Texte intégral
RMC - mercredi 26 juin 1996
RMC : Il y a eu une réunion de nombreux députés de la majorité, hier, qui ont dit leur inquiétude et celle de leurs électeurs, demandant pour certains à A. Juppé, un changement de politique. « Il faut garder le cap » leur a-t-il répondu. Cette réponse vous satisfait-elle ?
L. Poniatowski : Je pense qu’il faut que l’on passe dans la phase d’action par rapport à la phase des paroles. Je veux dire par là que, dans ce cap, je retiens les signes qui sont encourageants. Et le fait que le Premier ministre ait annoncé pour 1997 une baisse d’impôt, c’est une chanson qu’on connait, elle a été présentée à toutes les sauces par tout le monde. Maintenant, il faut qu’elle entre en application. Ce qu’on a entendu hier de la part de nombreux députés me ravit. Je me faisais taper sur les doigte il y a 2-3 mois quand je revenais de ma circonscription et que je disais au Premier ministre : vous ne pouvez pas savoir à quel point les Français sont découragés, abattus, du fait qu’on leur avait fait des promesses il y a 1 an sur les baisses d’impôt et ils sont en train de mourir noyés sous les charges et les impôts !Et là, en ce moment, il y a une remontée de la part de tous les parlementaires, qui sont des gens de terrain, et qui viennent dire au Premier ministre la même chose. Comme le Premier ministre s’est engagé à baisser notamment les charges et les impôts sur le revenu, je crois que 1997 sera une année-clé, psychologiquement et politiquement. Il ne s’agit pas de rentrer dans une phase de baisse des impôts forte, on ne peut pas, notre économie ne nous le permet pas. Mais c’est très important que l’on inverse la tendance et que l’on aille pour la première année dans une baisse réelle des charges et des impôts.
RMC : Il y a les impôts, mais il y a aussi la consommation qui est en baisse pour le 4e mois consécutif, il y a la révision à la hausse des chiffres du chômage par l’INSEE, et puis il y a ces plans sociaux avec plus de 10 000 emplois supprimés en 48 heures, ça fait beaucoup ! Le chômage est aussi important que les impôts.
L. Poniatowski : Vous avez raison d’associer les deux. Bien sûr, les annonces de grands programmes sociaux dans 2-3 secteurs comme le Lyonnais, il fallait le faire. Je crains que l’on n’ait pas le choix. C’est comme Moulinex, car si une entreprise comme celle-ci ne licencie pas, n’allège pas ses charges, elle mourra par la concurrence, coréenne notamment, et japonaise. Le Lyonnais : le système banquier français, on le connaît, il n’est plus compétitif par rapport au système anglo-saxon notamment, et il y a besoin de procéder à un certain nombre de nettoyages. L’indice qui m’a le plus frappé, c’est le premier : la consommation. Nous sommes, pour le 4e mois de suite, dans une baisse de la consommation. C’est pas grand, 0,1 %, mais c’est une tendance générale qui est grave. Ça veut dire qu’il y a un manque de confiance alors qu’on sait bien qu’il y a par ailleurs de l’argent, puisque les Français épargnent, et pas si mal que ça du reste. Mais le fait qu’ils n’aient pas confiance, ne consomment pas, peu, mal, ça n’est pas bon pour nos entreprises et pour notre activité économique.
RMC : Comment faire pour que les Français puissent penser que ces mauvais résultats soient les effets d’une bonne politique ?
L. Poniatowski : Je pense que c’est tout qu’il faut mener en même temps : il faut arriver à relancer la consommation, donner confiance aux consommateurs. Il faut arriver à baisser les charges et les impôts, notamment ceux sur le revenu. C’est très important et, là, si jamais l’effet d’annonce n’est pas suivi dans la réalité, ce sera catastrophique ! On nous attend au tournant, au vote de notre budget 1997 qui va commencer en octobre. Il faut, c’est le troisième volet, absolument que l’État arrive à alléger ses charges, à diminuer ses dépenses. Car si l’État ne donne pas l’exemple de diminution de son train de vie, comment voulez-vous ensuite que les Français fassent confiance à l’État.
