Texte intégral
Opération régionale « Ambassades/entreprises – Pays de la Loire »
Discours de clôture du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette (Nantes, 28 novembre 1996)
Je voudrais simplement adresser quelques mots de remerciements aux uns et aux autres.
Les premiers vont d’abord aux administrations qui ont préparé cette journée. Souvent, vous pourriez croire qu’il y a des compétitions entre les administrations. Cela a très bien marché nous avons fait du très bon travail. Non seulement les services du commerce extérieur, du ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Industrie et, bien entendu, sous la houlette digne du préfet de région qui a organisé cela avec beaucoup d’efficacité. Vous êtes nombreuses et nombreux à être venus. Merci donc à tous et à toutes.
Vous me permettrez de remercier les ambassadeurs qui sont là, tel un gouvernement du général de Gaulle. Vous savez, lorsqu’il y avait des conférences de presse du général, il y avait un gouvernement rangé comme cela. Ce sont des hommes formidables, qui croient passionnément à ce qu’ils font et qui sont venus vers vous, vous rencontrer. Je crois que cette démarche est formidable et, en vérité, leur démarche est la vôtre. C’est, semble-t-il, l’événement du jour que de faire se rencontrer des hommes et des femmes qui sont dans deux mondes différents et qui pourtant ont besoin de travailler ensemble. Quand je dis deux mondes, c’est que eux sont ambassadeurs de France. Ils sont vos ambassadeurs, ils sont les ambassadeurs de la République française aux quatre coins du monde. Et, en même temps, je crois qu’il est utile que vous les connaissiez et qu’ils vous connaissent. On a besoin de se rencontrer, de mieux se comprendre pour être plus efficace. La clef est là. Les procédures, les structures, tout cela est bien, c’est utile, parfois nécessaire en tout cas. Mais la clef, ce sont les hommes qui travaillent ensemble.
Or, vous, pour exporter, vous avez besoin d’eux, eux pour réussir, faire en sorte que la France soit active et présente dans les pays dont ils ont la responsabilité. Donc, je voudrais que vous reteniez d’abord de cette journée ce dialogue entre nous, cette disponibilité mutuelle, et que vous en retiriez aussi l’idée qu’il y a, de la part du gouvernement et de la part des administrations qui en ont la responsabilité partagée, une vraie volonté politique de faire en sorte que les petites et moyennes entreprises en France prennent toute leur part dans cette bataille essentielle de l’exportation. L’exportation, c’est notre chance. Nous sommes dans un monde que Pierre-Marie Guérin à l’instant a très bien décrit. Il n’est pas nécessaire que je recommence. C’est un monde plein d’opportunités, c’est un monde en plein changement, en plein bouleversement. Il y a aussi beaucoup d’obstacles. Il y a tout à la fois. De toute façon, ce monde-là s’impose à nous et notre devoir commun, à vous pour la réussite de vos entreprises, à nous tous pour la réussite de la France. Comme les enjeux du monde moderne sont très largement des enjeux économiques, c’est vraiment le cœur même de la bataille qui est la nôtre. Je crois que nous voyons bien aujourd’hui que c’est l’exportation qui, à peu près seule, peut tirer la croissance. La croissance est a 13 % dans beaucoup de zones d’Asie, à 5 ou 6 % dans certaines zones d’Amérique du Sud, à 3 ou 4 % aux États-Unis, pendant que nous nous traînons à 1 %, 1,2 % en moyenne. C’est ça, notre enjeu. Naturellement, je ne crois pas du tout que les remèdes soient du ressort de l’exportation. Je dirai que, aujourd’hui, le moteur de notre pays, c’est l’exportation. C’est votre chance. Je sais que vous le faites, et je veux que vous sachiez que nous sommes à votre disposition. Si je peux aussi peser sur vos choix, je voudrais vous dire qu’il n’y a rien de plus important pour nous que de conduire vos entreprises, vos cadres. vos équipes à l’extérieur. Je trouvais très bien ce que disait Pierre-Marie à l’instant, la joie qu’il avait et que ses équipes avaient à sortir.
