Texte intégral
C’est un grand plaisir pour moi que de me retrouver parmi vous pour la séance de clôture de votre Congrès de Saint-Malo. L’an dernier, en effet, je n’avais pu m’adresser à vous lors de votre assemblée de Strasbourg pour les raisons que vous venez de rappeler Monsieur le Président Sabin. Mais comme dit le proverbe « tout vient à point à qui sait attendre ». Le menu de votre Congrès est copieux et je vais m’efforcer de répondre à vos interrogations légitimes.
Cependant, permettez-moi, avant d’aborder le fond de vos préoccupations, de vous dire, sans flagornerie, ni volonté de décerner des satisfécits, combien j’apprécie le dynamisme et le souci constant d’organisation de votre filière. Vous avez toujours su anticiper, relever les défis, gérer des situations difficiles avec pour objectif premier de dynamiser et de fortifier vos outils interprofessionnels. Dans votre secteur les actes fondent vos discours. Croyez-moi, c’est pour le Ministre de l’Agriculture, un exemple précieux pour exhorter d’autres filières à prendre le difficile chemin de l’organisation économique.
Ceci étant dit, comme le président Sabin a bien voulu m’accorder le bénéficie d’un préjugé favorable en me prévenant que les bonnes paroles ne vous suffiraient pas, je ne suis pas venu à Saint-Malo pour me contenter de louer l’exemplarité de l’interprofession des oléo-protéagineux. Mais je pense que vous en serez d’accord, face à un avis de tempête, il est préférable d’être à la barre d’un bateau solide et bien préparé. En effet, le projet de la réforme de la PAC recèle pour votre secteur tous les ingrédients du déclin alors même que l’Union européenne est dangereusement déficitaire en huiles et en protéines végétales.
Sur ce point d’importance, pour vous tous ici rassemblés à Saint-Malo, ma position est sans ambiguïté : le sort réservé aux oléagineux n’est pas acceptable. La proposition de la Commission nous laisserait totalement démunis face à la concurrence des pays tiers, et provoquerait une réduction massive des surfaces d’oléagineux dans l’Union européenne. De plus, les utilisations à des fins non alimentaires doivent être mieux prises en considération. Je reviendrai ultérieurement sur les postes qu’il nous faudra tracer pour qu’au terme de la négociation la spécificité de votre secteur soit traitée dans le sens du maintien, voire du développement de notre potentiel de production.
Mais avant d’aborder le cousu-main, je voudrais faire écho à votre président qui pense, à juste titre d’ailleurs, qu’à priori nous avons tout pour nous comprendre, pour essayer de vous faire partager plus encore mes convictions. Vous êtes membres de la famille des grandes cultures et je sais que c’est en son sein que mes propositions suscitent interrogations et débats. Débattre est essentiel avant de choisir les orientations que nous voulons mettre en œuvre pour garantir l’avenir de notre agriculture. Nous sommes à la croisée des chemins : la réforme de la PAC et la discussion de la loi d’orientation agricole doivent nous permettre de refonder le nécessaire contrat entre les agriculteurs et la société. Les mentalités ont considérablement évolué au cours des dernières années. Votre réflexion a mûri. Vous êtes désireux de trouver des solutions nouvelles. Vous prêtez une grande attention à des propositions qui, parfois, vous bousculent. De leur côté, nos concitoyens portent un regard différent sur leur agriculture et leur alimentation. Leurs exigences sont plus fortes. Plus personne ne conteste la nécessité d’inventer un nouveau mode de relations entre les agriculteurs et le reste de la société.
En quelques mots, au risque de me répéter, je souhaite évoquer devant vous l’approche commune que je fais des deux grands dossiers qui dominent mon agenda pour les mois à venir.
Tout d’abord, le dossier de la réforme de la PAC : j’aborde cette négociation avec la volonté de parvenir à une réorientation significative de la proposition qui est actuellement sur la table. Il serait illusoire de camper sur un front du refus ou de prétendre imposer à nos quatorze partenaires une contre-proposition constituant une alternative au projet de la Commission. Je sais que vous partagez cette approche pragmatique.
