Déclarations de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les accords préférentiels avec les pays tiers, le "paquet prix" et l'OCM tabac, Luxembourg les 20 et 21 avril 1998.

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Circonstance : Conseil agriculture du Conseil de l'Union européenne à Luxembourg les 20 et 21 avril 1998

Texte intégral

Conseil agriculture Luxembourg, 20-21 avril 1998.
Accords préférentiels avec les pays tiers.

Monsieur le Président,

J'ai souhaité aborder aujourd'hui un sujet qui à mon sens doit préoccuper l'ensemble de mes collègues ministres de l’agriculture de l'Union : la multiplication d'initiatives allant dans le sens d'accords préférentiels avec des pays tiers, avant même que nous n'ayons définitivement délibéré sur la réforme de la PAC et moins encore sur le mandat qui sera donné à la Commission pour négocier, à partir de 2000 et sur la base de l’article 20 des accords de Marrakech, un nouveau cycle agricole à l'OMC.

Il me semble légitime que notre Conseil se saisisse de ces questions, en présence du Commissaire Fischler dont je connais l'attachement à la PAC.

Car même si ces accords sont discutés dans d'autres enceintes du Conseil, ils engagent, explicitement ou implicitement, le Conseil Agriculture de l'Union qui a la charge de la défense de la PAC au service des agriculteurs mais aussi de l'ensemble de nos concitoyens.

Certaines initiatives me paraissent à cet égard déplacées.

Je pense en premier lieu au projet de Nouveau Marché Transatlantique, auquel les plus hautes autorités de l'État ont en France marqué leur incontournable hostilité.

Je n'insisterai pas sur l'inconsistance d'une démarche tendant à substituer aux enceintes multilatérales existantes, et en particulier à l'OMC, et au calendrier de négociations internationales prévu, un dispositif bilatéral, alors même que nous disposons déjà d'un agenda transatlantique pour nos relations avec les États-Unis.

Mais je voudrais surtout, ici, mettre en garde contre l'illusion de voir l'agriculture demeurer à l'écart du dispositif.

Combien de temps l'agriculture resterait-elle à l'écart de négociations bilatérales avec les États-Unis ?

Nous avons pris des engagements multilatéraux à Marrakech. C'est à cela que nous devrons nous atteler en temps voulu.

D'autres initiatives sont en cause. Ainsi la Commission s'apprête-t-elle à proposer un mandat de négociation pour la seconde phase des accords avec le MERCOSUR et le Chili.

Ce calendrier est précipité. Les premiers accords doivent nous permettre de créer les conditions du passage à une seconde étape, par une meilleure préparation de chacun des partenaires à une négociation de bloc à bloc, alors que les dynamiques d'intégration régionale n'en sont pas, loin de là, à un même rythme de réalisation.

Je ne mets pas en cause le principe d'accord privilégié avec ces régions, bien au contraire.

L'Union doit contribuer à la diversification des relations extérieures de ces pays et à leur intégration régionale. Mais cela ne peut se faire dans la précipitation.

Il en va de même de la négociation d'un accord de commerce et de coopération avec l'Afrique du Sud.

Le calendrier n'est pas ici en cause, mais je tiens à rappeler que nos collègues du CAG ont donné un mandat clair à la Commission, excluant certains produits sensibles. J'entends que ce mandat soit respecté.

De manière générale, on ne saurait par le biais d'accords avec des pays tiers, comprenant le plus souvent un volet tarifaire, préjuger de la réforme de la PAC et de notre mandat de négociation à l'OMC en 2000.

Une cohérence minimale s'impose, tant en termes de contenu que de calendrier.

Je demande donc à la présidence, ainsi qu'au commissaire Fischler, de demeurer vigilants sur toute initiative qui contribuerait à vider de sens les travaux menés ici sur la réforme de la PAC et demain, dans les enceintes compétentes, sur la préparation des prochaines négociations à l'OMC.


Conseil agriculture Luxembourg, 20-21 avril 1998.
Paquets prix.

Monsieur le Président,

Nous abordons à nouveau ce paquet prix, après un examen approfondi en CSA.

J’insisterai à nouveau sur trois points qui doivent à mon sens être abordés d’ici à notre Conseil de juin.

Le premier concerne le gel des terres. Je souhaite que nous puissions fixer avant le 30 juin de cette année comme l’année passée le taux de gel applicable à la campagne 98/99, pour des raisons évidentes de prévisibilité pour nos cultivateurs et je remercie F. FISCHLER de son ouverture sur ce point.

