Déclaration de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, sur le lancement d'une consultation nationale et de débats sur l'Europe dans le cadre de forums régionaux et sur l'appel au volontariat des jeunes pour l'organisation de ce dialogue, Paris le 14 octobre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse pour le lancement de la campagne "Dialogue national pour l'Europe", à Paris le 14 octobre 1996, pour une période de 9 mois jusqu'en mai 1997

Texte intégral

Je voudrais vous dire quelques mots et, éventuellement, répondre à vos questions sur l’initiative que le Premier ministre m’a demandé d’engager et que nous avons baptisée le « dialogue national pour l’Europe ».

Cette opération, qui n’est pas un « coup », qui n’est pas artificielle, qui veut être utile, est à la fois une explication de la construction européenne et une écoute de ce que pensent les gens à ce sujet. Donc, j’ai un double souci en participant et en animant cette opération : celui de répondre à des questions, à des angoisses qui peuvent s’exprimer. C’est légitime, dans une période de difficultés économiques, que les gens aient des questions, des angoisses, des espoirs aussi, et qu’ils cherchent à placer les responsabilités quelque part. La tentation existe de les placer au niveau européen. Je crois donc très important qu’il y ait une grande capacité d’écoute et de réponse.

Je le crois d’autant plus que, lorsqu’on regarde l’histoire de la construction européenne, on compte sur les doigts d’une main les grandes occasions de débats et de dialogues directs avec les citoyens. La plus forte occasion aura été – et ce débat n’a pas été médiocre – celle du référendum sur le traité de Maastricht. Que l’on ait voté oui ou que l’on ait voté non, c’était un vrai débat avec les citoyens. En remontant 45 ans en arrière, de telles occasions ont été très rares.

Est-ce qu’il faut attendre une consultation, une crise, une occasion exceptionnelle, pour débattre des questions européennes ? Je ne le crois pas. L’Europe n’est pas à côté de nous. Il faut donc en débattre quotidiennement. C’est un défi difficile, mais nécessaire.

Nous ne voulons pas non plus imposer un discours d’en haut, comme certains ont pu le penser. C’est cela qui rend aussi la tâche un peu plus difficile. Il faut bien quelqu’un pour animer ce dialogue, pour l’organiser. Il me semble que c’est la tâche du ministre des Affaires européennes. Après quoi, ce dialogue étant organisé, il faut qu’il soit relayé, et nous avons fait appel pour cela à tous les partenaires possibles. J’ai été très frappé de la réponse que nous avons reçue, non seulement de l’Association des maires de France, de l’Association des présidents de conseils généraux, des présidents de région, mais aussi des chambres consulaires, des chambres d’agriculture, des chambres de métiers, des chambres de commerce, des syndicats professionnels. Demain, je serai à Strasbourg avec la présidente nationale du CNJA, qui va participer, avec d’autres, au débat de Strasbourg.

L’idée du dialogue, c’est d’avoir un cadre général dans lequel seront placées, depuis la base, toutes les initiatives, toutes les occasions d’information et de discussions.

Il y aura donc 26 programmes régionaux, dont le temps fort sera un forum régional. Mais, ce forum régional n’est que le temps fort d’un programme dans chaque région, qui va se nourrir, se remplir au fil des semaines par toutes sortes d’initiatives. Je pense à ce que nous essayons de faire avec le ministère de l’Éducation nationale, pour essayer d’accentuer l’information et l’éducation à la construction européenne, mais aussi à toutes sortes de réunion organisées, ici par une jeune chambre économique, là par le CNJA, ailleurs par la Banque de France, ou encore par le conseil général, par les formations politiques si elles le souhaitent.

Nous n’avons pas du tout le souci d’imposer un discours, même si le ou les ministres qui participeront à ces dialogues sont là aussi pour répondre aux questions. J’ai une autre idée que certains qualifieront peut-être de naïve – mais je ne crois pas à l’esbroufe, donc je vous dis les choses comme je les crois – , j’ai le souci de faire remonter vers Paris et vers Bruxelles un certain nombre de réalités et de sentiments.

