Déclarations de M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la politique de l'enseignement supérieur, la préparation des états généraux de l'université, la sélection universitaire et le statut de l'étudiant, Paris le 16 janvier et Rennes le 22 mars 1996.

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Intervenant(s) : 
  • François Bayrou - ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

Circonstance : Présentation des voeux à la presse le 16 janvier 1996. Réunion de la Conférence des présidents d'université à Rennes le 22 mars 1996

Texte intégral

Présentation des voeux à la presse - 16 janvier 1996

Il s'agit aujourd'hui d'une cérémonie chaleureuse. Vous savez qu'en raison des circonstances de la semaine dernière, nous avons renoncé à la cérémonie traditionnelle à la Sorbonne. Nous n'avons cependant pas voulu supprimer le rendez-vous annuel des voeux des ministres, du ministère, à nos interlocuteurs de la presse. Je vous souhaite une très bonne année à l'Éducation nationale et je souhaite naturellement que cette année soit une très bonne année pour votre vie personnelle et professionnelle. Je n'oublie pas les soucis qui sont ceux d'un certain nombre d'entre vous qui craignent pour leur vie professionnelle et quelquefois pour leur emploi. Je veux leur dire que je pense à eux dans cet instant.

Les aventures de presse sont des aventures de plus en plus difficiles. Cependant, l'existence même des organes de presse est tout à fait indispensable à la démocratie, bien sûr, mais aussi aux sujets qui nous occupent. Je voulais donc formuler ces voeux ; naturellement, ils vont à vous, à ceux que vous aimez, aux vôtres et ils sont à la fois simples et très sincères.

Bonne année aussi à l'Éducation nationale et à la recherche. Nous avons de très grands chantiers devant nous. Je vais essayer de vous les énumérer rapidement et de vous dire un mot de la méthode que je souhaite suivre et que François d'Aubert et moi allons mettre en oeuvre, dans tous les secteurs qui nous occupent.

Je suis frappé de voir que les problèmes qui sont ceux de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur sont les problèmes même que rencontre dans ses blocages la société française. En essayant d'apporter des réponses, nous allons à notre manière essayer de contribuer à ce déblocage que, je crois, beaucoup de citoyens appellent de leurs voeux.

C'est très frappant à l'Éducation nationale. Le diagnostic porté sur l'institution – je pense à l'université en particulier – est un diagnostic universellement pessimiste. Un diagnostic, à mes yeux, trop pessimiste, je m'empresse de le dire, parce qu'on pointe sur l'institution un doigt accusateur en mettant à sa charge trop de difficultés qui sont celles de la société et du monde dans lequel nous vivons. Ce n'est pas l'Éducation nationale qui est responsable du chômage : ce n'est pas l'Éducation nationale qui est responsable de la crise économique : ce n'est pas l'Éducation nationale qui est responsable de la crise morale des repères dans laquelle nous nous trouvons et pourtant c'est à elle qu'on vient régulièrement faire le reproche de cette crise.

Il n'en demeure pas moins que le diagnostic, je pense notamment à l'échec dans le premier cycle universitaire, est un diagnostic universellement négatif mais justifié. On doit tout faire pour que les choses changent et pour que les jeunes aient le sentiment d'une vraie prise en charge et d'une véritable réponse. Devant ce diagnostic universellement négatif, ce qui est frappant, c'est l'impression d'être absolument condamné à l'immobilisme. L'impression que rien ne peut bouger parce que toutes les forces en présence se paralysent et réussissent, au bout du compte, à annihiler leurs efforts.

C'est à ce blocage là que nous allons nous attaquer. Si vraiment nous sommes d'accord sur un certain nombre de diagnostics, sur la nécessité de changer, alors nous allons essayer de trouver les méthodes pour le faire. Je disais que cela est très profondément homogène avec la crise de la société française, parce que je suis persuadé que pour changer, ce dont on a le plus urgemment besoin, c'est de la participation des acteurs. On ne peut pas changer sans les étudiants, les enseignants, les personnels de toutes natures qui forment l'Éducation nationale.