Il y a une joie à découvrir le monde et à aller le conquérir. II faut que notre pays ait l’esprit de conquête, que notre jeunesse ait l’esprit de conquête. Vous, les chefs d’entreprise des PME, vous êtes l'encadrement de notre pays. Vous êtes le tissu de nos communes, de nos départements, de notre région. Vous avez une grande responsabilité, une grande part de la réalité de ce nouvel essor. Si vous faites mouvement, vous entraînez avec vous et vous avez une capacité à le faire. L’export, c’est votre chance, mais votre démarche exportatrice, c’est notre chance collective, commune. Et ce n'est pas simplement vendre des produits. Mais c’est aussi, pour notre pays, comprendre que, dans ce monde compliqué actuel, il y a des mondes entiers à découvrir, à aimer, à conquérir pour que ceux à qui nous passerons le flambeau un jour aient une France plus grande et plus forte.
Le dernier mot que je prononcerai devant vous, c’est le mot de confiance. C’est bien clair, aujourd’hui, c’est la confiance qui nous manque. Confiance en nous, en l’avenir, je dirai confiance tout court. La confiance nous fait défaut. Moi, qui vraiment voyage beaucoup, ce qui me frappe, c’est précisément que le monde nous regarde avec plus de confiance envers nous que nous n’en avons envers nous-mêmes.
J’étais avec le président de la République au Japon. L’image du Japon en France est l’image d’un pays acharné, conquérant, protégé, tout cela est vrai d’ailleurs. Je suis allé leur parler de la pomme au Japon. J’ai vu le ministre des Affaires étrangères japonais qui est très intelligent, très remarquable. Il a une vision de l’avenir de son pays fabuleuse. Je lui ai dit, la pomme, c’est très important. Pourquoi m’a-t-il répondu, pour deux raisons : d’abord, parce que c’était le symbole de la campagne du président de la République, et comme vous allez le recevoir, faites lui plaisir, réglez-lui ce problème. J’ai ajouté en plus que le premier département producteur de pommes, c’était le Maine-et-Loire. Si vous voulez me faire plaisir à moi, réglez le problème.
J’ai dit cela il y a 9 mois. Je suis arrivé l’autre jour, et j’ai dit : « alors, la pomme ? ». Cela va être réglé dans les semaines qui viennent, m’a-t-on répondu. Et ce n’est pas fait. Ils sont comme cela, oui mais en même temps, ils ont une grande idée de nous, et dans cet espèce de monde unipolaire dans lequel on ne voit plus que les États-Unis, les autres pays, le monde entier cherchent quelqu’un d’autre pour échapper à cette sorte de tête-à-tête dans lequel il n’y en aurait qu’un seul. En fait, ils viennent vers nous. Pour beaucoup de raisons très compliquées. Ne sommes-nous pas une nation comme les autres ? Non, nous ne sommes pas une nation comme les autres. Nous sommes beaucoup plus grands que nos 58 millions d’habitants. Nous sommes beaucoup plus grands que les problèmes que nous traînons aujourd’hui. En réalité, ces problèmes sont dans nos têtes plus que dans les faits. Il nous appartient de les résoudre. Il nous appartient de nous en sortir, nous ne sommes pas les moins bien armés. Nous avons des hommes et des femmes intelligents, des gens qui ont une capacité. Une jeune génération formidable, vous avez des cadres excellents, j’en suis sûr. Ce pays a entre les mains tout ce qu’il lui faut pour gagner. Ce qui lui manque, l’essentiel d’abord, c’est d’avoir confiance en lui.
Je souhaite que vous soyez vous, vous qui êtes des chefs d’entreprise, vous qui regardez les choses concrètement, mais qui êtes aussi des hommes d’aventure – sinon vous ne seriez pas chefs d’entreprise –, je souhaite que vous soyez les porteurs de cette ambition exportatrice de la France qui est notre façon, aujourd’hui, de vivre l’aventure du monde de demain. Je vous remercie.
Opération régionale « Ambassades/entreprises – Pays de la Loire »
Point de presse du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette (Nantes, 28 novembre 1996)
Ce que nous faisons aujourd’hui à Nantes, dans la région des Pays de la Loire, constitue me semble-t-il, un événement. Il y avait déjà des initiatives, des expériences, des attitudes originales.
