Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, dans "France-Soir" du 25 juin 1996, sur ses réflexions xénophobes sur la composition de l'équipe nationale de football et communiqué du Front national publié dans "Présent" le 26 juin.

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Média : France soir - Présent

Texte intégral

France-Soir - 25 juin 1996

France-Soir : Aucun joueur étranger ne peut figurer au sein d’une équipe nationale. Comment pouvez-vous remettre en cause la nationalité des joueurs de l’équipe de France ?

Jean-Marie Le Pen : Ce débat est anecdotique dans la politique française. Il y a des sujets autrement sérieux. Et je tiens à dire d’abord que je suis très heureux de la victoire de France. C’est une occasion d’entendre « La Marseillaise » et ce n’est pas si courant sur un stade international ! Il va sans dire que nos joueurs sont tous français puisqu’ils sont membres de l’équipe de France. Et je n’ai jamais dit que ceux qui sont originaires des DOM-TOM ne sont pas français.

Mais beaucoup de membres de cette équipe le sont parce qu’ils ont été l’objet d’une naturalisation de complaisance. Desailly est né au Ghana, Martins est binational portugais, ayant opté pour la nationalité française pour pouvoir faire partie de cette équipe, Lamouchi est tunisien, né en France, Zidane algérien, né en France, Madar tunisien, né en France, Djorkaeff arménien, né en France. Je n’ai aucune hostilité individuelle contre ces joueurs dont certains sont excellents. Je suis un fervent de ce sport-spectacle, mais je ne crois pas que l’équipe de France de football soit représentative de la qualité sportive de notre pays. Hélas !

France-Soir : Vous leur avez quand même reproché de ne pas chanter « La Marseillaise » !

Jean-Marie Le Pen : Je l’ai en effet regretté. Je pense que s’ils ne la chantent pas, c’est qu’ils ne le veulent ou ne le peuvent parce qu’ils ne la savent pas. C’est un constat. Karembeu a très gentiment répondu qu’il la chantait intérieurement. J’en prends acte et je n’en fais d’ailleurs pas un débat politique. C’est une réaction d’amateur de spectacles sportifs. Mais on ne peut pas s’exprimer dans ce pays de manière non conventionnelle sans qu’immédiatement on soit entouré de fantômes de toutes sortes, sans qu’aussitôt on vous fasse un procès en sorcellerie !

France-Soir : Vous reconnaissez néanmoins que vous êtes un spectateur assidu de l’Euro 96 ?

Jean-Marie Le Pen : En tant que personne privée, je le suis en effet, mais en tant qu’homme politique, je pense que les collectivités n’ont pas à subventionner le sport professionnel qui devrait être financé par les spectateurs. Je pense aussi qu’on recrute trop facilement des étrangers qu’on naturalise et qui d’ailleurs ne sont pas non plus eux-mêmes des militants de l’antiracisme. Ils sont là pour jouer au foot et c’est très bien ainsi. Mais il serait bien de trouver des joueurs en France, tout comme je préférerais qu’il soit plus facile d’adopter des petits enfants français que des étrangers. Il n’y a aucune arrière-pensée derrière tout ça, mais je vais encore tomber sous les coups de canon des moralisateurs de la politique.

France-Soir : Le sport n’est jamais  jeu. Ces polémiques paraissent hors de proportions !

Jean-Marie Le Pen : Il y a malheureusement bien d’autres sujets plus sérieux et, c’est vrai, le sport doit rester un jeu. Mais qui obéit à un certain nombre de règles, la loyauté en particulier, qui est fondamentale. Le paradoxe est qu’en France la société refuse toutes les valeurs qui sont le fondement même du sport tout en feignant de les admirer chez ses sportifs. Le sport suppose des dons innés – il ne suffit pas de vouloir -, des efforts considérables développés de manière compétitive, le goût de la compétition et du classement, et aussi l’acceptation de l’échec. Toutes valeurs qu’on méprise ou combat dans la société civile.

France-Soir : En tant que jeu, le sport n’implique pas d’adhésion philosophique.

Jean-Marie Le Pen : Non. Mais si les sportifs sont les idoles de nos compatriotes, c’est peut-être justement parce que leurs valeurs leur semblent inaccessibles.

France-Soir : Souhaitez-vous sincèrement la victoire de cette équipe de France ?

Jean-Marie Le Pen : Si elle gagne, je serai très heureux. Si elle est battue, je ne me considèrerai pas comme déshonoré. Mais je constate que mes propos la concernant ont éclipsé le sommet arabe, Florence et les élections russes. Laissez-moi en sourire.

 

Présent - 26 juin 1996

Le communiqué de Jean-Marie Le Pen

« Contrairement aux interprétations délibérément malveillantes, données de ses propos relatifs à la victoire de l’équipe de France, Jean-Marie Le Pen tient à préciser qu’il n’a jamais mis en cause la qualité de Français des joueurs de l’équipe de France, puisqu’il s’agit là d’une condition sine qua non de leur participation.

« Jean-Marie Le Pen a toujours considéré les ressortissants des départements et territoires d’outre-mer comme des Français à part entière. Il s’est seulement borné à constater que le recrutement des équipes professionnelles se faisait souvent par le biais de naturalisations de complaisance.

« En la circonstance, Jean-Marie Le Pen s’est félicité de la victoire de l’équipe de France et d’avoir ainsi pu entendre retentir La Marseillaise sur un stade international, en regrettant cependant que la plupart des joueurs ne voulaient ou ne savaient chanter notre hymne national.

« Il ajoute de surcroît qu’il ne considère pas qu’il s’agit là d’un débat de fond de la politique française. »