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Le Parisien : La baisse de la TVA semble redevenir d’actualité, alors qu’il y a quelques mois le gouvernement la jugeait impossible. La campagne électorale a d’étranges vertus…
Jean Arthuis : Nous sommes dans la perspective d’une législature de cinq ans. Dans le débat électoral, on jalonne le parcours, c’est normal. Aujourd’hui, la France court deux risques : celui d’une délocalisation géographique, pour les activités exposées à la concurrence internationale, et celui d’une délocalisation « interne », pour celles qui s’exercent exclusivement pour échapper aux impôts et aux formalités.
Pour sauver l’emploi dans des secteurs « exposés » à l’international, il n’y a qu’une manière : l’allègement des charges sociales. Là, la TVA constitue un bon impôt qui soumet aux mêmes obligations les produits d’importation et ceux produits sur le sol national.
En revanche, pour tous les travaux de proximité hors du champ de la concurrence internationale, comme l’artisanat du bâtiment, la réparation automobile, la restauration, les services aux personnes…, le taux normal de TVA, à 20,6 %, est excessif. Il faut donc envisager de le réduire en tenant compte, naturellement, de nos marges budgétaires, et créer un taux intermédiaire.
Le Parisien : Mais la France n’est pas seule, une telle décision nécessite l’accord de l’Europe ?
Jean Arthuis : Il y a en effet un obstacle européen : en octobre 1992 une directive a institué deux taux seulement de TVA. Mais entre 20,6 % et 5,5 %, on peut trouver un taux intermédiaire. Ceci justifie que l’on ouvre des négociations avec nos partenaires de l’Union européenne pour modifier le texte de 1992. L’Europe n’est pas un carcan rigide. Les problèmes de TVA sont vécus de la même manière par les Allemands, les Espagnols, les Italiens… Quand les Allemands constatent qu’ils ont environ soixante milliards de francs de ressources fiscales en moins, ou que leurs investisseurs vont plutôt en Europe centrale qu’en Allemagne, ils se posent les mêmes questions que nous.
Le Parisien : À quel niveau devrait être cette TVA « intermédiaire » ?
Jean Arthuis : En premier lieu, j’estime que le taux le plus élevé de TVA doit être ramené autour du taux moyen européen, soit autour de 17 % ou 18 %, comme l’a dit le Premier ministre, pour éviter que les Français n’aillent acheter leur voiture ou faire leurs courses ailleurs. Quant au niveau du taux intermédiaire de TVA, il dépendra de notre capacité à lutter contre l’économie clandestine et de notre marge budgétaire. On ne peut pas du jour au lendemain sacrifier des ressources qui nous mettraient en difficulté budgétaire. Mais c’est la direction dans laquelle il faut aller.
Le Parisien : Vous faites cette proposition parce que la baisse des recettes de TVA, liée à la fraude, vous effraie ?
Jean Arthuis : Ne phantasmons pas, il y a d’autres raisons pour expliquer cette « évaporation » : notamment le fait que nous avons remboursé la TVA plus vite aux entreprises, en 1996. Mais c’est vrai que l’excès de paperasse, de formalités et de charges peut encourager la fraude. Doit-on laisser l’économie parallèle déstabiliser l’économie légale ? Il faut surmonter nos contradictions et nos hypocrisies. La République c’est la transparence !