Texte intégral
Gérard Morin : N. Péry présentera, aujourd’hui en Conseil des ministres, le projet de loi pour une parité politique hommes-femmes. C’est une grande nouveauté que l’on attendait et qui va se concrétiser aujourd’hui. Quel est le sens général de cette action ?
Nicole Pery : D’abord je voudrais dire que c’est un projet de loi historique. Nous le jugerons ainsi. Vous savez que depuis tant de décennies nous attendons que les choses avancent naturellement. Nous sommes obligés aujourd’hui de constater que ce mouvement en profondeur ne se fait pas et qu’il faut donc un projet de loi pour que les partis politiques prennent leurs responsabilités et qu’il y a un mouvement de fond, une rénovation de la vie publique.
Gérard Morin : Depuis 1936, depuis 1944 le droit de vote aux femmes, depuis les années 1960 il y a eu des étapes importantes quand même ?
Nicole Pery : Bien sûr, le droit de vote c’est fondamental. Mais je dois quand même reconnaître que lorsque je m’exprime devant l’Assemblée ou le Sénat, ce sont encore assez massivement des assemblées d’hommes. Il fallait donc bouger les choses.
Gérard Morin : Tous les partis n’en présentent pas assez, elles n’obtiennent pas assez d’élus effectivement…
Nicole Pery : Oui. Ce projet de loi est d’application immédiate. C’est en ce sens qu’il est extrêmement précis et intéressant. Un nombre égal d’hommes et de femmes pour tous les scrutins de liste à la proportionnelle. Donc nous le verrons déjà dès 2001 pour les élections municipales. Nous le verrons en 2004 pour les élections régionales, pour les élections européennes. C’est donc un texte qui marque une très grande avancée.
Gérard Morin : Donc sur la liste pour les municipales à Bordeaux par exemple, le RPR ou le PS devront présenter chacun autant d’hommes que de femmes ?
Nicole Pery : Autant d’hommes que de femmes » : c’est la définition de L. Jospin. La parité c’est 50-50.
Gérard Morin : L’ordre n’est pas précisé en revanche dans le projet. Ça peut être 50 hommes d’abord ou 50 femmes d’abord, ou l’inverse ? C’est pas forcément l’alternance l’un après l’autre ?
Nicole Pery : Personnellement nous avons, et le Premier ministre également, souhaité un projet de loi simple, mais qui précise bien l’égalité citoyenne avec autant de femmes que d’hommes. Maintenant, c’est vrai qu’il y a des mouvements divers. J’écoute, je note que certains parlementaires disent qu’il faudrait aller plus loin et que la parité des candidatures ne suffira pas, qu’il faudra quelques clés plus contraignantes pour faire en sorte que les parties politiques ne mettent pas toutes les femmes en fin de liste.
Gérard Morin : Cela, vous êtes prête à l’entendre et à le faire avancer dans le débat parlementaire ?
Nicole Pery : Je suis toujours ouverte au débat. Nous sommes dans une démocratie bien vivante. L’option du Gouvernement a été un abord plus simple. Mais nous verrons l’évolution de ce débat.
Gérard Morin : Trois types de reproche sont déjà faits puisqu’on connaît la substance du projet, et certains disent : « C’est une coquille vide. » Que répondez-vous ?
Nicole Pery : C’est un mot pour le moins inadapté. D’autres disent que ce texte est inapplicable tellement il est ambitieux. Je pense que la ligne historique est clairement marquée. Mais quand on parle « de coquille vide » ce sont aussi des coups d’aiguillons, et que j’entends. Cela veut dire qu’il y a un certain mouvement, il y a des associations, des intellectuelles qui veulent que nous allions encore plus loin. Elles s’inscrivent dans ce débat.
Gérard Morin : Mme Alliot-Marie qui vient d’être élue président du RPR dit que c’est insultant le système des quotas pour les femmes. Que répondez-vous ?
Nicole Pery : J’aurais l’occasion d’en reparler avec elle-même, je le souhaite très vivement. Mandatée par le Premier ministre, j’ai établi une concertation avec tous les responsables des partis politiques - gauche plurielle, droite républicaine. Et donc je souhaite vivement rencontrer Mme Alliot-Marie.
Gérard Morin : Pas le Front national ?
Nicole Pery : Pas le Front national, c’est un choix politique de notre part. Bien sût que sa réussite personnelle est incontestable. Elle est nécessaire. Il faut qu’un certain nombre de femmes aient une réussite personnelle pour montrer la voie. Mais ce que je souhaite personnellement, ce n’est pas une addition de réussites personnelles, c’est vraiment un mouvement de fond, une entrée massive des femmes dans la vie publique, dans la vie politique, une vraie mixité des droits, des devoirs, des charges. Et pour ce mouvement de fond, il faut un projet de loi qui montre vraiment la voie.
Gérard Morin : Dites-moi si je me trompe, mais je n’ai pas vu de félicitations de votre part à Mme Alliot-Marie quand elle est devenue président du RPR, alors que vous en aviez adressées à N. Fontaine au Parlement européen, à H. Carrière d’Encausse…
Nicole Pery : C’est tout simple : nous habitons à quelques kilomètres l’une de l’autre. Et je trouvais plus sympathique de les lui faire de vive voix. Nous nous voyons très souvent.
Gérard Morin : Et ça s’est fait ?
Nicole Pery : Ça va se faire.
Gérard Morin : Autre type de critiques : « Il faut que l’égalité commence à la maison », c’est ce que dit E. Badinter par exemple. On peut faire quelque chose ou pas dans ce domaine ?
Nicole Pery : La vie citoyenne changera réellement quand l’égalité sera à tous les stades de la vie, j’en suis persuadée. J’ai la chance de vivre la parité domestique - dans mon couple nous partageons tout, et c’est possible.
Gérard Morin : Monsieur fait la vaisselle et le ménage ?
Nicole Pery : Il fait tout Monsieur ; il est maire d’une ville, et il fait aussi la cuisine et parfois le ménage. Donc c’est vrai que les femmes vont le dire - il va y avoir un débat - et elles vont le dire fortement. Il faut que la société permette une meilleure articulation entre leur vie personnelle, leur vie familiale, et leur vie professionnelle, leur vie civique.
Gérard Morin : D’où d’autres projets sur l’égalité professionnelle qui viendront après…
Nicole Pery : Je suis très heureuse que vous abordiez ce sujet. Le projet de loi sur la parité est un symbole très fort sur l’égalité citoyenne entre les hommes et les femmes, mais il ne représente pas évidemment tout ce que les femmes attendent. Les femmes aussi veulent que le Gouvernement intervienne dans des sujets très concrets - comme la garde des enfants, comme leur insertion dans le monde du travail, comme la possibilité pour elle de construire de vraies carrières, d’avoir des salaires qui se rapprochent de ceux des hommes. Ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Nous, nous travaillons pour tout un ensemble de sujets.