Déclaration de M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire de la ville et de l'intégration, sur le rôle de la commission permanente du Conseil national de la montagne notamment pour la définition de la politique de la montagne et dans l'élaboration du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, Paris le 10 juillet 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Claude Gaudin - Ministre de l'aménagement du territoire de la ville et de l'intégration

Circonstance : Installation de la commission permanente du Conseil national de la montagne, à Paris le 10 juillet 1996

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Cette journée est importante pour la montagne française. Votre commission permanente s’organise et va élire son président. La réforme des institutions de la montagne sera alors parachevée.

Les commissions permanentes des comités de massifs sont déjà en place. Il ne manque plus aujourd’hui que la dernière pièce du dispositif. Lorsque je me retirerai, après l’élection de votre président, les conditions institutionnelles seront réunies pour que la montagne se donne une véritable ambition.

La politique de la montagne existe de longue date en France. Initiée il y a 30 ans, amplifiée depuis par la loi « montagne », elle constitue un modèle pour notre pays, celui du développement durable.

Les montagnards, en effet, s’efforcent de concilier développement économique, aménagement du territoire et protection de l’environnement car ils ont pris conscience, depuis longtemps, que l’un ne pouvait se faire sans l’autre.

La politique de la montagne a d’abord reposé sur deux composantes :
     – la solidarité, pour compenser les handicaps ;
     – l’appui à toutes les initiatives, pour contribuer au développement économique.

Elle a ensuite évolué.

Progressivement, depuis 1985, la montée en puissance des politiques de massifs a pris en compte la diversité de la montagne, mais aussi le transfert aux régions d’un certain nombre de compétences.

Cette situation marque en quelque sorte la fin politique uniforme de la montagne. La conséquence principale en est la multiplication des structures politiques et administratives où se joue véritablement l’avenir des zones de montagne.

La commission permanente du conseil – comme les commissions permanentes des comités de massif – doit être une innovation significative, qui permettra de retrouver une cohérence des actions.

Elle doit exercer une véritable fonction de veille sur les sujets intéressant les montagnards.

Sa vocation est aussi de préparer les avis et les propositions concrètes que le Conseil national de la montagne discutera et arrêtera.

Donner autorité au Conseil national de la montagne, l’aider à participer aux débats importants intéressant la montagne, favoriser le renouvellement du discours sur la montagne, le Gouvernement attend de la commission permanente une plus grande efficacité des institutions de la montagne.

Il vous appartient de faire valoir votre analyse, vos propositions pour la prise en compte de la montagne dans les politiques sectorielles et dans la politique d’aménagement et de développement du territoire.

Les présidents des commissions permanentes, celle du Conseil national de la montagne comme celles des comités de massif, seront vos ambassadeurs. Tout cela doit concourir à renforcer le dialogue avec le Gouvernement, les administrations et les collectivités territoriales.

C’est dans cette perspective que la commission permanente doit arrêter aujourd’hui son programme de travail pour l’année à venir.

Le Gouvernement souhaite, en particulier recueillir l’avis du Conseil national de la montagne sur deux sujets.

Premier axe de réflexion : l’élaboration du schéma national d’aménagement et de développement du territoire.

M. Raymond-Max Aubert, délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale vous a exprimé, à Briançon, sa relative déception de ne pas voir ressortir la dimension Montagne des documents régionaux préparatoires. Ce constat est préoccupant.

Je sais toutefois qu’un certain nombre d’entre vous participent activement aux travaux du schéma, et en premier lieu, mon ami Patrick Ollier, qui préside l’une des cinq commissions thématiques mises en place pour son élaboration.

Le schéma national doit fixer, à l’horizon 2015 les orientations fondamentales de notre pays en matière d’aménagement, d’environnement et de développement durable.

Il établira les principes qui régiront la localisation des grandes infrastructures et des grands équipements.

Il doit aussi améliorer la cohérence territoriale de l’action de l’État et renforcer la coordination des acteurs. Il servira de cadre stratégique pour la conduite des politiques de services publics et d’investissements.

Pour ce qui vous concerne, l’enjeu est bien de définir la vocation de la montagne, dans toute sa diversité, au sein du territoire français et européen. Nous devons avoir le souci d’une approche « intégrée » qui permette à chaque territoire, en fonction de ses atouts et de sa spécificité, de jouer pleinement son rôle pour son bénéfice propre et celui de la collectivité nationale.

Le tout et la partie ont destin lié ; l’avenir de la montagne dépend aussi des relations qu’elle saura susciter avec le reste du pays.

Je propose que votre commission émette un avis sur le projet de schéma national lors de sa prochaine séance à l’automne. Dès aujourd’hui, le délégué à l’aménagement du territoire fera le point sur les travaux des cinq commissions thématiques.

Deuxième axe de réflexion : l’évaluation de la politique de la montagne.

Le Gouvernement a souhaité que soit conduite une évaluation de la politique de la montagne dans le cadre officiel fixé pour l’évaluation des politiques publiques.

Comme vient de le souligner le conseil scientifique de l’évaluation, cet exercice est rendu difficile par les évolutions importantes qu’a connu la politique de la montagne. Le contexte s’est profondément modifié, notamment avec la décentralisation.