Ce temps de dialogue national, pendant 9 mois, du 15 octobre à la fin du mois de juin 1997, sera un temps d’écoute, de telle sorte que les gens puissent s’exprimer. Je suis sûr de l’intelligence des citoyens, de leur capacité de comprendre des choses difficiles, de dire des choses utiles pour les faire remonter vers ceux qui dirigent.

J’ai un souvenir très précis de ce que je vous dis là : lorsque j’étais ministre de l’Environnement, j’ai accompli dans cette période-là près de 150 déplacements sur le terrain, et pas une seule fois, je ne suis revenu à Paris sans avoir, le soir en rentrant, sur un sujet ou sur un autre, une idée différente de celle que j’avais le matin. Et je pourrais dire aujourd’hui la même chose des déplacements que j’ai déjà faits dans 9 régions de France depuis ma nomination au ministère des Affaires européennes.

Nous allons donc intensifier ce dialogue concret en lui donnant un cadre plus large auquel participera la Commission, qui, naturellement, nous aide à monter cette opération, ainsi que tous ceux qui le voudront.

Ce dialogue sera non pas seulement ce que je voudrais qu’il soit – parce que, quelle que soit mon énergie, je ne peux pas tout faire –, mais ce que tous les partenaires, tous les relais, les organisations professionnelles, syndicales ou associatives sur le terrain, voudront qu’il soit.

J’ai réuni, fin septembre, 300 responsables d’associations à vocation européenne, qui n’avaient jamais été réunis. Nous avons monté cette opération avec toutes les grandes collectivités locales. Je pense que de nombreuses chances sont réunies pour que ce dialogue soit une réussite. Mais je répète que notre souci est multiple : expliquer, avec des mots plus simples, avec des exemples concrets, en quoi l’Europe est nécessaire, en quoi l’Europe est utile, en quoi parfois aussi elle est redondante avec ce que l’on peut mieux faire au niveau national ou régional, et en même temps faire remonter ce que pensent les gens vers le gouvernement à Paris, mais aussi vers le Parlement européen à Strasbourg, vers la Commission à Bruxelles, pour corriger un certain nombre de décisions.

Ce dialogue s’adresse à tous les citoyens et pas seulement aux hommes politiques, aux patrons, aux banquiers, et aux diplomates, qui sont naturellement engagés dans la construction européenne. Cette opération s’adresse aux citoyens et, parmi eux, plus particulièrement aux jeunes, pour lesquels nous aurons des messages ou des moments plus particuliers.

C’est dans cet esprit que j’ai décidé de lancer un appel par votre intermédiaire aux jeunes de France, qui ont entre 18 et 25 ans, et qui voudraient nous aider comme volontaires de ce dialogue. Nous allons faire appel aux candidatures, grâce au « 36.15 Europe » qui se met en place aujourd’hui, pour qu’un millier de jeunes volontaires, qui accepteront de donner un peu de leur temps pour cette cause, puissent relayer nos efforts et nous aider à réussir l’organisation de ce dialogue.

Je crois beaucoup au volontariat. Pour les Jeux olympiques, nous avions mobilisé 8 500 volontaires, dont certains ont donné deux ou trois ans de leur temps, d’autres quelques semaines. Je suis sûr de la capacité de volontariat des Français et des jeunes en particulier, même sur des sujets difficiles, dès l’instant où il s’agit d’une grande et belle idée. Et l’idée européenne en est une.

Nous allons lancer cet appel aux candidatures de jeunes bénévoles, volontaires, pour participer avec nous à ce dialogue et être le relais. Et nous nous réunirons tous, au mois de mai 1997. Ces jeunes seront, non seulement chargés d’organiser, de relayer nos initiatives et les initiatives locales, mais aussi de faire remonter, de rapporter ce qu’ils auront entendu. Nous en ferons une synthèse générale, utile pour le gouvernement et les autorités européennes en mai 1997, un an après que le Premier ministre a lancé l’idée même de ce dialogue à la Sorbonne.


Q. : Est-ce que le dialogue signifie que vous estimez qu’il y a un déficit d’Europe dans ce pays ? Pourquoi ne pas avoir organisé un tel type de dialogue avec l’ensemble de vos 14 partenaires ?

