est à dire vos services, Jean-Pierre Chevènement, aurait découvert que certains documents dans cette affaire, étaient des faux. Vous considérez que cela ne suffisait pas éventuellement pour démissionner ?
Jean-Pierre Chevènement. - Je peux vous dire qu'un certain nombre d'informations publiées dans la presse, sur la rame de papier et police de caractères, tout cela ne répond à aucune espèce de réalité. Donc je ne connais pas le dossier, je ne vais pas me prononcer sur un dossier que je ne connais pas, que Dominique Strauss-Kahn ne connaît pas non plus ; je constate simplement que les politiques, les ministres et plus généralement les élus ou les fonctionnaires investis d'autorité, travaillent aujourd'hui dans des conditions très difficiles, ils défendent l'intérêt public. Ils ont droit non pas à un privilège de juridiction, que je ne réclame pas, mais ils ont droit à une protection, une espèce de sas, par exemple une commission consultative qui pourrait se pencher sur les données d'une affaire et puis donner un avis dont la justice pourrait s'inspirer.
Ruth Elkrief. - Jean-Pierre Chevènement, vous défendez la République à longueur de pages, vous n'avez pas le sentiment que c'est vraiment défendre cette République que, lorsqu'il y a un soupçon, eh bien de démissionner, pour qu'il n'y ait aucune tâche sur un gouvernement qui défend la République ? J'ai du mal à comprendre.
Jean-Pierre Chevènement. - Non, moi je ne partage pas ce point de vue là : un gouvernement qui défend l'intérêt public a le droit de bénéficier d'un minimum de protection, en tout cas d'un minimum de débat public, d'un minimum de transparence ; il ne peut pas être ballotté comme bouchon sur la vague et pour moi, défendre la République, c'est défendre une haute idée de l'intérêt général. Et l'intérêt général…
Ruth Elkrief. - Et de la moralité personnelle, non ?
Jean-Pierre Chevènement. - Et de la moralité personnelle mais je pense que Dominique Strauss-Kahn n'y a pas manqué… enfin je ne le pense pas.
Ruth Elkrief. - Pour revenir à ces rapports entre la justice justement et les politiques, vous dénoncez dans votre livre la judiciarisation de la vie publique. Vous dites : ceux qui veulent nous faire croire que c'est un progrès, se trompent et vous dénoncez le concubinage entre policiers, juges et journalistes. Alors j'entends que vous demandez des protections. Ça veut dire que vous voulez revenir à un système antérieur où il y avait une sorte d'immunité et d'impunité des hommes politiques ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, pas du tout, ce n'est pas du tout ce que je vous ai dit. Je ne demande pas d'immunité, pas du tout, pas de privilège de juridiction.
Ruth Elkrief. - Vous avez demandé une commission consultative. N'importe quel délinquant éventuel n'a pas droit à ça !
Jean-Pierre Chevènement. - Une commission consultative qui pourrait éclairer un juge avant qu'il prenne un réquisitoire par exemple sur la base d'éléments sur lesquels d'ailleurs le principal accusateur de Dominique Strauss-Kahn est revenu. Je vous rappelle que Philippe Plantagenest a déclaré que…
Ruth Elkrief. - Qui était le numéro deux de la MNEF, la Mutuelle Nationale des Etudiants…
Jean-Pierre Chevènement. - Qui était le numéro deux de la MNEF… a déclaré que Dominique Strauss-Kahn avait effectivement rempli cette prestation. Donc je demande qu'on combatte les suspicions illégitimes. Puisque la présomption d'innocence qui est un grand principe de la justice, n'existe plus ; que le secret de l'instruction est bafoué tous les jours, alors je demande qu'il y ait un petit temps d'arrêt, ce que j'ai appelé une protection ou un sas, c'est à dire un moment de réflexion qui permette à tous les avis d'être produits. Ce qui permettrait au procureur par exemple de ne pas prendre une décision précipitée sous la pression de l'opinion justement…
Ruth Elkrief. - À propos de procureur, Monsieur le ministre, on a parlé… une personnalité, une magistrate, Anne-Josée Fulgeras (ph), le chef de la section des affaires financières du Parquet de Paris, a estimé avoir été écartée pour des raisons politiques. Est-ce que c'est le cas ? Et est-ce que finalement dans ce que vous dites, il n'y a pas un peu une envie cachée, parce que ça ne se fait pas beaucoup, de réintroduire une certaine influence, une certaine directivité sur la justice par le gouvernement, par le pouvoir ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, non, non, entendez-moi bien, Madame Fulgeras a reçu une autre affectation mais qui était prévue de longue date, qui est sans rapport avec l'affaire de la MNEF. C'est sans aucun rapport…
Ruth Elkrief. - Il n'y a pas de tentation d'intervenir ?
Jean-Pierre Chevènement. - Si moi je combats la judiciarisation de la vie politique, c'est que je crois à la responsabilité des hommes politiques devant les électeurs ; je crois au suffrage universel et je crois à l'intérêt public. Et je pense que les citoyens sont capables de juger quand des hommes politiques défendent ou ne défendent pas l'intérêt public. Donc vous voyez, le rôle du Parquet pour moi, doit être subordonné à l'intérêt public, c'est cela la République, c'est le sens de l'intérêt général, res publica !
