Interviews de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "La Croix" du 6 mai 1997, "Le Journal du dimanche" du 11, "La Nouvelle République du Centre-Ouest" du 15 et "La Voix du Nord" du 17, sur les propositions de La Droite Indépendante notamment les mesures sociales et pour l'emploi.

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Média : La Croix - La Nouvelle République du Centre Ouest - La Voix du Nord - Le Journal du Dimanche - Presse régionale

Texte intégral

La Croix - 6 mai 1997

La Croix : La « droite indépendante » se situe-t-elle dans la majorité ?

Philippe de Villiers : Elle se situe au centre de gravité de la déception des Français qui ne se sentent plus représentés par des partis comme le RPR et l’UDF, devenus inconditionnellement maastrichtiens et qui n’ont pas tenu les engagements de la campagne présidentielle : ni la baisse des impôts, ni le référendum sur l’école ou sur l’Europe, ni les projets pour la famille.

La Croix : En prenant des voix à la majorité, ne faites-vous pas le jeu de la gauche ?

Philippe de Villiers : Ceux qui viennent vers nous nous disent plutôt : j’ai failli m’abstenir. Ce sont ceux qui refusent le choix entre l’archaïsme et l’immobilisme. Pour que les choses changent, il faut des candidats neufs et qui incarnent l’honnêteté.

La Croix : Au soir du premier tour, appellerez-vous quand même à faire battre la gauche ?

Philippe de Villiers : Pour l’instant, il ne doit être question que du premier tour. C’est le moment d’exprimer un autre choix, une autre vision de la France et de la société, pour faire barrage au socialisme.

La Croix : Vous dénoncez le « carcan » des critères de Maastricht. Ne faut-il pas réduire les déficits publics ?

Philippe de Villiers : Si, bien sûr. Mais il convient de rejeter l’inversion actuelle des priorités. Il faut commencer par baisser les impôts et les dépenses de fonctionnement de l’État. C’est la croissance ainsi générée qui réduira les déficits. Au niveau européen, il faut mettre le libre-échange et la monnaie au service de l’emploi et non l’inverse.

La Croix : Pour que la France soit en position de force dans les négociations européennes, le Président n’a-t-il pas besoin d’une majorité forte ?

Philippe de Villiers : Hélas, le choix de la monnaie unique, la France propose de transférer sa propre souveraineté à Bruxelles. Qu’on ne compte pas sur nous pour cela. Si, au contraire, un courant fort se dégage contre Maastricht le 25 mai, rien ne sera plus comme avant.

La Croix : Que proposez-vous concrètement pour lutter contre la corruption ?

Philippe de Villiers : D’abord donner à la justice les moyens de son indépendance et de ses investigations. Contrairement à l’Italie, il manque à la France des juridictions financières spécialisées dans la lutte contre l’argent sale. Je souhaite aussi que les partis politiques s’obligent (ou soient obligés) à faire le ménage dans leurs rangs : tout homme politique condamné pour corruption doit être déclaré inéligible à vie.

La Croix : Où trouver les moyens des mesures familiales que vous préconisez ?

Philippe de Villiers : En gérant autrement l’ensemble des prestations sociales et les caisses d’allocations familiales. Je préfère que les caisses cessent de subventionner des salles polyvalentes pour créer une retraite pour les mères de famille. Le candidat Chirac avait proposé et chiffré « l’allocation parentale de libre choix ». Ces chiffres doivent rester valables…

La Croix : Trouvez-vous, vous aussi, des vertus à Tony Blair ?

Philippe de Villiers : Je constate que Blair invente là où Jospin commémore. Il appartient à la même génération que Clinton. En France, on a du mal à renouveler les générations. Mais je préférerais un « libéralisme à la française » plutôt que l’importation d’un « travaillisme à l’anglaise ».

 

Le Journal du Dimanche - 11 mai 1997

Concrètement, quelle est votre Europe ?

En quelques heures, voici ce qui vient de se passer : « l’Organisation mondiale du commerce » vient de donner raison aux Américains, et a condamné l’Europe à démanteler la dernière préférence communautaire qui lui restait, celle portant sur le commerce de la banane : cela se passe loin de chez nous me direz-vous, mais cela fera quand même 100 000 chômeurs de plus sur le territoire français.

Il y a quelques heures, la même « Organisation mondiale du commerce » a de nouveau condamné l’Union européenne et l’a obligée à démanteler son embargo sur les importations de viandes hormonées en provenance des États-Unis : il ne s’agit plus là d’une question de chômage mais d’une question de santé publique.

Qui a négocié et signé le GATT au nom de l’Union européenne ? La Commission européenne.