R. : Ce qui me gêne dans votre question, c’est le mot « déficit » d’Europe. C’est un déficit d’explications sur l’Europe.

C’est une idée qui paraît spontanément juste, naturellement juste. Pas forcément pour les mêmes raisons qu’en 1951, quand la CECA a été créée. Les pères fondateurs, à l’époque, avaient cette audace politique formidable de vouloir créer un lien économique et politique entre des gens qui s’étaient fait la guerre pendant plus de 50 ans, créer un lien entre eux qui empêche la guerre et qui ancre définitivement la démocratie entre eux. Et cela a marché. Il faut peut-être rappeler le bilan de l’Union européenne depuis qu’elle existe.

Mais, aujourd’hui, il faut refaire la preuve de l’Europe, probablement à partir de préoccupations plus quotidiennes. Cela ne nous interdit pas de parler de la paix, de la stabilité, des grandes causes, de la solidarité avec le Sud, de l’ouverture à l’Est. Mais, il faut parler de l’Europe avec des mots plus quotidiens, à propos de l’emploi, de la sécurité, de la drogue, de l’environnement. Oui, il y a un déficit.

Cette initiative est soutenue par la Commission. Elle intéresse beaucoup nos partenaires. J’en ai parlé avec plusieurs ministres d’autres pays qui vont s’en inspirer. Je ne crois pas que tous les dialogues doivent descendre de Bruxelles. Ce matin, un commentateur sur une radio disait : « les gouvernements ne dialoguent pas, ils expliquent, ils ont raison ». Si on nous reproche cela au niveau national, alors que justement je ne veux pas imposer un discours d’en haut, mais expliquer, répondre à des questions et écouter, que dirait-on si c’était une opération menée de Bruxelles ? Bruxelles lance des opérations : « citoyens d’abord », « l’euro ». Mais je ne crois pas qu’il faille tout attendre de Bruxelles, et je pense que la France, compte tenu de ce qu’elle est, avec ses spécificités, ses questions particulières, a plus de chance de réussir une opération comme celle-là, si nous lui gardons son identité nationale.

Mais je serai accompagné dans chacun des forums par un commissaire, pour qu’il connaisse la France et que les Français connaissent la Commission. J’ai déjà fait cela dans plusieurs régions de France et c’était très utile. Ces commissaires étaient d’ailleurs très surpris qu’un ministre français aille sur le terrain comme cela.

Demain, je serai avec M. de Silguy, qui est français. Mais j’ai invité tous les commissaires à participer à l’un des débats régionaux.

Q. : Vous nous avez dit qu’au cours de vos nombreux voyages sur le terrain, vous aviez à chaque fois appris quelque chose et que l’idée que vous pouviez avoir le matin avait changé le soir. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

R. : Ce n’était pas forcément sur des grands sujets.

Je me suis aperçu que la question de la guerre ou de la paix intéressait les jeunes notamment. Dans les dialogues que j’ai conduits dans des classes de 4e ou de 1re, cette question et celle de l’impuissance européenne en Bosnie, de ce qui allait se passer après la chute du Mur de Berlin, ces grandes questions de politique étrangère ou de politique européenne – les questions européennes sont de moins en moins étrangères – intéressaient les gens. C’est une leçon que j’ai retirée de ces visites et qui s’est confirmée au fil de ces visites.

Pour le reste, ce sont des sujets plus professionnels ou plus particuliers : le fait que l’on puisse, dans une commune du Limousin ou du Pas-de-Calais, interpeller directement un ministre pour lui dire : « vous avez une directive européenne qui a telle conséquence pour mon usine », les moniteurs de ski dans les régions de montagne, dont je me suis occupé ces derniers temps parce qu’il m’avait interpellé. Ce sont des choses que je n’aurais pas forcément trouvées dans les notes de mes collaborateurs.

Je crois au regard et à l’écoute personnels des dirigeants politiques, sans qu’il y ait trop de filtres et d’aseptisation.

Je peux donner beaucoup d’exemples de questions que j’ai posées à partir d’écoute sur le terrain.