De nombreuses politiques sectorielles, l’agriculture, le tourisme, l’environnement et les services concourent à cette politique. Il est donc nécessaire d’avoir une vue synthétique qui permette de hiérarchiser les priorités, de dégager des visées stratégiques plus précises et, notamment, de mesurer à quelles conditions les objectifs socio-économiques et écologiques sont compatibles.

L’instance d’évaluation doit achever son travail au milieu de l’année 1997. J’organiserai des rendez-vous réguliers pour vous informer de son avancement. Ses conclusions et l’usage que le Gouvernement aura décidé d’en faire, seront bien entendu soumis au Conseil national de la montagne pour débat.

J’attends donc que, la base de cette évaluation, votre commission joue un rôle majeur dans le renouvellement d’une politique qui demeure indispensable pour assurer un traitement adapté de ces régions si particulières et aux caractéristiques si originales.

Le Premier ministre l’a confirmé, une contribution efficace de la commission permanente est attendue. Outre ces deux axes de réflexion, vous pourriez donc concentrer vos efforts sur un nombre limité de sujets. J’en vois cinq qui correspondent à un véritable besoin d’élaboration d’une doctrine ou de mesures précises.

Comme nous en étions convenus lors du dernier Conseil national de la montagne, je suggère que vous vous organisiez en groupes de travail animés par un président issu de votre commission et d’un commissaire de massif qui pourrait assurer le rôle de rapporteur.

Premier sujet : le développement durable.

La politique de la montagne s’inscrit aujourd’hui dans une dimension internationale.

L’examen du projet de charte européenne des régions de montagne se poursuit au sein du Conseil de l’Europe. À la suite de la conférence de Rio, des discussions internationales sur le développement durable auront lieu en 1997. La montagne devra y avoir une place particulière.

C’est l’occasion de promouvoir un modèle de développement original fondé sur la complémentarité entre protection et développement. La montagne doit être regardée comme un exemple et un lieu d’innovation.

Le projet de charte européenne constitue une bonne référence pour la France.

Notre position pourrait consister à défendre une triple approche :
     – au niveau international, la mise au point de principes généraux ;
     – au niveau européen, la valorisation de la charte européenne dans le cadre d’une convention ;
     – au plan national, la déclinaison des principes ainsi définis, massif par massif.

Le Conseil national de la montagne, par l’intermédiaire de sa commission permanente, n’a certes pas vocation à dire la position officielle que la France défendra au plan international. Mais, étant un lieu de concertation et de synthèse de l’ensemble des forces vives de la montagne, il m’apparaît particulièrement bien placé pour éclairer les choix du Gouvernement.

Deuxième sujet : les schémas interrégionaux de massifs.

La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire a institué les schémas interrégionaux de massif. Ils sont une des illustrations possibles des politiques interrégionales.

Si leur réalisation est facultative, leur autorité potentielle est grande puisqu’ils engagent les régions à coordonner explicitement leurs politiques, voire même à faire prévaloir des enjeux interrégionaux communs, avant de préciser le cours des politiques régionales particulières.

Il est donc essentiel que les régions soient responsables de leur élaboration.

La loi a fixé les principes, mais elle n’a pas donné le mode d’emploi. Ce n’était d’ailleurs pas son rôle. Il y a donc des outils à construire, des articulations à trouver entre les différents niveaux de responsabilité.

La commission permanente devrait engager une réflexion sur ces aspects pour aider les régions comme l’État à avancer dans cette direction au même pas.

Troisième sujet : la politique européenne de la montagne.

Avec le futur élargissement de l’Union européenne, la politique régionale financée par les fonds structurels va fortement évoluer pour prendre en compte les pays d’Europe de l’Est. Il est souhaitable d’examiner les perspectives qui s’ouvrent et d’en tirer les conséquences pour la montagne.

Là encore votre commission est bien placée pour éclairer les choix du Gouvernement.

Quatrième sujet : le fonds neige.

La mise en place d’un mécanisme de solidarité entre les stations est une idée chère à bon nombre d’entre vous. Elle mérite qu’on s’y arrête. Un groupe de travail de l’administration a commencé l’examen de vos propositions. Il en ressort que la « solution » ne peut être imposée et doit être négociée entre les différentes parties.

La commission permanente du Conseil national de la montagne pourrait poursuivre la réflexion en vue d’aboutir à une proposition qui devrait, de mon point de vue, satisfaire aux principes suivants :

1. Les bénéficiaires potentiels du mécanisme sont les sociétés de remontées mécaniques, dont les investissements sont reconnus comme pertinents.

2. L’aide qu’il permet a pour unique objet de remédier à des difficultés conjoncturelles de trésorerie consécutives à un manque de neige.

3. Le fonds est alimenté par une cotisation payée par les sociétés de remontées mécaniques.

4. Le fonds n’est pas abondé par les crédits de l’État.

5. Le fonds est national (pas de répartition par massifs).

6. Le fonds est géré par une instance paritaire, voire professionnelle.

Enfin, cinquième sujet : la forêt de montagne.