Texte intégral
Intervention liminaire de madame Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'Emploi
Mesdames,
Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je suis aujourd'hui parmi vous pour présider ce Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, instance qui constitue une des pièces maîtresses du dispositif dont notre pays s'est doté en la matière par la loi du 13 juillet 1983.
Comme vous le savez, le vice-président de ce conseil est monsieur Jacques Barrot, Ministre du travail et des affaires sociales, en tant que ministre chargé du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui n'a pu se joindre à nous aujourd'hui.
Commençant notre conseil à 16 h 30, nous devrions pouvoir l'achever vers 19 h 15, en ayant pris le temps de l'expression de chacun et chacune.
Je suis consciente que cet horaire est loin d'être idéal au regard de l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle ; je dirais même que l'on peut voir quelque opposition entre celui-ci et l'intérêt que je porte, j'y reviendrai, à la recherche d'une organisation du temps de travail prenant mieux en compte l'aspiration croissante des actifs à harmoniser vie au travail et hors travail.
J'en conviens ; mais j'ai avant tout souhaité ne pas différer davantage la réunion de cette instance ; j'ai tenu aussi à en assurer la présidence, ce qui implique à l'évidence, vous m'en excuserez je l'espère, de fortes contraintes d'emploi du temps.
Avant même de vous présenter l'ordre du jour de notre réunion, je voudrais souligner l'importance que j'accorde au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle et à son activité, sachant par ailleurs qu'a été installé, comme vous le savez, au mois d'octobre dernier l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
Bien loin de toute idée de concurrence entre ces deux organismes, qui sont du reste de nature tout à fait différente, c'est la volonté de compléter, au-delà de la sphère professionnelle, les moyens de faire progresser l'égalité des chances entre femmes et hommes dans notre société qui a présidé à la création de cette instance nouvelle.
Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle réunit, quant à lui, les partenaires sociaux, organisations professionnelles représentant tant les salariés que les employeurs, des personnalités qualifiées choisies pour leur connaissance des sujets traités acquise notamment dans la vie associative, la recherche ou dans une autre activité professionnelle et, enfin, ceux des ministères et organismes publics qui sont les plus concernés par l'action de l'État pour l'égalité professionnelle.
Autant dire que l'apport du Conseil supérieur à la détermination de la politique à conduire pour l'égalité professionnelle est irremplaçable.
Je tenais à le rappeler ici.
Notre réunion de ce jour est donc consacrée à la présentation des rapports de trois groupes de travail constitués auprès du Conseil ainsi qu'aux suites qu'il est possible d'y donner.
C'est lors de la séance du 14 juin 1994 du Conseil que la création de ces groupes a été examinée ; les modalités de leur mise en place ont, quant à elles, été étudiées lors de la réunion de la Commission permanente du Conseil le 27 septembre 1994.
Je vous rappelle les thèmes de ces groupes, thèmes dont la pertinence ne me semble pas s'être démentie depuis, bien au contraire :
– groupe de travail n° 1 : « Situation comparée des hommes et des femmes en matière de rémunération » ;
– groupe de travail n° 2 : « Diversification du temps de travail, itinéraires professionnels et égalité professionnelle » ;
– groupe de travail n° 3 : « Quelles actions pour l'égalité professionnelle dans les branches professionnelles, les entreprises et les établissements ? »
Les travaux de ces groupes ont fait l'objet d'un premier compte rendu lors de la séance du 8 février 1995 du Conseil.
Leurs présidente et présidents vont nous faire aujourd'hui la présentation des rapports finaux.
Nous engagerons ensuite la discussion sur les résultats de ces travaux, notamment sur les propositions.
Après l'avoir remerciée pour son travail, comme je remercie du reste toutes celles et tous ceux qui ont travaillé dans ces groupes, je passe la parole à madame Catherine SOFER, professeur d'économie à l'Université d'Orléans, membre du Conseil supérieur au titre des personnalités qualifiées et présidente du groupe de travail n° 1.
Je passe maintenant la parole, pour le groupe N° 2, à monsieur Henri Poinsignon, délégué aux conditions de travail, à l'ergonomie et à la sécurité de l'assistance publique Hôpitaux de Paris qui, n'étant pas membre du conseil, a bien voulu accepter la présidence de ce groupe de travail. Je l'en remercie tout spécialement.
Je passe enfin la parole au rapporteur du groupe de travail n° 3. Monsieur André Nutte, Inspecteur général des affaires sociales, président de ce groupe de travail, a bien voulu, n'étant pas membre de ce conseil, accepter cette présidence, il ne peut malheureusement pas être des nôtres aujourd'hui.
Je vous donne maintenant la parole. Je compte sur chacune et chacun de vous pour que nous partagions au mieux notre temps.
Intervention finale de madame Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi
Je vous remercie pour vos interventions et pour leur richesse.