Ce taux devrait être fixé à un niveau qui n’a aucune raison d’être supérieur à celui qui a été fixé pour la campagne 1997-1998.

Nous devons également supprimer le gel extraordinaire. Nous nous situerons ainsi dans la perspective ouverte à cet égard par la Commission dans son projet de réforme de la PAC.

Le second sujet d’importance à mes yeux concerne le vin. Nous ne pouvons attendre la réforme de l’OCM , envisagée dans le cadre de la réforme de la PAC et qui n’interviendra donc qu’en 2000, sans prendre des mesures permettant de poursuivre l’effort de reconversion qualitative de la production communautaire.

Des mesures doivent être prises, et je pense en particulier à l’octroi de contingents de droits de plantations nouvelles, qui devraient atteindre 6 000 ha en ce concerne la France.

Je rappelle qu’il s’agit d’une mesure neutre au plan budgétaire, mais combien importante pour l’avenir de ce secteur. Il y a un marché pour les vins. On ne peut attendre la réforme et l’accomplissement du transfert.

Je voudrais enfin aborder la question du chanvre.

J’ai déjà marqué ma ferme opposition à la baisse de 25 % des aides préconisées par la Commission.

Cette mesure affecterait des régions particulièrement sensibles et conduirait à la succession de signaux totalement contradictoires adressés par les pouvoirs publics communautaires aux producteurs.

De nombreux États membres ont suggéré d’avoir recours à la contractualisation obligatoire pour répondre aux préoccupations exprimées par la Commission. C’est dans cette voie qu’il nous faut, me semble-t-il, travailler. Je me réjouis à cet égard de ce que vient nous dire le commissaire, qui semble aller dans le bon sens.

Fixation du taux de gel, suppression du gel extraordinaire, octroi de contingents de plantations nouvelles pour le vignoble et maintien des aides au chanvre dans un cadre contractuel plus contraignant, telles sont les préoccupations qui devraient être prises en compte pour permettre l’adhésion de la France à ce paquet-prix.


Conseil agriculture Luxembourg, 20-21 avril 1998.
OCM – Tabac.

Monsieur le Président,

Nous abordons pour la seconde fois au niveau de notre Conseil la réforme de l’OCM tabac à laquelle la France, Etat membre producteur, attache une importance que chacun connaît, car le tabac est une production très fortement pourvoyeuse d’emplois dans les zones rurales.

Je me suis déjà exprimé à ce sujet lors de notre Conseil de février dernier. Je voudrais donc insister aujourd’hui sur trois points importants.

Le premier concerne l’augmentation de la prime aux tabacs Burley produits dans les États membres du Nord de l’Union. Il s’agit de tabacs pour lesquels le marché est demandeur, mais qui souffrent de coûts de production élevés. La nouvelle OCM doit prendre en compte cette réalité.

Le second concerne la création d’un système de mise aux enchères des contrats de culture, proposé par la Commission.

Ce dispositif ne serait pas adapté aux spécificités du secteur français, marqué par un statut coopératif. Ce système ne pourrait donc être retenu que si chaque État membre avait la liberté de le mettre en place ou non.

J’en viens au dispositif de reconversion par rachat de quotas envisagé par la Commission. Je l’ai déjà dit : nous ne pouvons avoir une approche malthusienne du secteur du tabac qui ne prendrait pas en compte l’installation des jeunes.

La France a soumis au CSA une proposition dont je voudrais ici rappeler les grandes lignes :
- utiliser une réserve nationale, prévue d’ailleurs dans la proposition de la Commission ;
- éviter de donner une valeur commerciale à des quotas abandonnés soit naturellement soit dans le cadre de programmes déjà aidés par le budget communautaire ;
- permettre d’attribuer les quotas ainsi libérés et non achetés donc à des jeunes agriculteurs ou à des producteurs en voie de modernisation ou de restructuration ;
- permettre enfin la réduction des quantités garanties si aucun repreneur n’apparaissait.

Par ailleurs, en ce qui concerne le fonds d’étude, je souhaite la confirmation par la Commission de la possibilité de diffuser les travaux réalisés, ainsi que, comme l’ont suggéré plusieurs délégations, l’inclusion des recherches sur l’amélioration variétale parmi les travaux soutenus par le fonds.
J’invite la Commission à prendre en compte ces suggestions qui nous permettraient d’adopter une bonne réforme de l’OCM du tabac.