Ruth Elkrief. - Mais Jean-Pierre Chevènement, est-ce que finalement, d'une certaine façon, cette réforme de la justice proposée par Madame Guigou qui vise à détacher, à enlever tout lien entre le Parquet et la Chancellerie, et le gouvernement pour être clair, est-ce que cette réforme, vous la sentez vraiment ? Vous n'y seriez pas un petit peu hostile ?
Jean-Pierre Chevènement. - Elle n'enlève pas tout lien puisque le ministre de la justice peut toujours adresser des directives…
Ruth Elkrief. - Générales.
Jean-Pierre Chevènement. - Générales, de politique pénale ou de politique civile, au Parquet. Donc la question qui se pose, c'est : si les Parquets n'obéissent pas à ces directives de politique générale, que se passe-t-il ? Comment leur responsabilité peut-elle être engagée ? Ou s'il y a de graves défaillances des juges dans l'accomplissement de leur tâche, comment est-ce que les citoyens peuvent avoir encore un recours. Donc il y aura un projet de loi organique qui sera sans doute publié prochainement et qui nous permettra d'y voir plus clair sur la responsabilité des juges, qui à mon avis est le pendant de la plus grande liberté qui leur ait laissée au niveau du Parquet, parce que je vous rappelle que les juges du siège étaient déjà indépendants ; et d'autre part, l'État doit conserver la possibilité de mettre en oeuvre une action publique car il défend l'intérêt général, le long terme.
Ruth Elkrief. - On va se retrouver dans un instant, Jean-Pierre Chevènement, juste après la pub pour continuer à parler des affaires et de la justice. À tout de suite.
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Ruth Elkrief. - On se retrouve avec Jean-Pierre Chevènement. Merci beaucoup, Monsieur le ministre, d'être sur ce plateau. On continue à parler de la démission de Dominique Strauss-Kahn et puis de ce qu'on appelle maintenant l'affaire de la MNEF, la Mutuelle des Etudiants de France. Donc apparemment, au-delà de l'affairisme, des « magouilles » entre guillemets, qui sont aux mains de la justice, il apparaît aussi un système de solidarité, des réseaux d'amitié, un fonctionnement un petit peu spécifique et notamment qui peut toucher des proches de Lionel Jospin. Est-ce que vous, vous le découvrez aujourd'hui et est-ce que ça peut toucher le gouvernement, le Premier ministre ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, écoutez, la MNEF c'est une chose ; le gouvernement, Lionel Jospin, c'en est une autre, ça n'a rien à voir. Et s'il y a des personnes qui sont mises en examen, ce n'est pas le cas pour le moment, elles auront à se défendre. À ma connaissance, mais je sais bien que c'est un raisonnement qui ne vaut guère, c'est un problème d'emplois présumés fictifs qui se pose pour quelques personnes. Je crois qu'il faut garder l'appréciation de la juste échelle. Encore une fois, je reconnais que ce raisonnement ne doit pas être tenu au-delà d'un certain point. Mais s'il y a des personnes…
Ruth Elkrief. - C'est quoi la limite ? C'est quantitatif ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, vous savez, il y a un proverbe qui dit : qui vole un oeuf, vole un boeuf. Mais malgré tout, je voudrais quand même introduire une certaine idée des proportions. Et j'ajoute que le gouvernement n'est évidemment en aucune manière concerné par cette affaire.
Ruth Elkrief. - Jean-Pierre Chevènement, je voudrais vous citer un éditorial de Laurent Joffrin dans le Nouvel Observateur cette semaine, qui dit : depuis des décennies, la mutuelle étudiante est une source de financement politique occulte pour le bénéfice de telles ou telles factions du parti socialiste. Si les élections à la MNEF sont aussi acharnées, c'est qu'elles donnent la clé d'un magot rondelet à qui les gagne, rocardiens du PSU, chevènementistes, trotskistes puis mitterrandistes l'ont tous éprouvé au fil de la longue histoire de la mutuelle. Évidemment il fait allusion au moment où chacune de ces factions du PS a dirigé la MNEF et par exemple il y avait un chevènementiste à la direction de la MNEF entre 1973 et 1979.
Jean-Pierre Chevènement. - Non, pas du tout. Entre 1973 et 1974, 1972 peut-être. Non, je peux vous dire qu'effectivement, la MNEF était gérée par les étudiants eux-mêmes. Le PSU était à la tête de la MNEF au début des années 70 et à un moment, le PSU a voulu sans décharger et il l'a fait sur le courant à l'époque minoritaire mais néanmoins puissant à l'intérieur du parti socialiste, qu'était le SERES (ph)…
Ruth Elkrief. - Votre courant.
Jean-Pierre Chevènement. - Mon courant. Le président de la MNEF qui était un ami très cher malheureusement aujourd'hui décédé, et d'une intégrité totale, a mis un peu d'ordre dans la MNEF. Ensuite nous avons été virés par le courant majoritaire et les faits auxquels vous faites allusion se déroulent, permettez-moi de vous le dire, dans les années 80 ou 90, mais très longtemps plus tard, au moins 15 ans plus tard. Donc je démens catégoriquement…
Ruth Elkrief. - Donc rien à voir… vous n'avez rien vu, vous ne savez rien et personne ne sait rien.
