Interview de M. Hervé Gaymard, secrétaire d’État à la santé et à la Sécurité sociale, dans "Agra Presse" le 9 septembre 1996, sur les mesures de protection des consommateurs contre les risques de transmission de l'ESB et la demande française d'une coordination européenne en matière de sécurité sanitaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Hervé Gaymard - Secrétaire d’État à la santé et à la sécurité sociale

Média : Agra presse

Texte intégral

Agra Presse : Un scientifique britannique redoute des milliers de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob dans son pays au cours des trente prochaines années. Comment évaluez-vous la menace en France ?

Hervé Gaymard : Aujourd'hui, nous avons pris toutes les mesures qui nous paraissaient devoir l'être en fonction du principe de précaution. Ces mesures permettent de penser que le consommateur n'est pas exposé à un risque de contamination et, dès que les scientifiques ont identifié un risque possible, nous avons pris la décision correspondante pour protéger le consommateur. Ceci étant, il faut rappeler que la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MJC) reste encore bien mal connue et c'est la raison pour laquelle nous avons, avec François d'Aubert et Philippe Vasseur, lancé un ambitieux programme de recherche sur le sujet. Le lien entre les encéphalopathies spongiformes animales et humaines est considéré par les scientifiques comme probable, ce qui justifie notre prudence. Nous disposons d'un réseau de surveillance épidémiologique de la MCJ très performant et nous connaissons donc bien la situation actuelle mais aucune prévision sérieuse et basée sur des considérations scientifiques établies ne peut être faite.

Agra Presse : La France n'a-t-elle pas été finalement un peu lente, notamment par rapport à la Grande-Bretagne, pour interdire la consommation des abats aujourd'hui classés à risque ?

Hervé Gaymard : Il n'est pas réaliste de comparer les calendriers des mesures prises d'un pays à l'autre. La situation sanitaire du cheptel français n'est en rien comparable à celle du cheptel britannique. Pendant la même période, la France a enregistré une vingtaine de cas d'ESB et la Grande-Bretagne plus de 160 000. On conçoit à partir de ces chiffres que les risques ne sont pas comparables. Je rappelle tout de même que les rapports qui nous ont été remis par le groupe Dormont ont été suivis d'effets dès leur parution et que, en raison de la gravité du risque, nous avons toujours, avec Philippe Vasseur et Yves Galland, pris les précautions nécessaires dans un souci de santé publique.

Agra Presse : Y a-t-il eu dysfonctionnement des institutions européennes ? Quelles évolutions faudrait-il introduire dans les structures nationales et communautaires pour réduire au mieux le risque alimentaire ?

Hervé Gaymard : D'une façon générale, les autres pays européens ont considéré que la France a adopté dans cette affaire une démarche de précaution, dans un souci de santé publique. Nous aurions souhaité que les institutions européennes soient plus réactives et plus diligentes. Ainsi, nous avons demandé la création d'un comité scientifique européen sur le modèle de celui que nous avons créé en France et nous avons fini par l'obtenir. Il faut aussi bien comprendre que les mesures de restriction concernant la consommation ou la mise sur le marché d'un produit sur lequel on a un doute doivent, pour être pleinement efficaces, être prises au niveau européen car la libre circulation des marchandises rend difficile le contrôle des produits importés. La France demande actuellement à ses partenaires européens qu'une démarche plus coordonnée soit initiée au niveau communautaire en matière de sécurité sanitaire. L'idée est un peu nouvelle mais semble faire son chemin, comme en France, où se pose la question d'une institution de référence en matière de sécurité sanitaire et alimentaire.