Texte intégral
Edj : A-t-on été assez prudents avec le Subutex ?
Bernard Kouchner : Le recours à des traitements de substitution est un progrès important. Comme pour tout progrès, on doit apprendre à la maîtriser. Pour réduire les risques, il faut savoir en prendre.
Edj : Ne faudrait-il pas encadrer un peu plus la délivrance du Subutex ?
B.K. : Aujourd’hui, un généraliste peut le prescrire pour vingt-huit jours à un toxicomane dès sa première visite. Au cours des prochains mois, la délivrance de ce produit ne sera autorisée que pour sept jours, sauf indication contraire du médecin, portée sur l’ordonnance.
Edj : Ce produit ne représente-t-il pas une solution de facilité, parce qu’on n’a pas su accroître le nombre de « places de méthadone » ?
B.K. : Le Subutex est arrivé en France sous la forme de Temgesic, un analgésique utilisé par les généralistes désemparés devant le désarroi des toxicomanes. Par la suite, on a donné un cadre légal à ce produit. Le Subutex est moins dangereux qu’un opiacé, mais le risque d’overdose existe, dans le cas de mélange associant l’alcool à des benzodiazépines. Ce qui importe, c’est de travailler avec les médecins et les pharmaciens à mieux encadrer le suivi des patients. Quant au nombre de toxicomanes sous méthadone, il augmentera en 1998, mais il nous faut de meilleures évaluations des indications.
Edj : C’est le laboratoire commercialisant le Subutex qui a mené les études de toxicité, se trouvant de fait juge et partie…
B. K. : Jusqu’à présente, les équipes engagées dans la prise en charge des toxicomanes ne possédaient pas cette culture d’évaluation des différents traitements. Il faut qu’ils investissent ce champs-là. Les choses avancent. Des études sont lancées dans le programme hospitalier de recherche clinique. Une expertise de l’Inserm sur les effets du Subutex a été mise en route, ainsi qu’une étude comparant les bénéfices des différents produits de substitution.
Edj : Médecins du monde propose de la méthadone aux toxicomanes. Faut-il élargir ce type d’expériences ?
B. K. : Cette expérience sera étendue dans le sud de la France cette année, car il nous faut avancer en matière de réduction des risques. Il s’agit de diversifier les types de prises en charge et de compléter notre palette de produits. Il faut aussi expliquer aux gens, aux élus, l’intérêt de ces actions.