Jean-Pierre Chevènement. - Je démens catégoriquement que mes amis aient été pour quoi que ce soit dans d'éventuelles malversations qui sont d'ailleurs loin d'être prouvées. Et j'ajoute que l'attaque outrancière contre Lionel Jospin est tout à fait inacceptable, telle qu'elle s'est produite à l'Assemblée nationale mercredi dernier.
Ruth Elkrief. - Vous me donnez ainsi l'occasion de parler de la cohabitation puisque Lionel Jospin s'est défendu en quelque sorte en renvoyant l'opposition à ses propres turpitudes et en regardant vers la mairie de Paris : et ensuite le président Chirac a fait part de son étonnement sur cette affaire. Vous croyez que ça peut durer longtemps comme ça, cette cohabitation ?
Jean-Pierre Chevènement. - Ecoutez, je vous dirais qu'en cohabitation, le gouvernement assume l'essentiel de la responsabilité politique ; le gouvernement respecte les prérogatives du Président de la République ; le chef du gouvernement, Lionel Jospin, a le droit lui aussi à un minimum de respect. C'est ce que à quoi n'ont apparemment pas réfléchi les députés de l'opposition qui l'ont apostrophé comme ils l'ont fait. Il était tout à fait naturel que Lionel Jospin remette les cadrans à l'heure.
Ruth Elkrief. - Mais vous pensez qu'on peut continuer comme ça longtemps ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, d'ailleurs vous avez vu, ils se sont retrouvés dans les vestiaires de Cardiff ! Disons que la cohabitation est un système dans lequel chacun doit mettre un peu du sien en pendant qu'il y a au-dessus du Président et au-dessus du Premier ministre l'intérêt général, l'intérêt de la France et il y a aussi l'opinion publique qui les juge l'un et l'autre ; par conséquent, ils sont tenus à un certain code de bonne conduite, à une certaine discipline.
Ruth Elkrief. - Qui va se poursuivre, selon vous.
Jean-Pierre Chevènement. - Qui va se poursuivre sauf si naturellement le Président de la République décidait de mettre un terme à la cohabitation en dissolvant l'Assemblée nationale mais il doit être prudent…
Ruth Elkrief. - A l'intérieur de la majorité, le fait que Dominique Strauss-Kahn soit parti – il était connu pour ses idées plutôt modernistes, parfois certains disaient même libérales – vous êtes un peu content ? Vous vous dites « mes idées à moi qui ne sont pas vraiment libérales, vont prendre un peu plus de poil de la bête » ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, vous l'avez vu, je ne réagis pas du tout comme ça parce que je sais que le gouvernement doit couvrir un vaste terrain de sensibilité et que sa diversité même peut être un atout parce qu'elle lui permet une certaine capacité d'adaptation ; elle lui permet aussi une certaine sensibilité de l'opinion. Et je pense que naturellement le ministre de l'Économie et des Finances, il est proche du patronat, des milieux d'affaires, des milieux internationaux et je trouve que Dominique Strauss-Kahn avait de grands talents ; mais je croit pour connaître Christian Sautter, que Christian Sautter est un homme très compétent, très intelligent, parfaitement intègre.
Ruth Elkrief. - Tout va bien dans le meilleur des gouvernements.
Jean-Pierre Chevènement. - Je pense que nous avons un gouvernement qui est resserré mais en même temps assez divers pour épouser des sensibilités qui évidemment ne doivent pas devenir trop contradictoires.
Ruth Elkrief. - Un mot sur des dossiers évidemment que vous suivez directement : les sans-papiers. Il y a une circulaire du 11 octobre dernier, qui appelle les préfets à appliquer – je cite – les mesures d'éloignement prévues par la loi. Et dans cette circulaire du ministère de l'intérieur donc, vos vous étonnez que ces mesures d'éloignement soient anormalement basses. Alors évidemment cela met un peu d'ambiance dans cette majorité dont vous décriviez à l'instant qu'elle se portait très bien et les Verts vous ont accusé de lancer la chasse aux sans-papiers, d'avoir une politique indigne en la matière.
Jean-Pierre Chevènement. - Ecoutez, ils ne sont pas d'accord mais 85 % des Français, eux, sont d'accord avec une politique qui est à la fois ferme et juste. Juste en ce sens qu'elle a permis la régularisation de tous ceux qui avaient des liens de famille en France, Plus de 80 000, ou par ailleurs ceux qui n'ont pas ces liens de famille, ceux qui ne sont pas intégrés, plusieurs milliers de célibataires, près de 20 000 d'entre eux qui avaient une bonne intégration au pays, ont également été régularisés. Mais ceux qui ne répondent pas à ces critères, eh bien ils tombent sous le coup de la loi. Comment peut-on me reprocher de vouloir faire appliquer la loi alors que la moitié des préfets, dans certains départements, n'avaient même pas pris les arrêtés de reconduite à la frontière concernant les déboutés de la circulaire ? Je m'en suis aperçu, donc j'ai fait une circulaire car la loi doit être appliquée. Vous me permettez d'ajouter quelque chose ?
Ruth Elkrief. - Je vous en prie.
Jean-Pierre Chevènement. - La France reçoit 100 millions d'étrangers par an, visiteurs, bon, ils repartent pour la plupart d'entre eux, certains restent ; mais si nous voulons avoir une politique des visas plus libérale, ce qui est le cas du gouvernement, il faut que la législation du séjour soit appliquée. La liberté de circulation n'est pas la liberté d'installation.