RMC : Approuvez-vous la demande du PS sur le rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement ?
L. Poniatowski : Sûrement pas ! C’est le contraire de la bonne mesure. Je crois au contraire qu’en matière de marché du travail, il manque de flexibilité. Il faut à tout prix qu’il y ait une plus grande souplesse. Il faudrait que nos entreprises puissent beaucoup plus facilement embaucher et débaucher, notamment saisonnièrement pour certaines activités, certaines entreprises, pour des périodes plus durables – 6, 12 mois –, conjoncturellement pour d’autres. Ceci, de façon à rendre nos entreprises compétitives. C’est le contraire de la bonne mesure. C’est la mesure conservatrice par excellence qui risque de bloquer notre société. Je pense que c’est à ça que veulent arriver les socialistes. Ils aimeraient que le pays se trouve en situation totalement bloquée, explosive. C’est la vraie-fausse bonne mesure.
RMC : Quand vous ouvrez Le Monde ce matin et vous lisez que Jospin se prépare à une alternance en 1998 et qu’il est prêt à cohabiter, ça vous rassure ?
L. Poniatowski : Je trouve que Monsieur Jospin vend la peau de l’ours peut-être un peu trop rapidement. Il s’installe, déjà, il est là ! Je crois qu’il fait une grande erreur psychologique. Je ne suis pas sûr que les Français aient envie de revoir la tête des Charasse, des Emmanuelli et consorts, même si on essaie d’en cacher certains et d’en mettre d’autres en avant. Je ne crois pas que ce soit ça que les Français attendent.
RMC : Ils attendent des meilleurs chiffres de chômage et autre chose, et ça ne vient pas. L’espoir de Jospin est fondé sur des sondages, sur les réactions des Français !
L. Poniatowski : Quand j’ai vu hier à l’Assemblée nationale un certain nombre de socialistes se réjouir des chiffres du chômage qui sont mauvais, je me suis senti très mal à l’aise. J’avais un sentiment d’ambiance de charognards, de voir des gens qui se réjouissent de l’augmentation du chômage. C’est très malsain. Dans des périodes comme en ce moment, on ferait mieux de se serrer les coudes plutôt que de voir d’autres mener des combats d’arrière-garde pour empêcher, par exemple, un fleuron de notre activité économique, France Télécom, de devenir compétitif au niveau international.
RMC : Vous avez siégé en session unique pour la première fois, avec tous les députés. C’est une session dont vous êtes content. Ça correspond à ce que vous vouliez ?
L. Poniatowski : Mitigé. Je pense que nous ne savons pas encore, nous parlementaires, encore bien travailler sur 9 mois de suite. Je le constate dans la pratique. Les 5 mois où nous ne travaillions pas – janvier, février, mars – et où nous avons donc travaillé cette année, nous n’avons pas bien travaillé. Plusieurs raisons : nous n’avions pas l’habitude.
RMC : Vous n’avez pas travaillé à l’Assemblée ?
L. Poniatowski : Non, pas assez bien travaillé à l’Assemblée nationale, car il ne faut pas oublier que les parlementaires, c’est vrai pour le Sénat aussi, les sénateurs comme les députés, nous sommes des élus locaux, des maires, des conseillers généraux, régionaux. C’est la période où nous votons nos budgets dans nos différents départements et nos régions. Et nous avons gardé cette habitude de travailler sur le terrain en même temps. Donc, nous avons probablement perdu un peu de temps pendant ces 3 mois. Nous arrivons là en bout de course, avec un certain nombre de textes qui n’auront pas été adoptés définitivement et que nous allons voir revenir en octobre.
RMC : Un mot sur le Front national : l’UDF est divisée sur le point de savoir s’il faut tenir réunion commune avec les socialistes pour lutter contre le FN ou ne pas le faire. Votre avis ?