Q. : Le débat sur le référendum de Maastricht a montré que l’idée européenne était encore une idée à construire. On a vu les résultats des élections européennes hier en Autriche. Est-ce que vous ne craignez pas de réveiller tout cela et de ne plus pouvoir maîtriser le débat que vous lancez maintenant ? S’il n’y a pas de discours, qu’est ce qui va donner une perspective aux gens ?

R. : Le président de la République s’est exprimé, s’exprimera sur son projet européen, qui est fort. Et si j’entends parfois des hommes ou des femmes politiques français critiquer le projet européen de Jacques Chirac, je ne l’entends plus dans les autres pays européens où je me rends souvent, et dans les capitales dont les négociateurs travaillent avec moi dans la CIG. Nous avons un projet politique et le président de la République continuera de l’exprimer et de l’expliquer. Le discours national sera tenu par le chef de l’État et par les ministres, comme c’est leur rôle. Votre question est intéressante, parce que cela voudrait dire que, sous prétexte que ce débat est difficile, que les Français cherchent un bouc émissaire et le trouvent quelquefois à Bruxelles, il faudrait ne pas en parler. Ce n’est pas ma méthode dans le débat démocratique, que de se mettre la tête dans le sable en disant que les questions européennes sont difficiles. Cette attitude-là a failli nous coûter cher au moment du débat sur le traité de Maastricht.

Q. : Alors, on peut poser la question : l’Europe, pour quoi faire ? Et quelle Europe ? Dans le dialogue, est-ce qu’il y a un cadre donné ?

R. : Dans les documents que nous diffuserons, je vais, en quelques pages, décrire ce qu’est le cadre de l’Europe aujourd’hui pour la France. Dire pourquoi et comment nous voulons préserver la paix pendant les 50 ans qui viennent, comme nous l’avons fait depuis 50 ans, et plus longtemps encore. C’est le premier point. Comment nous voulons créer un espace, parachever sur le plan économique, le marché unique et la monnaie unique pour protéger nos entreprises. Expliquer en quoi le marché unique est important pour l’emploi et la monnaie unique est aussi faite pour l’emploi, d’abord pour l’emploi. Et enfin, comment, grâce à l’Europe, nous ferons mieux face à certains défis qui concernent aussi bien la stabilité de notre continent et la sécurité des citoyens. Nous sommes sur les sujets qui sont au cœur de la Conférence intergouvernementale, la politique étrangère commune, la sécurité extérieure commune et la sécurité intérieure : que fait-on contre la drogue, contre le terrorisme, est-ce qu’on le fait ensemble ? Ou est-ce qu’on le fait chacun dans son coin ?

Q. : Où en est-on du point de vue dialogue intereuropéens ? Avec les autres pays européens ?

R. : Vous voulez que je vous fasse un point de la CIG ?

Je voudrais que le dialogue national, cette initiative un peu originale, devienne naturel et quotidien. Pour l’Europe, le pire, c’est le silence et donc l’indifférence qui est quelquefois portée par le silence. Et derrière l’indifférence, il y a parfois aussi la colère qui s’exprime. C’est donc contre cela que je veux lutter en faisant appel à l’intelligence des gens et en leur parlant.

Maintenant, sur le plan de la CIG, j’ai l’espoir qu’après la réunion de Dublin, on arrive à un résultat à Amsterdam, c’est-à-dire dans 9 mois. Il nous reste 9 mois de négociations, nous venons d’en passer à peine 3. Je ne dis pas cela pour justifier le travail que je fais à la base et que fait Hervé de Charette de son côté avec les autres ministres des affaires étrangères. Cette conférence doit durer un an. Nous en sommes à 3 mois à peine. Et je lis parfois que tout est en panne, que rien n’avance : nous avons encore 9 mois de négociations.

Et je vous dis, parce que je suis à la base de cette négociation, que nous avançons chaque jour. À chaque étape de la négociation, je vois que, sur les trois grands chapitres de la négociation, les pays et les points de vue se rapprochent. Ce qui était important, c’était que les chefs d’État réaffirment le calendrier pour terminer à Amsterdam et réaffirment qu’ils ne concluront pas cette négociation sur le plus petit dénominateur commun.