C'est donc en les transformant de spectateurs critiques en acteurs engagés et positifs que je compte essayer de conduire les changements qui sont nécessaires. Ce faisant, nous allons essayer à notre manière modeste, en ayant parfaitement conscience des difficultés, d'initier une sorte de nouvelle pratique sociale dans l'un des grands domaines de la vie nationale.

Cela, naturellement, impose de la part du pouvoir politique, de la part du gouvernement, beaucoup de considération pour ceux qu'il a en face de lui et beaucoup d'efforts pour parler avec eux. Je crois que l'on a pu noter à travers les événements récurrents que nous avons rencontrés à l'automne, ce souci de dialogue. Pour moi, ce sera une obligation pour l'année qui vient. Je commencerai la semaine prochaine en recevant, sur les problèmes de l'université, de l'enseignement supérieur, toutes les organisations qui souhaiteront préparer avec nous le travail que j'ai appelé les états généraux de l'université. Toutefois, je ne souhaite pas que ces états généraux, décidés par le ministre et le ministère, prennent un caractère formel et bloqué, et que l'on appliquerait, par fonctionnaires interposés sur le terrain. S'il doit y avoir participation, c'est exactement le contraire qu'il faut faire.

Il ne s'agit pas seulement de concertation, je crois l'avoir dit lors de l'examen du budget du ministère à l'Assemblée nationale. La concertation, c'est une étape : mais il y a une étape ultérieure qui est la participation. Elle consiste à considérer ses interlocuteurs comme de véritables partenaires, de véritables acteurs et à essayer de conduire avec eux l'ensemble de la démarche jusqu'à la décision.

Je recevrai donc, à partir de la semaine prochaine – cela peut prendre 15 jours –, toutes les organisations qui le souhaiteront : syndicats – d'étudiants ou d'enseignants –, associations, mutuelles, organisations de toutes natures qui estimeront avoir quelque chose à apporter au débat. Je leur soumettrai une première ébauche, puis nous écrirons le cahier des charges de ces états généraux. Autrement dit, nous allons indiquer à l'avance, à quelle question nous souhaitons répondre et nous aurons ainsi un programme de travail devant nous, que je soumettrai ensuite au terrain. Le terrain, c'est-à-dire l'enseignant, le chercheur, l'IATOS dans son université, l'étudiant dans sa faculté, dans son école, dans son IUT pour que chacun ait le sentiment d'être partie prenante.

Ce ne sera pas un questionnaire ; je vous le dis à l'avance. Ceci afin d'éviter que mes interlocuteurs aient le sentiment qu'on veut diriger leur réflexion. Parce que l'étape ultérieure, une fois le cahier des charges établi, est pour moi très importante. Il faut que nous réécrivions ensemble les principes de notre université, de notre enseignement supérieur : quelle est la règle que nous nous fixons à nous-mêmes pour sa fonction dans la société ? Il faut que les chercheurs, que les enseignants y participent. Il faut que tous ceux qui forment l'université disent quels sont les principes auxquels ils pensent que celle-ci doit obéir.

En effet, si l'on n'écrit pas les principes, alors toutes les mesures que nous prendrons seront quelquefois, à juste titre, suspectes. C'est la raison pour laquelle nous discuterons notamment des différentes formes d'organisation. Je défendrai, vous le savez, l'idée qu'il ne faut pas secondariser l'université française, c'est-à-dire que la recherche doit y avoir toute sa part. Naturellement, cela pose aussi la question de l'approche de professionnalisation. La méthode que je défends depuis longtemps, c'est qu'on ne peut pas traiter les problèmes un par un. Il convient que l'on ait une approche globale qui nous permette d'avoir un énoncé clair de ce que nous voulons construire. Vous savez que beaucoup s'inquiètent et, à mon avis, à juste titre : ils disent que nous avons perdu de vue les objectifs de l'université française, que nous ne savons plus très bien à quoi elle sert. Est-ce que les objectifs de l'université de masse sont différents des objectifs de l'université élitiste d'autrefois ? Je crois qu'il importe de répondre à ces questions. Voilà donc les deux premières étapes. Naturellement, le calendrier ne change pas : c'est d'ici à la fin de l'année scolaire qu'il nous faut, je pense, répondre à ces questions.