II n’a pas fallu attendre le 28 novembre 1996 pour que la DREE et les services du Quai d’Orsay, les ministres du Commerce extérieur et des Affaires étrangères travaillent la main dans la main. Je peux vous dire qu’il n’y a pas l’ombre d’un problème entre nous, bien que, très souvent, vous vous intéressez à ces « gueguerres » administratives dans lesquelles, il faut bien dire d’ailleurs, l’administration se complait. Ici, cela n’est pas le cas.
De même, il n’a pas fallu attendre le 28 novembre 1996 pour que les ambassadeurs rencontrent des chefs d’entreprise. Je vous surprendrais peut-être, mais dès qu’un ambassadeur est nommé en poste, il commence par faire un certain nombre de démarches en France. Il commence par aller voir le président de la République pour recevoir ses instructions. Je vais vous donner un exemple précis de choses qui existent déjà.
Notre ambassadeur à Singapour, il y a pratiquement un an, a monté un projet assez formidable je dois dire, qui était à la fois une grande exposition commerciale française et un ensemble d’événements culturels très remarquables. C’est un projet assez coûteux, vous vous en doutez, je vais même vous révéler le coût, c’est une affaire qui a coûté douze millions de francs. Le Quai d’Orsay lui a donné 4 millions et les 8 autres millions, il est allé les trouver en France. Il est allé voir un certain nombre de chefs d’entreprise pour les mobiliser et en faire, c’est selon, les mécènes ou les sponsors d’une initiative qui avait une grande portée pour la présence française à Singapour.
Je cite cela pour vous dire qu’en réalité, depuis longtemps les services de l’État, que ce soit les services spécialisés du ministère du Commerce extérieur ou les services à vocation plus générale du Quai d’Orsay, associent leurs efforts pour aider les entreprises dans leur démarche exportatrice. Si, d’ailleurs, la France est le 4e exportateur mondial, le 2e exportateur de services, le 2e exportateur en PNB par habitant, c’est parce que chacun y met du sien. D’abord, les chefs d’entreprise, mais probablement aussi les collectivités publiques, et notamment l’État, jouent leur rôle.
Ce qui, d’une certaine façon, est, il ne faut pas exagérer les mots, un peu révolutionnaire, c’est l’idée que nous allons au devant des PME/PMI pour dialoguer avec elles sur la façon dont on pourrait aller encore plus loin en matière d’exportation. Nous savons que les grandes entreprises ont une pratique, elles ont un professionnalisme, des habitudes, elles savent faire. Beaucoup d’entre elles d’ailleurs sont mondialisées ou en cours de mondialisation, donc elles sont présentes partout. Elles ont une vue globale de leur marché mondial. Nous savons aussi que c’est beaucoup plus difficile pour les PME/PMI. Nous voulons parler, nous voulons échanger, nous voulons dialoguer, nous voulons agir ensemble avec le réseau France pour l’exportation. Nous pensons qu’il ne suffit pas d’être à son poste pour remplir sa mission. Il faut aller sur le terrain pour aller à la rencontre des partenaires qui sont pour nous les entreprises. Nous voulons maintenant aller sur le terrain, qu’il y ait un dialogue entre les ambassadeurs et les PME/PMI. Quand on parle, quand on se rencontre, on se découvre. Je suis persuadé que, dans tous ces groupes de travail, toutes ces rencontres de la journée, beaucoup de PME/PMI n’ont jamais dû rencontrer, dans leur existence, d’ambassadeurs. J’espère, je suis persuadé qu’ils vont découvrir ce qu’est un ambassadeur. C’est quelqu’un qui est sur le terrain lui aussi. Il est au service de I’État, il a autour de lui une équipe dans laquelle il y a des spécialistes du commerce extérieur que sont les conseillers commerciaux, sous la responsabilité d’Yves Galland, de la DREE. Les ambassadeurs d’aujourd’hui ont complètement intégré la mission économique qui est la leur. Les ambassadeurs n’ont peut-être pas non plus, de leur côté, une connaissance personnelle aussi sensible que je le souhaite de ce qu’est un patron de PME/PMI, des problèmes dans lesquels il se débat à longueur de journée, de la volonté, de l’ardeur, du tempérament accrocheur qu’il faut pour être et pour rester une PME. Il y a là des trésors cachés d’énergie, de capacités, d’ambition, de volonté de créativité, ainsi qu’on l’a vu aujourd’hui. Cela fait des étincelles, et j’espère que le courant va passer entre les PME/PMI de notre région qui ont fait l’effort de venir ici et les ambassadeurs qui ont bien voulu m’accompagner dans cette démarche à Nantes, venant spécialement de terres plus ou moins lointaines... L’ambassadeur en Belgique a fait un certain effort mais cela n’a pas été trop dur, l’ambassadeur en Corée a quand même fait le tour de la moitié de la planète pour venir ici parler avec les PME/PMI.