Ruth Elkrief. - Le Parti communiste et les Verts demandent même le droit de vote des l'immigré aux élections locales. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Jean-Pierre Chevènement. - Ça, c'est une autre question. Personnellement, je suis plutôt favorable à la facilitation des naturalisations parce que je crois qu'il ne faut pas rompre le lien entre nationalité et citoyenneté.
Ruth Elkrief. - Mais pour le droit de vote ?
Jean-Pierre Chevènement. - On l'a fait, alors on a rompu ce lien pour les Européens communautaires. Il faudrait voir dans quelles conditions, si on le souhaite, on peut le faire, et à mon avis uniquement pour peut-être des étrangers qui ont une carte de résident de 10 ans et au moment du renouvellement, ça peut être en effet une mesure envisageable à mes yeux. Mais je ne veux pas me prononcer sur ce sujet tant que le gouvernement n'en a pas délibéré.
Ruth Elkrief. - Alors sur la sécurité, il y a eu un peu une recrudescence de violence urbaine ces derniers jours, à Grigny, à Villejuif. Ce n'est pas un nouvel échec de cette fameuse police de proximité dont vous vantez les mérites ?
Jean-Pierre Chevènement. - Non, je crois que l'équation de la politique de sécurité a été bien posée au colloque de Villepinte. Ce qui s'est passé à Grigny, c'est qu'après l'assassinat d'un jeune Zaïrois je crois, par un autre étranger d'ailleurs, un jeune, qui s'est d'ailleurs livré aux forces de police, il a fallu faire face à des émeutes urbaines qui s'inspiraient de la loi du talion.
Ruth Elkrief. - Donc ça continue malgré vos mesures.
Jean-Pierre Chevènement. - Non, ça veut dire que la tâche de la police est une tâche très difficile, très ingrate, à laquelle moi je rends hommage et dont il faut être conscient et qui consiste à faire prévaloir la loi républicaine sur la loi du talion. Pour le reste, la délinquance, je tiens à vous dire, pour les neuf premiers mois de cette année, est contenue ; et la politique de proximité que je m'efforce de mettre en oeuvre va de pair avec le recrutement d'adjoints de sécurité, 13 000 à ce jour, la conclusion de 300 contrats locaux de sécurité, 400 restent à conclure. Et puis beaucoup d'autres mesures comme par exemple la fidélisation de forces mobiles parce que nous essayons de passer d'une police d'ordre qui est un peu notre tradition, à une police de proximité davantage axée sur la prévention.
Ruth Elkrief. - Justement à propos de la prévention, vous aviez eu un débat avec Elisabeth Guigou sur les jeunes délinquants et les délinquants multirécidivistes. Vous aviez parlé de sauvageons à l'époque, de maison de redressement. Alors je voudrais que…
Jean-Pierre Chevènement. - Non, non, j'avais parlé de centres de retenue et de sauvageon à l'époque d'un jeune de 14 ans qui avait assassiné une épicière à Pavilly en Seine-Maritime. Donc j'avais dit « c'est un sauvageon »… un arbre qui n'a pas été greffé. C'est-à-dire que la responsabilité est quand même des parents d'abord.
Ruth Elkrief. - Alors on va regarder ensemble ce reportage de Liseron Boudoul dans un centre d'accueil en Auvergne, qui est tenu par des militaires.
Liseron Boudoul. - Ils ont entre 16 et 19 ans, ils viennent des banlieues des grandes villes. Tous délinquants multirécidivistes. Vols, agressions, trafics de drogue. C'est le juge qui les a placés dans ce centre perdu au milieu des bois en Auvergne, en dernier recours. Certains d'entre eux ont déjà fait de la prison. Ici, on leur demande de suivre le règlement : on respecte les horaires et la vie en commun. Sept heures, tout le monde dehors pour le réveil musculaire. Trois mois de stage au grand air pour découvrir l'effort et la discipline. Un chef d'équipe à l'écoute constamment un groupe de trois ou quatre jeunes.
Adjudant Jean-Claude Fontaine, chef de stage. - Il faut être en permanence derrière eux, il ne faut jamais leur faire confiance, il faut toujours être derrière.
Liseron Boudoul. - Obligatoires, les rassemblements ; il y en a deux par jour. Obligatoires aussi, les cours de remise à niveau scolaire. Pour certains, une simple addition pose problème.
Colette Matthieu, institutrice au centre. - Ce que je veux leur montrer, celle que tout le monde est capable de progresser. On peut arriver en ne sachant rien et partir en sachant un peu plus.
Rachid, 17 ans. - Moi je regrette ce que j'ai fait avant, j'ai fait de la peine à mes parents et tout, il s'est passé plein de choses.
Liseron Boudoul. - Ça vous a fait réagir de vous retrouver ici dans ce centre ?
Rachid. - Oui, ça fait réagir un petit peu mais ça énerve un petit peu aussi.
Liseron Boudoul. - Pourquoi ?
Rachid. - Parce que je n'ai pas l'habitude des chefs, de les appeler « chef », de faire tout ce qu'ils disent et tout. Moi je viens d'une banlieue, ce n'est pas pareil.
