Interview de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, dans "Midi libre" du 19 octobre 1996, sur les actions en faveur du livre.

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Circonstance : Opération "Le temps des livres" entre le 17 et le 27 octobre 1996

Média : Le Midi Libre - Midi libre - Presse régionale

Texte intégral

Midi Libre : La Cour des comptes vient de relever un manque de rigueur dans la politique du Livre ces dernières années. Que pensez-vous de ses remarques ?

Philippe Douste-Blazy : Le rapport de la Cour des comptes porte pour l’essentiel sur une période qui se clôt en 1993. Il recommande plus de cohérence. Dès le mois d’octobre 1995, j’ai lancé un plan pour le libre et la lecture.

La politique du Livre doit certes être cohérente mais elle doit être aussi diversifiée pour toucher la multiplicité des acteurs. C’est pourquoi, elle doit passer non seulement par le Centre national du livre et ses quelque 2 000 interventions annuelles, mais aussi par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui seules peuvent agir localement. Sans le Centre national du livre, les éditions Vrin n’auraient jamais pu rééditer les œuvres complètes de Descartes, et c’est bien grâce au soutien de la DRAC Nord-Pas-de-Calais que la Maison de la poésie du Nord avait pu déjà publier Wislawa Szymborska aujourd’hui prix Nobel de littérature.

Midi Libre : Où en est la politique du Livre ?

Philippe Douste-Blazy : Pour moi, la politique du Livre, c’est encourager la création et la production : c’est soutenir la diffusion, libraires et bibliothèques : c’est toucher tous les publics, c’est-à-dire agir prioritairement en direction des jeunes, mais aussi les publics en difficulté.

Les malvoyants doivent pouvoir trouver de véritables collections en braille dans les bibliothèques. Lorsque les gens n’ont pas facilement accès aux livres, comme dans les quartiers en difficulté ou dans les zones rurales, le livre doit se porter vers eux, par la mise en place d’équipements spécifiques comme les bibliothèques annexes de quartiers ou les relais-livres en campagne.

Midi Libre : Vous nous aviez déclaré, il y a un an que vous souhaitiez élargir les publics du libre et toucher, notamment, les jeunes. Sur quoi cela a-t-il débouché ?

Philippe Douste-Blazy : Parmi les publics prioritaires, il y a évidemment les jeunes. Il est vrai que chez eux, la télévision, les nouveaux supports, les jeux électroniques et d’autres occupations concurrencent le livre. Mais tout montre qu’ils ne demandent qu’à s’enthousiasmer pour le libre. On ne sait pas assez que 40 % des 6 millions de lecteurs inscrits dans nos bibliothèques ont moins de 14 ans.

Il s’agit donc pour moi de multiplier les occasions de rencontre entre les jeunes et le livre. En mars dernier, j’ai ainsi invité 20 000 jeunes de toute la France au Salon du livre de Paris et je compte renouveler ce genre d’opération.

Midi Libre : Une autre de vos priorités concernait le renforcement du réseau des bibliothèques. Où en est-on ?

Philippe Douste-Blazy : Nos 2 500 bibliothèques publiques forment avec nos 20 000 librairies le maillage culturel le plus dense du territoire. Notre pays continue à s’équiper en bibliothèques publiques grâce aux efforts considérables consentis par les collectivités territoriales. L'État accompagne ces efforts à travers la dotation générale de décentralisation qui réserve près de 900 millions par an aux bibliothèques.

Vous savez qu’en 1997 cette somme a été transférée sur le budget du ministère de la culture. Sans rien remettre en cause de la décentralisation, j’étudie la possibilité d’améliorer l’intervention de l’État et d’encourager un meilleur fonctionnement et une plus grande qualité de service. Ce sera l’objet de la loi sur les bibliothèques que je prépare. Une autre dimension de cette loi sera de garantir le respect du pluralisme dans les bibliothèques. Je ne laisserai pas porter atteint à cette mission comme le maire FN d’Orange a tenté de le faire.

Enfin, le renforcement du réseau des bibliothèques, c’est aussi la coopération entre toutes les bibliothèques de notre territoire et la Bibliothèque nationale de France (BNF), notamment grâce aux liaisons informatiques. Le budget de la BNF a fait pour 1997 l’objet d’une extrême rigueur mais j’ai entièrement préservé l’enveloppe de 15 millions de francs destinée au réseau.

Midi Libre : Quelles sont vos priorités cette année ?

Philippe Douste-Blazy : Les jeunes lecteurs, bien sûr, mais aussi les jeunes auteurs. Pour aider ceux qui n’ont encore écrit que dans des revues à publier leur premier livre, j’ai créé les « bourses découverte ». Je veux aussi continuer à irriguer les zones rurales notamment en doublant le nombre de « relais livres en campagne » unissant prêt et vente. Enfin, avec les éditeurs, je lancerai de nouvelles initiatives en faveur de la lecture dans les quartiers en difficulté. Il faut gagner la bataille de la lecture.