Je n'aurai pas l'obsession du temps ; je n'ai pas l'intention de me laisser entraîner dans des espèces d'ultimatums que nous ne pourrions respecter. Mais il ne faut pas s'enliser non plus. Les six mois qui viennent vont donc être consacrés à ce travail, et je suis certain que la bonne foi de tous peut nous permettre de le mener à bien.

Il faut du temps également pour que les réformes interviennent. Cela veut dire que probablement beaucoup de réflexions peuvent changer dans la manière qu'on a de les élaborer et de les approcher. Si on se dit qu'on réfléchit pour le moyen terme, il y a des évolutions qui demanderont du temps. Je sais très bien qu'on ne construit pas la grande filière technologique à laquelle je rêve en trois mois. Il faut beaucoup de temps pour arriver à la mettre en place.

Voilà ce que je compte conduire. Ces états généraux seront par définition, à la fois globaux – c'est le nom qu'ils portent – et j'espère généreux pour l'avenir de l'université française. Je le répète, ils ne seront pas conduits sans ceux qui sont les principaux intéressés : c'est-à-dire au premier chef, pour moi, les étudiants qui sont, pardonnez-moi de répéter cette formule, les véritables experts de notre système éducatif, d'une certaine manière, parce qu'ils sont eux-mêmes directement engagés et directement concernés dans les décisions qui sont prises.

Voilà tout le travail que nous avons devant nous. Dans les deux ou trois semaines qui viennent, je le répète, toutes les organisations de quelque nature qu'elles soient, qui souhaiteront être reçues par le ministre de l'Éducation nationale, le seront sans exclusive aucune. Tout le monde a droit à prendre sa part dans un débat qui va être un véritable débat national, qui aura des échos au Parlement, dans un certain nombre d'institutions et qui concernera l'ensemble de notre secteur d'enseignement supérieur et de recherche. C'est pourquoi, naturellement, le secrétaire d'État à la recherche et moi-même allons travailler très étroitement sur le sujet.

C'est là le premier ou le plus important chapitre de l'action que je souhaite pour l'année qui vient. Il en est un second.

J'ai lu avec beaucoup de soin ce que M. Fauroux a déclaré hier et que j'ai trouvé très intéressant. Naturellement, cela ne change pas le statut de la commission Fauroux que j'ai explicité devant ses membres la dernière semaine de décembre ; elle est un lieu d'analyses et de propositions, et il est intéressant de voir que les sensibilités aussi diverses que celles qui y sont représentées réussissent à tracer des pistes qui, pour la plupart d'entre elles, m'apparaissent extrêmement justes.

Une chose me frappe après trois ans de présence dans ce ministère : celui-ci ne bouge qu'avec des crises. Il me semble donc qu'il faut que nous trouvions les institutions qui lui permettront de changer, de s'adapter chaque fois qu'il est nécessaire, sans qu'il y ait forcément une crise. Autrement dit, il faut créer les institutions de la réforme continue de l'Éducation nationale. Chaque fois qu'un dysfonctionnement ou une anomalie est signalée – je pense ici principalement à l'enseignement secondaire et à l'enseignement primaire – chaque fois que quelqu'un a le sentiment que quelque chose ne va pas, que l'on est en train de faire une erreur, qu'on a perdu de vue un principe, que quelque chose dérape… il faut, me semble-t-il, qu'il y ait une institution qui puisse l'entendre et relayer sa voix.

Je suis frappé de voir à quel point, malgré les efforts que nous faisons, beaucoup d'enseignants ont le sentiment qu'ils n'ont pas de lieu pour se faire entendre. Ils ont certes des organisations, qui sont puissantes dans ce ministère, et je m'en félicite. C'est probablement une de mes raisons d'optimisme. Contrairement à ce que tout le monde croit à l'extérieur de l'Éducation nationale, la force et l'expérience des organisations syndicales qui s'y expriment sont des éléments très positifs.