En effet, il faut reconnaître que les questions posées par la Commission pour justifier sa proposition de réforme sont tout à fait pertinentes.
Oui, il est légitime et nécessaire que l’Union européenne réfléchisse aux conditions dans lesquelles elle pourra participer à l’essor du marché mondial des produits agricoles et alimentaires. Mais je suis tout aussi fondé à m’interroger sur la stratégie proposée pour gagner des parts de marché hors des frontières de l’Union. Est-il vraiment raisonnable d’envisager de tirer vers le bas ce grand marché solvable qu’est l’Union européenne, de faire baisser le prix payé à nos producteurs pour exporter de 10 à 20 % de leur production selon les secteurs en oubliant que l’Union européenne reste le principal débouché de leurs produits ? En disant cela je ne range pas les exportations au rayon des accessoires inutiles. Bien au contraire, je ne fais que braquer le projecteur sur la réalité de l’évolution, au cours de ces dernières années, de nos exportations de produits agricoles et agro-alimentaires. Exporter toujours plus de valeur ajoutée c’est créer des emplois, défendre nos territoires et, en définitive, préserver l’équilibre de nos productions. Rien dans mon analyse de la réforme de l’OCM grandes cultures ne justifie les craintes agitées par certains.
J’en viens à la seconde justification de la Commission pour réformer la PAC : l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale. Adapter notre politique agricole pour tenir compte de la spécificité de ces pays est une nécessité. Mais adapter ne signifie pas tirer l’ensemble vers le bas. L’enjeu est de définir, production par production, une politique permettant aux pays candidats de rattraper leur retard. Nous savons que ce sera long, que des transitions seront nécessaires. Alors, dans ce domaine comme dans d’autres, s’en remettre aux seules règles du marché, c’est la garantie de l’échec pour le nouvel ensemble. Soyons patients et pragmatiques. Evitons les solutions uniques : on ne traite pas de la même manière la filière colza en Pologne, qui est le fait des anciennes exploitations d’Etat, comme la production laitière qui occupe une population active agricole encore très nombreuse.
Enfin et c’est la dernière raison avancée par la Commission à l’appui de son projet, l’Union européenne ne peut pas non plus ignorer la perspective des négociations à venir dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce.
Mais là aussi, il faut s’interroger sur la pertinence de la baisse des prix garantis dans l’Union européenne comme seul gage d’un bon accord à Genève ?
Le faire croire aux agriculteurs serait semé l’illusion.
En effet, les négociations de l’Uruguay Round portaient essentiellement sur deux sujets : les projections aux frontières et les subventions aux exportations. Sur ces deux sujets l’Union européenne a fait d’importantes concessions au travers des accords de Marrakech en 1994.
Le statut des aides directes aux agriculteurs, rangé dans une boîte bleue, a été laissé de côté car, comme nous, les américains les pratiquaient largement. Il a fait l’objet de ce qui a été appelé « une clause de paix ».
Depuis lors les Etats-Unis, en adoptant leur Fair Act, ont modifié leur régime d’aides aux agriculteurs, et ils les ont, plus que par le passé, découplées de la production même si, comme vous le soulignez justement, ils en ont profité pour rendre éligibles « aux contrats de flexibilité » les surfaces oléagineuses. Je reviendrai sur ce point lorsque j’aborderai nos marges de manœuvre pour améliorer le sort réservé à vos productions dans la proposition de la Commission.
La stratégie des Etats-Unis est limpide. Ils annoncent la couleur, c'est-à-dire leur volonté de faire porter les prochaines négociations de l’OCM sur le statut des aides aux agriculteurs.
Alors, si nous ne conservons comme seul outil de politique agricole commune que ces aides directes aux agriculteurs, le risque est grand demain de voir ce qui reste de la PAC démantelé par l’OCM.
Voilà une perspective à laquelle je ne saurais me résoudre.
