Texte intégral
Monsieur le président,
L'article 3 B du traité sur l'Union européenne impose à la Communauté d'agir selon les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Ces principes sont excellents mais ils ne sont pas appliqués et quand ils le sont, c'est avec une rigueur et une détermination insuffisante.
Pour remédier à cette situation, la France a proposé dans la Conférence intergouvernementale, que les parlements nationaux expriment collectivement, par le truchement de la COSAC, un avis sur la compatibilité de toute proposition d'acte communautaire avec le principe de subsidiarité.
Pour compléter cette proposition, la France propose d'adjoindre au traité un protocole définissant les modalités d'application par chacune des institutions des dispositions de l’article 3 B. Ce protocole reprend les conclusions du Conseil européen d'Edimbourg, de décembre 1992.
Ces propositions ont pour objectif de garantir une bonne application du principe de subsidiarité. Elles revêtent pour la France un caractère essentiel car elles contribueront à rapprocher l'Europe des citoyens.
J'envoie copie de la présente lettre au secrétaire général du Conseil, M. Jürgen Trumpf.
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ces propositions et je vous prie de croire, Monsieur le président, à l'expression de ma haute considération.
Mise en œuvre de l'article 3 B
Subsidiarité et proportionnalité
I. – Exposé des motifs
Le principe de subsidiarité est l'un des principes fondamentaux de l'organisation de l'Union européenne. Défini dans le traité sur l'Union européenne, ce principe tarde à trouver sa pleine application. Pour progresser dans son intégration, l'Union doit éviter d'intervenir dans des domaines qui sont correctement traités par les États membres. Elle doit aussi mesurer son intervention et ne pas utiliser des moyens disproportionnés avec l'objectif recherché. Cette préoccupation doit être celle de toutes les institutions.
Il ne s'agit pas, à l'occasion de cette conférence, de remettre en cause l'équilibre institutionnel, ou les compétences de la Communauté. Il s'agit de mieux veiller à ce que les décisions soient prises aussi près que possible du citoyen.
II. – Propositions
Dans cette perspective, la France avance les propositions suivantes :
1. Les parlements nationaux doivent être collectivement associés au contrôle du respect de l'application du principe de subsidiarité. De même leur appartient d'exercer leur contrôle sur le transfert des compétences exclusives lors de la ratification des traités, il est normal qu'il soit associé au respect du principe fondamental de subsidiarité par les institutions de l'Union qui exercent les compétences transférées.
La délégation française, dès le début des travaux de la conférence, a souligné l'importance de ce point. Le cadre existant de la COSAC offre une base appropriée. La délégation française a déjà déposé un premier document sur la question du renforcement de l'implication des parlements nationaux dans la construction européenne (cf. document SN 618/96 [C 10]). Dans son esprit, cette enceinte devrait concentrer son activité sur les textes qui ajoutent vraiment aux compétences communautaires. Les institutions de la Communauté devraient être dûment informées des positions prises dans cette instance. Avec toute la souplesse nécessaire des dispositions en ce sens devraient être prévues.
2. Le dispositif de consultation de la COSAC serait précisé dans un protocole (ci-joint), qui reprendrait également les conclusions du Conseil européen d'Edimbourg de façon à ce que l'ensemble des institutions fasse du respect du principe de subsidiarité une condition de leur action.
3. Par ailleurs, il convient de veiller à une correcte application de l’article 189, en particulier en ce qui concerne les directives (« La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens »). Le législateur communautaire a dans le passé parfois adopté des directives extrêmement détaillées. Il convient de revenir à une meilleure pratique des institutions, afin que les autorités et les législateurs nationaux puissent effectivement exercer leurs compétences. Les conclusions d'Edimbourg sur la subsidiarité comprennent des lignes directrices pour veiller, concrètement, à une bonne application de l'article 3 B du traité instituant la Communauté européenne, notamment au regard du principe de proportionnalité.
4. Enfin, la délégation française soutient naturellement le principe d'un délai entre la transmission d’une proposition de la Commission et le vote du Conseil. Ce délai pourrait être de deux mois. Ainsi, les parlements nationaux pourraient exercer pleinement leurs compétences nationales de contrôle.
Proposition
Protocole sur l'application du principe de subsidiarité
Les hautes parties contractantes
Observant que l'Union européenne repose sur le principe de subsidiarité, que ce principe contribue au respect de l'identité nationale des États membres et préserve leurs compétences, et qu'il vise à ce que les décisions soient prises au sein de l'Union européenne aussi près que possible des citoyens ;
Observant que le respect de ce principe est essentiel ;
Observant qu'il est en conséquence nécessaire de garantir une application conséquente et cohérente du principe de subsidiarité par toutes les institutions de la Communauté ;
Confirmant les conclusions du Conseil européen d'Edimbourg relative à l'approche globale de l'application du principe de subsidiarité et de l'article 3 B du traité instituant la Communauté ;
Désireuses de préciser certaines conditions d'application de l'article 3 B,
Sont convenues des dispositions ci-après, qui sont annexées à ce traité.