Les enseignants ont bien des organisations mais ils n'ont pas de lieu, pas d'institutions où ils puissent se faire entendre, que ce soit sur leur vie professionnelle ou sur leur attente. En effet, à chaque fois, on a l'impression qu'il faut provoquer une crise pour que quelque chose bouge dans l'Éducation nationale. Je souhaiterais changer cela. Nous vivons dans une société qui, naturellement, évolue beaucoup et impose des adaptations nombreuses. Il faut que nous arrivions à construire les institutions de la réforme continue, de la réforme de tous les jours, sans que pour autant nous soyons obligés de nous fâcher, d'avoir des conflits entre les uns et les autres pour que ce changement intervienne.

Ceci est très important pour une raison qui ne vous échappera pas, à vous qui êtes des observateurs attentifs du système éducatif. L'Éducation nationale est probablement l'institution française qui a le plus besoin de temps. Cette nécessité d'inscrire l'action des gouvernements successifs (qui sont tous au fond à la recherche de la même perfection même si elle s'exerce par des moyens différents), dans le temps, dans le long terme, demandent des institutions appropriées. C'est ce que je vais m'efforcer de construire en en parlant avec mes interlocuteurs cette année : que chacun ait le sentiment dans l'année qui vient, que l'Éducation nationale peut l'entendre mieux qu'elle ne l'a été entendu jusqu'à aujourd'hui, qu'elle peut prendre en charge son expérience, lui faire une place plus efficace ; que chaque fois que quelqu'un a une sonnette d'alarme à tirer, que ce soit sur des problèmes pédagogiques ou sur des problèmes de violence, par exemple, il puisse le faire.

Voilà les deux grands chantiers, et si nous arrivions à les faire progresser un peu, je trouverais que nous aurions fait du bon travail. Cela se passe dans un contexte que vous connaissez, qui est celui d'une baisse démographique très importante dans le premier degré. À ce propos, j'ai déjà lu dans des organes de presse qu'on aurait supprimé 450 postes, l'an prochain. C'est complètement faux : on régularise des surnombres provisoires qui avaient été prévus mais, naturellement, ces surnombres sont pris en compte et je ferai en sorte que le nombre de classes ouvertes l'année prochaine ne soit pas inférieur au nombre de classes ouvertes cette année ; et même, si je réussis, avec mon administration, à faire en sorte que ce nombre soit supérieur à celui de cette année, cela prouvera bien que nous comptons améliorer constamment – c'est le cas depuis que je suis ministre –, l'encadrement des élèves. L'ancien secrétaire d'État au Budget qui est à mes côtés pourra témoigner que lorsque cette question s'est posée, je n'ai jamais fait preuve de timidité et je continuerai à plaider dans ce sens.

Voilà les voeux que je voulais formuler pour l'Éducation nationale et ceux qui la servent. Je le fais en ayant conscience de la difficulté de la tâche qui est la leur. Je pense à tous les enseignants, dans toutes les zones difficiles de France, celles qui sont répertoriées pour des raisons sociales, économiques, ethniques quelquefois, comme des zones à risques. Je pense aussi aux autres parce que les problèmes de la société française se retrouvent partout ; j'allais dire dans toutes les classes de toutes les écoles de tous les établissements scolaires de France. Une société ne vit pas une mutation comme celle que nous sommes en train de vivre sans qu'il y ait de conséquences. J'allais dire dans toutes les familles : c'est donc sur tous les enfants que cela rejaillit. Je sais très bien que la mission d'éducation est plus difficile aujourd'hui qu'elle ne l'était hier et je crois qu'il est juste de le rappeler. À l'heure où l'on fait des bilans quelquefois négatifs, je crois qu'il est très important, aussi pour être juste, de dire l'extrême difficulté de la mission de ceux qui assument la tâche de l'Éducation nationale dans la société qui est la nôtre.

