Article de M. Henri Krasucki, secrétaire de la CGT, dans "l'Humanité" le 21 décembre 1981, sur l'actualité sociale

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Texte intégral

Un responsable syndical peut-il écrire aujourd'hui : et en bonne place – sur une actualité sociale de tout premier plan en France sans paraître tomber d'une autre planète ?

Les graves évènements de Pologne suscitent à juste titre de l’émotion et des préoccupations. La CGT s'exprime, au fur et à mesure de leur développement, avec l'intensité, le sérieux et l'esprit de responsabilité qui correspondent au caractère dramatique de la situation. Elle continue de le faire à chaque moment pour aider à dénouer la crise et non pas pour pousser à l’affrontement.

Les forces de la droite exploitent ces évènements sans vergogne pour empêcher le changement et les réformes en cours dans notre pays et appellent ouvertement à briser l'alliance gouvernementale. Il se trouve dans des milieux de gauche (ou se réclamant de celle-ci) des forces, des porte-parole et des journaux pour aller dans le même sens sur une base anticommuniste et en attaquant violemment la CGT.

II serait dangereux que des calculs mesquins, des silences ou des ambiguïtés aboutissent, à la faveur de cette situation, à mal régler des questions sociales urgentes. Il s'agit des fondements de la confiance des travailleurs.

Ce lundi 21 décembre après-midi, doivent se réunir, sans trop s'en vanter, la CFDT, FO, la CFTC et la CGC avec le CNPF pour faire le bilan minable du mauvais accord sur la durée du travail qu'ils ont signé en juillet contre la CGT. Affligeant.

Ces bouillants proclamateurs de grève du matin font ronron, presque en catimini, l’après-midi du même jour avec le patronat quand il s'agit de grandes revendications sociales, chez nous...

Le rapprochement n'a rien d'artificiel et ce n'est pas sans raisons que la CGT ne sera de leur bord ni dans un cas ni dans l'autre.

Mais le mardi 22 après-midi, la question devient sérieuse : le premier ministre réunit à Matignon toutes les centrales syndicales et le CNPF pour faire le point. Cette fois, il y aura non seulement les signe-petit de la veille, mais la CGT et le gouvernement. II s'agit de préparer l’ordonnance sur la réduction de la durée du travail qui a été annoncée pour la fin de cette année.

On connaît la position de la CGT, elle ne changera pas. Si, avec 2 millions de chômeurs, on veut créer rapidement plusieurs centaines de milliers d'emplois, il faut une réduction suffisante et rapide de la semaine de travail sans perte de salaires. 38 heures en règle générale et nettement moins pour les contrats-solidarité, avec des garanties claires contre les mesures de recul social que les patrons prétendent imposer.

Nous avons formulé des propositions précises et offert au gouvernement notre coopération pour que l’ordonnance soit bonne, utile, bien adaptée aux réalités et sans piège. On comptera les emplois au printemps mais c'est ces jours-ci que les choses se règlent.

C'est donc maintenant que les travailleurs ont le plus efficacement leur mot à dire avec la CGT peut faire en sorte que le gouvernement agisse bien dans le sens de leurs intérêts et d'un résultat marquant pour faire reculer le chômage.

C'est aussi avant la fin de l’année qu'a été promise l’ordonnance avançant à 60 ans l’âge du droit à la retraite. Les syndicats doivent être consultés mais rien n'a encore été fixé.

II en va de même pour l'ordonnance sur les contrats-solidarité qui ont besoin d'un cadre juridique précis pour entrer en vigueur.

Ces trois dispositions constituent un ensemble cohérent et qui être très efficace en quelques mots si elles sont bien faites.

- Semaine de 38 heures, cinquième équipe, cinquième semaine avec embauches

- bonne retraite à 60 ans et nous maintenons l'idée des 55 ans pour les femmes et les professions pénibles) avec remplacement des partants ct une pension permettant de vivre décemment

- contrats-solidarité allant nettement plus loin pour la durée et pour la pré-retraite avec créations d’emplois correspondants.

Réussir cela aboutit à porter un grand coup au chômage.

C’est jugement cet ouvrage-là qui est sur la table cette semaine et les jours suivants. Et plus encore, si on y ajoute une action forte contre le travail précaire et les mesures prévues pour les jeunes sortis de l’école entre seize et dix-huit ans.

Il est de notre devoir de la dire et d’agir en conséquence. Mais pourquoi tant de silence de tant de côtés ? Est-ce donc si banal ? si facile ? si assuré ?

