Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à France 2 le 7 juin 1998, notamment sur la grève des pilotes à Air-France et les relations entre le PCF et le PS, et débat entre MM. Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts, Thierry Cornillet, président du Parti radical, Jean Glavany, député PS, Claude Goasguen, député Démocratie libérale et Pierre Lellouche, député RPR, sur le bilan de la politique gouvernementale.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Michèle Cotta : Bonjour, Lionel Jospin est depuis un an Premier ministre. Sa cote ne varie pas dans les sondages, la croissance est de retour, les indices économiques sont meilleurs. Pourtant, grèves et mouvements sociaux se succèdent. C’est le moment de faire le bilan, ce que nous ferons dans la deuxième partie de cette émission avec tous nos interlocuteurs. Mais d’abord, Robert Hue est notre invité de la semaine, Robert Hue, le secrétaire général du Parti communiste que nous allons interroger avec Philippe Lapousterle de RMC. Robert Hue, bonjour.

Robert Hue : Bonjour.

Michèle Cotta : La grève des pilotes d’Air France continue. Celle de la SNCF a commencé sporadiquement. Franchement, est-ce que vous trouvez que ces grèves sont ou ne sont pas de nature à rejaillir sur l’image de la France au moment où le monde entier est à Paris ?

Robert Hue : Bien ! Qu’il y ait un mouvement social qui se développe, ce n’est pas anormal, c’est légitime dans une situation comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Qu’il se développe alors que la gauche plurielle est aux affaires, rien de plus légitime. Le mouvement social doit attendre de la gauche des réponses aux questions qui sont posées.
Permettez-moi seulement sur le conflit concernant les pilotes, les Français sont attentifs à ce mouvement. Je crois qu’il faut, à l’heure où nous parlons, que sans délai, sans délai les négociations reprennent. Quand je dis « sans délai », j’ai bien entendu ce que disait d’ailleurs hier le Premier ministre à cet égard, mais je crois que « sans délai », c’est ne pas attendre demain. Dès aujourd’hui, il faut que s’engagent ces négociations. Il y va, je crois, de l’intérêt de la compagnie, il y va de l’intérêt de la France et il y va de l’intérêt des pilotes. II me semble vraiment que, si je crois ce qu’on me dit, il y a la possibilité de…

Philippe Lapousterle : Mais qui doit céder, Monsieur…

Robert Hue : Mais personne ne doit perdre la face dans cette affaire. Ce conflit a une allure aujourd’hui…

Michèle Cotta : Tout le monde doit gagner, quoi ?

Robert Hue : Non, non, non, non… mais écoutez, je crois qu’il faut apprendre à vivre la négociation sociale sans que ce soit la capitulation d’un côté ou de l’autre. Il y a, me semble-t-il, de part et d’autre des possibilités de faire avancer un certain nombre de réflexions de choix. Il faut que les choses se fassent rapidement maintenant. Il y a la Coupe du monde, naturellement, on a tous en tête que l’image ne soit pas brouillée, mais il y a l’intérêt de la France. Il y a l’intérêt de la compagnie.

Philippe Lapousterle : Quand Monsieur Lionel Jospin est intervenu hier disant qu’il fallait absolument améliorer la compétitivité d’Air France et que c’était une menace de vie ou de mort pour la compagnie, soutenant la direction, est-ce que vous approuvez ce que le Premier ministre a dit ?

Robert Hue : Je pense qu’il faut effectivement que cette compagnie puisse se développer à terme. Cela peut se faire par toute une série de dispositions sans que cela mette en cause des intérêts comme… même si on a beaucoup discuté sur la hauteur des salaires des pilotes, etc. il me semble que, en tout état de cause, l’idée avancée par le ministre Jean-Claude Gayssot, qui dans cette affaire à mon avis a un rôle très constructif, eh bien que d’une part il y a l’intérêt de la compagnie, mais qu’en même temps lui, il ne sera pas le ministre de la baisse des salaires, me semble participer d’un réalisme et du bon sens.

Michèle Cotta : L’échange action/salaire, vous êtes pour ? Vous êtes contre ?

Robert Hue : Écoutez, il me semble que les salariés et les pilotes, dans les négociations sur cette question en y mettant une date butoir, je crois, un temps…

Michèle Cotta : 4, 5 ans.

Robert Hue : 4, 5 ans… étaient prêts à accepter cette idée ne la posant pas en termes de baisse des salaires, mais en termes d’investissement dans l’entreprise. Il faut prendre en compte à mon avis cette question.

Michèle Cotta : Il y a trois solutions au fond, réquisition des pilotes, privatisation de l’entreprise ou mettre la clef sous la porte. Qu’est-ce que vous choisissez ?

Robert Hue : Non, il y a la possibilité d’aboutir sans que ces trois aspects soient pris en compte. Je reviendrai sur la privatisation si vous le voulez rapidement. Il me semble que l’on peut aboutir. II y a le moyen aujourd’hui d’aboutir. Il faut que les négociations reprennent. J’entends bien privatisation. La droite d’ailleurs maintenant en fait son thème de bataille, là depuis quelques jours…

Michèle Cotta : Moi c’était une question, hein, c’était une question que je vous posais.

Robert Hue : Oui, mais je sais bien, je le prends comme cela naturellement. Privatisation, privatisation. Non, il y a un outil, un service public de qualité qui peut aujourd’hui être compétitif à l’échelon international. Il peut le faire non pas en diminuant les emplois, non pas comme cela a été fait ces dernières années – il y a eu 11 000 suppressions d’emplois – mais en créant des emplois supplémentaires. Il y a des propositions qui ont été faites dans ce sens. II faut au contraire que l’on ne cède pas à cette volonté de rentabilité financière à tout prix… Il y a un dogme de la rentabilité financière, là, qui fait pression. Il ne faut pas céder à cette pression. Cela ne m’étonne pas que ce soit la droite qui demande la privatisation, mais là aussi, Gayssot a dit « je ne serai pas le ministre de la privatisation ».

Philippe Lapousterle : Oui, le Parti communiste a une position spéciale dans ce conflit, hein Monsieur, comme dans les autres conflits… c’est vrai. On a entendu Monsieur Chevènement dire des choses et vous, vous n’étiez pas d’accord avec lui. Est-ce que, à votre avis, le Parti communiste, votre parti, doit avoir pour mission d’être l’avocat, l’interprète du mouvement social en France ? De le défendre dans le gouvernement ? De le faire aboutir au mieux ?

Robert Hue : C’est une bonne idée, mais le Parti communiste ne peut pas avoir le monopole de cela. Qu’il soit le trait d’union, le relais, effectivement entre le mouvement social et l’action gouvernementale, oui, et je crois que cela fait partie de…

Philippe Lapousterle : « Relai », cela veut dire quoi « Relai » ?

Robert Hue : Eh bien, écoutez, en tous les cas, nous, nous sommes au cœur du mouvement social, les communistes, par vocation je serais tenté de dire. Chacun sait bien que dans les mouvements qui se développent à des titres… associatif, syndical ou autres, il y a des communistes qui participent. Bon, en l’occurrence, je pense que nous pouvons apporter, et être porteurs de cette démarche du monde du travail et du monde social. Simplement, le mouvement social, ce n’est pas quelque chose qui est à redouter pour un gouvernement de la gauche. Je pense que le mouvement social – au contraire ! –, il est un élément de la réussite de la gauche. Il n’y aura pas de réussite de la gauche plurielle en France s’il n’y a pas ce soutien, ce rapport…

Philippe Lapousterle : Il y a des moments où ça gêne ! Il y a des moments où ça gêne.