Je l’ai déjà dit, il s’agit de la bataille pour les emplois français. Le président de la République, à l’occasion de la réunion annuelle des ambassadeurs qui a eu lieu au mois d’août, nous a donné la mission de jouer pleinement notre rôle dans cette bataille pour l’emploi des Français. C’est principalement l’exportation qui est créatrice d’emplois aujourd’hui.
L’exportation est, pour l’essentiel, le fait d’un nombre limité d’entreprises et il y a donc un champ formidable pour des initiatives.
La première, c’est la mise en œuvre régionale de l’opération partenariat France. II s’agit de ce qu’on appelle « le portage » des PME à l’exportation par des grandes entreprises. Je peux vous annoncer que douze grandes entreprises, présentes à l’étranger, sont prêtes à soutenir et appuyer la démarche des PME de notre région. Je vais vous donner les noms de ces entreprises. Il s’agit d’Axa, d’Aceor, de Bouygues, de Bull, d’EDF, de GDF, de Lafarge, de la Lyonnaise des Eaux, de Péchiney, de Rhône-Poulenc, de Sanofi et de Total. Vous voyez que ce ne sont pas des petites entreprises, mais quelques-uns des fleurons de nos grandes industries, qui sont, eux, présents, qui ont des délégations à l’étranger, des sièges, des antennes, et qui sont prêts à mettre ces délégations, ces sièges et ces antennes et le savoir qui est accumulé au service de nos PME qui voudront tenter leur chance et ouvrir les portes sur tel ou tel pays étranger.
Le président du partenariat France et le responsable international d’EDF sont les initiateurs d’un projet très important. De même, nous allons, à l’initiative du président de la République, généraliser une initiative qui a été lancée par notre région. Initiative qui a été lancée ailleurs, qui s’appelle l’opération « Développeurs », exercice qui consiste à aller chercher sur le terrain, dans chaque département, ce que l’on appelle les projets dormants, c’est-à-dire les entreprises qui ont dans l’idée qu’elles pourraient peut-être, si les circonstances étaient favorables, faire ceci ou cela. Des projets qu’elles ont jusqu’à présent laissé dormir de façon à voir avec elles s’il est possible de les réveiller. Nous allons lancer cette initiative sous la responsabilité du préfet de région, de telle sorte que nous puissions lui donner une tournure export. Pour gagner cette bataille, il faut l’esprit de conquête. Pour avoir l’esprit de conquête, il faut avoir confiance. Nous montons cette opération avec l’idée de donner la confiance des PME et des PMI de la région des Pays de la Loire dans la capacité qu’ont les pouvoirs publics, l’administration, les réseaux publics, de les aider à aller plus loin, plus vite, plus fort.
Voilà très rapidement ce que je voulais dire pour présenter nos travaux, faire le point devant vous et je voudrais, bien entendu, passer la parole à Yves Galland, ministre du Commerce extérieur.
Q. : Quand aura lieu la prochaine réunion ?
R. : Pour l’instant nous n’avons pas encore arrêté avec Yves Galland ce calendrier, mais dans les deux mois qui viennent, nous serons dans une autre région et nous irons ainsi de région en région.
Q. : Tous les deux mois alors ?
R. : Cela demande un temps assez long de préparation.
Q.: Pourquoi cette journée est-elle un événement ?