Article 1er
Chacune des institutions de la Communauté assure, dans I'exercice de ses attributions, le respect du principe de subsidiarité. Ce faisant, elle agit conformément aux dispositions du présent protocole.
Article 2
Les institutions de la Communauté, lorsqu'elles examinent si une proposition de mesure communautaire est conforme aux dispositions de l’article 3 B, utilisent les lignes directrices qui figurent en annexe au présent protocole.
Sans préjudice des autres dispositions du traité, les institutions veillent à ce que, lorsqu'un acte communautaire est adopté, sa nature et son contenu respectent l’article 189. En particulier, les directives prévues à l’article 189, si elles lient tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, doivent laisser aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.
Article 3
Avant l'élaboration d'une proposition, la Commission procède aux consultations nécessaires. Elle examine en particulier si le contenu de la proposition envisagée justifie la publication d'un document explicatif.
La Commission justifie chaque fois que nécessaire dans un considérant la pertinence de son initiative au regard du principe de subsidiarité. De même, chaque fois que nécessaire, elle précise dans l'exposé des motifs la réflexion qu'elle a menée en application de l’article 3 B.
Article 4
L'examen de la conformité d'une mesure avec les dispositions de l’article 3 B est une partie intégrante de l'examen global de toutes propositions de la Commission. II est basé sur le fond de la proposition.
La procédure ci-après est appliquée par le Conseil.
Tout État membre peut demander que la compatibilité d'une proposition avec l’article 3 B du traité instituant la Communauté européenne soit examinée lors de la discussion de la proposition. Le Conseil et la Commission tirent de cet examen les conclusions appropriées, qui peuvent consister à compléter ou restreindre ladite proposition, ou même à en suspendre la discussion.
Les règles pertinentes du Conseil, y compris en matière de vote, s'appliquent à cet examen de manière à ne pas entraver la prise de décision au sein du Conseil et éviter tout système de prise de décision préliminaire ou parallèle.
La décision du Conseil sur les aspects touchant à la subsidiarité est prise en même temps que la décision sur le fond.
Lorsque les procédures visées aux articles 189 B et 189 C sont mises en œuvre, le Parlement européen est pleinement informé de la position du Conseil concernant le respect de l’article 3 B, et ce dans l'exposé des motifs que le Conseil doit présenter conformément aux dispositions du traité. Le Conseil fournit également de telles informations au Parlement s’il rejette en partie ou en totalité une proposition de la Commission au motif qu'elle n’est pas conforme au principe de l’article 3 B.
Article 5
Le Parlement européen se conforme également à l’article 3 B.
Lorsque les procédures visées aux articles 189 B et 189 C sont mises en œuvre, le Parlement européen informe pleinement la Commission et le Conseil de sa position au regard de l'article 3 B, en particulier s'il rejette ou modifie une proposition en partie ou en totalité au motif qu'elle n’est pas conforme à l'article 3 B.
Article 6
La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) est consultée sur les grandes orientations de chaque présidence et sur le programme de travail de la Commission. Elle transmet son avis au Conseil, au Parlement européen et à la Commission.
La COSAC peut également, dans le délai prévu à l'article (...), émettre un avis sur la compatibilité de toute proposition d'acte communautaire avec le respect du principe de subsidiarité. Cet avis est transmis au Conseil, au Parlement européen et à la Commission.
Ces institutions, dans leurs délibérations en vue de l'adoption d'une proposition d'acte communautaire, doivent prendre dûment en considération les avis exprimés par la COSAC.
Article 7
La Commission présente au Conseil et au Parlement européens un rapport annuel sur l'application de l'article 3 B du traité instituant la Communauté européenne. Le président de la Commission en rend compte au Conseil européen. Le Conseil européen en tient compte dans le cadre du rapport sur les progrès réalisés par l'Union qu'il doit lui-même présenter au Parlement, conformément à l'article D du traité sur l'Union européenne.
ANNEXE
Lignes directrices propres à chaque alinéa de l'article 3 B du traité instituant la Communauté européenne.
I. – Premier alinéa de l'article 3 B (Limite de l'action communautaire)
Le respect du critère défini dans cet alinéa est une condition de toute action de la Communauté.