Liseron Boudoul. - Chacun effectue ici un travail d'intérêt général. Difficile de faire accepter ce nouveau rythme de vie à ces jeunes que les parents non pas pu ou su raisonner. Pas de cigarettes durant les activités, alcool interdit, sorties non autorisées, respect envers les chefs, tout manquement au règlement est sanctionné.
Sergent Didier Bouteiller, chef d'équipe. - Pour qu'une punition soit réellement constructive on va dire, il faut qu'elle ne soit pas répétitive. Donc là en l'occurrence c'est le téléphone, la prochaine fois, ce sera une marche… Bon, on s'en va, on aime bien tous marcher… On va faire une petite balade histoire de leur montrer que si on fait des bêtises dans la vie, il y a toujours une réponse.
Liseron Boudoul. - À la fois de la journée, il reste encore beaucoup d'énergie. Ici, on peut la canaliser mais après ? Le centre élabore pour chacun des adolescents un projet de stage professionnel à la sortie.
Jeune. - Bien sûr que j'ai envie de m'en sortir, je n'ai pas envie de galérer toute ma vie, j'ai envie d'avoir une maison, j'ai envie d'être comme tout le monde, d'avoir des sous et tout ça. Mais c'est le plus dur parce que c'est trop galère en fait.
Liseron Boudoul. - C'est facile de dériver vers la délinquance ?
Jeune. - C'est trop facile. C'est trop facile mais des fois, on n'a pas le choix aussi. Quand vous voyez que vous êtes obligé de payer de la bouffe pour la famille, eh bien je vous le dis, vous n'avez pas le choix, quand il n'y a pas de sous. Quand à 13 ans, vous êtes obligé de mendier 200 francs pour votre mère, ce n'est pas normal. C'est déjà que l'État, il merde en quelque sorte.
Liseron Boudoul. - Ils ont presque tous le même vécu mais entre eux, souvent, les relations dégénèrent. Ce jour là, nous assistons au renvoi d'un jeune de 16 ans qui a dépassé les limites.
Commandant Bertrand Chanoine, directeur du centre JET. - Ce jeune a commis des actes de violence sur un, voir d'autres jeunes. J'ai donc demandé au juge des enfants qui me l'avait placé, de bien vouloir le reprendre ; il fait l'objet d'une mesure pénale qui peut très bien le ramener en prison si le juge le souhaite.
Liseron Boudoul. - 30 % des délinquants qui passent par ce centre, s'en sortent ; et le coût d'un séjour ici, il est de 750 francs par jeunes et par jour.
Ruth Elkrief. - Réaction, Jean-Pierre Chevènement ?
Jean-Pierre Chevènement. - Vous savez, la délinquance des mineurs malheureusement, est une réalité de plus en plus préoccupante. En l'espace d'à peine 10 ans, Elle a augmente de 75 %.
Ruth Elkrief. - Ça, c'est une solution ?
Jean-Pierre Chevènement. - Je dirais que la vraie solution, elle est dans l'éducation, c'est la responsabilité d'abord de la famille. Et quand l'éducation, quand la prévention échoue, la sanction est inévitable. Elle est nécessaire, elle est un rappel à la règle ; elle a une valeur pédagogique. Et naturellement la réinsertion doit aussi être un souci. Ce centre obtient à ma connaissance de bons résultats parce que ce sont des jeunes très déstructurés et il faut leur inculquer une certaine discipline de vie. Naturellement j'ai obtenu – mais c'est Elisabeth Guigou qui en profite – la création de centres de placement immédiat, strictement contrôlés, qui seront une cinquantaine, quinze d'ici la fin de l'année pour je dirais éviter un phénomène qu'on voyait se reproduire trop souvent, c'est-à-dire des mineurs multirécidivistes qui se retrouvaient deux heures après sur le lieu de leur délit.
Ruth Elkrief. - Jean-Pierre Chevènement, question très très brève. Sur la Corse… on a eu il y a quelques semaines un exemple de bon travail de la police en ce qui concerne Maurice Papon. Et puis on se demande peut-être un peu : mais pourquoi est-ce qu'on ne retrouve pas aussi vite, aussi bien Yvan Colonna ?
Jean-Pierre Chevènement. - Vous savez, le problème n'est pas simple compte tenu de l'environnement… Mais moi j'ai bon espoir qu'un jour, Yvan Colonna sera arrêté. Je pense…
Ruth Elkrief. - Je précise que c'est l'assassin présumé du préfet Erignac. Et donc la Corse, c'est plus difficile que la Suisse.
Jean-Pierre Chevènement. - Bien entendu. Disons que le niveau de violence actuellement, même s'il marque une certaine recrudescence, est très inférieur à ce que nous avons connu dans les années 95-96 et même 97. Je crois que la politique du gouvernement n'a pas changé.
Ruth Elkrief. - Un petit mot sur la Tchétchénie. Vous étiez contre l'intervention au Kosovo. Vous ne l'avez pas caché. J'ai envie de dire : alors maintenant le fait que personne n'intervienne pour aider les Tchétchènes, ça vous convient plutôt.
