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Pourquoi ne pas diviser par deux les circonscriptions ? Et présenter un candidat et une candidate ? C'est la solution originale que soumet le député européen et sénateur PS
Le changement radical des relations entre les hommes et les femmes, qui se fait à toute allure sous nos yeux, est sans doute un fait porteur d'avenir aussi lourd que la disparition du travail, chassé par la machine et l'automatisme.
J'ai soutenu le mouvement féministe à ses débuts, j'ai défendu ses premières revendications, parce que je les croyais justes. J'ai profondément rejeté une certaine dérive vers la guerre des sexes. J'ai été attentif au rythme selon lequel les modifications de comportements, d'attitudes et de règles s'inséraient dans la réalité sociale contemporaine. Car il faut du temps pour que le changement soit assimilé sans drame, plutôt que rejeté.
Je fus le premier, parce que les temps me semblaient mûrs, à établir une stricte parité entre hommes et femmes pour la liste que je conduisais en vue des élections européennes. J'ai présenté cette décision comme ayant valeur d'exemple et d'entraînement, mais j'ai rappelé à cette occasion les difficultés d'une extension trop rapide.
Le temps a passé, les esprits ont mûri. Mon parti, le Parti socialiste, vient de faire en conseil national, le choix de soumettre à l'approbation de ses militants, l'adoption du principe de la parité entre hommes et femmes dans l'organisation politique du pays. C'est un choix essentiel. Il y aura des gens pour dire qu'il est prématuré ; je ne le crois pas. Mon souci est autre. En tout domaine, mais surtout sur un problème de cette importance, il est capital d'en finir avec les fausses promesses, les discours sans applications concrètes, le verbiage politique qui ne suscite qu'indifférence ou mépris.
Il est donc vital de passer à la mise en oeuvre, et cela assez vite, pour ne pas laisser de temps à l'apparition d'une déception liée au manque de traduction précise du discours. C'est pourquoi, je vais présenter à notre convention nationale de la fin juin un amendement d'application. Il n'y a aucune difficulté à rendre obligatoire la parité des sexes aux élections à scrutin de liste – municipales, régionales, européennes et sénatoriales – pour les gros départements. Le problème sérieux est celui des scrutins uninominaux : législatif et cantonal. Pourquoi ne pas diviser par deux le nombre de circonscriptions, donner deux bulletins de vote à chaque électeur ou électrice, et rendre obligatoire l'élection dans chaque bureau de vote de deux personnes, un homme et une femme, sélectionnés par bulletins séparés déposés dans deux urnes différentes ? Il s'agit, en effet, d'assurer la parité parmi les élus, et pas seulement parmi les candidats. Dans le cas des départements ou de conseils généraux à nombre impair de représentants, un choix s'offre. On pourra décider que toute collectivité représentée le sera à nombre pair d'élus, ou que, ici ou là, une demi-circonscription sera réservée avec liberté d'élire un homme ou une femme. Le résultat ne serait qu'une entrave modeste au principe.
Je ne vois là rien qui puisse être antidémocratique. Il s'agit de la simple reconnaissance du fait que l'humanité est composée en parts à peu près égales de deux sexes différents – de deux seulement – et de l'aménagement des institutions pour en tirer la conséquence. Et s'il apparaît finalement qu'il y faut une réforme constitutionnelle, le « oui » au référendum qui pourrait la décider aurait de bonnes chances d'être victorieux.
Il faut en effet sortir de la situation actuelle : aujourd'hui, c'est la communauté des mâles qui gouverne. Il n'y a là en rien une appropriation de la souveraineté par une section du peuple, comme le craignaient les constituants de 1789, mais au contraire, une organisation de l'exercice de la souveraineté qui tienne enfin correctement compte de la structure de l'espèce humaine. Que l'on nous épargne à ce sujet la complainte sur la dérive vers le communautarisme. Quoi de commun entre le caractère constitutif et stable de la division de l'humanité en deux sexes, dont je suggère de faire l'un des fondements de l'organisation de la souveraineté, et les différences variables dans le temps d'opinions, de tendances sexuelles, de langues, de religions, voire d'origines ethniques dans nos sociétés, où progresse le métissage ? Si l'on n'adopte pas une telle disposition, combien de décennies faudra-t-il pour que le principe de la parité se traduise dans les faits ?
Qu'on me permette une dernière remarque. Ce qui précède est une suggestion d'homme, lucide peut-être, mais d'homme quand même. Ma propre certitude ne me suffit pas à décider que cette suggestion répond efficacement aux attentes des femmes et à leurs angoisses devant le blocage qui est opposé à leur vocation politique.
Mesdames, à vous la parole…