Voilà, c'était des voeux pour vous et c'était des voeux pour l'Éducation nationale. Munis de ces voeux, nous allons partir d'un bon pas, j'espère, vers l'année qui vient.

Bonne année à tous.


Intervention à Créa-Université Rennes - 22 mars 1996

Merci monsieur le président, à la fois de votre lecture de ce message et de votre accueil. Merci des réflexions qui ont été les vôtres et sur lesquelles je reviendrai dans une minute. Je voudrais dire à quel point je suis heureux de me retrouver, comme presque tous les mois, devant la conférence des présidents d'université, et c'est pour moi une occasion de rendre hommage en venant saluer les personnalités présentes, d'abord monsieur le député-maire de Saint-Malo, spécialiste des questions de formation, que je suis heureux de saluer. En ayant salué monsieur le préfet de Saint-Malo, représentant monsieur le préfet d'Ille-et-Vilaine, monsieur le directeur général de l'enseignement supérieur, monsieur le recteur, monsieur le conseiller auprès du Premier ministre, monsieur le chef de la mission de la UST, et puis tous ceux, mesdames et messieurs, parmi vous, qui ont la lourde responsabilité de nos universités, de nos établissements d'enseignement supérieur, en vous ayant salué tout spécialement parce qu'il est vrai, les observateurs l'ont noté, j'ai choisi, il m'a paru normal de choisir les présidents d'université comme les interlocuteurs de premier rang du ministre de l'Éducation nationale dans la grande entreprise de réforme que nous avons maintenant à assumer. C'est une démarche nouvelle que celle de placer le président d'université comme acteur de premier rang de cette entreprise que nous avons à conduire et à construire ensemble. Il m'a paru cependant, que c'était normal et que même, il n'y avait pas d'autre solution possible. Je voudrais vous dire pourquoi en deux mots. Parce que, lorsqu'on postule comme moi, qu'une réforme ne doit pas être seulement le produit de l'intelligence fertile des cercles dirigeants, des milieux du pouvoir, du sommet de l'administration ou de la politique française. Mais qu'elle n'a de chance de réussite que si elle implique les acteurs, ce qui est proprement la méthode que j'entends suivre. Lorsqu'on postule cela, naturellement, il faut des interlocuteurs dont, ni la légitimité, ni la compétence, ni l'expérience ne puissent être discutées. Et il est apparu à l'examen, je crois vous l'avoir dit lors de notre première rencontre, mais j'en ai une certitude encore plus grande aujourd'hui, il m'est apparu à l'examen que vous aviez la légitimité parce que vous êtes des élus et que vous aviez la compétence parce que vous pouviez vous prévaloir de cet engagement qui fait que vous portez sur les épaules la délibération, la préparation de la délibération, la décision, la représentation de l'université à l'extérieur, c'est vous qui en êtes le pivot, cela demande de grands sacrifices de votre part mais cela vous confère aussi une légitimité à l'expression qui me paraît devoir être universellement reconnue. C'est ce que le président de la République a dit dans ce message auquel, bien entendu, je suis très sensible pour les raisons que chacun comprend, mais il est vrai que c'est ici, avec vous et devant vous qu'il m'a paru normal de clore la première étape et d'ouvrir la deuxième, c'est-à-dire de lancer proprement les états généraux de l'université.