Jean-Pierre Chevènement. - Non, je ne dis pas ça. Bien sûr la Tchétchénie est partie intégrante de la Russie. Et par ailleurs, je ne sous-estime pas la complexité du problème posé. Vous avez entendu parler des prises d'otages, du terrorisme qui sévit là-bas. Mais je pense qu'il y a une proportion en toute chose, entre les moyens qu'on emploie et la fin qu'on poursuit. Et ce que je pensais sur le Kosovo, je pense aussi sur la Tchétchénie.
Ruth Elkrief. - Donc ce qui se passe vous convient plutôt.
Jean-Pierre Chevènement. - Non, vous ne m'avez pas bien compris.
Ruth Elkrief. - Non, peut-être.
Jean-Pierre Chevènement. - Non, j'ai trouvé qu'il y avait une certaine disproportion. Moi je suis partisan d'une utilisation graduée de la force. Je ne suis pas un pacifiste contrairement à ce que croient certains ; je suis pour l'emploi de la force mais proportionnée.
Ruth Elkrief. - Un dernier mot sur vous personnellement : il y a à peu près un an, vous aviez cet accident d'anesthésie et vous avez été hospitalisé et absent du gouvernement, mais vous êtes évidemment revenu. Vous avez changé ?
Jean-Pierre Chevènement. - Disons que je mesure mieux ce qu'est une vie, sa brièveté et je dirais le bon usage qu'il faudrait en faire. Disons que je mesure peut-être mieux encore aujourd'hui qu'il y a quelques mois à quelle point c'était quand même pour moi un événement j'allais dire… non pas important, mais quelque chose qui a été un choc dans ma vie. Maintenant je dirais que je me suis remis au travail et c'est cela qui m'a remis sur pieds.
Ruth Elkrief. - Vous avez plus de sérénité ou au contraire plus d'âpreté au combat, politique je veux dire ?
Jean-Pierre Chevènement. - Oh j'ai toujours été combatif mais en même temps j'ai toujours été assez distancié. Je pense que je suis peut-être encore un peu plus distancié. Mais je fais ce que j'ai à faire tant que j'ai le sentiment de servir l'intérêt de mon pays.
Ruth Elkrief. - Merci beaucoup Jean-Pierre Chevènement. Pour finir, de la musique avec Patricia Kaas. Elle sera au Zénith la semaine prochaine, elle est déjà en tournée en France. Cécile Timoreau et Bernard Garnier étaient dans les coulisses de son dernier concert.
Cécile Timoreau. - Peau diaphane, silhouette frêle, Patricia Kaas, 33 ans, est pourtant une athlète de haut niveau, spécialiste du marathon médiatique. Elle enchaîne quotidiennement les exercices imposés de l'interview et répond avec la grâce d'une gymnase aux questions répétitives des journalistes.
Patricia Kaas. - Ça fait rire les gens quand je dis que quand je pars en tournée, c'est les vacances.
Cécile Timoreau. - Des vacances proches du surmenage : 5 à 10 interviews par jour et des voyages d'une ville à l'autre. Mais invariablement, à 17 heures, commencent les répétitions.
Patricia Kaas. - J'ai toujours aimé la musique. J'avais 7 ans ou 8 ans, on m'avait offert un petit lecteur mono et je prenais les petits micros en plastique et je chantais devant le miroir dans ma chambre. J'ai fait mon premier groupe, j'avais à peine 9 ans. Je suis passée par les bals du samedi soir, les fêtes de la bière en Allemagne et ça paraît dur, mais ça été la meilleure école pour moi au niveau musique. C'est pour ça que la scène ne me fait pas peur aujourd'hui.
Cécile Timoreau. - Sa tournée doit durer six mois, elle se rôde peu à peu.
Patricia Kaas. - Cette nuit, j'ai changé toute la liste des titres, donc pour toute l'équipe, que ce soit les lumières ou le son ou même les musiciens parce que par exemple les guitares, elles sont programmées dans un ordre… les sons sont programmés dans un ordre et là j'ai tout chamboulé. Quand je suis arrivée avec la nouvelle liste, ils étaient tout là : oh non !
Cécile Timoreau. - Une heure avant le concert, Patricia s'isole dans sa loge ; elle se coiffe et se maquille elle-même.
Patricia Kaas. - En général, j'ai 15 minutes de retard, dans la vie… je ne sais pas, bizarrement, j'ai toujours 15 minutes de retard.
Cécile Timoreau. - Patricia est enfin prête ; elle entre en scène en retard comme toujours. Et en un instant, la petite fille au nounours devient star. Fin du concert. Quelques habitués ont su déjouer le service d'ordre pour rejoindre leur idole.
Patricia Kaas. - J'y ai pris goût, c'est beau le succès et je ne pourrais pas m'en passer. J'aime chanter. J'aime être sur scène surtout et en plus je ne sais pas, je m'imagine difficilement ma vie sans tout ça.
Cécile Timoreau. - Une heure du matin, la journée se termine enfin. Demain, la star chantera dans une autre ville ou un autre pays car Patricia Kaas se produit souvent à l'étranger. C'est la chanteuse française la plus populaire dans le monde.
Ruth Elkrief. - Voilà, merci d'être restés avec nous. La semaine prochaine, je recevrai Charles Pasqua et je vous laisse tout de suite avec le journal de Claire Chazal qui elle, a le XV de France.
Le Figaro - 8 novembre 1999
Le Figaro : A qui ne plaira pas ce livre ?