Robert Hue : Oui, eh bien, il faut savoir dans ces moments, eh bien, prendre en compte ce qui se dit, il faut entendre les attentes sociales. Il y a actuellement, Michèle Cotta, une série de mouvements importants, on évoquait… un mot simplement, les manifestations qui ont eu lieu en France hier, EDF, GDF, les cheminots… il y a des mouvements qui fonctionnent. Je pense que, par exemple, avec les chantiers navals à Toulon, les salariés sont en lutte et posent un certain nombre de problèmes. Et là, c’est le gouvernement qui est là aussi comme… pour discuter… je pense que l’on peut aboutir. Il faut prendre en compte tout cela et le mouvement social, il ne faut pas, pour la gauche plurielle en tous les cas, c’est évident me semble-t-il, pour les communistes, je le dis, ne doit pas être considéré comme l’obstacle, comme l’ennemi, mais, au contraire, il n’y aura pas de changement sans mouvement social.

Michèle Cotta : Je vous pose une question simple : est-ce que, par exemple sur Air France, vous trouvez que 500 millions d’économies pour maintenir l’entreprise à flot, c’est normal ? Ou est-ce qu’on peut trouver autre chose ? Répondez carrément sur ce…

Robert Hue : Oui, eh bien, je ne…

Michèle Cotta : 500 millions, il faut les faire ?

Robert Hue : Il y a ces économies à faire, on peut… Il y a peut-être d’autres solutions pour Air France. D’ailleurs dans les négociations, elles sont peut-être avancées par les pilotes ou par d’autres. Essayons de trouver en tous les cas quelque chose qui permette de sauvegarder l’intérêt de la compagnie, l’intérêt de la France à travers la compagnie et que l’on continue dans le monde à jouer notre rôle et même de jouer un rôle qui n’est pas celui des compagnies privées que l’on connaît par ailleurs. Il y a une vocation de service public qui là… participe de l’intérêt national, de l’intérêt général. En tous les cas, je pense qu’il faut sauvegarder tout cela…

Philippe Lapousterle : Seule au monde, seule au monde…

Robert Hue : Oui, seule du monde, eh bien que la France soit l’exception sociale en la matière, de la réussite sociale et du service public en l’occurrence, moi, ça ne me déplaît pas. Alors évidemment, vous n’alliez pas attendre autre chose de ma part, mais c’est évident. Moi, je suis de ce côté-là.

Michèle Cotta : Est-ce qu’il y a deux communismes ? Le communisme gouvernemental avec Jean-Claude Gayssot et les deux autres ministres et le communisme du parti que vous incarnez ?

Robert Hue : Je ne crois pas. Il n’y a pas cette schizophrénie possible entre les ministres et le parti.

Michèle Cotta : C’est vous qui parlez de « schizophrénie » !

Robert Hue : Oui, mais c’est une formule pathologiquement bien connue. Bon, il est évident que pour nous, aujourd’hui, il y a une évolution très importante du Parti communiste, une mutation très importante. Le Parti communiste a joué un rôle et continue de jouer ce rôle de porteur de la protestation. Il a cette vocation à intervenir, à ne pas accepter l’ordre établi, mais il ne peut pas en rester à cette démarche-là. Il faut qu’il soit constructif, qu’il participe à l’élaboration, aux institutions de la France et je crois qu’aujourd’hui, la présence de ministres communistes dans le Gouvernement montre – d’abord c’est un apport, je crois pour ce Gouvernement – et montre qu’il est possible effectivement d’être constructif tout en étant lié au mouvement social et porteur de ce mouvement social.

Philippe Lapousterle : Alors, par exemple, Robert Hue, travaux pratiques, travaux pratiques…

Robert Hue : Allons-y !

Philippe Lapousterle : Le livret A, le taux a été baissé d’un demi-point.

Robert Hue : Oui.

Philippe Lapousterle : Annoncé par le ministre communiste Monsieur Gayssot. Est-ce qu’il était indispensable en ce moment de diminuer le taux de rémunération des livrets A ou est-ce que c’était une décision… est-ce qu’on aurait pu mieux faire ?

Robert Hue : C’est une vieille décision effectivement… quand je dis « décision » en tous les cas, c’est une vieille revendication des banques et bon…

Michèle Cotta : Vous n’avez pas l’air franchement enthousiaste.

Robert Hue : Non, je ne suis pas franchement enthousiaste, non, non, ce n’est pas ma tasse de thé, encore faut-il voir, je le dis… Vous voyez, vous me demandez d’être très direct, je le suis. Il me semble que si cela permet effectivement d’apporter une aide immédiate – on me parle de 10 ou 15 milliards…

Philippe Lapousterle : 20 milliards au logement.

Robert Hue : … Au logement social – ça, c’est très intéressant ! Si on peut faire baisser les loyers, c’est très intéressant, mais si on touche à cette épargne-là, je pense qu’il faut aussi penser… – alors peut-être que c’est dans l’esprit immédiat du gouvernement, je le souhaite –, il faut penser aussi à taxer un certain nombre de profits financiers, lourds… Quand on voit la bourse qui s’envole, près de 40 % ces derniers temps, il me semble que là, il ne faudrait pas qu’il y ait deux poids ni deux mesures…

Philippe Lapousterle :  Donc on aurait pu éviter la mesure ?

Robert Hue : Je pense en tous les cas que si cette mesure est prise et qu’elle a cette… qu’elle permet ces possibilités au plan du logement social – il faudra regarder –, mais en tout état de cause, je pense que ces mesures de ce type, l’idée de privatiser les banques, tout cela à mon avis ne doit pas s’inscrire dans la démarche d’un gouvernement de gauche plurielle. Il faut au contraire… je suis pour le maintien de La Caisse d’Épargne, je suis pour qu’il y ait un pôle public des banques publiques en France qui soit un élément de… il faut… qui nous permette d’ailleurs d’engager une grande réforme du crédit. Il faut que le crédit puisse intervenir au service de l’action gouvernementale et tout cela, oui, bon eh bien écoutez, c’est vrai que c’est un peu différent…

Michèle Cotta : C’est un peu dans l’air du temps ce que vous dites ou… parce qu’on n’a pas l’impression que le Parti socialiste aujourd’hui est aussi favorable à une nationalisation du crédit que vous le dites.

Robert Hue : Écoutez, je ne parle pas de nationalisation du crédit. Je parle d’un pôle public, vous voyez, je parle… pas de dogme ni de nationalisation non plus, je… Là-dessus, j’ai dit un certain nombre de choses qui marquent une évolution certaine, mais il reste qu’il faut ce pôle public, que le Parti socialiste, bon, puisse s’interroger, je le vois bien, cela fait partie des discussions que nous avons ensemble. Je dis qu’il ne faut pas céder. Je ne dis pas que le Parti socialiste le fait, ni le Premier ministre. Mais il ne faut pas céder au marché financier. Cette petite musique d’un libéralisme de gauche qui serait en fait efficace, me semble détestable. II faut bien voir… il faut que la gauche soit bien à gauche pour réussir socialement.

Philippe Lapousterle : Un mot… où en sont vos relations avec le Parti socialiste, Robert Hue ? Est-ce que c’est une période où vous êtes… vous vous entendez bien ou c’est le plus mauvais moment que vous ayez à passer depuis un an de gouvernement ?

Robert Hue : Non, ce n’est pas un très mauvais moment…

Michèle Cotta : Pourtant vous parlez beaucoup d’hégémonie…

Philippe Lapousterle : Oui, on entend quand même depuis une semaine des grincements… des grincements…

Robert Hue : Oui, mais je pense que… on va y venir peut-être si on parle du bilan, mais en tous les cas, il est évident qu’il y a eu de bons résultats de la part du gouvernement de la gauche plurielle, de bons résultats avec vraiment des mesures entreprises : les 35 heures, emplois-jeunes, etc., c’est positif.

