Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
L’avance sur recettes est certainement le mécanisme le plus connu de la politique française de soutien au cinéma.
Cette reconnaissance et cette importance n’est pas tant dû à son montant financier, qui avec 115 millions de franc en 1995 ne constitue qu’une part limitée du financement du cinéma français, qu’au double rôle qu’elle joue :
- d’abord, elle tient une place majeure dans le financement des films français en exerçant notamment un effet de levier important dans le montage de ceux-ci. Se révélant ainsi incontournable pour les premiers films et les films d’auteur ;
- ensuite, elle représente, pour l’ensemble de la profession, une sorte de « label de qualité », ou de reconnaissance professionnelle de la validité artistique d’un projet.
Les objectifs de l’avance sur recettes tels qu’ils sont fixés par les textes sont les suivants :
- favoriser le renouvellement de la création en encourageant la réalisation des premiers films ;
- soutenir un cinéma différent, indépendant, audacieux au regard des normes du marché et qui ne peut sans aide publique trouver son équilibre financier ;
- aider la production d’œuvre qui, pour traduire une ambition culturelle affirmée, doivent prendre le risque de budgets élevés, sans exclusive d’aucun genre.
Aujourd’hui ces objectifs sont-ils toujours respectés et sont-ils suffisants ?
La dotation de l’avance sur recettes, entièrement financée par le compte de soutien à l’industrie cinématographique, permet d’aider chaque année la production d’une cinquantaine de longs métrages sélectionnés sur scénario ainsi qu’une dizaine de films choisis après leur réalisation. Cela représente, au total, la moitié de la production des films d’initiative française.
Le rôle et l’importance de l’avance sur recette sont apparus une nouvelle fois lors du dernier festival de Cannes, au cours duquel furent présentés 16 films bénéficiaires de cette aide dans les diverses sélections. À l’issue du festival, 3 de ces films (Ridicules de Patrice Leconte, Un héros très discret de Jacques Audiard et le 8e joue de Jaco Van Dormael) se situaient en tête des entrées parisiennes.
On peut également considérer que l’avance a joué un rôle fondamental dans l’émergence, ces dernières années, d’une nouvelle génération de cinéastes particulièrement brillante dont beaucoup n’ont pu, dans un certain nombre de cas, monter leur film qu’à partir de l’avance sur recettes (et quelquefois avec cette seule base de financement).
Je considère pour ma part que l’avance sur recettes permet l’existence d’un espace de liberté et de renouvellement du cinéma français.
Elle constitue un investissement collectif à long terme essentiel pour son avenir.
Mais derrière ces qualités incontestables, il y a aussi des faiblesses qui ne lui permettent pas toujours de remplir pleinement ses missions.
Les principaux problèmes que pose aujourd’hui le fonctionnement de l’avance sur recette sont au nombre de trois :
1. – En premier lieu, l’insuffisance de l’investissement initial dans l’écriture et le développement du projet.
2. – Le deuxième problème réside dans les difficultés du montage du plan de financement, alors que la part de l’avance sur recettes dans le financement de films est en baisse par rapport aux budgets des films.
3. – Enfin, on observe souvent des difficultés de distribution es films, aidés par l’avance, car ils sont souvent plus difficiles d’accès que la moyenne de la production cinématographique française.
Ayant fait ces trois constats, j’ai demandé à une commission des films, aidés par l’avance, car ils sont souvent plus difficiles d’accès que la moyenne de la production cinématographique française.
Ayant fait ces trois constats, j’ai demandé à une commission présidée par Jérôme Deschamps et composée de représentants des diverses branches professionnelles, de me proposer des modifications en vue de réformer l’avance sur recettes.
Je crois que ces propositions de réforme, que Jérôme Deschamps va vous exposer relèvent d’une intention et d’une volonté que l’on peut résumer ainsi : rendre à l’avance sa place d’acteur central dans le mécanisme de soutien au cinéma, en développant pleinement toutes ses potentialités :
- d’abord en faire un acteur important non plus seulement dans la phase de financement de la production, mais également en amont (écriture) et en aval (distribution) de celle-ci ;
- ensuite, en augmentant, quantitativement, son pouvoir d’action par l’augmentation de sa dotation, sans augmenter le nombre de films aidés.
Dans tous ces domaines, la commission de réforme a souhaité donner toute sa place au rôle de partenaire à part entière, aux côtés du producteur, que doit jouer « l’Avance ».
La difficulté de plus en plus aiguë du métier du producteur indépendant, le rôle plus actif que celui-ci doit jouer, de l’écriture jusqu’au contact avec le public, confortent la commission dans le sentiment que cette évolution doit s’accompagner d’une évolution de même ordre pour « l’Avance », qui doit désormais s’inscrire dans une perspective dynamique, lui redonnant toute l’importance qu’elle a eue dans le passé.
