Déclaration de M. Hervé Gaymard, ministre de la santé et de la Sécurité sociale, sur la prise en charge de la douleur et le projet de labellisation des structures de lutte contre la douleur, Paris le 21 novembre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : FRANCE-PARIS

Texte intégral

Prise en charge de la douleur

I. – Les progrès de la médecine : dans le domaine du soin et du diagnostic ont permis un traitement meilleur et plus rapide des maladies en phase aiguë.

Ces avancées ne doivent pas, aujourd’hui, nous dispenser de nous préoccuper de la vie quotidienne des personnes atteintes de maladies chroniques souvent confrontées à l’épreuve de la douleur.

Soulager les souffrances des malades est, d’ailleurs, devenu une obligation inscrite dans le code de déontologie qui s’impose à tout médecin quel que soit son mode d’exercice.

Cette prise en charge s’impose d’autant plus que les techniques médicales actuelles permettent, dans la quasi-totalité des cas, de réduire les douleurs y compris celle des malades parvenus au stade terminal de leur affection.

II. – Or, la plupart des études dont nous disposons montrent que la douleur, et notamment les douleurs rebelles, ne sont pas prises en charge de façon satisfaisante dans notre pays.

Il est significatif de constater, à cet égard, que la France était, il y a peu de temps encore, très mal placée au niveau mondial en ce qui concerne la prescription d’antalgiques majeurs, affichant par là même son retard dans la lutte contre la douleur.

Les obstacles à la prescription de ces médicaments classés comme stupéfiants par le code de la santé publique, comme l’avait alors très bien montré les travaux du sénateur Neuwirth, étaient notamment liés à l’absence de formation des praticiens sur l’utilisation de la morphine, et à des règles de prescription et de délivrance dissuasives voire culpabilisantes.

III. – Un certain nombre d’actions ont été menées par le ministère de la santé afin de favoriser la prescription de médicaments permettant de soulager la douleur : introduction d’un enseignement sur la douleur dans les formations initiale et continue des médecins, information de l’ensemble des soignants sur l’utilisation des antalgiques majeurs, allongement de la durée de prescription du sulfate de morphine par voie orale notamment.

Ces actions expliquent sans doute pour partie l’augmentation très nette de la consommation de la morphine qui a doublé entre 1993 et 1994. Cette augmentation semble également se confirmer pour 1995. Ce résultat encourageant ne doit cependant pas faire illusion : trop peu de médecins, notamment généralistes, possèdent le carnet à souches nécessaire pour prescrire ces antalgiques, et trop de médecins ont encore des réticences à l’utiliser.

IV. – C’est pourquoi je suis venu vous annoncer aujourd’hui les mesures que je compte prendre pour faciliter le traitement de la douleur tant par les praticiens libéraux que par structures spécialisées.

1. S’agissant des praticiens libéraux, je vais signer dans les prochains jours un arrêté qui modifie les caractéristiques et la présentation du « carnet pour prescriptions spéciales ».

Plus pratique grâce à son format chéquier, plus disponible par la présence d’un feuillet de renouvellement destiné à limiter toute interruption de traitement, ce carnet devrait favoriser la prescription par les praticiens de traitement, qui, adaptés à chaque malade, permettent de lui assurer une meilleure qualité de vie.

2. Ceci étant, un certain nombre de malades souffrant de douleurs rebelles particulièrement complexes à soulager ne peuvent être pris en charge que dans des structures organisées et disposant de moyens adaptés.

La labellisation de ces structures de lutte contre la douleur chronique et rebelle est donc devenue une nécessité.

Cette labellisation devra définir plusieurs niveaux de prise en charge selon la complexité du service rendu aux patients allant de la consultation spécialisée pluridisciplinaire au centre anti-douleur disposant d’un plateau technique complet :
      - Une consultation antidouleur doit pouvoir offrir les compétences de trois médecins dont un psychiatre et deux médecins somaticiens de disciplines différentes. L’un de ces deux médecins doit avoir une formation neurologique suffisante.
      - L’unité de lutte contre la douleur dispose des mêmes compétences médicales que la consultation mais en outre, offre un plateau technique adapté.
      - Le centre de prise en charge de la douleur associe les compétences de la consultation, le plateau technique de l’unité et possède une capacité d’hébergement temporaire. Son activité doit de plus être au moins équivalente à cinq jours par semaine.

La labellisation vise, ainsi, à reconnaitre l’existence des structures disposant de tout l’éventail des techniques et des compétences indispensables pour une bonne prise en charge des douleurs chroniques et rebelles.

Elle doit, d’autre part consacrer la mission d’un établissement et d’une équipe de référence vis à vis des professionnels et de l’ensemble de la population de sa zone d’attraction.

J’attache, en effet du prix à ce que les structures labellisées ne répondent pas seulement aux critères scientifiques établis par la communauté médicale et les autres professionnels concernés mais à ce qu’ils soient aussi de véritables animateurs d’un réseau constitué avec d’autres équipes de la région.

Je suis convaincu que c’est à cette condition que la couverture des besoins sera améliorée au-delà du centre labellisé et que se développera véritablement la recherche clinique autour de ces prises en charge particulièrement complexes.

Les agences régionales de l’hospitalisation se verront donc confier la mission de procéder au cours de l’année 1997 à ces labellisations à partir de critères qui seront précisés par la mission pilotée par le docteur Serrie dans le droit fil des conclusions du rapport de l’ANDEM.

3. Par ailleurs et en complément, je demanderai aux directeurs des agences régionales de l’hospitalisation d’établir dans chaque région pour la fin de l’année 1997, un volet du schéma régional d’organisation sanitaire consacré à la prise en charge de la douleur.

Il devra porter à la fois sur le réseau spécifique des équipes constitué autour des structures labellisées ainsi que sur les dispositifs mis en place dans chaque établissement, conformément à la loi, pour améliorer le traitement des douleurs chroniques rebelles.

Naturellement, l’offre en direction des enfants et des personnes âgées, qui expriment le plus difficilement leurs besoins en la matière, devra faire l’objet d’une attention particulière.

Ce schéma régional permettra de prendre acte de l’existant, d’évaluer pour chaque région les moyens consacrés à cette activité et de les renforcer lorsque ce sera nécessaire.

Ainsi, fin 1997, chaque région sera en mesure d’évaluer les moyens qu’elle consacre à la prise en charge de la douleur chronique rebelle. Ces moyens, notamment en personnels, constitueront une base incompressible qui sera renforcée en 1998 dans le cadre des priorités de la politique hospitalière.

Ainsi, Mesdames et Messieurs, les mesures que je viens d’évoquer, qui visent à la fois à améliorer la prise en charge de la douleur par les professionnels libéraux et les structures plus lourdes permettront à notre pays de rattraper le retard qu’il a pu prendre dans ce domaine.

Je tiens, d’ailleurs, à cet égard à me féliciter de la constitution du collège national des médecins de la douleur qui permettra d’accompagner les efforts des pouvoirs publics.