Philippe Lapousterle : Mais… mais ?

Robert Hue : Oui, il y a un « mais ». Il y a un « mais ». Je pense… mais le « mais » il est constructif. Si on… écoutez, je vais vous dire hein, si l’on pense un seul instant que mon objectif est aujourd’hui de dire, de bouder le résultat positif de la gauche plurielle, on se trompe ! Je suis pour la réussite du gouvernement de la gauche plurielle, mais je pense aujourd’hui que pour qu’il réussisse, il faut qu’il y ait un second souffle social fort par des réformes de structure qui vont nous permettre d’apporter des réponses aux attentes sociales qui existent aujourd’hui dans l’opinion et il faut entendre ces attentes.

Philippe Lapousterle : Mais vous avez dit que vous ne les aviez pas assez entendues en ce moment…

Robert Hue : Il arrive que nous ne soyons pas assez entendus et je pense que c’est préjudiciable pour la réussite de la gauche, donc il faut que nous soyons plus entendus. Vous savez, moi, je ne pense pas que ce soit normal, mais il arrive que, quand on est le parti le plus puissant dans une coalition, on a tendance à exercer parfois, eh bien, un aspect, une démarche un peu dominatrice. Bon, il ne faut pas que ce soit comme cela.

Philippe Lapousterle : C’est le cas en ce moment ?

Robert Hue : Il arrive que nous ne soyons pas assez entendus et je pense que c’est préjudiciable pour la réussite de la gauche. Donc il faut que nous soyons plus entendus. Vous savez, moi, je ne pense pas que ce soit normal, mais il arrive que quand on est le parti le plus puissant dans une coalition, on a tendance à exercer parfois, eh bien un aspect, une démarche un peu dominatrice. Bon, il ne faut pas que ce soit comme cela.

Philippe Lapousterle : C’est le cas eu ce moment ?

Robert Hue : C’est arrivé. C’est arrivé mais vous voyez, ce qui est positif, c’est qu’on se le dit. On se le dit et je pense que les choses avancent et elles vont avancer encore dans la prochaine période.

Michèle Cotta : Robert Hue, dernière question avant de passer au bilan, dernière question sur l’Europe, vous êtes hostile au mode de scrutin tel qu’il est annoncé, un mode de scrutin régional. Est-ce que vous allez faire des listes seuls ? Est-ce que vous allez faire des listes en trouvant des alliés ou des listes même communes avec le Parti socialiste, mais alors franchement, comment ?

Robert Hue : Non, nous ne sommes pas favorables à la proposition de modification du mode de scrutin. Bon, si cette modification consistait effectivement à rapprocher le député européen des citoyens, ce serait… ça pourrait s’imaginer. Ce n’est pas le cas… si c’était…

Philippe Lapousterle : Vous voterez contre en l’état ?

Robert Hue : En l’état, nous voterons contre, naturellement. Je pense. Enfin, c’est le groupe communiste qui en décidera, mais il est évident que… si c’était de réduire le Front national, alors là, tout de suite nous nous engagerions, encore que ce n’est pas encore sur le thermomètre, mais en tout… mais ce n’est pas ça donc, il faut dire pourquoi cette réforme. Si c’est simplement pour mettre en place un système d’Europe des régions qui se dégagerait d’une Europe où les nations doivent pouvoir s’exprimer, ça, nous ne pourrions pas être d’accord. Je veux dire que du point de vue de l’Europe, vous dites « quel type de liste ? » Les communistes vont proposer qu’il y ait… de discuter d’un projet pour l’Europe, d’une réorientation de l’Europe. Là-dessus, nous avons des différences avec nos collègues socialistes, mais nous pouvons travailler, mais à l’heure actuelle, il est évident que l’on peut imaginer une liste où il y ait des communistes, des représentants des forces progressistes qui s’inscrivent dans une démarche visant à la réorientation de l’Europe. C’est cela, mais, je veux dire pour terminer mon propos, que ce qui est essentiel pour nous, ce qu’il faut que les Français perçoivent bien, c’est que les communistes sont délibérément engagés dans l’Europe. Ils sont pour l’Europe. Nous pensons qu’il n’y aura pas de réussite du gouvernement de la France aujourd’hui comme de la majorité sans l’Europe. Mais une Europe réorientée, pas celle des marchés financiers, pas celle qui s’inscrit dans la démarche aujourd’hui de l’euro.

Michèle Cotta : Robert Hue, Merci


Le débat : premier anniversaire de la cohabitation

Michèle Cotta : Nous allons passer donc au bilan du Lionel Jospin. Lionel Jospin est entré à l’Hôtel Matignon il t a tout juste un an, le 2 juin 1998. Sa cote dans l’opinion publique est au même niveau qu’il y a un an, c’est-à-dire assez élevée. L’opposition continue de condamner la plupart des décisions du gouvernement, les 35 heures, les emplois-jeunes et d’une façon générale la part de l’intervention de l’État dans l’économie et dans la vie du pays. Les fruits de la croissance sont là, semble-t-il, mais paradoxalement, c’est à ce moment que l’agitation sociale reprend. Alors, nous allons parler de ce bilan avec (photo de présentation des invités) Jean-Luc Bennahmias qui est secrétaire national des Verts, Thierry Cornillet, président du Parti radical et maire de Montélimar. Vous êtes resté, si j’ose dire dans l’UEF (phon)… maintenu, Jean Glavany, député socialiste des Hautes-Pyrénées ; Claude Goasguen, vous, vous avez quitté Force démocrate pour rejoindre Démocratie libérale d’Alain Madelin. Pierre Lellouche, député RPR de Paris. Robert Hue, naturellement, vous restez avec nous.
D’abord, le bilan en images de Jean-Michel Mercurol.

Jean-Michel Mercurol : Ce premier anniversaire, Lionel Jospin l’a voulu modeste. Pourquoi en rajouter quand tous les sondages continuent de lui être favorables ?

Lionel Jospin (archives) : Puisqu’apparemment, il fallait qu’il y ait un anniversaire, tant qu’à faire, je voudrais vous dire je suis vraiment quand même extrêmement heureux de le passer avec vous.

Jean-Michel Mercurol : L’économie va mieux, la croissance revient, le déficit décroît, le chômage commence à baisser. Autant de motifs de satisfaction pour Lionel Jospin qui a commencé à engager ses réformes mais qui veut avant tout rester prudent.

Lionel Jospin : Cette modernisation du pays n’a de sens que si son autre objectif, l’autre pôle, c’est le progrès de la justice sociale.

Jean-Michel Mercurol : Le terrain social, justement en pleine agitation. Grève SNCF, mais surtout un conflit Air France qui menace de gâcher la fête du football. Voilà pour l’immédiat, mais il y a aussi les grincements dans la majorité plurielle dont les composantes ne veulent pas jouer les supplétifs. Lionel Jospin avait promis il y a un an de tenir ferme la barre. Rien ne l’a démenti depuis.

Lionel Jospin : Il n’y aura ni pause, ni recul, ni reniement.

Michèle Cotta : Alors ni pause, ni recul, ni reniement, Jean Glavany, vous caractériseriez ainsi le bilan de Lionel Jospin ?

Jean Glavany : Oh, vous savez, moi, je suis comme les socialistes aujourd’hui. Ce n’est pas triomphaliste, pas donneur de leçon.

Michèle Cotta : Pas hégémonique.

Jean Glavany : Pas hégémonique. Je crois que bon, les anniversaires comme ça, c’est quelque chose de commode d’un point de vue médiatique, mais ça n’a pas de sens en politique les anniversaires.