L. Poniatowski : Je continuerai d’appeler le Front national un parti d’extrême-droite, et ce ne sont pas les propos de Monsieur Le Pen sur l’équipe de France de foot d’avant-hier qui me feront changer d’avis, au contraire. Par contre, je suis tout à fait opposé à un front républicain. Pourquoi voulez-vous que j’aille faire une alliance avec les communistes et les socialistes, alors que ce sont des gens qui acceptent, et il y a un accord plus que tacite entre le PS et le FN, qui acceptent les voix du FN. Vous avez vu qu’au cours de toutes les élections locales récentes, le Front national, au second tour, non seulement votait mais appelait ouvertement à voter pour les candidats socialistes ! Il y a un accord tacite en face. Le PS est mon adversaire, le Front national l’est plus que jamais, compte tenu de son comportement. Non au front républicain. Par contre, j’appellerai toujours le Front national un parti d’extrême-droite.
RMC : Et pourtant c’est F. Léotard qui a fait réunion commune avec les socialistes.
L. Poniatowski : C’était une démarche tout à fait individuelle et je crois que nous sommes peu nombreux à l’avoir suivie. Nous avons approuvé sa position sur les propos qu’il a tenus à l’égard du Front national. Mais faire ami-ami avec le PC, le PS, là-dessus, pas question pour ce qui me concerne !
France 2 - mardi 16 juillet 1996
France 2 : Le Président Chirac a-t-il su faire face au désarroi de l’opinion publique dimanche dans son allocution télévisée ?
L. Poniatowski : En tous les cas, il a dit aux Français : « Je suis conscient de la situation dans laquelle est le pays et je suis conscient des difficultés que vous rencontrez ». Il y a justement un point sur lequel il faut faire attention : un des sujets qu’il a abordés, et c’était normal, c’est le problème de la baisse des impôts. Il faut faire très attention. Il ne faut surtout pas promettre des choses qu’on ne peut pas tenir, car c’est une des grandes constatations que je fais sur le terrain tous les jours : des gens viennent me voir en me disant : « Mais Monsieur Ponia, on est en train de mourir sous les impôts et les charges. Dites-le-leur bien, là-haut ! ». Je crois que le message est passé, mais maintenant, il ne faut plus simplement parler, il faut agir, et j’aimerais qu’on en voie les traces tout de suite, dès le budget 1997.
France 2 : Le problème est donc dans les circonscriptions, sur le terrain, là où on voit le décalage entre le discours et la réalité ?
L. Poniatowski : C’est exact.
France 2 : Comment avez-vous perçu la phrase du président de la République s’adressant aux élus, vous exhortant à plus de dynamisme et plus d’optimisme ? Avez-vous l’impression de traîner les pieds ?
L. Poniatowski : Cette phrase qui s’adressait aux parlementaires de la majorité : « Vous devez faire preuve de plus de dynamisme », je peux vous dire que je l’ai bien retenue et que j’ai bien l’intention de l’appliquer. Mais dans mon esprit, ce n’est pas simplement aller sur le terrain pour dire « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil au Gouvernement, à la tête de l’État », non. C’est d’apporter ma contribution à ce que je souhaite et à la manière dont je veux que les choses évoluent, notamment le budget. Je vais vous prendre un seul exemple : je considère que dans certains cas, le Gouvernement fait de mauvaises économies.
France 2 : C’est pourtant votre cheval de bataille, les économies du Gouvernement et son train de vie ?
L. Poniatowski : Oui, mais il y a de bonnes économies : il faut diminuer le train de vie de l’État, mais par ailleurs, il y a de mauvaises économies. Exemple : tous les crédits que nous apportons pour rénover le bâtiment. C’est très important, parce qu’à chaque fois qu’on met 1 franc dans ce genre de dépense, c’est 4 francs qui vont rénover nos logements, le logement des personnes âgées, le logement des personnes à revenus modestes. Ça fait travailler plus d’un million d’artisans du secteur du bâtiment dans notre pays. Là, ce serait une mauvaise économie. Je sais qu’on a l’intention de diminuer cette ligne budgétaire. On m’entendra au mois d’octobre lorsqu’on débattra de ce budget, car j’ai l’intention de tout faire pour qu’on ne diminue pas cette ligne-là.
France 2 : Croyez-vous à la réforme fiscale et à la baisse des impôts prévues pour 1997, et annoncées par le président Chirac ?
