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Libération : Les arrêtés antimendicité se sont multipliés cet été puisqu’une bonne quinzaine de villes de droite comme de gauche en ont pris. Comment expliquez-vous cette soudaine inflation ?
Jean-Claude Gaudin : Une quinzaine de villes et, en particulier, des stations balnéaires ont effectivement pris des arrêtés antimendicité. On en a beaucoup parlé mais sur les 36 000 communes de notre pays, cela est, en réalité, peu de chose. Une quinzaine d’arrêtés sur 250 villes de plus de 30 000 habitants, on ne peut pas dire que les maires qui ont pris ces arrêtés ont fait école. Il ne s’agit donc nullement d’inflation.
Libération : Vous comprenez les motivations des maires qui ont pris ces arrêtés ?
Jean-Claude Gaudin : Ils les ont, sans doute, pris face à des dérives liées à certains groupes ou à des situations particulières. Je comprends que les maires de stations balnéaires dont l’économie repose l’été, en grande partie, sur le tourisme, ne veuillent pas voir cette population en villégiature être importunée ou faire l’objet de pressions.
Libération : Ces décisions sont-elles « inutiles et inefficaces », comme l’a dit votre collègue, secrétaire d’État à l’action humanitaire, Xavier Emmanuelli ?
Jean-Claude Gaudin : Je partage assez son avis. Je pense, en effet, que la plupart de ces arrêtés ne sont pas efficaces car inapplicables. Il faudrait une présence policière nationale ou municipale apte à faire respecter ces décisions, ce qui n’est pas le cas. À ce problème, il y a d’autres solutions. Par exemple, ce que nous faisons à Marseille où pendant l’été des équipes spécialisées de trois personnes vont à la rencontre des SDF leur donnant les adresses des lieux d’hébergement qui existent dans la ville, les coordonnées des assistantes sociales chargées de l’insertion et les lieux où se trouvent des médecins.
Libération : Le gouvernement peut-il tolérer que certains maires prennent de nouveaux arrêtés quand un tribunal administratif leur a donné tort en décident le sursis à exécution de leurs décisions ?
Jean-Claude Gaudin : Le sursis à exécution n’est pas un jugement de fond mais un simple différé d’application d’une décision prise par un maire. Dans ces conditions, le gouvernement ne peut intervenir tant que la justice n’a pas définitivement statué sur la légalité de ces arrêtés.
Libération : En tant que ministre de la ville et de l’intégration, comptez-vous prendre des mesures pour définir un cadre juridique moins flou qui interdise ce type d’arrêtés ?
Jean-Claude Gaudin : Les lois de décentralisation de 1982 ont pour fondement la libre administration des collectivités territoriales. Récemment, un conseil interministériel s’est tenu à Matignon sous la présidence du Premier ministre. Les ministères du travail et des affaires sociales, ceux de l’action humanitaire et du logement, auxquels est également associé le ministère de la ville et de l’intégration préparent, à la demande du président de la République, un texte qui apportera des solutions positives en faveur des SDF, et notamment dans le domaine du droit au logement.
Libération : De façon plus concrète, comment comptez-vous convaincre les élus en cause que l’exclusion n’est pas la solution face à la mendicité ?
Jean-Claude Gaudin : J’appartiens à la catégorie des hommes politiques qui veulent rassembler et non exclure, et j’espère que l’expérience de Marseille pourra, pour l’année prochaine, inspirer d’autres communes.