Michèle Cotta : C’est juste pour le plus grand plaisir de vous réunir.

Jean Glavany : Ce qui est un grand plaisir d’ailleurs. Mais au-delà de ce qui vient de se passer, de cet anniversaire, moi, ce qui m’intéresse, c’est ce qui vient de se passer pendant un an. Ça doit nous servir à regarder l’avenir. Moi, je pense qu’au bout d’un an, surtout, il faut se projeter vers les années qui viennent. La législature, c’est cinq ans. Ce gouvernement de la gauche a encore beaucoup de travail devant lui. Et je ne prendrai qu’un seul exemple. Vous savez, nous sommes tous élus, nous savons qu’un seul problème ronge la vie des Français, c’est celui du chômage, l’exclusion. Et de ce point de vue, les choses s’améliorent. Mais ça s’améliore au rythme de quoi, 150 000, 200 000 de moins, c’est formidable, c’est une inversion formidable et chaque mois, nous avons des résultats positifs de ce point de vue. Donc, nous devons, nous, nous réjouir. Mais moi, je pense, même si on est passé en-dessous du cap des trois millions de chômeurs, même si on est passé sous le cap des 12 % de la population active au chômage, moi, je pense à ceux qui restent au chômage, aux 2 900 000 chômeurs. Tant qu’il y a des chômeurs dans ce pays, il y a du travail pour un gouvernement de la gauche. Donc, je pense qu’il faut garder ce cap, se projeter dans l’avenir en disant « renouvelons nos efforts, amplifions nos efforts, continuons sur cette bonne voie » et c’est ça le sens de cet anniversaire.

Michèle Cotta : Pierre Lellouche, vous venez d’écrire « La République immobile ». Est-ce que, pour vous, depuis un an, la République est plus immobile qu’auparavant ?

Pierre Lellouche : Écoutez, d’abord, je donne crédit bien volontiers à Lionel Jospin d’avoir très habilement, je crois honnêtement, changé de style. Il est semble-t-il plutôt droit dans ses convictions plutôt que droit dans ses bottes. Il a renouvelé un certain nombre de ministres, ils sont plus jeunes, plus efficaces. C’est le style. Sur le fond, il a montré aussi qu’il pouvait tenir ses promesses électorales même si, à mes yeux, elles sont complètement archaïques, les 35 heures, les emplois-jeunes. Sur le fond, le bilan est beaucoup plus difficile même si les Français ne s’en rendent pas immédiatement compte. Je crois que le gouvernement a rigidifié le pays dans son immobilisme. Il a accrédité un certain nombre d’idées qui, à mon avis, sont dramatiques à savoir qu’en travaillant moins, on peut créer de l’emploi, à savoir qu’en engageant directement des fonctionnaires ou des sous-fonctionnaires, on va régler le problème des jeunes, à savoir qu’en multipliant les concessions au secteur public qui, en France, est énorme, un emploi sur quatre, avec le plus grand degré de prélèvements obligatoires et le plus grand degré d’impôts au monde que nous allons comme ça résoudre le chômage. Alors pour l’instant, ils ont eu beaucoup de chance. Ils ont bénéficié de cette anticipation de l’euro qui fait qu’il y a une petite reprise de la croissance en Europe qui leur permet en effet de baisser la partie conjoncturelle de notre chômage. Mais les raisons de fond qui font que ce pays a trois fois le nombre de chômeurs des États-Unis ou de l’Angleterre, que nous avons été incapables depuis des années contrairement aux Hollandais, par exemple, de faire réduire et les dépenses publiques et le chômage, ces raisons demeurent. Et ce gouvernement va inévitablement être confronté aux réalités. Les réalités, c’est l’euro, c’est la compétition européenne et c’est là que le mot de schizophrénie tout à l’heure de Monsieur Robert Hue s’applique. On est devant une politique complètement schizophrénique. D’un côté, on affiche une politique européenne, donc libérale. De l’autre, on rigidifie, on multiplie les concessions aux fonctionnaires, au secteur public.

Michèle Cotta : Alors on reste… on parlera de l’Europe si vous voulez tout à l’heure…

Pierre Lellouche : C’est la France – pardon, je termine d’un mot –, sous Jospin, c’est la France qui brame qui gagne par rapport à la France qui rame.

Jean-Luc Bennahmias : Un an de bilan, c’est trop tôt.

Michèle Cotta : Mais où vous situez-vous par rapport à la majorité ?

Jean-Luc Bennahmias : Nous, pleinement dans la majorité plurielle, pleinement avec nos alliés, nos partenaires du Parti communiste et du Parti socialiste, pleinement. Ensuite, il y a quelques petites histoires en ce moment. On y reviendra si on a le temps notamment sur la façon de discuter du changement du mode de scrutin, du statut de l’élu, du cumul des mandats. Là-dessus, il y a des débats, des débats qui continuent et que nous espérons continuer. Sur le bilan, un an, c’est un peu tôt. Moi, je crois que les initiatives prises par le gouvernement, les propositions qui ont été mises en acte… vous l’avez dit, Monsieur Lellouche… sur les 35 heures, vous savez, vous n’avez pas tellement réussi pour réduire le chômage… alors je pense que tout est à essayer et l’essai réel, réalisé qui sera encore meilleur si l’Europe y passe aussi sur la réduction du travail est une excellente chose. Et je crois que là, ce qui est intéressant, c’est de voir comment l’ensemble des confédérations syndicales, en tout cas deux grosses d’entre elles, la CFDT et la CGT, prennent ça à bras le corps. Ils disent : « voilà, on va jouer le jeu. On va discuter dans les entreprises. On va négocier ». Eh bien, c’est ça qui pourra faire permettre de créer plusieurs centaines de milliers d’emplois. Des emplois-jeunes, évidemment, on peut dire… vous avez trouvé autre chose ? Personne n’avait trouvé autre. Eh bien, on les met en place. C’est un peu lent, mais il faut accélérer. Je crois que le processus, il faut vraiment le mettre en place aujourd’hui parce qu’il y a un besoin de dialogue fort dans la société, il y a un besoin de compréhension extrêmement puissant et je crois que c’est là où Lionel Jospin et son gouvernement doivent aller plus vite et plus loin. Sur le dialogue, on voit qu’il y a des grèves sectorielles aujourd’hui, des mouvements sectoriels, on l’a vu aussi dans l’éducation nationale. Je crois qu’il faut plus discuter, plus dialoguer et voir sur le qualitatif plus que sur le quantitatif.

Michèle Cotta : Claude Goasguen alors, les 35 heures effectivement…

Claude Goasguen : En plus de ce qu’a dit mon collègue Pierre Lellouche et que je partage, moi, je crois que le gouvernement a une réussite dans le discours politique. Il faudra s’en inspirer d’ailleurs pour reconstruire la droite parce que la politique finalement, ça peut servir aussi et même dans la bonne direction quelquefois.

Michèle Cotta : La primauté du politique.

