Texte intégral
Europe 1 : Aujourd’hui, l’Assemblée engage un grand débat sur l’immigration. Il sera passionné, dur mais en fin de compte, la loi Chevènement sera votée. Si un jour vous revenez au pouvoir, quel sort lui ferez-vous subir, vous qui réclamez des décisions durables dans l’intérêt de la République ? Garderez-vous cette loi ou chercherez-vous à l’abolir ?
François Léotard : Nous ne pouvons pas la garder. Elle sera modifiée, pour une raison simple : c’est qu’il s’agit de l’essentiel, de la conception que nous avons de la nation. Nous n’avons pas la même conception que les socialistes ou les communistes. Ce n’est pas une grande surface. Ce n’est pas un endroit où l’on rentre, on consomme et on sort, comme si de rien n’était. Pour nous, la nation, c’est une communauté d’objectifs, de destins ; c’est un destin partagé, la volonté d’être ensemble, le bonheur d’être ensemble.
Europe 1 : Le projet Chevènement est plutôt équilibré : il n’ouvre pas toutes grandes les portes de la France.
François Léotard : C’est ce qu’il a essayé de faire croire. Malheureusement, ce n’est pas le cas, car la gauche de la majorité, la partie la plus idéologique de la majorité l’a emporté sur les raisonnables. Petit à petit, on aboutit à un projet qui aujourd’hui dépénalise l’entrée irrégulière sur le territoire national, qui ouvre grand les portes pour un pseudo regroupement familial dont on n’a pas les moyens et qui, finalement, va créer une nouvelle fracture politique entre les Français, entre une immense majorité de Français qui veulent que cette question soit réglée avec dignité mais avec aussi courage et petite minorité d’idéologues qui croient qu’il faut ouvrir les frontières à l’ensemble du monde, ce qui n’est pas possible, bien évidemment.
Europe 1 : En attendant, dans ce débat, vous êtes partisan d’une motion de censure contre les lois Chevènement et Guigou, sur le code de la nationalité.
François Léotard : Pour une raison simple : c’est que je crois au pouvoir du Parlement. Je voudrais que petit à petit, cette République aille vers une reconnaissance des droits du Parlement. Dans l’ensemble des procédures que nous avons sous la main, la motion de censure permettrait de solenniser notre opposition, permettrait de montrer aux Français qu’il y a une droite républicaine qui est attachée à un certain nombre de principes quant à la nationalité, quant à l’immigration, et qu’elle dit avec force. Toutes les autres procédures sont des procédures qui présenteraient des difficultés juridiques.
Europe 1 : Vous voulez parler d’un référendum ? Giscard et Bayrou préconisent un référendum sur la nationalité et A. Madelin l’envisage sur l’immigration.
François Léotard : Il y a certainement un désir, chez les Français, d’avoir à s’exprimer sur ce sujet. Je crois qu’il faut simplement réfléchir sur quels textes ; premièrement, et, deuxièmement juridiquement, nous savons bien que ce n’est pas possible en période de cohabitation puisqu’il faut l’accord du Gouvernement ou des deux Chambres.
Europe 1 : C’est de la gesticulation ?
François Léotard : Je ne dis pas ce mot là
Europe 1 : C’est de la tactique ?
François Léotard : Plutôt de la tactique. Il y a vraiment une demande des Français pour se prononcer sur ce sujet. Cette demande est respectable. J’ai proposé une autre formule, si on veut vraiment utiliser le référendum, c’est que, par le référendum, on inscrive dans la Constitution – c’est l’article 89 – un certain nombre de principes concernant l’acquisition de la nationalité française. C’est une chose utile, parce que ça permettrait de solenniser l’acquisition de cette nationalité qui nous est chère.
Europe 1 : Dans « Le Figaro » de ce matin, vous jugez les six premiers mois du Gouvernement Jospin : « Le conte de fées va s’achever, dites-vous – vous jouez un peu les Cassandre – la politique menée est mauvaise ». Mauvaise ou quoi ?
François Léotard : Est-ce qu’on a créé un seul emploi en six mois ? Non seulement on ne l’a pas fait – bien sûr, ça va de soi – mais tous les textes qui nous ont été proposés sont des textes qui n’ont aucune incidence sur l’emploi et qui au contraire ont des incidences négatives.
Europe 1 : La loi sur les 35 heures !
François Léotard : Je prends date : les 35 heures auront des incidences négatives pour les salariés français, comme la loi Aubry, avec des emplois publics qui seront prélevés sur la compétitivité des entreprises françaises.
Europe 1 : C’est pour ça que vous allez faire campagne contre cette loi ?
François Léotard : En six mois – parce qu’en six mois, on peut juger un gouvernement – il y a eu beaucoup de mots, beaucoup d’attitudes, beaucoup de postures, peut-être une certaine habileté, en tout cas, aucune décision qui permette un redressement de l’emploi et une bataille contre le chômage. C’est des mots.
Europe 1 : Il y aura une campagne ?
François Léotard : Les Français, sur ce qu’est la nation française, le peuple français. Et nous en avons parlé avec beaucoup d’amitié, avec le Chef de l’État.
Europe 1 : Donc, il faut qu’il réfléchisse pour les prochaines batailles
François Léotard : Il n’a pas besoin de moi pour réfléchir
Europe 1 : Pour les prochaines batailles, il faut une lame. Est-ce que, dans l’état où elle est, l’UDF peut être une lame ?
François Léotard : Bien sûr, et une belle lame. Vous avez vu que, quand F. Bayrou est intervenu à l’Assemblée sur la nationalité, il a été excellent ; tous nos parlementaires ont été excellents dans ce débat. Nous allons continuer à nous battre. Nous n’avons pas à renoncer à ce mandat que nous avons reçu des Français, Nous battre contre les socialistes et communistes.
Europe 1 : Serez-vous vraiment candidat pour la région Paca jusqu’au bout ?
François Léotard : Bien sûr jusqu’au bout – je ne vais pas le répéter tous les matins !
Europe 1 : Donc vous résisterez à l’amicale pression de vos amis politiques qui préféreraient que vous n’y alliez pas ?
François Léotard : Vous savez on dérange toujours quelqu’un quelque part. C’est tout à fait simple. Je mène ce combat depuis longtemps. Je suis élu depuis 20 ans dans cette région. Mais je ne suis pas en touriste électoral, comme l’est M. Le Pen. C’est ma région et celle de ma famille depuis des générations. Donc je mène ce combat à la foi contre une extrême droite que je trouve dangereuse et contre le Parti socialiste qui s’allie là de façon tout à fait honteuse avec les communistes.
Europe 1 : Vous pensez que le RPR et l’UDF doivent adopter une attitude commune à l’égard ou à l’encontre du Front national ? Et vous pensez que vous le ferez ?
François Léotard : Oui bien entendu. Je ne suis pas du tout inquiet. Il n’y a pas un parlementaire actuel de l’opposition qui ait été élu avec les voix déclarées du Front national. Ce n’est pas le cas de la gauche. M. Le Pen a demandé à ses militants et à ses adhérents de le faire : la gauche a été élue avec des voix du Front national. Nous, nous n’avons pas ce reproche. Alors qu’on ne vienne pas tous les matins nous donner des leçons de morale !
Europe 1 : Suggérez-vous aussi que, dans aucune région, un RPR ou un UDF n’accepte les voix des élus Front national pour devenir président de région ?
François Léotard : On le répète tous les jours, on ne va pas en faire l’essentiel de notre campagne ! Pour ce qui me concerne, ça fait des années que je le fais – que je le fais et non que je le dis – et donc j’espère que vous saurez me croire.