Interview de M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur, dans "L'Express" du 22 août 1996, sur la coopération policière entre la France et l'Espagne dans la lutte contre le terrorisme de l'ETA.

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L'Express : Pourquoi un soutien si ferme au gouvernement espagnol dans la lutte contre ETA ?

Jean-Louis Debré : Il existe, à mon sens, quatre formes de terrorisme : le terrorisme d'État, le terrorisme politico-social (style Action directe en France, Brigades rouges en Italie, Bande à Baader en Allemagne), le terrorisme politico-religieux (islamiste, par exemple) et, enfin, le terrorisme régional (ETA ou IRA). Actuellement, ce sont les deux derniers qui sont les plus répandus. Or, pour ETA, certains ont cru, par le passé, qu'en faisant de la France un sanctuaire notre pays serait épargné. Ce fut une grave erreur. Le combat des Espagnols est aussi notre combat. J'ai donc décidé d'établir avec Madrid une coopération exemplaire. En deux mois, j'ai rencontré trois fois le ministre de l'intérieur et je le rencontrerai aussi régulièrement.

L'Express : Que signifie une coopération « exemplaire » ?

Jean-Louis Debré : Ça veut dire que le sanctuaire n'existe pas, ou plus. Si les Espagnols ont des éléments ou des preuves sur des activités d'ETA en France, qu'ils nous les donnent et nous interviendrons pour interpeller ces terroristes. Plusieurs officiers de liaisons ont déjà été mis en place de part et d'autre. Et la coordination donne, dès à présent, d'excellents résultats.

L'Express : Justement, quel bilan dressez-vous de la lutte contre ETA en France ?

Jean-Louis Debré : Nous avons frappé sur les réseaux de « pseudo » réfugiés en Bretagne. J'ai voulu couper les bases arrière du mouvement terroriste implanté depuis longtemps dans cette région. Autre exemple : ceux qui avaient bravé récemment la France en revenant s'installer dans la cathédrale de Bayonne après avoir été expulsés ont été renvoyés vers l'Espagne. Les extraditions seront désormais systématiques pour les personnes faisant l'objet de mandat d'arrêt international. Enfin, nous menons des opérations contre les membres d'ETA cachés en France. Les dernières attestations réalisées dans la banlieue parisienne et dans les Pyrénées-Atlantiques en sont le meilleur exemple.

L'Express : Le fait que le gouvernement espagnol soit de droite facile-t-il votre politique de coopération ?

Jean-Louis Debré : La collaboration avec l'Espagne dépasse les frontières politiques. La France, comme l'on exprimé le Président de la République et le Premier ministre, à la ferme volonté d'aider les dirigeants espagnols à lutter avec plus d'efficacité contre les terroristes d'ETA. Le combat contre ceux qui, par des assassinats, veulent miner les fondements des démocraties européennes doit être collectif. Nous collaborons avec les Espagnols dans leur lutte contre ETA, et quand cela est nécessaire, avec d'autres pays, notamment la Grande-Bretagne. Je le répète, leur combat est aussi le nôtre.