Claude Goasguen : Ce que je crois, c’est que le gouvernement n’a pas abordé les vraies questions fondamentales encore et que nous ne sommes pas rentrés, et je le lui reproche, dans les vraies réformes de société dont la France a besoin. Quelles sont ces réformes de société ? D’abord, incontestablement, la place de l’État par rapport à l’économie. On en voit bien d’ailleurs l’illustration avec le conflit Air France. Il y en aura d’autres parce que nous avons un État hypertrophié. Il faudra tôt ou tard normaliser et moderniser. Il y a le problème de la fiscalité qui se pose et que Laurent Fabius pose dans des termes qui semble-t-il ne sont pas ceux du gouvernement. Il y a un problème encore plus grave dont il va falloir parler très vite, c’est le problème des retraites. Or, ce discours sur les retraites, c’est un discours maintenant qui devient immédiat. Dans quelques décennies, on ne pourra plus parler des retraites, on ne pourra plus les payer. Il impose des réformes fondamentales. Ça, le gouvernement ne les a pas abordées. Je voudrais simplement en un mot dire que, souvent, le gouvernement sur des sujets fondamentaux a fait des discours, peu de propositions, au moins deux. Sur la sécurité, quand on regarde la loi de finances, on s’aperçoit qu’il y a moins de policiers et davantage de délinquants. Sur l’éducation, Monsieur Allègre a quelquefois de bonnes idées. Je dois dire que ça se limite au discours car, dans la réalité financière d’application, on ne voit rien venir. Alors peut-être l’année prochaine, on verra sur l’intérieur et l’éducation nationale fleurir les réformes… Pour le moment, ce n’est pas le cas. Nous nous en limitons aux discours.

Michèle Cotta : Jean Glavany, vous ne dites rien là ? Robert Hue ?

Jean Glavany : Je ne dis rien parce que vous ne me donnez pas la parole…

Michèle Cotta : Mais vous la prenez si vous voulez.

Jean Glavany : Non, mais ce sont des caricatures. Je pense que dire du gouvernement qu’il ne traite pas les dossiers, c’est quelque chose d’un peu risible. Je peux égrener si vous voulez depuis un an les dossiers traités. Je pense que le gouvernement fait son travail avec beaucoup de sérieux. La Nouvelle-Calédonie, c’est un dossier que vous n’aviez pas traité, qu’il a traité, qui est en bonne voie, oui. Sur un sujet que je connais, sur la Corse, c’est un dossier que vous avez maltraité, il était dans un état pitoyable, il fait son travail. Mais on peut égrener… je n’ai pas fini…

Claude Goasguen : Ce n’est pas encore fini, le dossier corse.

Pierre Lellouche : Ce n’est pas sérieux là.

Claude Goasguen : Pour le moment, c’est du discours.

Jean Glavany : Le gouvernement fait son travail.

Claude Goasguen : Ne dévoilez pas la commission d’enquête, Monsieur Glavany.

Jean Glavany : Non, non, je ne dévoile rien. Je parle de ce que fait le gouvernement. Donc, je pense que vous avez tort de dire ça et parce que le gouvernement fait son travail. D’ailleurs, les Français le perçoivent comme ça. Mais je dirais simplement pour faire rebondir le débat, moi, je veux bien entendre tous les discours que vous voulez sur la place de l’État qui a…, mais moi, je me rappellerai toujours avec une petite pointe d’ironie que le record des prélèvements obligatoires dans ce pays, dans l’Histoire de la France, c’est vous qui l’avez battu. C’est toujours quand la droite est au pouvoir que les prélèvements obligatoires… balayez devant votre porte, faites votre révolution de…

Claude Goasguen : Ne vous défaussez pas quand même.

Jean Glavany : Mais je ne me défausse pas, c’est vous qui… et les prélèvements obligatoires baissent. C’est le premier anniversaire de Jospin et les prélèvements obligatoires baissent.

Pierre Lellouche : Un mot sur les prélèvements obligatoires. Évidemment que c’était extrêmement désagréable à faire. Ça vous a permis l’année suivante de faire le passage à l’euro. Je rappelle qu’en 1992 le déficit structurel en France était de 6,3 %. Il fallait être dans les 3 %. Vous êtes dans les clous grâce au travail difficile qui a été mené précédemment et qui a été très impopulaire et c’est en partie pour ça d’ailleurs que vous avez gagné les élections.

Jean Glavany : Et pourquoi vous avez dissous alors ?

Thierry Cornillet : Ce serait caricatural de penser que tout est négatif. Et moi, je crois que, paradoxalement, Lionel Jospin est dans la situation de François Mitterrand en 81 nous livrant fièrement le TGV dont il n’avait voté ni le principe, ni les crédits. Et là, actuellement, il profite du train de la croissance dans lequel le Gouvernement a pu monter, d’un assainissement que nous avons payé le prix fort politiquement en juin 97. Et si ça doit déclencher un certain nombre d’effets positifs, tant mieux mais je crois, je suis d’accord avec Monsieur Bennahmias, c’est trop tôt pour faire un bilan parce que les effets positifs, s’il doit y en avoir, on ne peut pas encore complètement les quantifier. Et quant aux effets néfastes, on les pressent, mais ils ne se sont pas encore mis en œuvre. C’est le cas notamment pour les 35 heures, le fait est tout à fait admissible, mais c’est le caractère d’obligation plutôt de convention contractuelle qui fait souci. C’est pareil pour les emplois-jeunes. On sait bien que c’est une réponse à une désespérance des familles, mais ça peut devenir des fonctionnaires à terme et ce n’est pas du tout dans le sens qui est nécessaire dans notre pays. Donc, pour l’instant, attente et réflexion.

Robert Hue : Je crois qu’il faut que la droite soit modeste. Franchement, franchement…

Thierry Cornillet : Mais la gauche aussi, Monsieur.

Robert Hue : La situation qu’a laissée la droite – d’ailleurs, c’est pour ça que les Français l’ont renvoyée où elle est – était désastreuse. Et, en tout état de cause, même s’il faut aller beaucoup plus loin, je l’ai dit tout à l’heure, beaucoup plus loin dans les réformes à entreprendre en France aujourd’hui au plan fiscal, au plan de l’emploi, etc., il reste que, il n’y a pas photo. Il n’y a pas photo entre la droite et ce que fait la gauche depuis un an.

Pierre Lellouche : Ben voyons ! Ben voyons ! Prenons un exemple, Madame Cotta. On va être modeste. On va parler d’Air France.

Robert Hue : Ce que vous avez fait sur Air France, vous avez supprimé 11 000 emplois.

Pierre Lellouche : On peut en parler d’Air France. On peut comparer les deux approches.

Robert Hue : On peut en parler, ça, c’est tout à fait évident. Mais moi, je vous parle du bilan général. Vous fuyez sur un cas particulier sur lequel on peut discuter, mais d’une façon générale, les prélèvements obligatoires, comment, vous osez ! Juppé, quand il est arrivé, 100 milliards de prélèvements. Moi, ce que je regrette, c’est qu’aujourd’hui…

Michèle Cotta : S’il vous plait, je vous demande un peu de discipline. Sinon, franchement, personne n’entend. Laissez-le terminer.

Robert Hue : Je pense effectivement que, maintenant, il est temps effectivement de prendre des mesures au plan fiscal, que prépare le gouvernement. S’il ne les prépare pas, on va contribuer, nous, en tous les cas, en ce qui nous concerne à ce qu’il les prenne en compte. Il faut réduire l’impôt. Je pense qu’il y a un impôt qu’il faut réduire sans délai, la TVA. En plus, Lionel Jospin s’y est engagé. Donc, je pense, il me semble qu’il faut peut-être toucher à des produits de première nécessité. Par exemple, l’électricité et le gaz, voilà une mesure sur laquelle on pourrait faire baisser massivement la TVA. Bon, je pense que des mesures comme ça, structurelles, peuvent être prises. Et puis, il y a d’autres dispositions à prendre notamment pour toucher aux profits financiers. On ne peut pas continuer de laisser la bourse s’envoler comme elle s’envole. Il ne s’agit pas de faire peur aux entreprises. Je suis même pour qu’on trouve des moyens visant à aider les PME-PMI. Mais en tout état de cause, il faut un type de fiscalité qui, effectivement, ne fasse pas payer les plus modestes.

