Déclaration de M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur, sur la réforme des missions, de l'organisation et des moyens de la police nationale, notamment l'organisation des services et les cycles de travail des policiers, Paris le 27 janvier 1997.

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Circonstance : Réunion des directeurs départementaux de la sécurité publique, Paris le 27 janvier 1997

Texte intégral

Messieurs les directeurs,

La loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a jeté les bases d’une vaste réforme des missions, de l’organisation et des moyens de la police nationale.

Les objectifs fixés à la police nationale sont ambitieux, à la hauteur des enjeux fondamentaux auxquels celle-ci est confrontée.

Il était nécessaire d’adapter ce grand service public de sécurité à l’évolution de notre société, afin qu’il réponde aux défis qui se présentent à lui dans le domaine de la délinquance, et qu’il réponde aussi aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Un travail considérable a déjà été accompli.

Le statut spécial des fonctionnaires de la police nationale a été rénové.

La première partie du règlement général d’emploi des personnels a été soumise au comité technique paritaire central les 8 et 9 juillet 1996, après avoir fait l’objet de larges débats avec les organisations représentatives des personnels.

J’ai signé le 22 juillet l’arrêté correspondant.

Le cadre, les conditions, les modalités d’exercice des missions des fonctionnaires et agents de la police nationale, ainsi que les droits et obligations s’attachant à leur fonction ont été fixés.

Les règlements d’emploi particuliers déterminent les organigrammes des services et les conditions spécifiques d’emploi propres à chaque direction et services.

L’instruction générale relative à l’organisation du travail, également soumise au comité technique paritaire central, précise les modalités d’application des règles qui concernent le temps et les régimes de travail de l’ensemble des fonctionnaires des corps actifs de la police nationale.

Des actions de communication sans précédent ont été menées.

Le directeur général et les directeurs et chefs de service ont entrepris un véritable tour de France d’explication des dispositions adoptées, rencontrant plus de 12 000 fonctionnaires, jetant les bases du dialogue et de l’action de concertation que vous avez poursuivis à votre niveau.

J’ai personnellement réuni les préfets à plusieurs reprises, afin de leur dire quelle importance prioritaire j’attachais à la réalisation des objectifs fixés, et de leur préciser quel devait être leur rôle.

J’ai tenu à vous rencontrer à chaque étape de la mise en œuvre de cette réforme fondamentale, afin que vous sachiez l’importance que j’attachais à sa réussite, et la ferme détermination qui m’anime.

Votre direction centrale vous a apporté tout l’appui technique qui vous était nécessaire.

Je n’ignore rien des difficultés que vous avez rencontrées, mais je sais aussi que je peux attendre de vous un engagement total.

Je tiens à vous dire ici ma satisfaction pour le travail que vous avez accompli personnellement dans vos départements.

J’ai la conviction profonde que vous avez eu un rôle déterminant dans l’adoption de cette réforme.

Les comités techniques paritaires départementaux, illustration de la volonté de déconcentration de l’administration de la police nationale, se sont mis en place et ont fonctionné sans difficultés majeures.

Commencées à la mi-octobre, les installations se sont achevées à la mi-décembre. Une forte mobilisation, à tous les niveaux hiérarchiques, a illustré ces réunions sous la présidence des préfets des départements.

Certes, les négociations ont été quelquefois difficiles. Mais le très fort engagement de tous dans cette structure déconcentrée de concertation a fait apparaître un nouvel esprit de responsabilité.

Les comités techniques paritaires départementaux se sont prononcés sur les cycles de travail et l’organisation des services.

Le cycle 3/2, inadapté à une bonne utilisation des effectifs, néfaste sur le plan physiologique, a été partout repoussé. Le cycle 4/2 ou ses variantes ont été choisis, permettant de dégager des disponibilités nouvelles et introduisant une plus grande souplesse dans l’organisation des services. 95 départements se sont prononcés à l’unanimité ou à une majorité plus ou moins forte. Un fort consensus s’est ainsi dégagé.

La variété des cycles adoptés, y compris au sein d’un même département entre les différents services, montre bien que des choix ont été faits selon les aspirations et les besoins. Dans tous les cas, il s’agit de promouvoir une autre façon de travailler.

Depuis le début de cette année, les nouveaux régimes horaires sont pratiqués. Les principaux éléments positifs de cette réorganisation fondamentale apparaissent d’ores et déjà.