Les feuilles de pays amputées du prélèvement de 1 % pour la Sécurité sociale arrivent. Chacun peut faire ses comptes. Et comme, en règle générale, les salaires sont restés en retard sur les prix, c’est un sujet d’insatisfaction justifiée. Nous l’avons dit en temps opportuns.

La première année de l’arrivée d’un gouvernement de gauche qui soulève tant d’espoir va-t-elle se terminer par une réduction du pouvoir d’achat ? Le SMIC va-t-il en rester là ? Nous avons proposé qu’il soit augmenté de 10 %.

La question reste posée. Elle l’est par la réalité. Les travailleurs ont besoin de sentir un mieux sensible tout de suite dans leur vie quotidienne. C’est une faute de ne pas nous entendre et comprendre cette notion élémentaire.

Ce même mardi 22 décembre, les militants CGT des groupes nationalisables avec leurs fédérations et la Confédération discutent à fond avec le secrétaire d’Etat chargé de l’extension su secteur public, puis avec chacun des représentants du gouvernement auprès de chaque groupe concerné.

Il s’agit de se dire clairement les choses, de part et d’autre, pour définir ce que seront les nouvelles entreprises nationales, les mécanismes de la démocratie à y établir, comment les travailleurs et leurs syndicats y auront leur place, leurs droits pour que ce ne soit ni une étatisation ni une bureaucratisation.

Et entre temps, comment mettre fin aux dilapidations et autres méfaits des hommes encore en place ?

Le sujet n’est pas mince il va loin et les travailleurs ont un certain nombre de garanties à demander : coopératifs mais précis...

Le mercredi 23 décembre, initiative de la CGT pour faire un premier point de sa bataille contre la vie chère. Présente sur tous les terrains et toujours constructive et responsable, la CGT entend mettre en œuvre sous ses moyens pour contribuer à faire reculer l'inflation.

Elle a de la suite dans les idées. Son sérieux, sa loyauté en font un interlocuteur à prendre en considération dans tous les domaines, notamment lorsqu'elle dit que quelque chose ne va pas.

Les travailleurs ont un grand intérêt à la lutte contre la vie chère. Ils peuvent beaucoup en participant aux initiatives de la CGT.



Lundi 21, mardi 22 et mercredi 23 décembre, journées d'information et d'actions CGT dans toutes les usines Renault.

La nouvelle direction avait annoncé une politique sociale novatrice s'inscrivant dans les orientations annoncées par le gouvernement pour tout le secteur nationalisé. Or Renault est le prototype de l'entreprise nationale industrielle.

A tous les grands moments de progrès dans le passé. Renault a été un exemple. C'est, en fait, une question de gouvernement, et la CGT l'a posée, en temps voulu, à ce niveau. Mais la négociation traîne, décevante et inacceptable pour les travailleurs.

Les syndicats CGT de chez Renault et leur fédération des Métaux agissent avec mesure mais fermeté et ils ont raison.

C'est un signe qui mérite attention : il ne faut pas décevoir Billancourt. Ni les autres... Nous le disons pour surmonter les obstacles. Mais la également il est de l'intérêt général d'entendre les travailleurs, de nous entendre.
 



J’énonce ces faits et ces thèmes à trois jours de Noël, à dix jours de l'an nouveau. Ils sont considérables.

Est-ce trop dire que cette semaine est socialement et politiquement essentielle ? Ce sont en quelque sorte les premières étrennes sociales de la gauche au pouvoir telle que l'on voulue les électeurs qui sont en question. Le gouvernement a les moyens de les réussir, mais ce n'est pas garanti.

II y faut l'intervention des travailleurs. C'est dans ce but que la CGT a organisé avec un succès considérable, en profondeur, la semaine d'information, d'expression et d'actions du 7 au 12 décembre.

II est nécessaire de prolonger ces initiatives partout dans les formes appropriées, vers les patrons d'une part et vers le gouvernement et les élus de chaque groupe de la majorité parlementaire.

Avec dynamisme et invention, sans craindre aucun débat, sur aucune question Et partout, en renforçant la CGT : 12 000 adhésions dans ce tout début de placement de la carte 1982 et 250 nouvelles entreprises organisées.

Présente et active sur tons les terrains. Internationaliste et solidaire authentiquement comme personne dans le mouvement syndical. Et cultivant sans désemparer le champ du changement, des réformes et du progrès social chez nous. C'est la CGT telle qu’est est. Telle qu’elle doit être. Et tant mieux si elle gène le patronat, la réaction, ceux qui craignent le changement.