Je voudrais maintenant, tout en répondant aux questions qui m'ont été posées, vous faire part :
– des priorités qui me semblent devoir être établies aujourd'hui en matière d'égalité professionnelle,
– des suites pouvant être données aux propositions des trois groupes de travail,
– de la méthode que je vous propose pour la poursuite du travail du Conseil supérieur dans les prochains mois.
Tout d'abord, examinons quelles sont les priorités à traiter, telles qu'elles ressortent tout à la fois de la volonté du gouvernement et de nos échanges ici.
La participation active de la France à la 4ème conférence mondiale sur les femmes à Pékin en septembre 1995 a été l'occasion d'un bilan de la situation des femmes dans notre pays, notamment dans le domaine professionnel.
Je partage l'analyse ainsi faite, qui souligne tout à la fois l'extrême avancement de l'égalité des droits dans notre pays et la persistance de grandes inégalités de fait. Cette analyse souligne également que notre société est loin d'avoir tiré tous les enseignements de l'engagement professionnel massif et irréversible des femmes ; loin d'avoir mesuré les changements positifs dont ce fait marquant peut-être porteur, pour hommes et femmes, spécialement dans l'entreprise.
Ministre délégué pour l'emploi, je suis particulièrement sensible à la première de ces inégalités, qui consiste dans le fait que, depuis une vingtaine d'années, le chômage des femmes, et en particulier celui des jeunes femmes, est constamment supérieur à celui des hommes ; en décembre dernier, par exemple, les taux de chômage des femmes et des hommes étaient respectivement de 13,9 % et de 9,9 %.
Non point, naturellement, que je me satisfasse du niveau de chômage des hommes. Mais, je le dis devant ce Conseil dont une part importante de la réflexion est à juste titre orientée vers la situation des femmes au sein de l'entreprise et je le redirai durant cette semaine du 8 mars, l'accès même des femmes à l'emploi doit retenir fortement notre attention.
Par ailleurs, toujours en matière d'embauche, il m'apparaît que de trop nombreuses offres d'emploi portées à la connaissance du public ne respectent pas l'obligation de non-discrimination à raison du sexe. Les dispositions légales semblent quelque peu perdues de vue en la matière et le nécessaire devra être fait pour sanctionner et modifier ces pratiques.
Quant à la situation des femmes au sein de l'entreprise, celle-ci reste marquée par de nombreuses inégalités : forte exposition aux contrats précaires et au temps partiel contraint, formation continue moins accessible et moins valorisée en terme de qualification et de salaire, promotions plus limitées et représentation encore symbolique dans les équipes dirigeantes, concentration dans un nombre encore trop limité de professions, inégalités de rémunération ...
En outre, l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle reste souvent une importante difficulté pour les femmes, dans un contexte où le partage des tâches ménagères dans le couple n'évolue qu'à petits pas, où le nombre des familles monoparentales croît et ou l'entreprise ne prend que lentement en compte cette question dans son organisation, en particulier celle de son temps de travail.
Bien évidemment, sur toutes ces dimensions, des progrès sont réalisés, des actions sont conduites dans les branches et les entreprises, qu'elles soient ou non, du reste, marquées de l'appellation « égalité professionnelle ».
Il me plaît d'ailleurs de souligner que de telles initiatives favorables à l'égalité professionnelle, par exemple l'accès renforcé de femmes à la formation continue ou l'affectation à des fonctions jusque-là très majoritairement tenues par des hommes, constituent aussi des mesures de prévention contre des difficultés d'emploi susceptibles d'apparaître dans l'entreprise.
Je me félicite également que notre pays figure parmi ceux qui se sont dotés d'une législation pour combattre cette atteinte à la dignité, certes quantitativement limitée, mais très grave que constitue le harcèlement sexuel dans les relations de travail. Je regrette toutefois le faible développement des actions de prévention de ce phénomène dans les entreprises et je suis prête à examiner avec les partenaires sociaux l'aide méthodologique que l'État pourrait apporter en la matière.
On le constate, les raisons et les occasions d'agir sont multiples et l'initiative des partenaires sociaux, ici présents, est décisive.
Le Président de la République le rappelait lors de son récent voyage à Niort, où il a indiqué qu'il souhaitait qu'en matière d'égalité professionnelle entre hommes et femmes un certain « conservatisme » cède la place à une réelle prise en compte de cette question dans la négociation collective.
Monsieur Jacques Barrot a également souligné cette nécessité lors de la réunion de juin 1995 de la Commission nationale de la négociation collective.
Ces propos vont trouver écho dans les suites que je vous propose de donner aux propositions des trois groupes de travail et que je vais préciser maintenant.
Pour ce qui concerne le groupe de travail n° 1 relatif aux inégalités de rémunération, je souhaite agir, tant pour améliorer l'information que pour aider à la négociation collective.