En tout cas, s’agissant de la France, nous gardons une ambition forte sur cette conférence, parce que je ne dis pas que c’est la conférence de la dernière chance, mais il n’y aura plus jamais, même s’il y a d’autres conférences intergouvernementales, d’autres adaptations institutionnelles dans les décennies qui viennent. Il n’y en aura pas une qui sera liée à une telle exigence et à un levier tel que l’élargissement à douze pays.

Q. : Pour revenir au dialogue national, les différents relais sur lesquels vous comptez sont-ils tous des relais socioprofessionnels, ou bien aussi des relais politiques ? Et dans cette hypothèse, est-ce que ce serait mono-partisan ou transpartisan ? Et si c’était transpartisan, ne craignez-vous pas un effet tel que celui qu’on a pu ressentir ici ou là pendant la campagne du traité de Maastricht, où le mouvement européen avait organisé des réunions d’information et de débat qui étaient transpartisanes, et qui ont été très mal interprétées par beaucoup ?

R. : Il faudrait que, dans ce pays, on arrive à avoir une conception moderne de la République et du débat démocratique. Nous ne sommes pas en campagne électorale. C’est pour cela aussi que ce débat s’interrompra au mois de juin 1997. En dehors d’une campagne électorale, est-ce si incroyable ou si impossible que dans la salle d’un conseil régional, d’une chambre des métiers, dans n’importe quelle circonstance, se trouvent des députes RPR, socialistes, communistes, que chacun s’exprime en écoutant les autres.

On peut débattre sans s’insulter dans notre pays. Je souhaite que ce débat soit pluraliste. Je souhaite que, dans les différentes occasions, s’expriment les points de vue de tous les partis politiques. Il ne faut pas que les hommes politiques monopolisent le micro, et je m’efforcerai de ne pas le faire moi-même. Je trouverai bien, que dans ces occasions-là, de manière précise et non polémique, s’expriment tous les points de vue.

Q. : Quel est votre objectif à propos de 10 mois de dialogue. C’est d’abord une série de questions, de rancœurs, d’échos venus des régions, d’orienter différemment la politique du gouvernement ? À quelle mesure verrez-vous que ce dialogue aura été réussi ?

R. : D’abord, au nombre de personnes qui auront participé aux réunions, à la franchise des débats. Je pense que, dès qu’un journal, une radio, une télévision peut ouvrir plus de place au débat européen, c’est gagné. Ce n’est pas forcément facile de parler de l’Europe dans les journaux, à la télévision ou à la radio. Mais certains le font, et le font bien. Je souhaite que grâce à ce dialogue, on se dise qu’au fond, les gens se posent des questions, même s’ils n’ont pas de lieu pour les exprimer.

Vous vous rendez compte que les gens ont des questions à poser. Il faut donc ouvrir le débat.

Je vais faire tenir le compte de la place réservée dans les médias aux questions européennes dans les dix mois qui viennent, par rapport à ce qui est le cas aujourd’hui. J’espère que je constaterai une augmentation. Ce serait un premier signal de progrès.

Je ne sais pas encore sous quelle forme, mais je ferai une synthèse de tout ce que j’aurai entendu, à l’usage du Parlement européen, du président de la République et des autorités de Bruxelles.

Q. : Une synthèse ou bien le 9 mai, aurez-vous un cahier de doléances ?

R. : Ce peut être la même chose. On peut avoir des doléances qui ont reçu des réponses. Dans toutes les doléances que l’on reçoit, que j’ai déjà entendues à propos de l’Europe, certaines peuvent recevoir immédiatement une réponse, parce qu’elles ne s’adressent pas à Bruxelles, alors qu’on le croit.

Il faut déjà clarifier les choses, dire clairement où se situent les responsabilités. Le nombre de cas où l’on me parle de telle directive européenne, en oubliant que le gouvernement français l’a souhaitée, il y a 5 ou 6 ans. Dans ce débat, je souhaite aussi que l’on dise la vérité sur ce qui est dû ou voulu par les autorités européennes, soutenu par le gouvernement depuis des années et ce qui est dû à d’autres causes ou à d’autres choix. Et puis des doléances probablement. J’ai déjà retiré un certain nombre de leçons de mes premières tournées sur la façon de gérer les fonds structurels en France. Et j’ai fait part de mes premières observations au ministre de l’Aménagement du territoire. Il y a des milliards d’écus qui sont attribués chaque année par la Commission au titre des fonds structurels en France. Cela ne se sait pas suffisamment. Dans le cadre du dialogue, on pourra l’expliquer, montrer concrètement que telle entreprise a pu investir et créer vingt emplois grâce à l’intervention des fonds européens, qu’on a pu protéger la Loire grâce à des fonds de Life.

