Texte intégral
Les adversaires de la réduction du temps du travail devraient être plus discrets. Depuis vingt-cinq ans, ils cachent leurs échecs par des incantations quotidiennes à la croissance pour l’emploi. Sans succès, car l’incantation n’est suivie d’aucune solution crédible. Devant cet échec patent, les partisans de la réduction du temps de travail poursuivent un objectif simple : la croissance par l’emploi.
Les constats sont clairs. En plus d’un siècle, de 1850 à 1970, la France s’est développée, enrichie, modernisée, alors que les Français voyaient leur temps de travail diminuer de moitié (plus de 3 000 heures par an contre 1 700 aujourd’hui). Des classes d’âge à démographie plus forte qu’aujourd’hui ont pu être absorbées par le marché de l’emploi durant toute cette période à forte diminution du temps de travail. Le chômage n’a cessé d’augmenter depuis que le temps de travail s’est stabilisé autour de 39 heures par semaine (plus les heures supplémentaires) et que la modernisation de l’outil de production s’est accélérée.
Si la crise pétrolière des années 70 est directement la cause de la crise économique et du chômage de cette décennie, il y a belle lurette que le baril est redescendu au niveau d’avant la crise… sans que la croissance soutenue réapparaisse et que le chômage disparaisse en France. Seule une inversion forte et durable de la courbe du chômage redonnera moral et dynamisme à notre pays.
Si des dizaines, voire des centaines de milliers de Français, retrouvaient le chemin de l’emploi, les Français retrouveraient le goût d’entreprendre et le goût de consommer qui sont les deux moteurs de la croissance.
Ce n’est sans doute pas un hasard si les pays qui ont moins de chômage ont deux à trois fois plus de salariés à temps partiel
Il faut changer la spirale infernale : chômage, indemnisation, hausse des charges patronales, salariales et fiscales, perte de pouvoir d’achat, perte de compétitivité, épargne de précaution, baisse de la consommation, tendance dépressive, crise économique.
Les chefs d’entreprise français n’ont pas baissé les bras. Malgré des charges salariales aberrantes, des feuilles de paie décourageantes (24 lignes, soit le record du monde de complexité !), ils réussissent souvent à sauver la boutique en faisant des miracles en gain de productivité, mais souvent à des prix douloureux pour le personnel.
La réduction-aménagement du temps de travail apporte aux entreprises une première et immédiate réponse : des charges allégées de 30 à 50 %. Avec cette « manne », le chef d’entreprise peut négocier réduction et aménagement du temps de travail, politique salariale et embauches. Il peut améliorer et l’emploi et la productivité. L’embauche, contrepartie de l’allègement des charges et de la réduction du temps du travail, est une réponse dynamique rigoureusement inverse à celle qui est apportée depuis vingt-cinq ans.
Au total, on crée de vrais emplois ; on encourage la consommation ; on passe enfin du couple « allocations chômage » à celui de « salaires activités » ; on s’éloigne de la solution malthusienne : emploi total pour les uns et chômage total pour les autres. Le chômage n’est plus la variable d’ajustement de l’économie. Mais c’est le temps de travail individuel qui s’adapte à la modernisation de l’outil économique.
Sans faire de parallélisme rigoureux, ce n’est sans doute pas un hasard si les pays qui ont moins de chômage ont deux à trois fois plus de salariés à temps partiel. Ce n’est sans doute pas un hasard si en France, depuis peu, le temps partiel s’accroît et qu’un point de croissance génère plus d’emplois qu’avant. Ce n’est sans doute pas un hasard non plus si les États-Unis retrouvent le plein emploi, une croissance soutenue, et que leurs emplois sont affranchis de la sacro-sainte règle française des 39 heures hebdomadaires.
En France, si une entreprise sur deux appliquait les possibilités qui sont désormais proposées pour les libérer d’une grande partie des charges patronales et reconvertissait ses cotisations en emplois, c’est 500 000 à 1 million d’emplois qui seraient créés.
Entre la vision comptable de l’allongement du temps de travail, qui génère un partage sauvage du travail entre salariés et chômeurs et la vision dynamique de ceux qui sauront adapter le temps de travail à la modernisation de l’économie et diminuer les charges pour créer de nouvelles vagues de consommateurs, les vrais libéraux choisiront toujours la solution qui conjugue l’activité du plus grand nombre et le revenu du travail plutôt que celle qui condamne un peuple à l’oisiveté forcée indemnisée.