Pierre Lellouche : Sur l’humilité, vous avez raison. Moi, je ne suis pas là pour donner des leçons. Nous avons perdu les élections et pour ma part, je suis de ceux qui sont extrêmement sévères sur notre bilan et pas seulement sur le bilan des quelques dernières années, mais sur le bilan général de la droite française depuis deux décennies qui a été incapable d’imprimer dans ce pays un itinéraire de sortie de crise qui soit de droite. C’est d’ailleurs pour ça que nous perdons. Moi, je suis un libéral – je n’ai pas peur de le dire – et je travaille à l’intérieur de mon parti pour articuler des solutions différentes des vôtres. Un exemple, sur ce point : Juppé avait bien fait, c’était l’évolution d’Air France comme de France Télécom. France Télécom, il y a quelques années, était une administration publique. C’est devenu une société qui vous a permis d’engranger 30 milliards de francs au moment de la privatisation et qui va vous permettre de sauver le téléphone en France.

Robert Hue : C’est la démonstration du public.

Pierre Lellouche : Attendez, attendez. Vous savez, vous allez inévitablement aller à la privatisation complète parce que c’est la condition de la survie dans une Europe ouverte. Pour Air France, nous avions une crise sur les bras. On a réinjecté 25 milliards de francs. Nous avions tous voté, cet argent. C’était la dernière fois qu’on pouvait le faire il y a quelques années. Les salariés d’Air France s’étaient remis au travail. Un président de gauche, Monsieur Christian Blanc, avait remis la société sur le bon chemin. On annonce une renationalisation. On met un ministre communiste. On redémarre les revendications corporatistes. Et au moment où les pilotes démarrent, que dit le ministre de tutelle qui court-circuite le président ? Venez chez moi, je cède sur tout. Résultat, vous avez le désastre actuel. Et ce que je voudrais dire, moi, c’est que cette grève d’Air France est exactement le pendant de la grève des chômeurs que l’on a vécue en début d’année, c’est-à-dire les deux extrêmes de notre société, les surprotégés d’un côté, les exclus de l’autre. Votre gouvernement, ce gouvernement ne fait en fait que gérer, que conserver les avantages à ceux qui ont déjà le plus d’avantages dans notre système, c’est-à-dire les fonctionnaires, les employés du service public.

Robert Hue : Et la loi contre l’exclusion, vous ne l’avez pas votée. C’est nous qui l’avons votée.

Thierry Cornillet : Avec beaucoup de retard. C’est une erreur de timing de ne pas commencer par la loi sur l’exclusion.

Pierre Lellouche : C’est une mauvaise loi et on s’en rendra compte.

Michèle Cotta : Nous sommes sur le bilan, restons sur le bilan.

Claude Goasguen : Puisque c’est le bilan, vous allez avoir maintenant un fait nouveau. C’est que, désormais, il y a 3 % de croissance, à mon avis plutôt 2,5 et que l’immobilisme qui a été celui du gouvernement dans un certain nombre de mesures – je vous rappelle quand même que les emplois jeunes, c’était 350 000, il y en a 50 000 et qu’on chercherait vainement à chercher la budgétisation des 300 000 restants – enfin, cela, c’est une parenthèse. Mais enfin, vous êtes restés dans l’immobilisme, soit ! Mais maintenant, vous n’aurez plus l’excuse de la récession car maintenant, vous avez la croissance. La croissance, ça veut dire que, mécaniquement, 2 % de croissance, ça fait 200 000 emplois. Alors vous allez nous dire que c’est vous, mais il va falloir faire accompagner la croissance. Et qu’est-ce que vous avez prévu pour accompagner la croissance ? Pour le moment, on n’entend rien et en particulier sur les problèmes fondamentaux dont on parlait tout à l’heure et notamment les retraites, Monsieur Hue et Monsieur Glavany. Il va bien falloir faire quelque chose. Puis-je dire un mot sur les retraites ? Vous parliez de la bourse tout à l’heure qui s’envole. Qui achète en bourse ? Ce sont les retraités américains qui achètent en bourse parce que vous n’avez pas voulu faire des fonds de retraite capitalisée. Alors vous empêchez les retraités français d’acheter à la bourse qui monte et vous laissez venir les retraités américains sur le marché français. Reconnaissez qu’il y a quand même un certain illogisme dans votre propos.

Michèle Cotta : Monsieur Glavany, vous parlez et puis on parlera de la cohabitation après, on parlera du bilan politique.

Jean Glavany : C’est quand on a ce genre de débats qu’on se rend compte que la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose…

Claude Goasguen : Oui et on s’en félicite.

Michèle Cotta : Et vous aviez besoin de ça ?

Jean Glavany : Ah, vous savez, on lit des éditoriaux en disant « tout ça, c’est pareil, la gauche, la droite, ils font la même politique, etc. ». Alors moi, je dis, par exemple, ce dogme, vraiment, je trouve que c’est une attitude dogmatique qui consiste à dire tout ce qui est public est mauvais et tout ce qui est privé est bon.

Pierre Lellouche : Vous caricaturez là.

Jean Glavany : C’est la loi libérale, ça.

Pierre Lellouche : Vous caricaturez, Monsieur Glavany.

Jean Glavany : Oui, puisque vous voulez tout privatiser, c’est que vous considérez que tout ce qui est public est mauvais. Nous, nous disons : EDF, formidable entreprise française qui dégage des milliards d’excédents est publique ; France Télécom qui a dégagé des milliards d’excédents est publique. Air France, elle vient de dégager un milliard et demi de bénéfices.

Pierre Lellouche : Et ils l’ont mangé en six jours. Si on avait privatisé, il n’y aurait pas eu de conflit.

Robert Hue : Il ne faut pas jouer contre la France comme ça.

Pierre Lellouche : Qui le fait ?

Robert Hue : Vous quand vous dites qu’ils l’ont bouffé.

Michèle Cotta : Attendez, la parole est à Jean Glavany.

Jean Glavany : On peut réussir en ayant des entreprises publiques comme évidemment il y a des grands fleurons dans les entreprises privées. C’est ça l’histoire de la France, c’est comme ça et si vous, vous faites preuve de dogmatisme, vous vous égarez. Deuxième point, les emplois jeunes. Moi, vous savez – vous êtes des élus, vous êtes sur le terrain forcément – moi, je peux vous dire que les emplois jeunes, chez moi, on se bat pour les avoir et que les jeunes à qui on peut faire signer un contrat de cinq ans…

Michèle Cotta : Pourquoi 50 000 seulement alors ?

Jean Glavany : Mais ça monte.

Pierre Lellouche : 50 000 parce qu’il n’y a pas d’argent.

Jean Glavany : Mais non, mais ce n’est pas vrai, vous racontez n’importe quoi ! Parce que ça a commencé très fort avec l’éducation nationale et les adjoints de sécurité et maintenant…

Claude Goasguen : Et il y a un taux de rotation formidable. Ils ne restent pas, les jeunes. Mais ça, c’est la vérité. Dans l’académie de l’Île-de-France, ils ne restent pas.

Jean Glavany : Laissez-moi parler, vous n’êtes pas… mais vous reviendrez au pouvoir un jour. Soyez patient. Faites votre travail dans l’opposition et laissez-nous aussi nous expliquer.

Claude Goasguen : Merci de le reconnaître.