J.P. Chevènement : « A ceux qui se sont installés dans la routine de pensée, à ceux qui ne se posent plus de questions. Or la République n'est vivante que si elle se pose des questions. J'ai écrit ce livre pour montrer le sens de l'action que je mène comme ministre de l'Intérieur mais c'est aussi une interrogation sur la pratique politique qui s'est développée depuis un certain nombre d'années. Ses défauts – primat de la communication sur l'action notamment – deviennent toujours plus caricaturaux. Que reste-t-il de la responsabilité politique, de la capacité à indiquer une direction, à la faire ratifier par le peuple, à la mettre en oeuvre ? Bref que reste-il de la démocratie ? »
Le Figaro : Peut-on dater le début de cette dérive ?
- « La soumission aux médias, c'est-à-dire à l'immédiat, a commencé dans les années 70, mais elle s'est énormément amplifiée dans les années 80 et 90. Aujourd'hui, on compense par une sorte de « vertuisme ». Autant je suis pour la vertu autant je me méfie du « vertuisme » ! Car la politique se définit par l'action et pas seulement par les intentions. »
Le Figaro : Vous donnez parfois le sentiment que la République est en danger…
- « Pour moi, la République comme expression de la souveraineté populaire, telle qu'elle se forge à travers un libre débat qui implique tous les citoyens et se traduit dans une action collective, est en danger : les vraies décisions échappent aux citoyens, non pas seulement du fait de la mondialisation libérale, mais parce que la France, dans cette mondialisation, se résigne trop vite à ne pas exister. Bien sûr, nous ne pouvons pas nous extraire du monde tel qu'il est mais il y a des solidarités profondes, et des spécificités françaises – notre langue au premier chef – qu'il faut préserver. Elles expriment une histoire partagée et un vouloir vivre ensemble qu'il faut maintenir. »
Le Figaro : Ce livre sur la République et les bien-pensants, c'est le livre d'un républicain, d'un socialiste, d'un patriote ?
- « J'avais envie, comme ministre de l'Intérieur, de faire le point : c'est d'abord un livre bilan deux ans et demi après mon arrivée Place Beauvau. Mais je voulais surtout répondre à une question qu'on me pose souvent : comment peut-on être en même temps ministre de l'Intérieur et homme de gauche ? »
Le Figaro : En quoi ce livre est-il celui d'un homme de gauche ?
- « Je n'ai pas de culte des essences. Le concept de citoyenneté, que je développe en m'appuyant sur d'autres notions, comme la laïcité, l'accès des jeunes Français nés de l'immigration à la citoyenneté suffit à mon sens à illustrer la démarche d'un homme de gauche. »
Le Figaro : Elle pourrait être celle d'un homme de droite...
- « Peut-être, mais qui aurait dépassé les tropismes de la droite ! »
Le Figaro : En quoi le gouvernement Jospin est-il de gauche ?
- « Lionel Jospin a fort bien expliqué que la gauche ne pouvait plus se définir aujourd'hui seulement à travers un projet, qu'elle devait assumer également un certain nombre de règles et de solidarités essentielles. Pour la gauche, c'est une mutation que je qualifierai de républicaine. Elle s'est opérée avec Lionel Jospin mais elle n'est pas encore achevée. C'est pourquoi le métier de ministre de l'Intérieur a aujourd'hui retrouvé certains charmes, à mes yeux du moins. »
Le Figaro : En quoi ?
- « Le rappel à la règle, qui est toujours à l'avantage des plus faibles, n'est pas aussi rebutant qu'il en a l'air, car il permet aussi de dire leur fait à des gens pour qui le refus de toute règle est le sommet de la modernité. »
Le Figaro : C'est presque réactionnaire comme discours… Vous ne vous sentez pas seul au Gouvernement au milieu de tous ceux que vous appelez les libéraux libertaires ?
- « Mais la règle permet seule d'échapper à la loi de la jungle. Je ne suis seul, peut-être, que dans le microcosme médiatique. Dans l'univers politique, l'adage selon lequel il serait « interdit d'interdire » a pris un coup de vieux ! Quant à l'opinion publique, croyez-moi, elle est très disposée à entendre le discours de la règle pour tous. »
Le Figaro : Le PS n'est-il pas dominé par la « deuxième gauche » ?
- « Le Parti socialiste est divisé. Beaucoup d'élus et surtout d'électeurs ne sont pas sur la pente libérale libertaire. Je n'ai pas besoin d'évoquer non plus la tradition du Parti communiste, même si , aujourd'hui, celui-ci risque de se perdre, en courant trop facilement, selon moi, derrière de nouvelles chimères (la liberté d'installation des sans-papiers par exemple). Les couches populaires ont du bon sens. Elles comprennent parfaitement un discours républicain articulé, même s'il paraît difficile voire incompréhensible aux élites branchées. »
Le Figaro : Quand vous reprochez à la gauche de ne pas protester lorsque de grands groupes français risquent d'être avalés par des capitaux étrangers, vous visez en fait les élites branchées et les « gauchistes pervertis »…
- « Je ne vise pas que ceux-là. Simplement, il ne me paraît possible de laisser ces restructurations s'opérer sans que l'État, garant de l'intérêt général, ait son mot à dire. »
Le Figaro : Comment réagissez-vous lorsque Michelin explique des milliers de licenciements par la dureté de la concurrence internationale. Vous vous indignez ? Ou vous voyez d'abord la sauvegarde d'une entreprise qui bat pavillon français ?
