Texte intégral
La Lettre confédérale CFTC – 2 septembre 1996
Couper court à la destruction de l'emploi
La rentrée sociale s'annonce, dans la morosité de l'été, avec ce sentiment fort d'inquiétude persistant, devant des difficultés dont on ne voit pas l'issue. Il ne semble plus y avoir de moteur à une reprise dont l'arrivée, comme celle de l'Arlésienne est perpétuellement annoncée puis reportée.
Par instinct, comme pour se rassurer, les regards se portent sur ceux qui gouvernent, qui décident. L'image qu'ils nous renvoient ne peut nous appeler qu'à la plus grande circonspection. On gère les conséquences négatives d'une situation qui dérive.
Dans une logique coincée qui tarde toujours à produire ses preuves, on semble accepter les déferlantes implacables qui détruisent l'emploi. On donne le blanc-seing aux entreprises qui usent des plans sociaux comme d'une médication de confort. À charge pour la plus grande masse, et donc pour les salariés eux-mêmes, d'en supporter le coût immédiat, plus celui de la cascade de déficits sociaux qui s'y ajoute.
Non ! Nous n'acceptons pas la détresse, les laissés pour compte, l'inquiétude des familles en cette rentrée scolaire, le malaise des fonctionnaires, les licenciements mis à la charge de la collectivité. Nous n'acceptons pas l'anéantissement d'une année d'efforts des partenaires sociaux pour l'emploi, comme nous n'acceptons pas l'irresponsabilité.
Notre priorité est bien là, dans l'entreprise, dans les branches. Il faut couper court à la destruction de l'emploi, à la condamnation du travail. Il faut donc commencer par donner droit à la représentation du personnel, à la négociation, à la juridiction du travail pour vérifier le bien-fondé des licenciements. Il faut renforcer le droit du travail afin que les négociations aboutissent à des accords équilibrés sur l'emploi.
Notre congrès se prépare. Ce doit aussi être l'occasion de renforcer nos objectifs, nos orientations, de donner la parole au terrain, pour coordonner l'action, pour donner un sens aux actions. Nous le voyons bien, la priorité consiste à faire que le travail reprenne sa place dans notre société, qu'il y reprenne tous ses droits.
La Lettre confédérale CFTC : 16 septembre 1996
Retrouver le courage du long terme
Le malaise de cette rentrée provient d'abord de l'absence de perspective qui pèse sur l'emploi. Plans sociaux dans le privé, suppressions de postes dans le public, l'étau du chômage se resserre, l'emploi stagne depuis une bonne année. Pendant ce temps, la priorité à l'emploi affichée par le Gouvernement, semble n'avoir pas résisté aux pressions de la corbeille, ni aux multiples pesanteurs qui bloquent nos sociétés complexes.
Et pourtant, c'est bien cette volonté qu'il faut réinscrire au plus vite au premier rang des priorités politiques. Faute de quoi nous sombrerions dans le renoncement qui précède le désespoir. Seul le politique peut border la logique du marché, qui place en concurrence le travail de l'enfant et du prisonnier avec celui des salariés de nos économies développées.
Seul le politique peut border les grands groupes qui succombent, malgré des bénéfices importants, à la tentation du licenciement de confort. Quelle adhésion au projet de l'entreprise peut-on attendre des salariés, si aucune solidarité ne s'exerce plus à l'intérieur d'un groupe, et qu'à la première alerte, les actionnaires larguent les activités provisoirement un peu moins rentables ?
Il faut donc retrouver le courage du long terme. Inciter les entreprises à investir, à créer, à se projeter dans l'avenir au lieu de se transformer en annexes minuscules et maladives des salles de marchés. Dans le même temps, il faut décourager les licenciements de conforts, alléger les charges des salariés qui s'engagent pour l'emploi à réduire leur temps de travail. Tout en préservant la juste indemnisation des demandeurs d'emploi, il faut s'engager encore plus nettement dans les voix ouvertes par l'ARPE et l'activation des dépenses de l'UNEDIC.
Là où existe une volonté, il existe toujours une politique. Celle de la CFTC c'est que le travail reprenne la place qui lui revient.
La Lettre confédérale CFTC : 23 septembre 1996
UNEDIC : priorité aux chômeurs
L'élection du futur président de l'UNEDIC occupe cette semaine le devant de la scène médiatique. À juste titre. Le revenu et l'avenir de millions de familles dépendent directement de la politique qui sera conduite.
Pour la CFTC, il y a donc quelque chose de choquant, comme le soulignait hier Alain Deleu lors de notre conférence de presse de rentrée, à ce que ce soit le CNPF qui arbitre le vote. Cela affaiblit le paritarisme. C'est d'abord aux organisations de salariés de s'entendre sur leur candidat. De plus, les déclarations récentes du CNPF sur l'utilisation des excédents de cette année ont de quoi faire frémir. Il s'agirait tout simplement pour les entreprises de récupérer ces milliards en contrepartie de promesses d'embauches de même nature que celles qui ont été faites pour l'allégement des charges. On sait aujourd'hui ce qu'il en est…
Notre priorité, dans la gestion de l'Unedic, c'est, à l'évidence, l'indemnisation des demandeurs d'emploi. Nous avons des excédents ? Revoyons donc les niveaux d'indemnisation et les conditions d'accès et de sortie du système. Mais notre responsabilité syndicale ne s'arrête pas là. Il faut aussi aider chacun à remettre le pied à l'étrier. C'est pourquoi l'activation des dépenses de l'UNEDIC est une nécessité.
C'est même l'ensemble du système compliqué d'activation des dépenses que l'on pourrait clarifier, simplifier. Le nouveau mandat de l'UNEDIC sera déterminant. La CFTC y apportera toute sa conscience et sa détermination. Il est temps que le travail reprenne sa place !
La Lettre confédérale CFTC : 30 septembre 1996
Donner un sens à la croissance
L'actualité sociale, cette semaine, a une nouvelle fois agité le spectre du déficit de la Sécurité sociale. Nous continuons de penser que la réforme de la Sécurité sociale est nécessaire et qu'il faut aller plus avant dans la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. La CFTC refuse donc de rejoindre le camp des Cassandre de la protection sociale.
Il appartient néanmoins à l'État de combler les déficits qu'il crée lui-même, notamment par sa politique en matière de charges. Il serait inefficace, sous prétexte de relancer la croissance, de poursuivre la politique de transfert sur l'état des cotisations, alors même que nous savons aujourd'hui que ces mesures ont été de loin les plus chères et les moins efficaces en matière d'emploi.
L'autre clé de l'équilibre des comptes de la Sécurité sociale réside, tout le monde en convient, dans la confiance et dans la croissance. Les solutions ne sont donc pas à chercher dans une répartition étriquée et malthusienne des ressources et des revenus, ni même dans le « consommez, consommez, nous ferons le reste ! » des libéraux.
Il est temps de projeter résolument dans l'avenir. Pourquoi ne pas commencer par une politique familiale dynamique en ce qui concerne les compensations de ressources, les garanties sociales et l'aménagement indispensable du temps de travail pour concilier activité professionnelle et vie familiale. Ce serait donner du sens à la croissance.