Jean Glavany : Mais non, mais bon ! Les emplois-jeunes, ça commence à marcher, c’est-à-dire ça embraye, ça embraye doucement dans les associations et les communes. Je peux vous dire que les jeunes, vraiment, on leur sort une épine du pied quand on peut leur dire : « vous avez un… ». Ça crée aujourd’hui des satisfactions profondes et ça répond à des besoins. Mais, j’ajoute, mais j’ajoute que la promesse puisque vous y faites allusion, la promesse n’était pas 350 000 emplois. La promesse, c’était 700 000. C’était l’engagement électoral. 350 000 dans le public ou le parapublic et 350 000 dans le privé et que dans le privé, c’est-à-dire les entreprises. Maintenant, il faut enclencher encore cette négociation. Il faut enclencher cette négociation pour déverrouiller…

Claude Goasguen : Tenez vos engagements dans le public déjà.

Jean Glavany : Mais laissez-nous parler. Vous êtes formidable ! Déverrouiller la porte des entreprises qui est trop souvent fermée aux jeunes. Il faut enclencher cette négociation. Les partis de gauche ont fait des propositions, le Parti socialiste, le Parti communiste aussi, pour enclencher cette négociation pour que les jeunes puissent entrer dans les entreprises y compris avec un volet formation payé par l’État. Il faut qu’on aide, qu’on résolve ce problème qui est une grande rigidité de la société française entre la formation initiale et le premier emploi, il y a une grande rigidité. Et il faut qu’avec ces emplois jeunes dans les entreprises, une négociation doit s’ouvrir d’urgence et le gouvernement et la majorité y mettront les moyens.

Michèle Cotta : Thierry Cornillet, puis Robert Hue.

Thierry Cornillet : Ça servira de bien pour le bilan politique que vous souhaitiez. Je crois que le problème du gouvernement en fait et du Parti socialiste en particulier, même s’il fait peser son hégémonisme, ils s’en expliqueront, c’est le problème de ses alliés. Je vais prendre deux cas. Le Parti communiste. Je ne sais pas si c’est une schizophrénie entre le PC « institution » et le PC « ministériel », mais en tout cas, il y a une véritable névrose. On voit bien que l’exception française, ce n’est pas tenable après l’ouverture des frontières, après l’euro. On ne peut pas vouloir une situation en France qui ne permette pas de lutter à armes égales. Et donc, c’est une véritable névrose que de vouloir bloquer complètement la privatisation d’Air France entre autres. Et l’autre allié, c’est l’ultragauche. On voit bien le problème des sans-papiers. Lorsqu’on établit une règle et ça a été le cas du gouvernement…

Michèle Cotta : L’ultragauche, vous voulez dire les Verts ?

Thierry Cornillet : Non, non, je ne pense pas aux Verts d’ailleurs, mais les Verts développent aussi… notamment sur les sans-papiers, lorsqu’on établit une règle et le gouvernement a établi une règle, eh bien il faut la respecter, sinon on n’a plus d’État républicain. Donc, il faut absolument, pour le respect même de la règle que nous avons établie, il faut absolument régler le problème des sans-papiers et pas faire de l’angélisme.

Michèle Cotta : Jean Glavany est sûrement d’accord avec ça. Robert Hue ?

Robert Hue : Moi, je veux dire que la droite a beau dire, a beau faire, je serais tenté de dire, on ne nous découragera pas sur la bataille à mener sur l’emploi et notamment les emplois jeunes. Nous sommes engagés… Mais écoutez, ce n’était pas mauvais en débat… permettez-moi de dire, il est clair – j’ai une bonne culture – il est clair que nous voulons effectivement gagner la bataille de l’emploi. Elle se gagnera avec la bataille des emplois jeunes, mais pas seulement, pas seulement. Et vous aviez raison d’évoquer le problème de la croissance et de l’utilisation de la croissance.

Claude Goasguen : C’est un bon débat, ça.

Robert Hue : C’est une vraie question. Je pense aujourd’hui qu’une partie de la croissance doit être utilisée pour la relance de l’économie et pour améliorer encore la croissance. Il faut augmenter les salaires notamment le SMIC. Il faut augmenter les minima sociaux et les retraites. Ça me semble être un appel d’air possible à une relance économique et à la création d’emplois, donc, voilà.

Michèle Cotta : Attendez, Jean-Luc Bennahmias a la parole. C’est terrible, c’est pire qu’à l’Assemblée ici.

Jean-Luc Bennahmias : Vous êtes parfois terrifiant, oui, oui, vraiment. Le débat qu’on a sur Air France là et qu’on a un peu partout, ce n’est pas un débat qui, je pense, intéresse centralement l’ensemble des Français et des Françaises. C’est important, bien sûr, c’est important, mais ce n’est pas le débat central. Le débat central, c’est le débat sur la redistribution des richesses dans ce pays. Comment on faire un re… répartition générale des fruits de la croissance ? On a de la chance. Il y a un peu de croissance en plus aujourd’hui. C’est une chance pour la majorité plurielle. Tout le débat est là. L’opposition peut y participer.

Thierry Cornillet : Pour le pays, pas que pour vous.

Jean-Luc Bennahmias : J’y viens, merci beaucoup. Laissez-moi terminer. Vous savez, je ne vous interromps jamais. Je suis d’un calme olympien à chaque fois dans chaque débat, donc je continue. Vous pouvez y participer dans ce débat-là. Comment on redistribue aux Français et aux Françaises, aux résidents étrangers qui vivent en France de manière légale les fruits de la croissance ? Comment on fait ? Vous savez, notre attitude, pour finir rapidement, sur les sans-papiers est une attitude extrêmement pragmatique, extrêmement réaliste. Il y en a 140 000 qui ont déposé leur dossier en préfecture. Nous pensons que la France peut accueillir 70 000, 70 000 ont été régularisés, 70 000 de plus peuvent être régularisés sans que cela pose des problèmes d’intégration dans la société française.

Claude Goasguen : Je voudrais faire une proposition très précise. Il y a deux ans, nous avions institué quelque chose qui existe depuis, dans les grandes démocraties occidentales, près d’un siècle, c’est le débat d’orientation budgétaire. Or, un débat d’orientation budgétaire, c’est justement fait, par exemple, lorsqu’il y a la croissance pour que les députés puissent dire au gouvernement comment ils pourraient voir la redistribution des bénéfices de la croissance. Ce débat d’orientation budgétaire qui a été supprimé l’an dernier pour des causes de dissolution, on n’entend pas parler.

Jean Glavany : Il a lieu après-demain, Monsieur Goasguen. Vous ne suivez pas l’ordre du jour de l’Assemblée ce qui n’est pas bien pour un député. Il a lieu après-demain.

Michèle Cotta : Pierre Lellouche, mais pour finir. Après, j’ai une question à vous poser sur la cohabitation.

Pierre Lellouche : Je voudrais résumer tout ça en une phrase. Je crois qu’au bout d’un an, le gouvernement ayant assez habilement changé de style, c’est l’humilité, etc. Ayant fait ses grandes mesures de haute visibilité, les 35 heures, les 350 000 emplois-jeunes, la loi sur l’exclusion, il va arriver très rapidement dans la réalité. La réalité, c’est la coïncidence entre ça et l’euro, le service public à la française et l’Europe ouverte. Pour l’instant, il gagne du temps un peu grâce à la croissance, mais il ne va pas échapper, en partie d’ailleurs à cause de ce regain de croissance, à un débat. Ou bien il suit ce que disait Monsieur Hue tout à l’heure, c’est-à-dire un deuxième souffle social et il va en direction d’une redistribution vers le secteur public, vers les grandes entreprises publiques, vers les classes les plus défavorisées en redistribuant de l’argent au public, politique de gauche. Ou bien il essaie de tenir ses engagements européens, l’euro, les réformes de structures dont le pays a besoin ce que nous, nous souhaitons faire. C’est-à-dire que nous, nous souhaitons engager des jeunes non pas dans des emplois de fonctionnaire, mais en baissant les charges et en créant des entreprises, et ça, c’est le dilemme de Monsieur Jospin dans les semaines qui viennent. Mon pronostic, c’est que, de toute façon, ce gouvernement va être rattrapé par la réalité et que cette première année où il a mangé son pain blanc… est terminée.