À effectifs constants, de nouvelles disponibilités opérationnelles ont été dégagées.

Les études préalablement menées avaient montré tous ces avantages. Le nombre d’heures de travail fournies par les policiers n’a pas augmenté mais ils travaillent mieux, autrement, dans des meilleures conditions de régularité, avec une plus grande disponibilité.

Les souplesses introduites par l’abandon du système 3/2 ont permis d’adapter les moyens opérationnels aux besoins, par le renforcement ou la création de telle ou telle unité : brigade anti-criminalité, îlotage, section d’intervention, patrouilles des unités de roulement.

Les redéploiements ainsi rendus possibles, même à la marge, permettent de reprendre, dans nombre de circonscriptions, une initiative opérationnelle qui s’était érodée. C’est une meilleure couverture de la voie publique avec les mêmes effectifs qui est devenue possible.

Ainsi, par exemple, le nouveau régime cyclique des unités de roulement permet :
     - à la circonscription de Nantes, le redéploiement de 41 gradés et gardiens ;
     - à celle de Rouen, de 30 gradés et gardiens ;
     - à Bordeaux, de 70 gradés et gardiens ;
     - au Mans, de 12 gradés et gardiens ;
     - dans un petit service comme La Flèche, de 4 gradés et gardiens ;
     - dans les départements de la petite couronne parisienne, les moyens disponibles pour les patrouilles de roulement sur les vacations de matin, d’après-midi et de soirée se sont accrus de 15 à 25 %.
     
Il s’agit bien d’une augmentation considérable du potentiel opérationnel consacré aux missions de police.

La réforme horaire donne ainsi à la police nationale les bases qui lui étaient indispensables pour atteindre les objectifs fixés par le législateur : une organisation plus souple, une police moderne présente, plus proche des réalités, capable de se mobiliser et de s’adapter, des tâches plus valorisantes.

Sur le plan réglementaire, l’administration centrale doit élaborer – et ce travail est en cours – la deuxième partie du règlement général de la police nationale qui sera consacré aux règlements intérieurs des directions et des services et de la préfecture de police.

Il vous faut maintenant donner vie aux nouvelles structures.

L’année 1997 sera celle de la mise en application des décisions arrêtées. La réforme doit se traduire dans le quotidien et pénétrer les mentalités, car il s’agit d’une véritable révolution culturelle.

Des difficultés transitoires existent qui demanderont une nouvelle fois un engagement total de tous, de l’échelon central à l’échelon local, dans le cadre d’un dialogue permanent avec les personnels et leur représentation syndicale.

Les nouvelles organisations doivent mettre fin aux cloisonnements. Chacun, à son niveau de responsabilité, doit trouver sa place dans les nouvelles structures, en respectant les principes hiérarchiques et en cohérence avec l’organisation définie par les règlements.

Conséquences de la nouvelle architecture des corps et des nouvelles qualifications judiciaires qui seront progressivement étendues au corps de maîtrise et d’application, la mise en place du traitement des affaires judiciaires en temps réel et des services de quart doit être une priorité.

Je tiens à souligner toute l’importance que j’attache à la création des services de quart là où ils sont prévus, et à la réalisation d’un réel traitement de l’urgence judiciaire au sein des unités de voie publique. Il s’agit d’une pièce essentielle dans la police de proximité. Nos concitoyens doivent avoir une réponse immédiate lorsqu’ils sont victimes d’une infraction par un meilleur suivi des plaintes et de ces petites affaires qui perturbent la qualité de la vie à laquelle chacun a droit.

Les services de quart, par la suppression des permanences judiciaires, permettront un nouveau gain en potentiel opérationnel des services d’investigation et de recherche.

C’est ainsi que pour la circonscription du Mans, qui a pratiqué ce nouveau mode de travail à titre expérimental pendant plusieurs mois, l’évaluation faite sur le dernier trimestre 1996 montre un gain en disponibilité des fonctionnaires d’investigation et de recherche de 62 jours de travail, par rapport à l’ancien système de permanence judiciaire.

Rendue possible par l’unification des corps, cette nouvelle organisation valorise les tâches des personnels. Bien sûr, elle suppose aussi un changement dans les mentalités et les manières de travailler, de même que dans les rapports hiérarchiques.