Qui a autorisé la libre circulation du maïs génétiquement modifié en provenance des USA ? La Commission européenne.

Qui a pratiqué la désinformation en 1990 sur l’affaire de la vache folle ? La Commission européenne.

Il est important de faire une autre Europe que celle de la Commission européenne, une Europe qui ne s’occupe que de l’essentiel :

L’essentiel, c’est de refaire un « marché commun » et non pas une passoire : il faut que l’Europe redevienne une communauté de producteurs et de consommateurs, protégée à l’extérieur et libre de l’intérieur.

L’essentiel, c’est l’emploi : il faut faire de l’Europe une communauté d’emplois, et non pas une union monétaire. Il faut concevoir un système monétaire européen qui soit au service de l’emploi. Or, ce qui se prépare avec la monnaie unique, c’est la perte de notre souveraineté, la fin de notre droit à utiliser les trois « manettes » indispensables à l’indépendance d’un pays mais désormais remises entre les mains des banquiers de Francfort :

En application du pacte de stabilité, nous perdrons définitivement la « manette budgétaire ».

Sous prétexte d’« unification toujours plus nécessaire », nous perdrons la manette fiscale. Souvenez-vous de Jacques Chirac, annonçant au cours d’une émission consacrée aux jeunes, qu’il avait décidé de baisser à 5,5 % le taux de TVA appliqué en France sur les CD-Rom. Cette annonce fut démentie dès le lendemain : la Commission avait fait savoir au Président qu’il ne disposait désormais plus de ce pouvoir…

Et puis, à partir de mars 1998, nous perdrons définitivement la manette monétaire puisque le franc disparaîtra.

C’est sans doute ce qui fait dire aux éditorialistes du « Courrier international » de cette semaine : ces élections législatives sont les « dernières élections franco-françaises ».

C’est pourquoi il me paraît urgent de faire un autre choix que le choix de la régression socialiste ou de la résignation maastrichtienne : ce choix, c’est celui de l’emploi, donc celui d’une Europe au service de l’emploi et non plus une Europe au service de la monnaie. La monnaie est un moyen, le libre-échange est un moyen, l’emploi doit être le but.

Bernanos disait : « Une société se perd quand elle substitue les moyens aux fins ». C’est une autre manière de dire : faisons une bonne politique, nous aurons une bonne économie.

 

La Nouvelle République du Centre-Ouest - jeudi 15 mai 1997

La Nouvelle République du Centre-Ouest : En quoi la monnaie unique peut-elle rétablir l’Europe à une place dominante dans la mondialisation de l’économie ?

Philippe de Villiers : La monnaie unique ne renforce pas l’Europe. Bien au contraire, elle l’affaiblit. Surtout dès lors que la double logique de l’Europe maastrichtienne et du libre-échangisme mondial rejette la notion de Marché commun européen doté d’une protection communautaire à l’encontre de produits venant de pays exerçant une concurrence déloyale en raison de leurs faibles salaires et de leurs absences de normes sociales, sanitaires et environnementales.

La constitution d’une Europe puissante dans le domaine économique et commercial ne passe pas inéluctablement par l’instauration d’une monnaie unique. Avec l’Europe des nations, telle que la propose la Droite indépendante, chaque monnaie nationale, dans le cadre d’un système monétaire européen renforcé, serait alors rattachée à une monnaie commune, par des parités stables et ajustables en fonction de l’évolution économique de chacun.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Comment garantir la protection sociale face à la maîtrise difficile des dépenses de santé et à la réduction constante de la production des actifs ?

Philippe de Villiers : Est-il normal que la Sécurité sociale française n’arrive pas à maîtriser ses dépenses et soit virtuellement en faillite alors que le budget social de la nation a triplé en vingt ans, atteignant l’équivalent de 30 % de notre production de richesses ?

La réforme de la protection sociale passe par celle des régimes spéciaux, qu’il convient d’aligner sur le régime général, mais aussi par la mise en concurrence des différentes caisses, pour permettre l’exercice des choix individuels, et par la séparation totale des quatre branches du régime général de la Sécurité sociale.

Il s’agit ensuite de moderniser l’assurance maladie. Pourquoi les dépenses de santé par habitant sont-elles, en France, les plus élevées d’Europe, alors que l’état de santé des Français n’est pas meilleur que celui de leurs voisins ?

La Droite indépendante refuse la logique du plan Juppé qui instaure une maîtrise comptable des dépenses de santé, un rationnement des soins, et tend à l’étatisation de la médecine. Elle propose une maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Il s’agit également de mieux garantir l’assurance vieillesse par l’instauration de la retraite par points, permettant à la pension d’être fonction des cotisations versées au cours de toute la carrière, et d’un système complémentaire de retraites par capitalisation.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Toutes les politiques de l’emploi conduites par les gouvernements de gauche ou de droite ont échoué à lutter efficacement contre le chômage. Existe-t-il encore des solutions novatrices ?