Sur le premier point, je vous propose donc de retenir les propositions faites en vue :
– d'améliorer l'information diffusée par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail (systématiser les données hommes femmes, information sexuée sur l'évolution conjoncturelle des salaires, information sur les salaires toujours accompagnés de l'information sur le temps de travail) ;
– de favoriser l'utilisation de données de panel pour analyser l'effet carrière sur les salaires ;
– de l'amélioration de la nomenclature d'emplois souvent trop succincte pour analyser les emplois très féminisés comme, par exemple, celui de secrétaire ;
– de mener à bien une étude sur la comparabilité de la valeur du travail entre deux branches, en liaison avec le programme annuel d'étude de la DARES ;
– enfin, je retiendrai la proposition de réaliser des supports d'information du public dans les séries existant déjà au ministère du travail, « Focales » et « Transparences » par exemple.
Quant à l'aide à la négociation collective afin de favoriser la réduction des écarts de rémunération entre hommes et femmes, la proposition d'élaborer un guide du négociateur me semble excellente. Je propose donc de la retenir et souhaite tout particulièrement que, comme suggéré, les partenaires sociaux qui le désirent soient associés à sa définition.
Pour ce qui concerne le groupe de travail n° 2, relatif à la diversification du temps de travail et à son lien avec les parcours professionnels et l'égalité professionnelle, les propositions faites doivent être mises en perspective avec, d'une part, les négociations en cours entre les partenaires sociaux sur le temps de travail et, d'autre part, la Conférence annuelle de la famille qui doit se tenir prochainement; vous comprendrez, en conséquence, que je ne souhaite pas arrêter aujourd'hui ma position.
Toutefois, deux des questions soulevées par le groupe retiennent d'ores et déjà mon attention et me semblent appeler un approfondissement.
Il s'agit, d'une part, des congés familiaux, d'autre part, du travail à temps partiel qui doit être rendu dans les faits non pénalisant.
Pour ce qui concerne, enfin, le groupe de travail n° 3, relatif aux actions pour l'égalité professionnelle dans les branches, les entreprises et les établissements, différentes propositions propres à favoriser de telles actions sont à retenir.
Ainsi, la réalisation d'un guide de bonnes pratiques permettra le recueil des meilleures initiatives existantes et constituera un support utile à la relance de la négociation entre partenaires sociaux.
En outre, il me paraît tout à fait souhaitable de donner suite à la proposition de réalisation d'un appel à projets : celui-ci devrait favoriser l'émergence d'actions exemplaires, que ce soit sur le plan d'une branche ou d'une entreprise.
Je retiendrai également la proposition d'une globalisation renforcée de l'approche de l'entreprise et de l'utilisation des interventions spécifiques et de droit commun de l'État.
À cette fin, je compte rappeler rapidement par une circulaire aux préfets l'importance d'une bonne intégration des déléguées régionales et chargées de mission départementales aux droits des femmes dans la conduite de l'action locale de l'État en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle.
Par ailleurs, je souhaite qu'un groupe de travail soit réuni très rapidement. Il sera constitué des différentes directions chargées des questions de travail, d'emploi et de formation professionnelle ainsi que du Service des droits des femmes ; ce groupe rendra, pour fin juin 1996, des propositions pour une meilleure mobilisation des moyens de la politique emploi/formation du ministère du travail au profit des femmes et de l'égalité professionnelle dans l'entreprise.
L'utilisation des aides existantes, tant spécifiques que de droit commun, la complémentarité de celles-ci et les simplifications possibles devront être examinées dans ce cadre.
Comme vous pouvez le constater, c'est un programme de travail important et chargé que permettent de définir les réflexions et propositions des trois groupes mis en place par le Conseil Supérieur.
Je souhaite que la définition des modalités de la réalisation de ce programme puisse s'enrichir des réflexions du Conseil supérieur, ce qui suppose des échanges dont nous n'aurons pas le temps aujourd'hui.
Aussi, serais-je amenée à vous proposer une réunion très prochaine de la commission permanente du Conseil sur ce thème.
Enfin, je puis d'ores et déjà vous préciser que la prochaine réunion du Conseil Supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les homes se tiendra au dernier trimestre de la Cette réunion aura à son ordre du jour la remise du rapport bisannuel sur l'égalité professionnelle, rapport qui concernera les années 1994 et 1995 et dont la réalisation vient d'être amorcée en liaison avec les différentes directions et administrations concernées.
Cette réunion sera naturellement l'occasion de faire le point de l'avancement du programme que je viens de tracer.
Je souhaite en outre que, lors de cette réunion, nous puissions dégager ensemble de nouvelles perspectives pour la réflexion du Conseil.
Je vous invite donc, d'ici là, à me faire connaître les thèmes qu'il vous semblera prioritaire de traiter au sein de cette instance ; il me semble, du reste, utile qu'un premier échange concernant ces thèmes nouveaux puisse intervenir dès la prochaine réunion de la commission permanente.
J'ai été heureuse de présider aujourd'hui cette première réunion pour 1996 du Conseil Supérieur de l'Égalité Professionnelle. Sachez-le, je suis extrêmement attachée à vos travaux et espère poursuivre avec vous une bonne et fructueuse collaboration afin de faire avancer à chaque instant cette égalité professionnelle qui nous a rassemblés autour de cette table.