Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je tiens avant tout à me joindre aux félicitations déjà exprimées à l'équipe de SATEL Conseil et à son président, l'ingénieur général des télécommunications Popot, pour le remarquable dynamisme dont vous avez fait preuve dans le cadre de l'organisation de ce cinquième colloque.
La grande qualité des membres du comité d'honneur, ainsi que la stature internationale des très nombreux intervenants, soulignent que cette rencontre occupe désormais une place de premier plan parmi les nombreuses manifestations consacrées, dans le monde, aux télécommunications spatiales.
Au-delà de l'organisation de ce colloque, SATEL Conseil joue, comme l'a rappelé M. Bensoussan, un rôle essentiel et insuffisamment reconnu : en assurant des prestations de services dans le domaine de l'expertise technique à de nombreux clients étrangers, souvent opérateurs de télécommunications, SATEL Conseil contribue, en effet, à la valorisation des compétences françaises en matière de satellites de télécommunications. C'est pourquoi, je ne peux que me réjouir à mon tour des contrats importants qu'elle a remportés cette année dans ce domaine.
SATEL Conseil a souhaité donner à ce colloque comme thème fédérateur, la place des satellites dans le réseau global de communication. Cette question est évidemment centrale pour tous les acteurs du secteur, qu'ils soient opérateurs, industriels du secteur spatial ou des réseaux au sol, investisseurs ou utilisateurs des systèmes de télécommunications.
Pour ma part, mes fonctions au sein du gouvernement m'amènent à m'interroger sur un autre aspect de la même problématique : la place de la France et de l'Europe dans le cadre du développement extrêmement rapide des infrastructures de télécommunications, et plus particulièrement avec vous, sur la place et le rôle des acteurs européens dans la constitution et l'utilisation des infrastructures spatiales.
Le marché des satellites de télécommunications connaît actuellement, vous le savez, une croissance sans précédent et d'autant plus remarquable que personne n'aurait prévu une telle évolution il y a cinq ans.
Un constat s'impose aujourd'hui : parmi les applications commerciales de la technologie spatiale, les télécommunications demeurent, et de très loin, les plus rentables. Et tout laisse à penser que ce marché va continuer de croître, puisqu'il est désormais acquis que les technologies de télécommunication satellitaires joueront un rôle clé dans l'émergence de la société de l'information. On le voit dès maintenant au rôle croissant que ces technologies jouent dans le domaine des systèmes de communications personnelles. On le verra encore demain avec celui qu'elles ne manqueront pas de jouer dans le domaine de la fourniture de services multimédias…
Bien entendu, et les interventions à ce sujet seront nombreuses, les constellations de satellites en orbite basse destinées notamment aux communications avec les mobiles contribuent pour une part importante à cette croissance. Cependant, il faut souligner la croissance tout aussi rapide du nombre de satellites géostationnaires en production, qui s'accompagne de plus d'une forte augmentation de la durée de vie et de la capacité embarquée à bord de chaque satellite.
Cette évolution résulte d'une ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, largement initiée par l'arrivée de nouveaux acteurs indépendants des opérateurs traditionnels de télécommunications et exploitant des systèmes satellitaires dits « séparés ». Ignorant les frontières, les systèmes géostationnaires fixes ont développé l'interconnectivité des réseaux, offert des infrastructures communes aux services de télédiffusion et de télécommunications, amorcé l'offre de services numériques.
La France, au sein de l'Union européenne, a été un moteur de cette évolution, dès 1990. J'en veux pour preuve son engagement en faveur du développement de nouveaux services, avec Inmarsat-M, et les initiatives qu'elle a menées, notamment en liaison avec l'Allemagne, comme la conclusion d'accords de reconnaissance-mutuelle des licences et d'accès multiple à Eutelsat.
Dans le domaine des satellites de télécommunications géostationnaires, les industriels français Aérospatiale, Matra Marconi Space et Alcatel Espace fédèrent les capacités industrielles européennes avec un succès croissant. Leurs produits, au meilleur niveau technologique du moment, entrent en étroite compétition avec leurs concurrents d'outre-Atlantique. Leurs efforts vers une compétitivité améliorée, passant notamment vers une augmentation continue de leur productivité doivent être soutenus.
Si la filière spatiale européenne et française en particulier peut se féliciter de succès considérables dans l'acquisition d'affaires (fourniture de satellites de télécommunications à des clients internationaux), force est, en effet, de constater que, face à la présence d'exploitants américains de systèmes de télécommunications spatiales offrant une couverture globale, la réponse européenne reste à structurer. L'Europe tarde en particulier à prendre conscience des perspectives de croissance offertes par l'Amérique du Sud et le bassin Pacifique.