Michèle Cotta : Question à tous, pardon, question à tous… Jacques Chirac a été élu sur le thème de la fracture sociale. Quelques années plus tard, où en est-on ? Et est-ce que la cohabitation de ce point de vue-là est une bonne chose ? Ou est-ce que vous trouvez que, dans certains aspects en tous les cas, je m’adresse quand même aux représentants de l’opposition, est-ce que, dans certains aspects, vous regrettez cette cohabitation et vous souhaitez qu’elle dure moins longtemps que prévu, c’est-à-dire quatre ans ?

Pierre Lellouche : Moi, je vais vous répondre très simplement, Madame Cotta. J’ai toujours pensé et j’ai écrit que la cohabitation est le pire des régimes. Nous avons en France depuis 1986 renouer avec notre maladie chronique qui est l’instabilité ministérielle sous une autre forme. Il y a eu sept premiers ministres. La durée de vie des gouvernements a été inférieure à deux ans et ceci…

Michèle Cotta : Justement, est-ce que celui-là va durer cinq ans ?

Pierre Lellouche : Attendez. Et ceci se compare avec nos voisins, je pense aux Anglais, aux Allemands et aux autres qui ont eu de longues périodes pour faire des réformes. Une des raisons pour lesquelles ce pays est immobile et n’arrive pas à se réformer, c’est précisément parce que cette cohabitation gèle toute action politique sérieuse.

Michèle Cotta : Claude Goasguen, vous aussi, vous êtes contre la cohabitation ?

Claude Goasguen : Moi, je suis contre la cohabitation longue. D’ailleurs, nous en avons été les victimes cette année. Il est clair que la cohabitation a servi implicitement les intérêts du gouvernement. Je ne suis pas sûr que l’an prochain, en revanche, quand le grand débat sur la croissance va venir, puisqu’il va venir dans quelques jours, je ne suis pas sûr qu’on ne voit pas apparaître à ce moment-là les divisions au sein de la majorité plurielle et qu’à ce moment-là, la cohabitation ne tourne pas à notre avantage.

Thierry Cornillet : Je pense effectivement, une des raisons qui justifiait la dissolution en 97 était de donner cinq ans si nous avions gagné les élections, c’est-à-dire un temps égal à celui du président de la République pour faire des réformes de fond.

Michèle Cotta : Elle n’était pas faite pour donner cinq ans.

Thierry Cornillet : Elle était faite pour cela.

Michèle Cotta : Donner cinq ans à la gauche.

Robert Hue : Ça a donné cinq ans à la France.

Thierry Cornillet : L’idée était vraiment d’avoir une adéquation entre le président de la République et une majorité au Parlement. Je crois que c’était dans le sens des choses. On voit bien d’ailleurs, c’est ce que je disais, les problèmes d’hégémonie du PS et les problèmes avec ses alliés démontreront bien leurs effets néfastes dans les années qui viennent. On voit bien que cette gauche plurielle, qui a permis de gagner une élection, n’est pas nécessairement la meilleure constitution politique pour gérer un pays durablement.

Michèle Cotta : Vous n’avez pas en main les clés du changement et de la cohabitation. Vous, est-ce que cette cohabitation, elle vous paraît bénéfique ?

Jean Glavany : Je vais vous dire, j’entends ces propos avec sourire et parfois ahurissement. On dit, je trouve que c’est le régime le plus détestable, dit Monsieur Lellouche, ou je suis contre la cohabitation. Mais c’est les Français qui votent. S’il y a la cohabitation, c’est que les Français ont voté pour l’un… alors il faut supprimer les élections pour éviter…

Pierre Lellouche : Non. Peut-être, on peut modifier la Constitution et nos institutions, par contre…

Michèle Cotta : Ce que disait Édouard Balladur avant-hier.

Claude Goasguen : Quand on veut entreprendre des réformes, ce n’est quand même pas la solution, la cohabitation.

Jean Glavany : Eh bien, moi, j’ai le sentiment inverse. J’ai l’impression que le gouvernement gouverne, que les réformes…

Claude Goasguen : Mais il n’en fait pas justement.

Michèle Cotta : Vous êtes très content du président de la République ?

Jean Glavany : Moi, je dis qu’à partir du moment où le président de la République laisse gouverner, le gouvernement – et c’est ce qui se passe – et la majorité peut mettre en œuvre son programme…

Pierre Lellouche : Vous êtes ravi, pourquoi…

Jean Glavany : Mais ce n’est pas que je suis ravi. L’important, ce n’est pas d’être ravi, nous, Monsieur Lellouche. L’important, c’est de répondre aux besoins des Français. L’important, c’est de résoudre les problèmes de la France et moi, je finirai là-dessus parce que je crois que c’est important. Le débat qui a été esquissé par Robert Hue et Jean-Luc Bennahmias est fondamental, c’est-à-dire quand on fait le bilan au bout d’un an et qu’on se projette vers l’avenir et que la croissance est là, elle n’a pas été cassée parce que vous dites : « elle n’est pas là grâce à Jospin ». En tous cas, je ne sais pas c’est grâce à qui, je sais ce qu’il en aurait été si on avait continué comme avant. Mais oublions tout ça. Quand on se projette vers l’avenir et qu’on a les fruits de la croissance, alors il y a les thèses sur l’utilisation des fruits de la croissance, c’est le débat central. Certains disent : « il faut baisser les impôts », j’ai entendu ce… oui, on veut tous baisser les impôts, mais pas pour tout le monde. Quand je parle TVA, vous dites « oui, TVA », sauf que c’est vous qui l’avez augmentée. D’autres qui disent : « il faut réduire les déficits ». Oui, il faut réduire les déficits et je pense que ce n’est pas être un homme de gauche que de dire « il faut faire des déficits ». Donc, il faut réduire les déficits, il faut alléger le poids de la dette. Mais il faut aussi, et c’est fondamental, redistribuer, mais il faut soutenir la croissance. Et tout ce qui a marché en 97, il faut l’amplifier. Et ce qui a marché, c’est le pouvoir d’achat, les salaires. Il faut aller plus loin. Moi, je suis d’accord avec cette thèse.

Michèle Cotta : Monsieur Glavany, laissez l’opposition vous répondre. Les droits de l’opposition, un mot, qui parle ?

Claude Goasguen : Moi, je constate simplement que, dans les propos du Premier ministre, je note 1 %, 1 % d’augmentation de la dépense publique en faveur de l’État. Vous me parlez de la réduction du déficit. Comment vous pouvez annoncer, d’une part, 1 % de plus et réduire le déficit ?

Patrick Lellouche : Moi, je voudrais simplement dire que la Cour des comptes – on ne va pas faire de l’idéologie ou de la polémique politicienne –, un rapport publié la semaine dernière par la Cour des comptes donne un satisfecit à la croissance pour avoir permis au gouvernement de descendre en dessous de 3 % ou 3 % de…, mais il dit aussi au gouvernement « attention ! Vous avez laissé filer le train de vie de l’État, les dépenses de fonctionnaires. » Vous avez distribué cette année plusieurs milliards que, franchement, vous auriez pu économiser ou donner au secteur privé pour créer des richesses dans ce pays.

Michèle Cotta : Vous continuerez tout de suite là, après que l’émission soit terminée. Pour assister à l’émission, je vous le rappelle, vous tapez 36 15, code France 2. Le journal de 13 heures est présenté par Laurence Piquet. À la semaine prochaine.