Article de Mme Christiane Lambert, présidente du CNJA, dans "Jeunes agriculteurs" de décembre 1996, sur la loi d'orientation agricole et la réforme de la PAC, intitulé "Au delà de l'urgence".

Prononcé le 1er décembre 1996

Intervenant(s) : 

Média : Jeunes Agriculteurs

Texte intégral

On ne s’ennuie pas en ce moment au CNJA (d’ailleurs on ne s’y ennuie jamais !). Nous avons, ces dernières semaines, été sur le front de toute l’actualité brûlante : compensations aux producteurs de fruits et légumes où, dans le cadre d’une enveloppe étriquée, nous avons néanmoins obtenu un plus pour les récents installés ; formidable pression sur le Conseil des ministres européens pour que les éleveurs obtiennent enfin l’indemnisation de leurs pertes (reste à bien cibler les producteurs les plus touchés dans les départements) ; bataille parlementaire autour des projets de réforme de l’équarrissage et du budget de l’agriculture, où nous avons pour l’instant obtenu le maintien du dispositif de préretraite et un abondement minimum du FGER, etc.

Mais soyons clairs : ce n’est pas la vocation du CNJA de voler chaque jour au secours de l’urgence. Nous refusons de nous laisser happer par le quotidien et de négliger notre rôle prospectif.

Écouter et former les jeunes agriculteurs, pour finalement proposer, c’est plus que jamais l’ambition du syndicalisme jeune à l’heure du débat sur la future loi d’orientation et sur la probable réforme de la politique agricole commune.

C’est dans cet esprit que notre équipe nationale termine une tournée régionale qui nous a conduit à la rencontre directe des adhérents. Nous avons évoqué les contraintes de l’actualité, bien sûr, mais aussi l’état d’avancement des grands chantiers que nous avons ouverts. Nous avons mesuré les difficultés rencontrées pour faire valoir sur le terrain la priorité à l’installation et faire émerger des projets départementaux porteurs de perspectives.

Soyons francs : les choses n’avancent pas aussi vite que nous le voudrions, car derrière l’amabilité des discours unanimistes se cache souvent l’inertie, voire l’opposition de ceux qui ont plutôt intérêt à ce que rien ne change. Et ceux-là sont malheureusement présents dans les rangs de toutes les instances, sans exclusive. Ce sont souvent les mêmes qui minimisent l’importance de la loi d’orientation, prétextant qu’il n’y a pas grand-chose à en attendre. Pour sa part, le CNJA rejette ce scepticisme non dénué d’arrière-pensées, et c’est pourquoi, dans le cadre de la tournée régionale, nous avons soumis à la critique constructive des CDJA notre projet de contribution au débat sur la loi d’orientation. Cette contribution est sortie enrichie de la confrontation au terrain, et elle le sera plus encore après notre université d’hiver exceptionnelle, qui va réunir plus de 160 responsables dans les locaux de la Commission européenne pour mieux appréhender le futur de la Pac.

Le CNJA va rencontrer les « politiques » comme le commissaire à l’agriculture, Franz Fischler, et des parlementaires européens qui réfléchissent d’ores et déjà au visage de l’Union dans vingt ans. Mais aussi des « eurocrates » qui – souvent seuls au fond de leur bureau – bâtissent l’avenir de la Pac et les politiques du monde rural, de l’environnement, ou encore des échanges extérieurs, qui seront les planches de salut ou au contraire les bourreaux des agriculteurs de demain.

Il faut s’attendre à un « choc culturel », tant les discours en vogue dans les sphères communautaires sont loin des réalités de terrain que nous vivons. Mais c’est de la friction de nos points de vue que naîtra le cadre dans lequel évoluera demain notre métier. C’est aussi grâce à une telle confrontation que nous formerons des militants syndicaux qui soient aussi des citoyens avertis et engagés.

La réflexion du CNJA va donc des cantons jusqu’à Bruxelles. Un horizon suffisamment vaste pour qu’en décembre les jeunes agriculteurs puissent présenter officiellement leur projet pour la loi d’orientation, un projet d’avenir avec le XXIe siècle pour perspective.