L. Poniatowski : Il y a une occasion à saisir tout de suite. Avez-vous vu qu’on a annoncé des excédents sur l’assurance-chômage ? J’ai lu ce matin une proposition du président Giscard d’Estaing très intéressante, disant : « Les responsables des Assedic cherchent comment dépenser cet excédent. Pourquoi ne pas faire tout simplement des économies et diminuer les cotisations ? » Je dis chiche, et voilà une bonne occasion. Ce n’est pas beaucoup, 12-13 milliards, mais on a l’occasion de déduire de cette somme-là les cotisations pour l’année prochaine. Faisons-le. C’est une vraie économie et une vraie diminution de charges.
France 2 : Globalement, comment avez-vous perçu cette intervention ? Êtes-vous de ceux qui approuvent le satisfecit appuyé adressé à A. Juppé, lorsque le président dit qu’il n’y a pas d’autre politique possible ?
L. Poniatowski : C’est le rôle du président de la République de soutenir son Premier ministre. C’est son Premier ministre qui applique sa politique. Je n’aurais pas compris l’inverse. Ce qu’il faut, c’est un soutien. C’est d’ailleurs le rôle de la majorité de soutenir le Gouvernement, mais il faut que le Gouvernement accepte que sa majorité fasse des propositions et ne pas dire « Voilà ma politique » comme une espèce de paquet-cadeau ficelé auquel on ne touche pas. Non. Je crois au contraire que nous devons tous apporter notre contribution et améliorer ce paquet-cadeau.
France 2 : A. Juppé peut et doit rester à Matignon ?
L. Poniatowski : Ce n’est pas le problème pour le moment.
France 2 : On en parle, quand même. Hier, le conseil de l’union RPR-UDF s’est réuni pour la première fois. Qu’est-ce que c’est ? Une machine de guerre pour les élections de 1998 ? Une instance de pacification, d’arbitrage entre les deux grandes familles de la majorité ?
L. Poniatowski : Les deux. C’est une mobilisation de toute la majorité pour préparer cette année très importante où il y aura non seulement des législatives, mais des régionales et des cantonales. C’est un peu une machine de guerre. C’est aussi un lieu de rencontre pour régler les différends et les problèmes. Il y en aura. Mais il ne faudrait pas que d’un côté nous réunissions autour d’une table d’une manière sympathique, où on dise « tout le monde il est beau, c’est l’union, en étant unis, on gagne », et puis par ailleurs, donner des coups de couteau ou des coups de canif à ce contrat d’union.
France 2 : Vous avez des exemples ?
L. Poniatowski : Oui. Je n’ai pas apprécié que la semaine dernière, à l’occasion d’élections sénatoriales partielles, alors qu’il y avait un candidat UDF soutenu par le RPR, par ailleurs, le RPR avait présenté et soutenu un autre candidat qui a battu le candidat officiel. Quand on dit union, il faut le dire, mais il faut le pratiquer, parce que sinon, nous allons y aller dans de mauvaises conditions. Je serai très unitaire. Je soutiendrai tous les candidats RPR qui seront officiellement les candidats de la majorité. J’en attends de même de la part du RPR à l’égard de nos candidats UDF.
France 2 : Avez-vous des craintes pour les élections de 1998 ? Si ou comment y faire face ?
L. Poniatowski : Ma crainte, c’est une démobilisation, c’est que nos électeurs ne comprennent pas très bien ce qui se passe, soient un peu désabusés en ce moment et ne veuillent pas se déplacer. Par contre, il ne faut pas croire qu’ils iront si facilement voter socialiste ou pour Le Pen. Nous avons une mission : les mobiliser, leur expliquer ce que nous faisons pour qu’ils aillent se déplacer pour nous soutenir.
France 2 : Avec des arguments auxquels vous croyez ?
L. Poniatowski : Avec des arguments auxquels je crois, qui sont notamment ceux que nous allons exprimer au cours de cet automne et du printemps 1997.
RTL - mardi 23 juillet 1996
J. Esnous : Le Gouvernement a donc choisi L. Gallois, le président d’Aérospatiale, pour succéder à L. Le Floch-Prigent à la tête de la SNCF. C’est un bon choix selon vous ?