- « L'affaire Michelin, si emblématique qu'elle ait été, n'est pas la plus significative. Plus grave est le passage de Pechiney dans l'escarcelle d'un groupe dont le siège social est à New-York, ou le démantèlement d'Alstom au profit de General Electric d'un côté et d'ABB de l'autre, ou l'alliance inégale de Rhône-Poulenc avec Hoechst au sein de Novartis. A mon sens, les évolutions des structures productives sont plus préoccupantes sur le long terme que le plan social annoncé par Michelin. »
Le Figaro : Vous dénoncez « la judiciarisation de la vie publique ». Que vous inspire l'affaire Strauss-Kahn ?
On peut se poser la question de savoir ce que devient la responsabilité politique quand un ouragan médiatico-judiciaire se déchaîne sur la base de faits qui sont loin d'être avérés ou d'indications qu'en principe seul le juge devrait connaître et qui, elles aussi, sont loin de refléter une réalité établie comme on vient de le voir avec la demi-rétractation de Philippe Plantegenest. C'est un système terrifiant ! »
Le Figaro : C'est la loi du pilori ?
- « C'est la loi du pilori. Bien évidemment, je suis partisan de l'indépendance de la justice, mais comment l'indépendance de la justice peut-elle s'exercer dès lors que les deux principes fondateurs secrets de l'instruction et présomption d'innocence ne sont plus garantis ? Quelle contrepartie en termes de responsabilité viendra-t-elle équilibrer la montée du pouvoir des ??ges ? Celle-ci ne reflète-t-elle pas d'abord l'affaiblissement de la responsabilité politique ? On nous présente l'indépendance absolue des juges comme une exigence de l'opinion publique, affamée de vertu et de transparence. Mais n'est-ce pas, au contraire, la volonté d'abaisser le politique, corollaire du triomphe du marché, qui, à travers des campagnes médiatiques qui sont loin de refléter l'opinion de base, instrumentalisent la tentation de l'institution judiciaire de n'avoir plus de comptes à rendre qu'à elle-même ? »
Le Figaro : Êtes-vous favorable à la réforme de la justice qui se prépare ?
- « La réflexion gagne à se poursuivre. Ce qui vient de se passer autorise que l'on se pose des questions. Les ministres ne sont en aucun cas au-dessus des lois, mais il n'est pas admissible que des campagnes de presse puissent être menées à partir de faits qui n'existent pas pour contraindre un ministre à démissionner. »
Le Figaro : Si des informations confidentielles sont publiées dans les journaux, c'est aussi parce que les représentants de l'État parlent.
- « Pas dans ces circonstances ! Mais, comme disait Flaubert, « la bêtise est de conclure ». Donc, je ne conclus pas. Mais je m'interroge. Et j'ai le droit de faire partager mes interrogations. »
Le Figaro : Revenons à la démission de Dominique Strauss-Kahn…
Dominique Strauss-Kahn peut revenir. Sa personnalité, sa compétence apportaient beaucoup au gouvernement. Et à la France. Je regrette son départ, même si je ne partageais pas tous ses points de vue. Un gouvernement n'est pas fait de clones.
Le Figaro : Quel est votre sentiment sur la justice telle qu'elle fonctionne actuellement ?
- « Le fonctionnement de l'institution judiciaire est opaque. Et pas seulement pour moi. Les principes qu'elle affiche sont formidables, mais ils sont loin de la réalité ! J'en ai cité deux, je pourrais en citer d'autres. J'ai l'impression que moins l'État donnera d'instructions aux procureurs laissés libres de leur pratique, plus il laissera le champ ouvert à des réseaux d'influence, a des mouvances idéologiques ou syndicales qui, par définition, n'ont de compte à rendre à personne. »
Le Figaro : Dans votre livre, vous rappelez une phrase terrible de François Mitterrand qui vous dit : « A l'heure actuelle, la France ne peut plus faire autre chose que de passer à travers les gouttes ».
- « Il m'a dit ça la veille du congrès de Metz lorsque nous venions de refaire alliance. C'est une réflexion d'un homme né en 1916, au milieu de la grande boucherie. Cette phrase reflète un courant d'opinion qui a toujours existé en France. Mais, à force de vouloir passer à travers les gouttes, la France en a quand même pris plein la figure ! Donc, on peut comprendre ce réflexe après les épreuves qu'a connues notre pays au XXe siècle. Mais, moi, je suis plutôt sur la pente inverse : même si elle gêne, la voix de la France doit se faire entendre de manière distincte. La mondialisation n'empêche pas les nations d'exister. »
Le Figaro : Ça vous a terrifié d'entendre cela dans la bouche de Mitterrand ?
- « Je n'en ai mesuré que plus tard la portée. J'aurais préféré que face à la guerre du Golfe, par exemple, il ait l'attitude du général de Gaulle vis- à-vis de la guerre du Vietnam. Sur le long terme, la France s'y serait, à mon sens, mieux retrouvée. Mais je n'ai jamais soupçonné François Mitterrand de ne pas être un patriote. Il l'était à sa manière. »