Texte intégral
Michel Lemaitre : Avez-vous l’intention de mettre un terme à l’ingérence de plus en plus marquée des chaînes de télévision dans le sport moderne ?
Guy Drut : Les rapports entre sport et télévision feront l’objet d’un article important de la loi en cours de préparation. Mon objectif est de faire en sorte que le plus grand nombre de téléspectateurs puissent avoir accès aux grandes épreuves internationales. Car c’est l’une des bases de la démocratie.
Michel Lemaitre : Autrement dit, vous avez l’intention de vous opposer à la confiscation de l’actualité sportive par des chaînes à péage ?
Guy Drut : Exactement. Cela dit, je ne suis pas encore en mesure de vous communiquer le contenu précis du projet qui sera soumis au Parlement. Car il s’agit d’un problème complexe qui ne saurait se satisfaire d’une approche parcellaire : en touchant à telle chaîne, ou à telle discipline, nous créerions plus de difficultés que nous n’en résoudrions.
C’est pourquoi nous avons engagé, avec les responsables de chaînes, comme avec le mouvement sportif, des discussions qui doivent nous permettre de dégager une solution globale, respectueuse des intérêts de tous…et de la réglementation européenne.
Michel Lemaitre : Les relations sport-télé ne sont-elles pas le révélateur d’un problème plus vaste : la subordination du mouvement sportif à des intérêts financiers ?
Guy Drut : Je me refuse à dire non à l’argent, qui est présent dans le sport de haut niveau, et le restera, quoique l’on fasse. Mieux vaut accompagner les évolutions, plutôt que de se voiler la face, et accepter l’argent, pour mieux le maîtriser.
Michel Lemaitre : Envisagez-vous de renforcer la législation contre le dopage ?
Guy Drut : la loi sur le sport traitera également du dopage. Elle aura pour objectif principal de renforcer l’indépendance de ceux qui préviennent, jugent et pénalisent lorsqu’il y a lieu de le faire.
Michel Lemaitre : En somme, vous tenez absolument à attacher votre nom à une grande loi sur le sport ?
Guy Drut : Ce n’est pas l’entête d’une carte de visite qui importe, mais son contenu. J’ai d’abord envisagé un simple toilettage de la loi de 1984. Si j’ai finalement choisi d’aller plus loin, c’est qu’en douze ans, beaucoup de choses ont changé : les relations sport-argent, sport-télé – vous l’avez noté – ont énormément évolué, les contextes économique, social également. Le traité de Maastricht, les nouvelles directives européennes ont introduit des données nouvelles, que nous ne pouvons ignorer.
Je soumettrai donc au Parlement un projet de loi qui aura pour objectif de développer toutes les dimensions du sport. Sa dimension économique, avec la création d’emplois, sa dimension éducative, avec l’aménagement des rythmes scolaires, mais aussi sa dimension sociale : le sport peut et doit devenir un formidable facteur d’intégration et d’insertion, dans les banlieues difficiles comme en milieu rural.
Michel Lemaitre : Avez-vous l’intention de freiner l’hémorragie provoquée par l’arrêt Bosman ?
Guy Drut : La situation que nous connaissons ne comporte pas que des effets négatifs. Nous pouvons, je crois, être fiers, de voir tant de joueurs français sollicités par les plus grands clubs mondiaux. Cela dit, nous devons protéger nos équipes nationales et donner aux clubs français les moyens d’être compétitifs, grâce à des aménagements fiscaux, que nous sommes en train de mettre au point.
Michel Lemaitre : L’évolution des grands clubs vers un statut d’entreprises vous paraît-elle inéluctable ?
Guy Drut : Il me semble évident qu’un club dont le budget atteint cent ou deux cents millions de francs doit être géré comme une entreprise. Il ne peut en être autrement. Encore une fois, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, mieux vaut accompagner les évolutions. Les nier ne servirait à rien. Si ce n’est à aggraver les problèmes, au point de les rendre insolubles.