L. Poniatowski : Rien à dire sur le choix. L. Gallois est quelqu’un de qualité. Peut-être aurait-on pu faire l’économie d’une crise supplémentaire à la SNCF. Cette maison ne se porte pas bien, elle a des problèmes. Cela doit faire, je crois, le sixième président en 10 ans, c’est beaucoup. J’espère que celui-ci aura le temps de se mettre au travail. D’autant que tout le monde savait que Monsieur L. Le Floch-Prigent allait probablement avoir quelques petits problèmes avec la justice, donc on aurait pu faire une petite économie.
J. Esnous : Donc, c’était une erreur du Gouvernement de le choisir à l’époque ?
Votre mimique est éloquente !
Deux sujets dans l’actualité politique, cela concerne un peu votre parti : l’incarcération de M. Mouillot et, hier, la ballade chamoniarde aux côtés d’É. Balladur. Les instances du PR ont mis le maire de Cannes en congé du parti. Est-ce une affaire qui vous embête ?
L. Poniatowski : Non. C’est une affaire d’ordre privé et c’est insensé d’ailleurs que dans une des versions - il y en a eu de nombreuses ! – on ait pu citer le PR alors que le PR n’a strictement rien à voir avec cette affaire. Nous avons pris nos responsabilités. Nous avons effectivement mis en congé du parti M. Mouillot, et un des responsables du parti est allé remettre de l’ordre dans la fédération du PR des Alpes-Maritimes.
J. Esnous : Mais l’avocat de M. Mouillot laissait entendre qu’en fait ces pots-de-vin pourraient être une affaire de financement occulte du PR. Vous démentez ?
L. Poniatowski : Totalement. C’est de l’affabulation complète. Je ne sais pas d’où ça vient. Et je vous signale que c’était une des très nombreuses versions. C’est quand même un scénario bizarre, tout ça.
J. Esnous : Vous n’avez pas peur que M. Mouillot, pour sa défense, livre quelques secrets qui pourraient être embarrassants pour vous ?
L. Poniatowski : Il n’a jamais eu la moindre responsabilité d’ordre financier dans notre parti.
J. Esnous : C’était un ami de F. Léotard, ou c’est toujours un ami d’ailleurs.
L. Poniatowski : Il n’a jamais eu la moindre responsabilité. Jamais on ne lui a demandé de faire quoi que ce soit dans les finances du parti, donc c’est pour cela que je dis que c’est une affaire d’ordre privé.
J. Esnous : En droit français, tant qu’on n’est pas condamné, on est présumé innocent. Cela dit, M. Mouillot devrait-il quitter la mairie ?
L. Poniatowski : Attendez le jugement. Attendez de voir ce qui va se passer. Si, bien sûr, pour une raison ou une autre, il est empêché d’exercer, à ce moment-là il faudra bien sûr qu’il quitte la mairie.
J. Esnous : Pour l’instant il peut rester, bien qu’incarcéré, maire de Cannes ?
L. Poniatowski : Il y a d’autres exemples ! Ce n’est jamais très bon comme image, mais attention : il y a le droit français qui dit que tant que vous n’êtes pas jugé, vous êtes innocent. Ce serait bien qu’on ne l’oublie pas trop.
J. Esnous : P. Lellouche, du RPR, réclame dès aujourd’hui des élections municipales à Cannes.
L. Poniatowski : C’est bizarre tout ça, ça a une odeur de requin qui tourne autour d’un marigot. Je vous signale que le maire qui assure l’intérim est un maire RPR. Donc, un autre RPR orthodoxe voudrait que le RPR local lui laisse la place ? Tout cela n’est pas très joli-joli comme comportement.
J. Esnous : Il parait justement qu’au PR, vous n’êtes pas très contents de l’attitude du RPR qui essaierait de récupérer Cannes qu’il dirigeait avant M Mouillot ?