Voilà pourquoi je trouve qu’à de bonnes questions la Commission n’apporte qu’une seule réponse : la baisse généralisée des prix à tous les secteurs, ce qui n’est acceptable.
En effet, si je suis en accord avec le principe d’une réforme, j’estime que la proposition de la Commission n’est pas une réforme mais la pure et simple prolongation ce qui existe aujourd’hui.
Pour moi, réformer la PAC, c’est lui assigner d’autres buts, trouver d’autres justifications à l’intervention publique en faveur des agriculteurs.
Nous ne sommes plus dans la situation des années 60. Maintenir les règles élaborées pour favoriser le seul développement de la production agricole serait une erreur profonde. Nous avons atteint les objectifs fixés.
Il nous faut impérativement nous en donner de nouveaux.
Il nous faut répondre aux défis qui nous sont imposés par la nouvelle donne française, européenne et mondiale.
Pour cela, il faut faire de la politique publique en faveur des agriculteurs un outil qui permettra de conforter l’ensemble des fonctions remplies par l’agriculture et les agriculteurs. La PAC ne sera durablement justifiée aux yeux de l’opinion publique que si elle contribue à renforcer l’emploi, à favoriser la production de valeur ajoutée par les exploitations agricoles, que si elle permet aux agriculteurs d’assumer la multifonctionnalité de l’agriculture.
Pour y parvenir concrètement, il faut parvenir au découplage partiel entre les aides et la production.
Découpler les aides, c’est les protéger efficacement contre les attaques de nos partenaires commerciaux lors du futur round de négociations multilatérales. C’est aussi les pérenniser face aux appétits que suscite en permanence le budget agricole.
Bien sûr, ce virage doit être progressif mais la part des aides découplées doit être significative que cette réorientation soit crédible.
Je suis bien conscient, qu’au sein de cette assemblée, cette approche, résolument novatrice, soulève des débats passionnés. Mais fuir les sujets chauds serait de ma part un manque de courage.
Que la discussion soit très serrée entre nous, quoi de plus normal. Mais, si notre objectif commun est de défendre le modèle européen d’exploitation agricole, il nous faut accepter, avec prudence et pragmatisme, maîtres-mots du président Sabin, de trouver des réponses adaptées à la diversité de notre agriculture. La réforme des grandes cultures de 1992, tout le monde en convient, a favorisé l’hyper-spécialisation des exploitations sur des systèmes de plus en plus simples, de plus en plus fragiles. Mes propositions, tant au plan communautaire qu’au plan national, avec l’instauration du contrat territorial d’exploitation visent à donner à tous les agriculteurs une palette de choix possibles pour que le devenir ne soit pas conditionné exclusivement par le montant des aides directes.
Alors me dit-on, je m’engage sur un terrain dangereux, celui de la renationalisation de la PAC. Permettez-moi de vous avouer que ce reproche me laisse perplexe.
Comment peut-on plaider pour la défense de la diversité de l’agriculture européenne et demander l’application de mécanismes de marchés uniques dans quinze Etats-membres ?
Comment peut-on à la fois critiquer la gestion technocratique de la PAC - comme, par exemple, l’introduction cette année par la Commission dans le règlement jachère industrielle des rendements représentatifs alors que le système préconisé et appliqué depuis deux campagnes en France donnait entière satisfaction - et refuser qu’une marge de liberté soit laissée aux Etats pour mettre en œuvre une politique qui tient compte de la diversité de ses régions et de ses exploitations ?
Au risque de me répéter, mon ambition est de répondre aux défis que nous impose l’évolution de notre environnement économique et social. C’est pourquoi la loi d’orientation agricole redéfinit dans son article premier les objectifs assignés à la politique agricole :
- assurer la pérennité des exploitations agricoles,
- favoriser l’installation des jeunes dans l’agriculture,
- permettre un partage plus équitable entre les agriculteurs et leur aval,
- encourager des modes de production plus respectueux de l’environnement,
- conforter la position des agriculteurs qui ont développé des productions identifiées.
