Texte intégral
Le Monde : Avez-vous été surpris par les résultats de ces élections ?
Hervé Baro : C’est une demi-surprise et une déception. Nous n’avons pas gagné, c’est clair. Le Snuipp, la FSU sont portés dans le premier degré par une dynamique qui les fait progresser d’environ 10 % et passer devant nous. Nous savions que l’étape serait périlleuse et, depuis un an, très difficile, compte tenu des difficultés que nous avons rencontré dans la mobilisation du mouvement de décembre 1995.
Le Monde : Au-delà, comment analysez-vous cet échec ?
Hervé Baro : Le syndicalisme que nous proposons, qui est certes revendicatif mais responsable, est moins porteur que le syndicalisme purement contestataire. Je ne sous-estime pas non plus le rôle des pratiques syndicales. Il est possible que nous ayons une pratique militante moins forte que celle du Snuipp, de la FSU plutôt. Cela fait partie des débats internes que nous avons à mener, comme nous le faisons d’ailleurs depuis un certain temps.
Le Monde : La FSU a été très visible dans tous les conflits sociaux récents, contrairement à la FEN.
Hervé Baro : Un congrès de la FEN s’interrogera sur cette question et sur les évolutions qu’il convient d’en tirer. C’est vrai qu’il y a, d’un côté, une fédération qui est clairement identifiée comme une fédération enseignante, la FSU, et de l’autre, une fédération qui est plus largement celle de l’éducation. Dans ce cadre, notre travail est d’affirmer l’identité enseignante du SE. Quand je parle de bipolarisation, elle se joue entre la FSU et nous, Syndicat des enseignants. En termes d’implantation locale, nous restons suffisamment présents dans l’ensemble des départements pour pouvoir relever le défi.
En ayant vocation à syndiquer dans tous les corps d’enseignement, premier et second degré, ce qui est notre projet depuis la création des IUFM, il n’est pas impossible que nous soyons en avance sur notre temps. Il est vrai que la culture commune des enseignants n’existe pas encore, mais on peut espérer que cette situation se modifie. On passe de l’ère du repli corporatiste à une ère d’ouverture. Il n’y a plus cette opposition ancestrale entre les « instits » et les « profs ».
Le Monde : Quelles conséquences tirez-vous de ces résultats ?
Hervé Baro : Nous attendons les résultats du second degré pour pouvoir faire une analyse définitive. Mais une des conséquences est qu’il y aura un affrontement entre un syndicalisme qui se veut responsable et un syndicalisme contestataire. Quant à la « fin de la désunion » évoquée par le Snuipp, je regarderai attentivement de quelle union il s’agit. Nous verrons ce qu’il est possible de faire ensemble. Mais nous nous attacherons surtout à mieux identifier notre existence en affirmant le syndicalisme dont nous sommes porteurs. Je constate simplement que le rapprochement du SGEN-CFDT avec le Snuipp ne lui a pas été très profitable puisqu’il perd un quart de ses suffrages. L’unité organique n’est pas à l’ordre du jour.
Le Monde : Vous restez optimiste ?
Hervé Baro : En 1993, il y avait dix points d’écart entre nous et le Snuipp. Aujourd’hui, il y en a environ six dans l’autre sens. Le chemin qui a été parcouru dans un sens peut l’être dans l’autre. Je constate que, contrairement à ce qui se passait avant, des grands corps stables comme celui de l’éducation nationale peuvent subir des soubresauts. Rien n’est donc perdu.