Pour appliquer correctement cet alinéa, les institutions devront avoir la certitude que l'action proposée se situe dans les limites des compétences conférées par le traité et qu'elle vise à réaliser un ou plusieurs de ses objectifs. L'examen du projet de mesure devra déterminer l'objectif à réaliser, établir s'il peut être justifié en liaison avec un objectif du traité et établir l'existence de la base juridique permettant de l'adopter.
II. – Deuxième alinéa de l'article 3 B (La Communauté doit-elle agir ?)
2.1. Cet alinéa ne s'applique pas aux questions relevant de la compétence exclusive de la Communauté.
Pour qu'une action de la Communauté se justifie, le Conseil doit avoir l'assurance qu'elle répond au critère de subsidiarité dans ses deux aspects : les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par une action des États membres et ces objectifs peuvent donc être mieux réalisés par une action de la Communauté.
2.2. Pour vérifier si la condition mentionnée ci-dessus est remplie, il convient de suivre les lignes directrices suivantes :
– la question examinée a des aspects transnationaux qui ne peuvent pas être rédigés de manière satisfaisante par une action des États membres et/ou ;
– une action au seul niveau national en l'absence d'action de la Communauté serait contraire aux exigences du traité (concernant, par exemple, la nécessité de corriger des distorsions de concurrence, d'éviter des restrictions déguisées aux échanges ou de renforcer la cohésion économique et sociale) ou léserait sérieusement d’une autre manière les intérêts des États membres et/ou ;
– le Conseil doit avoir l'assurance qu'une action au niveau communautaire présenterait des avantages manifestes, en raison de ses dimensions ou de ses effets, par rapport à une action au niveau des États membres.
2.3. La Communauté doit entreprendre une action impliquant une harmonisation de la législation ou des normes nationales uniquement lorsque cela est nécessaire pour réaliser les objectifs du traité.
2.4. L’objectif de l’adoption d’une position unique des États membres vis-à-vis des pays ne justifie pas en lui-même une action interne de la Communauté dans le domaine concerné.
2.5. Les motifs qui amènent à conclure qu’un objectif communautaire ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres, mais peut être mieux réalisé par la Communauté, doivent être étayés par des indicateurs qualitatifs ou, chaque fois que cela est possible, quantitatifs.
III. – Troisième alinéa de l’article 3 B (Nature et étendue de l’action communautaire)
3.1. Cet alinéa s’applique à toute action de la Communauté, qu’elle relève ou non de la compétence exclusive.
3.2. Toute charge, qu’elle soit financière ou administrative, incombant à la Communauté, aux gouvernements nationaux, aux autorités locales, aux opérateurs économiques et citoyens doit être réduite au minimum et proportionnelle à l’objectif réalisé.
3.3. Les mesures de la Communauté doivent laisser une marge de décision aussi grande que possible au plan national, cette marge devant rester compatible avec la réalisation de l’objectif de la mesure et le respect des exigences du traité. Sans préjudice de la législation communautaire, il convient de veiller au respect des pratiques nationales bien établies ainsi que de l’organisation et du fonctionnement des systèmes juridiques des États membres. Dans les cas appropriés, et sous réserve de la nécessité d’une exécution adéquate, les mesures communautaires doivent offrir aux États membres différentes solutions pour réaliser les objectifs de la mesure.
3.4. Lorsqu’il est nécessaire de fixer des normes au niveau communautaire, il convient de veiller à arrêter des prescriptions minimales en laissant aux États membres la faculté de prendre des mesures renforcées au niveau national, non seulement dans les domaines où le traité le prévoit (articles 118 A et 130 T), mais également dans d’autres domaines lorsque cela n’est pas contraire aux objectifs de la mesure proposée ou du traité.
3.5. La forme de l’action doit être aussi légère que le permettent la réalisation adéquate de l’objectif de la mesure et de la nécessité d’une exécution efficace. La Communauté ne doit légiférer que dans la mesure nécessaire. Toutes choses égales par ailleurs, il convient de donner la préférence aux directives par rapport aux règlements, et aux directives cadres par rapport aux mesures plus détaillées. Les mesures non contraignantes, telles que les recommandations, doivent être privilégiées lorsqu’elles sont appropriées. Il convient d’envisager également, le cas échéant, le recours à des codes de conduite volontaires.
3.6. Lorsque le traité le permet, et à condition que cela soit suffisant pour réaliser ses objectifs, il convient de choisir de préférence un type d’action communautaire consistant à encourager la coopération entre États membres, à coordonner les actions nationales ou à leur apporter un complément, un supplément ou un appui.
3.7. Lorsque les difficultés sont localisées et n’affectent que certains États membres, l’action éventuellement requise au niveau de la Communauté ne doit pas être étendue aux autres États membres, à moins que cela ne soit nécessaire pour réaliser un objectif du traité.