Par ailleurs, il est indispensable que la France et l'Europe préservent et augmentent les acquis industriels et commerciaux d'aujourd'hui, en assurant à nos maîtres d'oeuvre la disponibilité des technologies indispensables au programme de la prochaine décennie. Cet objectif sera atteint en partie au travers du programme technologique de télécommunications Stentor déjà décrit par le président du CNES : (dans le cadre d'un partenariat entre l'industrie et le Centre national d'études spatiales, ce programme permettra, dès 1999, de démontrer et de qualifier en orbite, les nouvelles technologies des satellites de télécommunications de demain).
L'exemple de Stentor doit faire souche : le partenariat entre l'établissement public et les industriels garantit une efficacité maximale des investissements de l'État au niveau du retour industriel et commercial, tout en permettant d'accompagner l'industrie dans son devoir d'innovation. C'est pourquoi, le Centre national d'études spatiales poursuivra, en association avec l'industrie spatiale française, cet effort dans le développement des technologies d'avenir conférant aux futurs satellites des performances, en capacité et en durée de vie toujours améliorées.
En ce qui concerne les constellations de satellites de télécommunications, il faut « rendre à César ce qui lui est dû » : les maîtres d'oeuvre américains, dont la plupart sont représentés dans la salle et parmi les intervenants, ont su prendre l'initiative et réunir les moyens nécessaires à la concrétisation de leur projet. Ce saut technologique a, il est vrai, été mieux négocié par les acteurs américains, même si certains de leurs homologues européens – et ce n'est pas négligeable – figurent en bonne place dans le tour de table de consortiums d'exploitation, ou sont directement associés à la fourniture du segment spatial.
Certes, il nous faut en Europe saluer l'esprit d'entreprise des américains et la capacité de mobilisation qui est la leur. Néanmoins, il nous faut aussi savoir réagir : au-delà de la première génération de constellations, principalement destinées à la téléphonie mobile, se prépare la deuxième génération tournée plus particulièrement vers les échanges numériques hauts débits, et qui devraient achever de constituer un réseau de communication global, à l'échelle de la planète.
Nous mesurons tous les immenses enjeux économiques, mais aussi culturels, d'une présence française et européenne sur ce marché. Il est dès lors essentiel que nos industriels prennent dans ce domaine une place de premier plan, et même de leader, en définissant les systèmes et en élaborant les technologies les mieux à même de répondre aux besoins des utilisateurs potentiels que nous sommes tous. C'est seulement à ce prix qu'ils réussiront à réunir autour d'eux les investisseurs et les opérateurs, partenaires incontournables de tous les nouveaux systèmes de télécommunications.
Pour la filière spatiale européenne, ne bénéficiant pas d'un marché intérieur de dimension considérable pour les services et infrastructures de télécommunications par satellites, l'exportation mais aussi, de plus en plus, la prise de positions de marché sur le segment de l'exploitation de tels systèmes dans des pays tiers et à échelle mondiale, devient plus que jamais primordiale.
Nous devons donc continuer de travailler avec nos partenaires européens avec pour objectifs communs :
– tout d'abord, l'établissement, au plan multilatéral, de conditions équitables d'accès au marché : c'est dans cette optique que nous oeuvrons en faveur d'un résultat ambitieux intégrant infrastructures et services de communications par satellites, dans le cadre de l'OMC, en février 1997 ;
– ensuite, une réforme des organisations internationales de télécommunications par satellites conforme à nos intérêts, laissant toute opportunité aux investisseurs européens de renforcer leur présence sur ce marché ;
– il convient par ailleurs d'engager une réflexion sur la nécessité de réviser les règles d'assignation des positions orbitales et fréquences, dont les modalités seront examinées au cours de la prochaine Conférence mondiale des radiocommunications, en octobre 1997 ;
– enfin, une coordination plus étroite est souhaitable afin d'assurer un renforcement de la position européenne et de son expression dans les enceintes internationales.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques pistes de réflexion et de travail que je souhaitais évoquer brièvement devant vous, à l'ouverture d'un colloque qui sera, j'en suis persuadé, l'occasion d'en découvrir et d'en explorer bien d'autres.
Il ne me reste qu'à souhaiter tout le succès qu'elle mérite à cette manifestation, en espérant qu'elle permettra à tous les acteurs français et européens d'un marché aussi stratégique et prometteur de démontrer leur compétence, leur dynamisme et leur mobilisation.