À l’issue de cette réflexion, les principales mesures préconisées par la commission de réforme de l’avance sur recettes sont au nombre de quatre :
1. – Création d’un collège spécifique d’aide à la réécriture.
2. – Modification du système de remboursement afin d’augmenter la dotation et ainsi les sommes allouées par film.
3. – Création d’une aide à la distribution spécifique afin de faciliter l’accès aux salles des films de l’avance sur recettes.
4. – Et enfin, modification des modalités de fonctionnement de la commission.
Je crois qu’à travers ces 4 propositions de réforme l’on touche au cœur même du dispositif pour l’améliorer ; et je crois que ces propositions devraient permettre de mettre un terme à des situations qui ne sont pas acceptables.
En effet, elles devraient notamment permettre d’éviter que des films soient aidés par « l’Avance », et jamais distribués et vus en salle.
D’autre part le taux de remboursement global, inférieur à 10 %, dénaturait le principe même de l’avance, qui était devenu plus une subvention définitive qu’une véritable avance.
Enfin, le souci de renforcer le développement des projets et l’aide à l’écriture, me semble aussi de nature à apporter une réponse judicieuse à un problème récurrent du cinéma français.
Avant de laisser Jérôme Deschamps vous exposer les modifications proposées, je souhaite vous indiquer, que pour ma part j’ai décidé de retenir ces quatre orientations et qu’elles seront dans les semaines à venir mises en œuvre, après les semaines à venir mises en œuvre, après les consultations interministérielles habituelles.
Rapport de la commission de réforme de l’avance sur recettes présidée par Jérôme Deschamps – Juin 1996
L’avance sur recettes
L’avance sur recettes est le mécanisme le plus connu de la politique française de soutien au cinéma.
Elle a pour but de :
- favoriser le renouvellement de la création en encourageant la réalisation des premiers films ;
- soutenir un cinéma différent, indépendant, audacieux au regard des normes du marché et qui ne peut sans aide publique trouver son équilibre financier ;
- aider la production d’œuvres qui, pour traduire une ambition culturelle affirmée, doivent prendre le risque de budgets élevés.
Cette aide sélective, d’un montant de 115 MF en 1996, apparaît complémentaire et en partie correctrice de l’aide automatique à la production, assise directement sur les résultats du marché.
La dotation de l’avance sur recettes, entièrement financée par le compte de soutien à l’industrie cinématographique, permet d’aider chaque année la production d’une cinquantaine de longs métrages sélectionnés sur scénario ainsi qu’une dizaine de films choisis après leur réalisation, ce qui représente au total la moitié de la production des films d’initiative française.
En général, depuis quelques années, le montant par film des avances accordées avant réalisation s’échelonne de 1,5 à 3 MF (la moyenne s’établissant à 2,5 MF) ; il est fixé en fonction non seulement du coût des films mais aussi de leur besoin de financement final.
La commission se préoccupe également de l’amélioration de la qualité des scénarios qu’elle sélectionne en finançant diverses formes d’aides à la réécriture.
La place de l’avance sur recettes est apparue pleinement lors du dernier festival de Cannes au cours duquel ont été présentés 16 films bénéficiaires de cette aide dans les diverses sélections. À l’issue du festival, 3 de ces films (Ridicule de Patrice Leconte, Un héros très discret de Jacques Audiard et le 8e jour de Jaco Van Dormael) se situaient en tête des entrées parisiennes.
Réforme de l’avance sur recettes
À l’occasion du séminaire tenu en novembre 1995 à Champs-sur-Marne, une réflexion collective s’est engagée autour de l’ASR, dont beaucoup de professionnels ont souligné les lacunes :
- insuffisance de l’investissement initial en écriture ;
- poids financier de l’ASR en baisse par rapport aux budgets des films ;
- difficultés de distribution de films plus difficiles d’accès que la moyenne de la production française.
Prenant en compte des observations, le ministre de la culture, Philippe Douste-Blazy, a donc demandé à une commission présidée par Jérôme Deschamps et composée de représentants des diverses branches professionnelles, de lui soumettre des propositions en vue de réformer l’ASR.
À l’issue de cette réflexion, les mesures préconisées par la commission de réforme de l’ASR sont les suivantes :
- création d’un collège spécifique d’aide à la réécriture (cf. fiche n° 3) ;
- modification du système de remboursement afin d’augmenter la dotation et ainsi les sommes allouées par film (cf. fiche 4) ;
- création d’une aide à la distribution spécifique afin de faciliter l’accès aux salles des films de l’ASR (cf. fiche n° 5) ;
- modification des modalités de fonctionnement de la commission (cf. fiche n° 6).