R. : C’est un événement parce que c’est la première fois que nous réunissons sur le terrain 400 PME/PMI d’une région et une bonne douzaine d’ambassadeurs venant de tous les continents du monde, représentant d’une façon ou d’une autre tous les grands marchés du commerce extérieur français.
Q. : Pourquoi avez-vous commencé cette initiative par la région des Pays de la Loire ?
R. : Parce que je crois qu’il faut que les entreprises de l’État, et notamment les ambassadeurs, travaillent la main dans la main pour encourager les exportations. Pour les grandes entreprises, elles ont l’expérience, elles ont les moyens, mais pour les PME c’est beaucoup plus difficile. Il faut s’aventurer dans les pays qu’elles ne connaissent pas et elles n’ont pas toujours les moyens pour le faire. Bref, elles ont besoin qu’on leur ouvre les portes, qu’on les soutienne, qu’on les encourage, c’est ce que nous sommes venus faire.
En même temps, il faut que les ambassadeurs sachent ce que c’est qu’une PME. Je voulais qu’ils aient l’occasion de parler, de dialoguer, de se rencontrer, de se comprendre pour pouvoir travailler ensemble.
Q. : Quelles sons les deux initiatives qui resteront de cette journée ?
R. : Il restera deux choses : d’abord, l’idée d’un projet désormais est mis en place, que des grandes entreprises peuvent aider des petites entreprises locales à avoir une porte ouverte sur l’étranger.
Je prends des exemples simples : une grande entreprise est installée en Chine, une petite entreprise voudrait aller tenter sa chance sur le marché chinois. Il faut pouvoir bénéficier de l’assistance de l’équipe de cette grande entreprise qui est installée en Chine qui connaît les portes auxquelles il faut frapper, les habitudes chinoises, qui a une pratique du marché, qui a donc un savoir qu’elle donne à la PME. Cela fait gagner beaucoup de temps et le temps c’est de l’argent.
II restera aussi la découverte mutuelle d’hommes et de femmes qui ne se connaissaient pas, qui s’ignoraient et qui désormais pourront travailler la main dans la main. C’est cela Ia grande démarche nouvelle.
Q. : Tout cela n’est pas dans les attributions naturelles d’un chef de la diplomatie en France ?
R. : La diplomatie française est désormais de plus en plus une diplomatie économique. Il n’y a pas un déplacement que fasse le président de la République, il n’y a pas un déplacement que je fasse, sans que nous ayons dans notre serviette des dossiers d’entreprises françaises dont nous venons défendre les intérêts, comme le font tous les jours nos ambassadeurs. Nous faisons cela en étroite liaison avec Yves Galland, le ministre du Commerce extérieur qui, lui aussi, voyage beaucoup. Nous sommes désormais constamment sur le front de la bataille économique. Il faut savoir que 5 % de croissance des exportations en France, c’est 250 000 emplois français créés ou sauvegardés. Cela compte beaucoup. Il s’agit bien de la bataille pour l'emploi des Français en France.
Date: 5 décembre 1996
Source: Le Moci
Le Moci : Avec Yves Galland, vous mobilisez les ambassadeurs pour l’export. Mais rien ne les y prépare. Comment allez-vous faire ? Les former ?
Hervé de Charette : Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Ce qu’il faut, c’est leur assigner une mission claire. Le président de la République l’a fait en août dernier. Je l’ai fait également. Il faut aujourd’hui multiplier les occasions de dialogue, de rencontre, de connaissance mutuelle avec les entreprises, comme nous venons de le faire à Nantes.
Vous savez, le temps des ambassades que décrivait Marcel Proust est révolu. Nos diplomates savent très bien, aujourd’hui, l’importance et l’omniprésence des enjeux économiques. Et ils ont acquis un savoir-faire et une expérience remarquables.
Le Moci : Vous avez cependant éprouvé le besoin de donner une impulsion…
Hervé de Charette : C’est vrai. Parce que nous devons désormais avoir une démarche systématique. Mais, regardez, quand un ambassadeur de France est nommé dans une capitale, son premier acte est d’aller voir les dirigeants des sociétés françaises qui ont dans ce pays des marchés ou des projets. Nos diplomates ne nous ont pas attendus pour jouer un rôle économique.
