Conférence de presse de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la présentation du "Baromètre d'image des syndicats et de la CGT auprès des français" réalisé par CSA pour la CGT, Paris le 26 octobre 1999.

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La CGT bouge, les Français l’ont vu, 70 % des salariés pensent qu’elle est capable d’aller encore plus loin : nous avons la ferme intention de ne pas les décevoir.

Ses 5 principales qualités, celles que lui reconnaît une forte majorité, sont bien en phase avec son identité profonde et les orientations stratégiques que nous nous sommes fixées au 46e congrès : la CGT est présente, combative, capable de propositions, respectueuse de l’avis des salariés, disponible. Entre 98 et 99, tous les indicateurs d’image ont progressé auprès des salariés de 4 à 13 points, certains de façon très spectaculaire : « la disponibilité » passe de 45 à 54 %, « l’ouverture » de 36 à 47 %, « l’indépendance » de 34 à 47 %, « l’efficacité » de 28 à 39 %.

Nous n’allons pas bouder notre satisfaction, même si nous sommes convaincus de la prudence à observer dans l’interprétation de l’information que peut livrer un sondage d’opinion. Nous nous servons de cet outil depuis maintenant 6 ans : avec l’aide et avec la confiance dans le professionnalisme de CSA, nous essayons de l’utiliser avec circonspection.

Par exemple comment croiser le fait que la « confiance des ouvriers dans les syndicats pour défendre les intérêts des salariés » aurait baissé pour atteindre le score peu glorieux de 39 % alors que dans le même temps, 72 % de cette catégorie de salariés ont trouvé au cours des derniers mois la CGT « présente », 63 % « combative », 66 % « capable de propositions » et 53 % « efficace ». J’aurais personnellement tendance à faire confiance dans la conjonction de ces qualités pour défendre mes intérêts d’ouvrier salarié. Cet indicateur de « confiance » dans les syndicats est sans doute complexe à interpréter : on peut accorder sa confiance à l’un ou l’autre syndicat mais ne pas avoir confiance dans leur capacité effective à emporter la décision sur des défis majeurs face à la détermination du patronat et aux contraintes imposées par l’État. Cette tendance à la baisse a sans doute au moins une signification implicite, celle de nous inciter à concrétiser le plus souvent possible notre démarche de syndicalisme rassemblé, car tout nous fait penser que la mobilisation et l’action unitaire restent les moteurs essentiels de la confiance.

Un autre résultat me semble intéressant parce que les réponses posent des questions. 46 % des salariés souhaitent que la 2e loi RTT fixe des règles contraignantes aux employeurs pour apporter des garanties aux salariés et 44 % qu’elle laisse aux entreprises toute la souplesse pour négocier la mise en place des 35 heures. Je ne crois pas que cela puisse s’interpréter comme révélateur d’une France salariée « coupée en deux ». Les 2 assertions qui semblent au premier abord formellement contradictoires, peuvent parfaitement être constitutives d’une seule opinion avec l’expression du seul point de vue dominant selon chacun. On peut en effet de façon tout à fait cohérente :

- à la fois considérer que la loi apporte des garanties de résultat et une forte incitation à négocier sans laquelle, compte tenu des traditions du patronat français et des convictions du patronat tout court, rien n’aurait eu lieu ;

- et penser que l’adéquation à la situation concrète de chacun demande que les modalités puissent être examinées à un niveau où chaque salarié soit réellement en mesure d’exercer un pouvoir d’intervention directe sur le contenu, ce qui suppose une réelle marge de négociation.

 Cette analyse est en tout cas parfaitement en phase avec l’affirmation par les salariés d’être « personnellement prêts » :
- « à répondre à une consultation organisée par les syndicats sur les 35 heures » (79 %) ;
-  « à signer une pétition » (80 %) ;
- « à participer à assemblée générale » (69 %).

Bref, tout cela témoigne d’une appétence explicite pour la démocratie.

Et puis, sur le même registre, il y a bien sûr la « ratification » de notre position sur l’exigence d’une majorité légitime ou dûment constatée pour qu’un accord soit « applicable ». Comme on dit, « il n’y a photo » : 67 % des salariés et de 70 à 73 % parmi ceux qui se sentent proches des 3 plus grandes confédérations plébiscitent le fait majoritaire, voilà qui devrait faire s’interroger sur la valeur de certaines arguties ou la solidité de certains prétextes…

Nous serions incomplets et peu responsables si nous passions sous silence, dans un tableau plutôt positif, des signes encore faibles mais révélateurs d’un malaise qui s’installe chez les « salariés du public ». Là encore cette catégorie est trop hétérogène pour que des informations quantitatives brutes débouchent immédiatement sur des analyses pertinentes. Toutefois, je pense que les mises en cause du service public, les élucubrations catastrophistes sur les retraites, les offensives politiques du patronat et du MEDEF contre les missions de régulation sociale de l’État et de ses fonctionnaires ont produit et continuent à produire un brouillage dans la conscience de nombreux salariés du secteur. Il est nécessaire que nous en prenions la mesure et que nous investissions plus et mieux ce terrain essentiel de la lutte syndicale.

Quoi qu’il en soit, il nous paraît indéniable que l’image de la CGT dans le pays et dans le monde du travail s’est améliorée et surtout que cette évolution trouve sa source dans la réalité effective de notre pratique syndicale : c’est à la fois encourageant et porteur d’exigences.

44 % des salariés se disent « prêts à se syndiquer ». Nous déployons de grands efforts pour essayer de capter cette volonté, de prospecter ce gisement essentiel pour le renouveau du mouvement syndical en France. Nous obtenons des résultats, certes en deçà de ce que promet un potentiel qui ne se dément pas d’un sondage à l’autre, mais assez significatifs pour que nous soyons en mesure de vous faire part d’un progrès enregistré de mois en mois. Nous avons réalisé 6 000 adhésions au mois de septembre portant à 51 000 le nombre d’adhérents nouveaux pour l’année, et créé 2 133 nouveaux syndicats, soit beaucoup plus d’ores et déjà qu’en 1998 qui était pourtant avec 2 000 bases nouvelles notre meilleure année depuis 1977.

Il est certain que si nous maintenons cette dynamique, la CGT inaugurera l’an 2000 avec plus de 700 000 adhérents.