Interview de M. Pascal Clément, secrétaire général du PR, à RMC le 4 décembre 1996, sur l'attentat à la station de RER de Port-Royal et sur l'amendement voté au Sénat sur la réduction de l'impôt sur la fortune.

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Circonstance : Attentat terroriste à la station de RER de Port-Royal à Paris le 3 décembre 1996 : 4 morts et des dizaines de blessés

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

P. Lapousterle : Coup de chapeau à Mme Rudetzki ?

P. Clément : Oui, car quelles que soient les phrases de solidarité que l’on dit pour les victimes ou leurs familles, Mme Rudetzki présente l’avantage d’avoir créé une association qui accompagne concrètement les victimes. On imagine la détresse de ces familles. Je voudrais souligner ce qu’elle met en avant : elle a cent fois raison : la sécurité est l’affaire de tous. On ne peut pas simplement se reposer sur les pouvoirs publics, aussi efficaces soient-ils, et en France, ils le sont particulièrement. C’est vraiment l’affaire de tous.

P. Lapousterle : Pourquoi la France, plus qu’aucun autre pays, est la cible des attentats et des terroristes depuis si longtemps ?

P. Clément : D’une certaine manière, c’est un hommage rendu à l’importance de la France, en particulier à sa diplomatie active. Si l’on regarde actuellement au niveau de notre planète, on constate qu’il y a deux grandes diplomaties dans le monde : la diplomatie américaine et – qu’on me permette de le dire, et sans esprit cocardier particulier car c’est la vérité – la diplomatie française. Que l’on se souvienne, dès l’élection du Président Chirac, de ce qu’il a décidé de faire seul, c’est-à-dire en Bosnie, ce que l’Europe ne suivait d’ailleurs pas à ce moment-là. Que l’on se souvienne de son voyage récent au Proche-Orient, de la liberté de parole extraordinaire que la France, le Président français peut avoir tant en Israël que dans les pays arabes. Cette liberté de parole, d’une certaine manière, nous la payons. Enfin, nous avons des liens historiques avec le Maghreb : nous sommes dans le cœur de la zone méditerranéenne, et ceci sans doute explique cela. C’est la responsabilité particulière de la France. Être français, c’est effectivement assumer plus que d’autres peuples des responsabilités de cet ordre. Le monde entier, d’ailleurs, attend la voix et l’acte de la France. Le revers de la médaille, c’est sans doute aussi le terrorisme.

P. Lapousterle : Et comme le disait le président de la République hier, il faut tenir ?

P. Clément : Cela va sans dire ! Tout le monde le sait : ce que nous demandent les terroristes, c’est que les démocraties, et les démocraties occidentales en particulier, puissent céder. Le courage, ne jamais faiblir, tenir, c’est légitimement la seule chose à faire. D’ailleurs, je crois que personne n’a la tentation de faire autre chose.

P. Lapousterle : L’attentat doit-il modifier le climat politique actuel en France ?

P. Clément : J’ai envie de vous dire une chose : en France, nous ne sommes jamais unis que dans le malheur. On l’a vu dans les périodes de guerre ; on le voit dans les périodes de terrorisme. Les Français sont des Gaulois, totalement divisés, divisés en tribus.

P. Lapousterle : En ce moment, c’est le pompon !

P. Clément : Non, ce n’est pas le pompon, c’est la France. Tout d’un coup, arrive un malheur. Hier, un malheur a encore frappé le pays, a frappé certains de nos compatriotes, de qui nous nous sentons particulièrement proches parce qu’ils souffrent et que les Français sont un peuple dont la sensibilité est grande. Ce peuple souffre beaucoup, donc il se réunit. Ça, c’est l’aspect positif du triste drame d’hier.

P. Lapousterle : Les sénateurs ont voté une réduction de l’impôt sur le revenu des grandes fortunes : êtes-vous favorable à l’amendement des sénateurs ?

P. Clément : Si, en France, on pouvait regarder un peu ce qui se passe ailleurs ! Il n’y a aucun pays qui fait cette politique fiscale que je qualifierais volontiers d’aberrante. Regardez les Anglais, regardez les Allemands et ne parlons pas des Américains ! De quoi s’agit-il ? Il s’agissait d’un amendent déposé l’année dernière par un gouvernement libéral et qui rendait plus sévère la fiscalité sur les grandes fortunes, ce que n’avaient jamais fait les socialistes : vous n’aviez plus de plafond – autrement dit, certains Français qui avaient effectivement plus de 14 millions en avoirs, en patrimoine, payaient plus que leurs revenus pour payer l’impôt sur les grandes fortunes. Imaginez un monsieur qui a 10, il a 2 de revenus, il paye 2,5 ou 5 en impôt. Il est obligé de vendre son capital pour payer l’impôt annuel. C’est aberrant ! Pourquoi ? Parce que d’abord, ce n’est pas juste en soi. Les gens s’en vont à l’étranger. Et quel est l’intérêt de la France, quel est l’intérêt de la plupart d’entre nous, qui n’avons pas ce type de fortune, devoir les gens qui ont de l’argent partir à l’étranger ? Quand ils ont leur argent en France, ça fait un peu marcher l’économie. Il faudrait arrêter cette vision purement égalitariste des Français qui nous fait tellement de mal ! Que l’on veuille bien regarder ailleurs : aucun autre pays n’a ce type de fiscalité. Bien entendu, l’amendement du Sénat est excellent.

P. Lapousterle : Le débat sur le port du foulard repart : M. Bayrou semble favorable à une nouvelle lui interdisant totalement les foulards dans les écoles ; et vous, M. Clément ?

P. Clément : Tout à fait favorable, et je voudrais le dire au nom du PR, puisque nous avions réuni, avec F. Léotard, le Conseil d’orientation du PR la semaine dernière : c’est une des décisions que nous avions prises. En un mot comme en cent, le Conseil d’État considère que s’il n’y a pas trouble à l’ordre public, on ne peut pas interdire le foulard. Il s’appuie en plus sur une loi votée à l’époque par les socialistes qui prévoyait l’épanouissement de l’élève. Donc, il considère que tout ce qui va dans le sens de l’épanouissement doit être effectivement conforté. Or on voit bien que ce n’est pas l’épanouissement de l’élève, mais qu’il s’agit de prosélytisme, qu’il s’agit d’un symbole de-dépendance de la femme par rapport à l’homme et qu’il n’a rien à voir avec la grande ambition que doivent avoir à mon avis les Français, c’est-à-dire l’ambition d’assimiler les populations étrangères qui sont sur le sol français. Ça va dans le sens contraire de l’assimilation. Ça revient à créer des communautarismes, c’est-à-dire des communautés qui sont totalement imperméables les unes aux autres. Ce n’est pas la tradition de la République qui a toujours été un creuset d’intégration. Il est temps de faire une loi pour dire « non, pas de prosélytisme à l’école. » C’est l’école laïque.