Philippe de Villiers : Le chômage n’est pas une fatalité, quoi que veuillent faire croire les gouvernements successifs, depuis vingt-cinq ans ; il existe des moyens de le combattre.

La Droite indépendante propose un plan d’action fondé sur la réduction des charges et des impôts, accompagnée de la diminution massive des dépenses publiques et sociales, sur l’exonération des charges sociales pour toute embauche d’un premier salarié, la suppression des rigidités réglementaires destructrices d’emplois, la réduction des taux d’intérêt et leur maintien à un taux peu élevé afin de renouer avec les investissements créateurs d’emplois. Il faut, enfin, revenir à la préférence communautaire pour préserver nos emplois et mettre un frein à leur délocalisation.

En attendant, il faut gérer la situation transitoire de sous-emploi. Il convient d’indemniser ceux qui ont perdu leur emploi, mais aussi ne plus tolérer les abus et les fraudes en matière d’allocations et aides diverses. Il faut également favoriser une véritable réinsertion liée au RMI, en permettant aux bénéficiaires de travailler dans des collectivités publiques ou à des tâches d’utilité publique dans des entreprises.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : La sécurité pose problème en ce qui concerne la petite et moyenne délinquance. Que proposez-vous, alors que l’’encadrement prévu des dépenses publiques ne saurait autoriser d’accroître significativement les effectifs de police ?

Philippe de Villiers : La réduction des effectifs dans la fonction publique que propose la Droite indépendante passe par la suppression – lors de départs à la retraite – de postes qui doublonnent, dans la proportion d’un sur trois. Cela n’interdit nullement un redéploiement de postes dans les secteurs où la nécessité s’en fait sentir, dans les forces de l’ordre notamment.

La Droite indépendante propose de donner les moyens aux forces de l’ordre et à la justice de faire respecter la loi sur tout le territoire national. Il convient également de rétablir les contrôles aux frontières pour lutter contre les trafics d’armes, de drogue et le terrorisme.

 

La Voix du Nord - samedi 17 mai 1997

La Voix du Nord : À l’approche du premier tour, cette campagne des législatives vous paraît-elle à la mesure des enjeux nationaux, européens ?

Philippe de Villiers : Le PS, le RPR et l’UDF semblent ne plus avoir d’idées. Il y a d’un côté l’immobilisme de nos gouvernants et de l’autre l’archaïsme du programme socialiste : la stagnation ou la régression.

Sur des thèmes essentiels qui devraient être au cœur du débat – la question européenne, la question de la liberté et de l’honnêteté en politique – le RPR, l’UDF et le PS sont mal à l’aise et préfèrent évacuer le débat.

Les candidats de la Droite indépendante proposent un autre choix pour une autre majorité, avec comme priorité la mise en œuvre d’un authentique programme pour l’emploi. Les partis traditionnels sont devenus inconditionnellement maastrichtiens. Nous, nous souhaitons une France libre…

La Voix du Nord : Que pensez-vous de ceux qui vous classent à l’extrême droite ?

Philippe de Villiers : C’est une méthode d’intimidation qui évite d’aborder les questions de fond. Je pense qu’il est possible de parler de la corruption sans être antiparlementariste, qu’il est possible de souhaiter une protection communautaire de nos emplois sans être protectionniste, qu’il est possible de parler de l’immigration sans être xénophobe.

Je dirais même que c’est parce que ces sujets ont trop souvent été écartés du débat que certains Français ont été tentés par des votes protestataires. La Droite indépendante propose des solutions généreuses qui répondent à l’attente des Français… Et nos candidats sont des gens honnêtes, ce ne sont pas des politiciens professionnels.

La Voix du Nord : Entre l’immobilisme et l’archaïsme, il vous faudra bien choisir. Quelle sera votre attitude au second tour ?

Philippe de Villiers : Chaque chose en son temps. Pour l’instant, il ne doit être question que du premier tour. C’est le moment pour les Français d’exprimer une autre vision de la société pour faire barrage au socialisme, une vision qui repose sur l’honnêteté, sur la responsabilité plutôt que sur l’assistanat, sur la justice et sur le civisme.

Le premier tour doit être l’occasion pour les électeurs de voter selon leurs convictions, pour leurs idées. S’ils sont nombreux à nous accorder leur confiance, et je sens qu’ils le seront, nous pèserons lourd.