L’aide à la réécriture
La commission de réforme de l’ASR a tout d’abord proposé la création d’un nouveau collège qui aurait pour objet de favoriser la réécriture de scénarios prometteurs, mais encore susceptibles d’améliorations.
À l’heure actuelle, les candidats ne peuvent postuler à l’aide à la réécriture : même s’ils sont conscients des faiblesses de leur scénario, ils n’ont pas d’autre choix que de se présenter à l’ASR. La candidature directe à un nouveau guichet spécifique à la réécriture devrait permettre d’insister sur la nécessité d’un renforcement du travail d’écriture et de désengorger les comités de lecture des 1er et 2e collèges, accélérant ainsi les délais de l’ASR.
Mettre ainsi l’accent sur l’étape fondamentale que constitue la réécriture en augmentant le nombre d’aides allouées (passer de 40 à 50 aides par an), et leur montant moyen (passer de 80 KF à 150 KF), devrait susciter un véritable élan susceptible d’améliorer la qualité des scénarios et l’exigence des partenaires de la création en ce domaine.
L’aide à la réécriture sera renforcée par une procédure d’accompagnement, de la part du CNC et des membres de l’ASR, afin d’apporter une aide réelle aux auteurs, notamment ceux qui ne disposent pas de producteur ou sont à la recherche de coscénaristes ou de consultants.
Le financement
Puisqu’il est désormais acquis que les sommes remboursées réabonderont la dotation de l’ASR, augmenter les remboursements est la condition sine qua non pour une revalorisation conséquente du montant des avances, afin de dynamiser cette aide sélective et rétablir son poids financier.
L’inefficacité du système de remboursement actuel est due notamment à la raréfaction des couloirs de remboursement pour l’ASR, ceci entrainant un certain déséquilibre des remboursements obtenus (une petite minorité supporte le poids des remboursements effectifs) et un faible taux de remboursement global, autour de 7 à 10 %.
La commission de réforme préconise donc un système à la fois équitable et simple qui consiste à laisser le choix aux bénéficiaires entre deux possibilités de remboursement :
- soit un pourcentage de 10 % minimum sur toutes les recettes au premier franc (pourcentage à déterminer en fonction de l’importance de l’avance dans le total du financement du film), puis 30 % après amortissement ;
- soit un taux de remboursement à déterminer, prélevé sur le soutien généré par le film, en laissant à chacun une franchise de départ uniforme sur le soutien obtenu, cette solution permettant de laisser aux producteurs l’entière possession de toutes les recettes du film (RNPP, ventes étranger…).
La distribution
La commission de réforme, qui s’est longuement penchée sur le problème de l’accès aux salles des films français, sans recueillir en son sein l’unanimité sur ce point, a souhaité proposer une mesure spécifique aux films bénéficiaires de l’ASR.
Ce nouveau mécanisme pourrait consister à aider les distributeurs de certains films bénéficiaires de l’ASR, sous la forme d’une garantie : en cas de non remboursement des frais d’édition, l’ASR rembourserait au distributeur 50 % des frais engagés dans la limite d’un plafond de 500 KF.
Cette aide, accordée après visionnage par les membres de la commission, permettrait d’encourager les distributeurs à sortir ces films souvent plus difficiles que les autres dans des conditions plus favorables, en limitant leur risque.
Les modalités de fonctionnement
La commission de réforme s’est particulièrement penchée sur le problème des modalités de fonctionnement de l’ASR. Elle s’est notamment prononcée en faveur d’une clarification des missions de la commission plénière et du comité de chiffrage :
- la commission plénière octroie une promesse d’avance en ne prenant en compte que les qualités artistiques du scénario ;
- le comité de chiffrage, dont les outils d’évaluation doivent être renforcés, déterminé le montant de l’avance en bouclage de financement.
Par ailleurs, afin d’éviter toute interruption des activités de l’ASR en fin d’année lors du recrutement des membres, la commission a préconisé un système de « membre tournants » :
- les membres des 1er et 2e collèges seront nommés pour 6 mois et renouvelés par tiers ;
- les membres de l’aide à la réécriture également, mais ils devront faire 6 mois supplémentaires du tutorat sur les projets qu’ils auront sélectionnés ;
- le président, ainsi que les vice-présidents seront nommés pour 18 mois afin d’obtenir un suivi et une continuité.
Ce système, en ayant l’avantage d’alléger la charge de travail – en volume et en durée – des membres, permettra un recrutement plus facile et plus rapide.
Enfin, il paraîtrait utile que la procédure générale de l’ASR fasse l’objet d’un règlement intérieur écrit, afin de mettre un terme à la diversité des traditions et des jurisprudences fluctuantes d’une commission à l’autre, de pérenniser les nouvelles mesures adoptées et de confirmer les principes de déontologue stricte que doivent respecter les membres de la commission.