Il faut surmonter les appréhensions, les réticences. C’est dans ce domaine que j’attends de vous, membres du corps de conception et de direction, beaucoup de détermination, de savoir-faire, d’habilité et de persuasion.

Vous pouvez être assuré que, comme par le passé, vous aurez mon ferme soutien et l’appui de votre administration centrale.

L’application des nouvelles règles régissant le temps de travail, notamment les droits des personnels en matière de récupération et de compensation horaire, basées sur le principe des heures réellement travaillées, demandera la plus grande rigueur dans la gestion et un contrôle permanent à tous les niveaux hiérarchiques. Il est de votre devoir d’y veiller afin d’éviter toute dérive qui annihilerait les effets positifs de la modification des règles exorbitantes anciennes. Le dispositif reste complexe.

C’est pourquoi, j’ai pris la décision de lancer une application informatique. Ce logiciel pour la gestion des horaires de la police, baptisé GEOPOL, a pour objet essentiel de simplifier les tâches et de permettre à tout moment de connaître la situation d’un service, d’une unité, d’un fonctionnaire.

Vous disposez depuis le début de l’année d’un masque de saisie. La version définitive vous sera livrée au cours du premier trimestre 1997 et la version réseau sera opérationnelle à la fin du premier semestre.

Les comités techniques paritaires départementaux sont désormais le cadre institutionnel de la concertation dans vos départements.

L’année 1997 leur permettra d’asseoir définitivement leur statut de structure privilégiée de concertation et de lieu de dialogue social.

C’est dans ce cadre institutionnel que devra être assuré le suivi de la réforme. C’est à travers eux que vous devrez, en temps utile, procéder à l’évaluation des nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement.

Elle permettra de procéder, s’il y a lieu, à des aménagements concernant les problèmes d’organisation et de fonctionnement relevant de leur compétence, pour une meilleure adaptation aux réalités locales.

Ils devront connaître des communications relatives au budget et débattre, sans que cela donne lieu à un vote, du rapport annuel sur l’état de vos services, ainsi que sur celui des autres services de police du département.

Le directeur général a procédé, le 10 janvier, à l’installation du Comité central d’hygiène et de sécurité compétent à l’égard des personnels et services de la police nationale. Il se réunira désormais régulièrement.

Dans ce domaine, de grands chantiers s’ouvrent cette année, tout d’abord par la mise en place de la médecine de prévention. Quatre expérimentations avant généralisation ont été décidées dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Val de Marne, de la Côte d’Or et des Hautes-Alpes. Un comité d’hygiène et de sécurité sera créé auprès de chaque comité technique paritaire départemental. Il assistera en matière d’hygiène et de sécurité dans la police nationale.

J’ai la volonté que 1997 soit une année sociale pour la police.

Les bases des nouvelles structures et d’un meilleur fonctionnement sont désormais jetées. Il reste à construire sur ce socle la nouvelle police, celle du vingt et unième siècle. Les citoyens attendent de l’État et de l’ensemble des services publics qu’ils soient plus proches de leurs préoccupations. J’entends que la police nationale soit un modèle. Elle vient de faire la démonstration qu’elle était capable de se remettre en cause, de s’adapter, d’imaginer, de surmonter les conservatismes et les querelles corporatistes, pour une réforme du fonctionnement de l’État, au service de la France.

Naturellement, cette police que je veux exemplaire doit être défendue lorsqu’elle est injustement attaquée.

Je veux ici affirmer solennellement que je serais d’une intransigeance absolue chaque fois que la police nationale et les policiers seront bafoués dans leur honneur et leur dignité.

La haine de l’autre, madame, messieurs les directeurs, n’est jamais innocente et ne doit jamais être tolérée car elle met en danger les fondements même de notre République en s’attaquant à la fraternité et à la solidarité.

Votre directeur général, votre directeur central et le directeur de l’administration de la police nationale ont tout mis en œuvre pour vous donner, aux côtés de vos préfets, le pouvoir d’agir. Ils me tiennent régulièrement informé de vos difficultés mais aussi de vos succès.

Je sais votre engagement, je sais pouvoir compter sur vous.

Je suis confiant pour 1997 car je connais votre détermination et votre volonté de conduire, sous l’autorité de Claude Guéant et de Daniel Duglery, la police nationale sur la voie de la modernité, du dialogue et de l’efficacité.