Comme nous allons rentrer dans une période où nous allons restructurer, remettre à plat les fonds structurels à l’horizon 1999, ce dialogue peut faire apparaître des priorités, des axes qui seront utiles au gouvernement pour mieux gérer les fonds structurels.

Voilà une conséquence concrète.

Q. : Est-ce que vous allez accentuer votre dialogue, à la fois les informations et l’écoute, en direction de catégories socioprofessionnelles qui sont réputées n’être pas favorables à la construction européenne – je pense aux paysans, mais aussi aux ouvriers et aux employés ? Et puis, est-ce que vous allez accentuer votre dialogue dans des zones fragiles, défavorisées, dont on a vu qu’elles votaient largement contre l’Europe ?

R. : Ma réponse est oui. Le dialogue va se dérouler dans toutes les régions. Il y aura un temps de débat, et puis des visites aussi. Ce sera organisé de manière égale dans chaque région. Mais j’ai donné des instructions pour que l’on accentue les visites dans les endroits où nous aurons besoin des fonds structurels, autant voire plus, dans les années qui viennent.

Vous parliez des agriculteurs : voilà aussi pourquoi je crois à l’intelligence des gens. J’ai assisté, il y a quelques mois, à la réunion organisée conjointement par l’APCA, le CNJA, la FNSEA, sur l’Europe et l’élargissement agricole. Il y avait 400 dirigeants départementaux, toutes les organisations agricoles rassemblées pour la première fois, ensemble, sur un même sujet. Et le sujet, c’était l’élargissement à douze pays d’Europe centrale, orientale ou baltique. Les dirigeants agricoles se préparent à cet élargissement. Eux-mêmes ont beaucoup évolué sur ces questions liées à la monnaie unique ou à l’Europe.

Le président de la République s’est exprimé sur le modèle social européen. On entre dans une période aussi où l’on fera davantage de concertation sur les politiques liées à l’emploi, au temps de travail, à la formation au niveau européen : cela intéresse aussi les ouvriers et les salariés.

Q. : Je constate que ce dialogue prend place à peu près en même temps que la CIG que vous voulez absolument conclure en juin, l’année prochaine. Votre dialogue sera terminé en mai. Si vous voulez faire remonter les priorités, comment allez-vous faire coïncider le passage de ces priorités ?

R. : Je n’avais pas le choix. Je souhaitais qu’on parle plus d’Europe dans cette période. On va en parler sur le plan des institutions, des grands axes stratégiques, l’Europe de la défense, de la monnaie. Je pense que le débat européen ne doit pas se résumer à sa dimension monétaire, qui va être très forte. Il faut que nous puissions parler d’autres choses. Il nous reste 9 mois, mais le dialogue commence demain, et nous ne conclurons pas la CIG avant le mois de juin. Les grands axes de la CIG sont connus. Il reste que, sur un certain nombre de sujets, ce qui remontera de ce dialogue pourra être pris en compte dans la CIG. Le président de la République ne souhaite pas que la CIG soit retardée, et nous ne souhaitons pas que le dialogue se télescope avec la campagne des législatives.

Je suis tout à fait sûr que des choses qui vont être dites seront utiles et prises en compte dans l’action européenne. Encore une fois, tout le débat européen, toute l’action du gouvernement sur ce sujet ne se résume pas à la CIG. La CIG, c’est le premier rendez-vous, mais ce n’est pas le seul. Les questions monétaires ne sont pas dans la CIG. Quelques problèmes d’emploi sont dans la CIG, mais on peut agir autrement et à côté. Les questions de politique de l’environnement, de la sécurité relèvent en partie de la CIG. Beaucoup de choses vont sortir de ce débat, qui pourront être prises en compte par les pouvoirs publics français ou européens en dehors de la CIG.