Lettre de cadrage de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur la préparation du projet de loi de finances pour 1998, notamment la réduction des dépenses de personnels de l'Etat et la mise en oeuvre d'économies budgétaires, Paris le 24 avril 1997.

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L’année 1997 confirmera la capacité de la France à participer à l’Union économique et monétaire pour l’institution de la monnaie unique dès le 1er janvier 1999. Ce résultat, décisif pour la place de notre pays dans la construction européenne, sera obtenu grâce au redressement des finances publiques conduit avec persévérance depuis 1995.

En effet, la part représentée par les déficits publics dans le PIB national, qui était encore de 5,6 % à la fin 1994, a été ramenée à 4,1 % à la fin 1996 et sera réduite à 3 % au 31 décembre prochain.

Parallèlement à l’effort de rétablissement des comptes sociaux, la maîtrise du déficit budgétaire a joué un rôle déterminant dans le succès de l’action entreprise : entre 1994 et 1996, le solde d’exécution de la loi de finances est passé de – 349 MdsF à – 295 MdsF, soit une amélioration de 54 MdsF.

La crédibilité budgétaire ainsi retrouvée par la France lui permet de bénéficier aujourd’hui des niveaux de taux d’intérêt parmi les plus bas des grands pays industrialisés, condition nécessaire au développement de l’emploi, à la modernisation de notre appareil de production et à la consolidation de la croissance.

Or, le redémarrage de cette dernière est bien perceptible depuis la fin de 1996 : la commission des comptes de la nation a dernièrement reconnu toute la validité des projections, au demeurant jugées prudentes par la plupart des instituts de prévision indépendants du gouvernement, qui retiennent des progressions du PIB en volume, respectivement de 2,3 % et 2,8 % pour 1997 et 1998. La gestion de nos comptes publics doit donc être orientée vers l’accompagnement le plus efficace possible d’une croissance indispensable au raffermissement de l’emploi.

Car c’est principalement dans le souci de l’emploi, priorité première de l’action gouvernementale, qu’a été menée la réduction des dépenses de l’État, comme le reflète en particulier la volonté d’alléger les prélèvements pesant à la fois sur le travail et les revenus qu’il procure. Ainsi, le budget de l’État a pu prendre en charge une baisse significative des cotisations sociales patronales jusqu’à 133 % du SMIC, qui a contribué à réduire l’obstacle auquel se heurtait traditionnellement en France le recours à une main-d’œuvre faiblement qualifiée. Par ailleurs, a été amorcé un processus de limitation du poids de l’impôt sur le revenu, portant sur 75 MdsF pour la période 1997-2001.

La politique mise en œuvre depuis deux ans doit être poursuivie. L’allégement des charges pesant sur l’économie est une condition de la restauration de la confiance dans la capacité de notre pays à connaître durablement une croissance plus forte et davantage créatrice d’emplois. Il impose de rechercher à nouveau en 1998 une réduction du poids des dépenses publiques.

En effet, avec près de 55 % de dépenses publiques par rapport au PIB en 1997, la France est en tête de ses grands partenaires de l’OCDE et se situe très au-delà du taux moyen des pays du G7, inférieur à 40 %.

Cette part excessive donnée à la dépense publique a été à l’origine de la croissance, pratiquement ininterrompue pendant les deux dernières décennies, des prélèvements obligatoires et d’un endettement dont la charge pèse de plus en plus lourdement sur l’économie.

Alors qu’il était inférieur à 1 300 MdsF en 1987, l’encours de la dette atteindra 3 800 MdsF à la fin 1997 ; avec 233 MdsF inscrits en LFI 1997, les intérêts de la dette constituent le second poste de dépenses budgétaires de l’État, après la rémunération des fonctionnaires.

C’est à la lumière de ce constat et des orientations respectées de façon constante depuis 1995 que je vous demande de vous employer sans délai de la préparation du projet de loi de finances pour 1998 ; celui-ci devra marquer une nouvelle étape dans l’amélioration de nos comptes publics.

Dans ce cadre, vous vous attacherez à définir toutes les réformes structurelles susceptibles de trouver leur traduction dans un allégement significatif et pérenne des dépenses. L’objectif d’un meilleur fonctionnement quotidien de l’État au moindre coût, qui répond aux souhaits de nos concitoyens, devra guider vos propositions.

À ce titre, vous n’hésiterez pas à présenter les voies d’une refonte des modes de gestion ou d’intervention du département dont vous avez la responsabilité : c’est la logique pernicieuse des « services votés » mécaniquement reconduits à l’identique d’année en année, qui anéantit progressivement les marges financières de l’État et finit par paralyser son action.

Les dépenses de personnel absorbant près de 43 % des charges budgétaires, je vous demande d’accorder une importance toute particulière aux mesures permettant de poursuivre la réduction des effectifs de la fonction publique amorcée en 1997. Dans le souci, là encore, de rapprocher l’administration de ses usagers, cet effort devra privilégier la déconcentration des administrations placées sous votre autorité. Inscrite dans une perspective de moyen terme, la maîtrise des effectifs de l’État permettra notamment à ce dernier de mieux faire face, dans les prochaines années, à la forte montée en puissance prévisible des charges de pension.

Par ailleurs, les crédits d’intervention de votre ministère devront systématiquement être analysés au regard de leur efficacité sur le développement de l’emploi, et leur remise en cause être opérée en conséquence. L’empilement des interventions constitue un facteur de rigidité croissante des dépenses budgétaires et de brouillage du rôle économique et social de l’État.

En outre, en ce qui concerne les crédits d’équipement, vous privilégierez la couverture financière des engagements en cours sur le lancement d’opérations nouvelles. Dans vos propositions, vous tiendrez compte des exigences de l’aménagement du territoire, dont la réussite est un enjeu important pour le développement équilibré de notre pays.

Enfin, de manière générale, vous aurez à apprécier la justification des engagements pluriannuels de la puissance publique recensés dans votre secteur de compétence, aux fins de leur révision éventuelle.

Pour vous conformer à ces orientations, vous élaborerez des économies qui assurent un maintien global des dépenses budgétaires de l’État en 1998 au même niveau que celui atteint en loi de finances initiale pour 1997.

Je vous demande d’entreprendre aussitôt des discussions en ce sens avec le ministère de l’économie et des finances et le ministre délégué au budget. Celles-ci retiendront, pour seule référence des économies exigées, les dotations de reconduction telles qu’elles ont été techniquement arrêtées par le ministère chargé du budget à l’issue des échanges intervenus avec votre département sur ce sujet dans le courant du premier trimestre.

En outre, vous examinerez les possibilités de mise en œuvre dès cette année des mesures d’économie envisagées pour 1998 ; une telle anticipation facilitera le respect de l’objectif de déficit pour 1997, tout en rendant plus aisée la préparation de la loi de finances pour 1998.

Le ministre de l’économie et des finances et le ministre délégué au budget me rendront compte du résultat de ces échanges d’ici au 31 mai prochain, de façon à ce que je sois en mesure de procéder, conjointement avec eux, aux arbitrages qui s’avéreront nécessaires.

Tout comme pour la loi de finances pour 1997, je compte sur votre forte implication personnelle dans la construction d’un projet de budget qui doit confirmer, par des économies durables, le processus d’inflexion de la dépense publique auquel le gouvernement s’est attelé sans relâche depuis 1995.