Texte intégral
RTL : Les propos du chef de l’État sont fermes, des propos d’union : la France est une et indivisible. Des propos que vous approuverez bien évidemment ?
Daniel Vaillant : Il va de soi que, face à ces groupes de criminels et de tueurs et qui cassent la Corse depuis de nombreuses années, face à ce triste feuilleton de la violence en Corse, je crois que le discours du président de la République, qui a fait que les plus hautes autorités de l’État ont parlé d’une seule voix, était tout à fait ce qu’il convenait de dire. Mais je veux dire ici, à votre antenne que le président de la République peut compter sur la détermination du Gouvernement pour agir dans le sens de ce qu’il a dit. Je crois qu’il faut avoir cette volonté et ce discours, parler d’une seule voix mais, en même temps, que l’État ait une seule pratique. Et ça concerne tous les services : la police, la justice, le fisc, les douanes et un certain nombre de services publics qui doivent agir en conséquence. Je crois que le préfet Érignac lui-même s’était attelé à ce travail. Eh bien il faut le poursuivre, l’intensifier. Ça veut dire aussi que les Corses mêmes doivent prendre conscience qu’ils ont à contribuer à sortir de cette zone de non-droit.
RTL : Ça, c’est le sursaut ?
Daniel Vaillant : Oui, je crois qu’il faut ce sursaut. Hélas, il y a eu ce drame, cet homme, ce grand serviteur de l’État tué dans les conditions que l’on sait, cette émotion sur le continent, mais aussi en Corse. Il faut s’en saisir pour que les Corses mêmes aillent dans le sens de la rénovation et du retour à la pratique républicaine. Mais ça veut dire aussi que les Corses doivent aussi élire un certain nombre de personnes à l’occasion des élection locales en Corse, que ce soient les prochaines ou d’autres, qui eux-mêmes aient la même pratique, les mêmes discours à Paris et en Corse et qui collaborent avec l’État, les services de l’État. Je crois que c’est le vrai sursaut qu’il faut à la Corse.
RTL : Vous voulez dire que les élus n’ont pas toujours le même discours à Paris et en Corse ?
Daniel Vaillant : Je n’en sais rien. Il m’est arrivé récemment d’aller passer quelques jours en Corse. C’était quand j’étais numéro deux du PS. J’ai pu constater de la part d’un certain nombre d’élus, et notamment de Monsieur Zuccarelli qui est ministre de la République, cette volonté de faire en sorte qu’il y ait bien une clarification et qu’il y ait une nouvelle génération d’élus qui prennent les problèmes à bras-le-corps et qu’il y ait une vraie coopération avec les services de l’État. Je pense que c’est une nécessité et qu’il faut sortir un peu de la tradition corse que, quelquefois, on a tendance à prendre avec le sourire. Mais je crois qu’on ne peut plus sourire de ces choses. Il faut une détermination de tous.
RTL : Vous avez dit : le président de la République peut compter sur le Gouvernement pour agir. Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements se sont succédé, des plans ont été installés, mis en place, mais la situation est restée toujours la même. Alors comment concrètement, comptez-vous agir ?
Daniel Vaillant : Je crois quand même que ce qui a été mis en place depuis un certain nombre de mois… je ne dirais pas avec ce nouveau Gouvernement, je pense qu’il y a eu un virage utile du temps de Monsieur Juppé. Et je crois que l’État, y compris le préfet Érignac, faisait ce travail et qu’il faut surtout ne pas l’interrompre. Il y a eu ce drame parce qu’il y a sans doute quelques poignées de gens qui sont des criminels, des tueurs et qui font du mal à la Corse, qui n’aiment pas la Corse. Mais il ne faut pas baisser les bras, en aucune manière leur donner raison. Il faut accentuer, y compris en donnant les moyens nécessaires à tous les services de l’État, de manière à ce que ce travail entrepris soit poursuivi et accentué. Il faut sortir la Corse de l’impasse dans laquelle ces gens-là mettent.
RTL : On parle de dérive mafieuse, de la création d’une commission parlementaire sur l’utilisation des fonds publics en Corse. Vous y êtes favorable ?
Daniel Vaillant : C’est une initiative parlementaire et c’est pour cela que la commission des finances de l’Assemblée nationale se prononcera et que l’Assemblée elle-même se prononcera. Mais je peux vous dire que voilà un certain nombre de semaines qu’Émile Zuccarelli, et un certain nombre d’élus corses avec lui, avaient demandé cette commission d’enquête. Le Gouvernement y est favorable. Et donc, il dépend maintenant de l’Assemblée nationale de le décider, et je crois que cette commission d’enquête parlementaire, si elle devait voir le jour, devrait disposer de tous les moyens d’investigation pour éviter d’éventuelles erreurs qui seraient commises notamment dans l’utilisation des fonds publics en Corse. Je crois que c’est un élément pour assainir la situation.
RTL : Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas donnée suite à la proposition de Philippe Séguin de reporter les élections territoriales ?
Daniel Vaillant : Je crois qu’il ne faut surtout pas entretenir de polémique par rapport à cette Corse qui vient de recevoir un coup supplémentaire. Mais en même temps, je comprends la réponse de Jean-Pierre Chevènement. Céder à la pression, ça pourrait effectivement conduire à tenir compte de cette situation et à reporter des élections, je crois que ce ne serait pas raisonnable. La Corse, et le président de la République l’a dit, c’est la République, c’est un département, une région comme les autres. Je ne vois pas pourquoi, parce que ces salopards – excusez-moi ! – ont fait ce qu’ils ont fait, qu’il faudrait d’une certaine manière déplacer la date des élections en Corse.
RTL : Vous évoquiez, il y a un instant votre séjour en Corse, lorsque vous étiez responsable du Parti socialiste. La dérive mafieuse, vous en avez entendue parler ?
Daniel Vaillant : Oui, tout le monde en parle. En même temps, ce sont des mots, et je crois que les Corses n’attendent plus des mots ou des dénonciations. Ils attendent des actes, des gestes, une pratique, et je crois que c’est ce que le Gouvernement voudra mettre en place. Le Premier ministre l’a déjà dit, que ce soit par rapport à l’enquête, bien évidemment, qui doit être difficile, et c’est pour ça que je crois que les hommes publics ne devraient pas s’exprimer ou commenter l’enquête. Il y a une enquête, qu’elle aille à son terme. Moi, je ne sais pas quelle est l’origine. Ce n’est pas le travail des ministres ou des élus ou des hommes publics que de commenter. Que la justice, que la police fasse son travail et que, par ailleurs, il y ait la volonté et les gestes de l’État pour que la Corse redevienne une formidable région. Vous savez, les Corses – quand j’y étais, j’ai bien vu –, ils ont de la ressource. Je crois qu’il ne faut pas décourager les initiatives, notamment les initiatives innovantes pour le développement économique, pour le développement touristique. Je veux dire : ils méritent mieux que ces bandes de casseurs.
RTL : Acceptez-vous que certains parlent du « peuple corse » ?
Daniel Vaillant : Je crois qu’il ne faut pas, là encore, tomber dans les mots qui peuvent diviser de surcroît. Comme le président de la République l’a dit, il y a une spécificité corse, il y a une tradition corse, mais la Corse fait partie de la République. Il y a un peuple français, il y a des Corses. Ils sont dans le peuple français, ils sont dans la France, et je crois qu’il faut être solidaire des Corses. Ils en ont bien besoin dans cette période.