L. Poniatowski : Ce dont moi je ne suis pas très content, c’est qu’on se permette de donner des leçons d’union de la majorité. Je suis très pour l’union de la majorité. Et d’ailleurs, si nous ne voulons pas prendre une raclée monumentale en 1998, nous avons tout intérêt à être unis. Mais vous ne pouvez pas un jour prôner l’union autour d’une table, le lendemain faire écouter des collaborateurs par écoutes téléphoniques d’un président de l’UDF, le surlendemain…
J. Esnous : Là, il y avait C. Millon entre les deux ! C’est l’UDF aussi !
L. Poniatowski : C’est le Gouvernement qui a donné les consignes. Il faut l’autorisation d’un Premier ministre pour qu’on puisse écouter téléphoniquement dans notre pays. La semaine d’après, rompre encore l’union de la majorité dans une élection sénatoriale partielle. L’union, oui, je suis pour, mais je suis pour qu’on cesse d’en parler et qu’on la pratique.
J. Esnous : L’union de la majorité, on l’a vérifiée hier à Chamonix ?
L. Poniatowski : C’était tout autre chose. C’était une réunion, d’abord fort sympathique, il faut que vous le sachiez. J’appellerais ça une réunion à la fois d’amitié et de fidélité. Ce sont quand même des qualités assez rares à notre époque, que ce soit en politique ou en d’autres domaines, pour que quand elles ont la chance d’être là, qu’on les cache, qu’on les cajole, qu’on les conserve, qu’on les préserve.
J. Esnous : Pouvez-vous dire sans rire qu’il ne s’agissait pas d’une rencontre politique avec, à terme, en vue, les élections législatives ?
L. Poniatowski : Non. Ce que je voudrais dire, sans rire, franchement, c’est qu’il ne faut pas essayer d’y voir un complot quelconque contre le Premier ministre. En aucun cas. Par contre, nous avons bien sûr discuté de la rentrée parlementaire de l’automne prochain, notamment le vote des finances. Nous avons parlé des échéances à venir et nous avons essayé d’examiner la manière d’apporter une contribution intelligente et positive pour aider la majorité, le Gouvernement, à faire face à cette rentrée sociale et politique difficile.
J. Esnous : É. Balladur a parlé hier de « déclic ». Qu’est-ce que ça peut-être comme « déclic » ? Souhaitez-vous au moins un remaniement ministériel pour la rentrée ?
L. Poniatowski : Pour la rentrée, je n’en sais rien. De toute les façons, il faudra forcément un remaniement. Vous ne pouvez pas aborder une échéance aussi importante que des élections législatives avec une partie de la majorité qui reste au bord du fossé. C’est évident, il faudra ouvrir pour s’appuyer sur toutes les forces vives de la majorité.
J. Esnous : F. Léotard compris ?
L. Poniatowski : Oui ! Tout le monde, toutes tendances, c’est très important. Le moment n’est pas mon problème, c’est au président de la République de choisir. Non, ce qu’il faut, par contre – là, nous pouvons remplir un rôle – c’est qu’il faut que le Gouvernement écoute les suggestions. La direction globale est bonne, ce que fait A. Juppé est courageux. Il a malheureusement un problème de forme, plus que de fond. Le problème de forme est que, vraisemblablement, et bizarrement – et c’est très injuste –, les Français ne l’aiment pas. Et donc, c’est là que je dis que c’est un problème de forme grave. Si nous faisons, nous, des propositions, des suggestions, pour améliorer, notamment, les problèmes de fiscalité, sur la loi de finance 1997 que nous allons examiner en octobre, je pense que c’est pour apporter un plus. Et nous aimerions bien être entendus et écoutés.
J. Esnous : Vous souhaitez que F. Léotard revienne au Gouvernement ?
L. Poniatowski : Le moment venu, oui, bien sûr.
J. Esnous : Ne prenez-vous pas un risque, là, à vous ranger une nouvelle fois derrière É. Balladur ? Pour le PR, est-ce sain ?
L. Poniatowski : Vous allez l’air de poser la question comme si nous jouions un cheval et que nous tentions de miser sur celui qui pourrait gagner ! Non, pas du tout. La situation économique est mauvaise, elle est difficile. La conjoncture nationale et internationale est mauvaise, difficile. Si nous faisons de la politique, c’est parce que nous avons des convictions et nous voulons apporter notre contribution au travail du Gouvernement et de cette majorité à la rentrée. Je vois les choses d’une manière très positive et non pas critique.