En clair, cela veut dire que, demain comme aujourd’hui, les agriculteurs resteront des producteurs mais que les politiques publiques qui soutiennent leur activité conforteront l’ensemble des fonctions qu’ils remplissent.
Tels sont les grands dossiers qui engagent votre avenir. La négociation européenne est tout juste engagée. La loi d’orientation agricole va faire l’objet d’un grand débat au Parlement. Les actes qui donnent leur vraie valeur aux discours vont s’inscrire dans la réalité au cours des tous prochains mois.
En attendant, il me faut, comme le dit plaisamment le président Sabin, aborder les sujets qui fâchent inutilement. Cela voudrait-il dire, à contrario, que d’autres fâcheries évoquées dans certains discours professionnels auraient une certaine utilité ? Je plaisante, bien sûr.
Tout d’abord, le problème délicat du nouveau dispositif national de contrôle des semences de colza de ferme. Sur le fond, tout le monde est d’accord sur la nécessité de se conformer à la règle communautaire. Là où les choses se compliquent c’est que cette réglementation prévoit des vérifications sur place à partir de prélèvements réalisés au moment des semis. C’est bien sûr difficilement applicable en l’état. Le dispositif mis en place cette année qui demande aux producteurs d’être en mesure de fournir, à l’occasion des contrôles sur place, le résultat d’une analyse préalable effectuée par un laboratoire agréé avant les semis répondait à un souci d’efficacité. Sa mise en place tardive et son systématisme posent problème aux producteurs. Vous me dites, Monsieur le Président, qu’avec un peu de bon sens, une solution peut être trouvée. Je suis tout disposé à ce que votre proposition soit discutée dans les meilleurs délais.
Ensuite le problème posé par l’introduction d’une nouvelle règle des rendements représentatifs par la Commission dans le règlement jachère industrielle. Sur ce point, j’ai commencé de vous répondre en parlant des méfaits d’une gestion trop technocratique de l’application de la PAC. A force de changer en permanence les règles de gestion, on nuit à leur compréhension et on complique inutilement les choses. En réponse à vos inquiétudes, je puis vous assurer que la SIDO, comme elle a toujours su le faire, appliquera la réglementation communautaire avec intelligence et discernement. En concertation permanente avec l’ensemble de la filière elle mettra tout en œuvre pour aplanir les difficultés que pourrait soulever cette nouvelle règle.
Voilà pour les questions conjoncturelles difficiles. Il me reste pour que ma réponse soit complète deux sujets essentiels :
- la reconduction de l’accord interprofessionnel de gestion des surfaces oléagineuses,
- le point sur l’état de la négociation communautaire sur les productions que la FOP représente.
Sur le premier sujet, les engagements qui avaient pris par mon représentant à votre congrès de Strasbourg pour la récolte 1998 ont été tenus. Les pouvoirs publics ont homologué et étendu l’accord interprofessionnel sur la gestion des surfaces oléagineuses. Au-delà de l’aspect juridique mon soutien a été clair et constant. En effet, j’estime qu’il est de l’intérêt général :
- de limiter le dépassement de la surface maximale garantie d’oléagineux qu’impose les accords du GATT afin de limiter les pénalités,
- de consolider les nouvelles perspectives ouvertes par les débouchés non alimentaires à côté des marchés traditionnels.
Malgré cette mobilisation la récolte à venir va encore nous valoir une pénalisation. J’ai bien noté votre préoccupation en ce qui concerne l’application de la règle du cumul des pénalités. Soyez assuré que nous serons très attentifs à la manière dont la Commission l’appliquera.
Pour la récolte 1999, comme vous l’avez souligné Monsieur le Président, il va falloir remettre l’ouvrage sur le chantier pour que la discipline collective puisse éviter un nouveau dépassement. Comme vous le souhaitez je contribuerai, pour ce qui concerne le Ministère de l’Agriculture, à soutenir vos efforts pour que l’accord interprofessionnel soit mieux compris, mieux respecté. Toutes les propositions allant dans ce sens seront examinées avec le plus grand intérêt.
