Article de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, dans "Le Monde" du 24 avril 1998, sur le projet de réforme de la PAC et le désaccord de la France sur la nouvelle orientation de la politique agricole, intitulé "PAC, le vrai débat".

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

J'ai exprimé le 31 mars mon profond désaccord avec le projet de réforme de la politique agricole commune (PAC) préparé par la Commission de Bruxelles. J'ai demandé qu'il soit profondément modifié pour faire place à une nouvelle orientation de la politique agricole. Cette nouvelle orientation ne consiste pas, comme j'ai pu le lire ici et là, à prôner une agriculture traditionnelle, limitant ses ambitions au seul marché intérieur, contre la Commission qui défendrait la vocation exportatrice de notre agriculture.

Le débat bruxellois n’oppose pas un ministre français de l'agriculture et de la pêche favorable à l'autarcie et à une agriculture archaïque à une Commission porteuse des intérêts d'une agriculture moderne et tournée vers le grand large.

Tournée vers le grand large, notre agriculture l’est déjà résolument. Notre balance des échanges agroalimentaires a dégagé un excédent de 67 milliards de francs en 1997. Sur ce total, 57 milliards de francs correspondent à l'excédent des échanges de produits transformés, le reste revenant aux produits bruts. Je n’oppose pas les uns aux autres, je ne sous-estime pas la contribution que les produits bruts - en particulier les céréales - apportent à nos échanges. Mais la plus grande partie de nos exportations est destinée aux autres pays de l'Union européenne.

Ce qui est vrai pour les céréales l’est pour la plupart des autres grandes productions. Alors, faut-il diminuer de façon importante le prix payé à nos producteurs sur le marché européen pour toute leur production, alors que les pays extérieurs à l'Union européenne ne constituent pas l'essentiel des débouchés pour notre production ? L'Union européenne ne doit-elle pas avoir pour ambition d'exporter toujours plus de produits transformés, bien valorisés sur le marché mondial parce qu'ils intègrent de la valeur ajoutée, du savoir-faire, des technologies, bref de la création de richesse ?

Dire cela n'est pas jeter l'opprobre sur la production de matières premières. C'est simplement demander à ceux qui décident de l'avenir de la politique agricole de prendre en compte la diversité de l'agriculture et des atouts qu'elle peut faire valoir.

Nul ne conteste que l'agriculture française a une vocation exportatrice et que la valorisation de ses produits est donc d'autant plus profitable à sa balance commerciale. Nul ne conteste la vocation territoriale de notre agriculture, qu'elle s'exprime à travers l'élevage du Massif Central ou l'arboriculture du Midi. Elle est déterminante pour renverser la tendance à la diversification et favoriser l’emploi.

Ne perdons pas notre énergie en des débats réducteurs qui risqueraient de cacher l'essentiel : c'est bien l'avenir de nos agriculteurs qui est en jeu à travers cette réforme de la PAC.