Ce que l’on constate, en revanche, c’est que, pour nombre de PME, l’ambassadeur reste un personnage mythique. Elles vont découvrir, de plus en plus, qu’il s’agit de quelqu’un d’accessible, à qui l’on peut s’adresser. Et les ambassadeurs vont s’apercevoir que les dirigeants de PME sont des gens passionnants, volontaires, compétents.
Le Moci : Les PME reprochent parfois aux Postes d’expansion de s’intéresser surtout aux grandes entreprises. Les ambassadeurs ne risquent-ils pas d’encourir la même critique ?
Hervé de Charette : Notre démarche est résolument inverse : toute le monde compte. Dans une guerre, chacun est important, les hommes de troupe autant que les généraux. Dans la bataille économique, la plus petite entreprise a un rôle à jouer. Un exemple : notre ambassadeur à Séoul me racontait qu’une PME de 100 salariés, basée à deux kilomètres de ma commune, Saint-Florent-le-Vieil, vient de conclure un beau contrat avec les Coréens. Beaucoup se fait déjà. Nous voulons aller plus loin.
Le Moci : Parmi les onze ambassadeurs réunis à Nantes, les postes d’Asie étaient bien représentés. Parce qu’il s’agit de votre cible numéro 1 ?
Hervé de Charette : Tout marché est bon à prendre. À Nantes, pour cette première journée de rencontre avec les entreprises, nous avons réuni des ambassadeurs des cinq continents. Nous n’avons pas à choisir à la place des entreprises. Nous devons être des « facilitateurs ». Avec l’objectif de bâtir un réseau, un maillage des PME et du monde diplomatique pour gagner la bataille de l’international qui est, ne l’oublions pas, la bataille pour l’emploi en France.
Il est vrai que nous avons des marchés à prendre en Asie. Savez-vous que notre part de marché ne dépasse pas 2 % alors qu’elle atteint 6 % en moyenne pour l’ensemble du monde ? D’où l’objectif fixé par le Président Chirac de tripler nos échanges avec l’Asie.
Le Moci : Le réseau des PEE se redéploie vers les pays émergents. Le Quai d’Orsay va-t-il suivre ce mouvement ? Allez-vous mixer les deux réseaux ?
Hervé de Charette : Le redéploiement des PEE n’est pas le seul en cours. Le Quai d’Orsay poursuit aussi le sien. Nous avons fermé cette année plusieurs postes : notre consulat à Florence, à Mons… Nous ouvrons une ambassade à Achgabat, au Turkménistan, qui détient la deuxième réserve mondiale de gaz, mais aussi en Mongolie, en Erythrée. Nous créons un consulat à Canton. Et ce mouvement va se poursuivre.
Mais effectivement, nous avons deux réseaux : les ambassades et les Postes d’expansion économique. Dans certains cas, les deux fonctions peuvent être réunies. Ainsi, le consulat que nous ouvrons à Canton peut représenter les Français installés dans le sud de la Chine, et en même temps, défendre nos intérêts économiques. D’où l’idée de partager certains postes avec la DREE. Dans un cas, il pourra être dirigé par un consul, dans un autre par un conseiller commercial. C’est une démarche expérimentale dont Yves Galland et moi poussons les feux afin d’aller le plus vite et le plus loin possible.
Le Moci : Voilà donc les ambassadeurs mobilisés. Et le Président se comporte en super VRP de l’économie française. C’est cela la nouvelle diplomatie économique ?
Hervé de Charette : À l’étranger, le Président ne rate jamais une occasion de pousser dossiers et contrats. Ce fut encore le cas très récemment au Japon. Aujourd’hui, c’est vrai, un diplomate français est un ambassadeur de notre économie. Mais notre démarche ne s’adresse pas aux seuls diplomates. Nous voulons dire aux PME : vous avez des opportunités que vous ignorez, des projets qui dorment peut-être. Relançons-les ensemble. Vos intérêts sont les nôtres puisque ce sont ceux de l’économie française.