En ce qui concerne l’état de la négociation communautaire sur les dossiers qui intéressent la FOP, je vais faire le point sur chacun d’entre eux. Cependant, en préalable, je dois saluer le remarquable travail d’analyse que vous avez réalisé sur les nouveaux soutiens introduits par le Fair Act. Je ne reviendrai pas sur la présentation précise et complète que vous en avez faite si ce n’est pour souligner que c’est une pièce importante à verser à notre défense d’un traitement spécifique du dossier oléagineux communautaire. En effet, il serait paradoxal de démanteler unilatéralement notre régime pour soi-disant nous exonérer des contraintes de… Blair House alors même que nos concurrents américains ont renforcé leur soutien aux oléagineux.
La proposition de la commission concernant le paiement d’une prime unique à la surface pour les grandes cultures conduirait à une réduction massive des surfaces en oléagineux. Ce n’est pas acceptable. Les spécificités du secteur des oléagineux et des protéagineux, tant pour leur contribution à l’approvisionnement en protéines de l’Union européenne que de leur contribution à l’équilibre global de notre agriculture, justifient un traitement spécifique. Ce constat commun doit maintenant nous amener à choisir une solution alternative qui puisse amener la Commission à infléchir sa proposition. Il est encore trop tôt pour dévoiler nos batteries mais entre le statu-quo, une prime différenciée par rapport aux céréales ou une solution basée sur l’incitation à maintenir un certain équilibre dans l’assolement des grandes cultures, nous allons devoir choisir.
A cette réflexion sur un régime spécifique de compensation pour les oléagineux et les protéagineux nous devons joindre l’étude d’une approche nouvelle des cultures à usage non alimentaire. Aussi, dès le Conseil informel des Ministres de l’Agriculture du 31 Mars, j’ai demandé l’inscription au paquet Santer de mesures spécifiques aux productions non alimentaires indépendantes de la fixation annuelle du taux de gel minimal obligatoire. Il ne faudrait pas que les nouvelles filières industrielles, que vous avez su développer en moins de cinq ans, se trouvent mises en péril faute d’un approvisionnement suffisant. Nous devons convaincre la Commission et nos partenaires de promouvoir les utilisations non alimentaires et donc d’en assurer la compétitivité pour les agriculteurs et les industriels en compensant les écarts moyens entre les utilisations alimentaires et industrielles.
Mais, concernant ces valorisations non alimentaires, des évolutions sont probablement à envisager. En effet, le programme biocarburants a atteint un niveau de démonstration significatif grâce, notamment, à la mobilisation des filières agricoles et industrielles, et des pouvoirs publics. Le développement de la biomasse à des fins énergétiques reste encore limité, mais l’état des recherches permet d’en envisager l’application concrète dans le cadre de la politique de décentralisation et de régionalisation des sources d’énergie. La chimie des biomolécules a ouvert, quant à elle, des perspectives importantes qu’il convient de concrétiser.
La Conférence de Kyoto sur le climat, la loi française sur la qualité de l’air et le projet de réforme de la politique agricole commune, Agenda 2000, créent une situation nouvelle qui impose à la France une nouvelle évaluation des perspectives à moyen terme.
C’est pour cela que je pense confier à une personnalité du monde industriel, une mission permettant de réaliser cette évaluation.
Plus ponctuellement, concernant la détaxation pour les esters d’huile végétale incorporée au fioul et au gazole, la crise des pays du sud-est asiatique a modifié les équilibres antérieurs en provoquant une flambée des prix des huiles alimentaires et une chute des cours de la glycérine.
Parallèlement, les cours du pétrole sur lesquels le prix des ventes des esters méthyliques d’huile végétale est indexé a perdu 50 dollars/m2 en quelques mois.
Dans ces conditions, j’ai décidé de porter l’exonération fiscale de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers accordée aux esters de 230 francs/hectolitre à 240 francs/hectolitre. Cette mesure figurera dans le projet de loi concernant diverses mesures d’ordre économique et financier.
Je reviens maintenant aux productions à destination alimentaire.
En ce qui concerne la réforme de l’OCM huile d’olive la France défendra ses intérêts de petit pays producteur d’huile de qualité en demandant la prise compte du programme de rénovation de son verger oléicole qui est déjà engagé et qui devrait permettre à la production française d’atteindre dans les années à venir 6 000 tonnes. Nous ferons aussi en sorte que l’identification de ce produit de haute qualité se poursuive afin que les producteurs puissent bénéficier du juste retour de leurs efforts.
Pour les légumineuses à graines, en situation difficile du fait de la réduction du paiement compensatoire, le plan national de relance des légumes secs mis en place dans le cadre de la SIDO est une réponse adaptée à notre volonté de promouvoir et de défendre des filières qui ont joué la carte de l’identification et de la qualité. En ce qui concerne les fourrages déshydratés, et plus particulièrement les fourrages séchés au soleil, il nous faut l’urgence promouvoir une nouvelle approche qui privilégie l’occupation du territoire. Le CTE pourrait être un instrument de cette nouvelle approche.
Avant de conclure, je souhaite aborder l’important dossier des biotechnologies qui soulève bien des passions dans les milieux scientifiques, écologistes, politiques ce qui trouble profondément la perception que se fait l’opinion publique du transfert du progrès dans la production agricole. Face à la controverse concernant la mise en culture de variétés génétiquement modifiées le Gouvernement a annoncé l’organisation d’un grand débat public sur ce sujet afin de mieux prendre en compte les attentes de la population dans le processus de décision. Ce débat prendra la forme d’une conférence de citoyens, organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, présidée par Jean-Yves Le Déaut, qui rendra ses conclusions le 22 Juin prochain.
Pour sortir notre pays de la situation absurde dans laquelle il se trouvait, après l’autorisation d’importation accordée à trois variétés de maïs auxquelles l’autorisation de mise en culture était refusée, le Gouvernement en a autorisé la mise en culture sous certaines conditions. Cette autorisation s’accompagne de la mise en œuvre d’un protocole de biovigilance pour s’assurer que la culture en vraie grandeur n’occasionne pas l’apparition de problèmes environnementaux.
Je suis conscient du rôle stratégique de la sélection végétale. Les performances techniques conditionnent vos résultats économiques futurs. Mais, étant donné le développement récent de ces biotechnologies, seule l’application rigoureuse du principe de précaution permettra d’éviter que l’opinion publique pense que seules des motivations mercantiles vous poussent au détriment de la santé publique.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité que le débat démocratique nécessaire soit conduit dans notre pays. Je me réjouis que l’office parlementaire d’évaluation des choix technologiques ait pris l’initiative de l’organiser.
Le Gouvernement prendra les décisions nécessaires à la lumière des conclusions de ce débat.
Au terme de ce large tour d’horizon je tiens à vous assurer de ma vigilance. Votre secteur, de par sa position stratégique et de par la volonté initiale de l’Europe de mieux maîtriser son approvisionnement protéique, a toujours été exposé aux foudres des Etats-Unis. Le panel soja, Blair House et maintenant la proposition de prime unique font de votre secteur l’un des plus exposés aux contraintes internationales. Dans la négociation déjà engagée sur la réforme du régime des grandes cultures, je mettrai tout en œuvre pour que la somme des efforts que vous avez déployés depuis plus de 20 ans ne soit pas dilapidée. Vos facultés à rebondir sont grandes, vous l’avez démontré dans un passé récent, mais encore faut-il qu’on vous en laisse les moyens. A mon niveau, je m’attacherai à faire prévaloir, tant pour la production alimentaire que pour les débouchés industriels, des solutions qui préservent l’avenir de vos exploitations et des outils industriels que vous avez su bâtir. Dans la rude bataille qui nous attend, je suis persuadé, qu’avec pragmatisme et inventivité, votre filière saura s’adapter et se créer de nouveaux espaces de prospérité.