Je voudrais vous dire à quel point les trois mois que nous allons vivre maintenant sont essentiels pour cette entreprise. Et d'abord vous dire un mot de l'entreprise. Un journaliste me demandait hier dans une interview ce que les événements de l'automne avaient changé dans ma vision de l'université française et de sa réforme. Il se souvenait, en effet, que c'est avant les événements de l'automne que j'avais lancé le processus dans lequel nous sommes aujourd'hui, c'était à Cergy-Pontoise, le 16 octobre, si ma mémoire est fidèle. Je lui ai répondu que ce que les événements de l'automne avaient apporté à ma réflexion, c'était de la renforcer, de renforcer la certitude que nous avions le devoir, le devoir dans ma fonction, oserai-je ajouter dans la vôtre, que nous avions le devoir d'apporter les réponses, d'organiser le mouvement nécessaire pour que l'université française retrouve la confiance sans laquelle elle ne peut pas vivre. Je crois avoir prononcé ce mot en octobre, je le reprends après vous, monsieur le président, aujourd'hui. L'enjeu c'est la confiance. La confiance de la nation envers son université est ébranlée, la confiance de l'université dans le soutien de la nation vacille. La confiance ne peut aller que dans les deux sens. C'est cette confiance dans l'université et de l'université qu'il nous faut reconstruire aujourd'hui. Et je disais que les événements de l'automne m'avaient renforcé dans cette détermination, parce que j'ai mesuré à quel point – et c'était entre les lignes dans votre intervention – à quel point l'état de crise endémique et récurrente, l'état de crise endémique avec poussée de fièvre récurrente, que nous acceptions pour notre enseignement supérieur et notre université était nuisible à l'image de l'université dans la nation. Moi, je comprends très bien que lorsqu'on est dans un mouvement de revendication on mette en avant ce qui ne va pas, c'est la règle du jeu. Mais comme le reste du temps, l'université est la grande muette, à son tour la grande muette de la société française. Les Français ne retiennent que les amphis surchargés, que les échecs multipliés et ils ont de l'université l'image d'un très grand échec. Ne vous trompez pas, cela se double d'une entreprise ancienne mais qui trouve ces jours-ci, si je lis certains hebdomadaires, de nouvelles manifestations où la virulence le dispute quelquefois à l'incompétence, de nouvelles manifestations extrêmement dures d'une vieille entreprise qui est une entreprise de discussion de la conception même de l'Éducation nationale. Je veux dire de l'idée, des idéaux, de l'architecture nationale de notre système de formation française et c'est écrit désormais quasiment en toutes lettres, qu'une vieille entreprise, elle n'a rien à voir avec ce qui nous meut, que le président de la République rappelait dans son intervention, c'est-à-dire la volonté de réformer le système où il doit l'être. L'un est une démarche est une entreprise de sauvegarde, l'autre est une entreprise de contestation même de l'Éducation nationale dans sa mission. Je veux dire cela pour montrer à quel point le moment est important. L'image de l'université est menacée et ce qui la menace, bien plus encore que les poussées de fièvre, c'est le sentiment général qu'on ne peut rien faire pour changer les choses. Le sentiment que l'on est condamné à l'impasse. Sentiment que nulle part, avec quelque influence que ce soit, il n'existe une méthode pour répondre à ces questions qui ne peuvent s'exprimer que dans des paroxysmes, mais sont incapables de trouver une résolution concrète et rapide. Et la rencontre de ces deux éléments, d'un côté une image négative, et de l'autre le constat qu'il est impossible de changer les choses, est proprement désespérante. Elle est désespérante pour ceux qui observent l'université, en commentent la vie, pour les citoyens dont les enfants fréquentent, ont fréquenté ou fréquenteront l'université, elle est désespérante pour ceux qui forment l'université. Elle est désespérante pour les universitaires et pour les personnels qui forment, qui portent la vie de l'université française. Je m'empresse de dire, ouvrant une parenthèse, que j'emploierai quasi indifféremment le mot d'université et d'enseignement supérieur. C'est l'enseignement supérieur dans son ensemble qui est l'objet de notre réflexion, mais le mot d'université, historiquement, représente l'ensemble de l'enseignement supérieur et je trouve que c'est un si beau mot qu'il est vraiment dommage de ne pas l'employer ou de ne l'employer que d'une manière technique, lorsque l'on désigne les universités. Donc, université au singulier, j'emploierai ce mot pour parler de notre enseignement supérieur comme un synonyme, oubliant les aspects techniques et administratifs des choses. Proprement désespérant pour les citoyens qui observent l'université et pour ceux qui portent la vie de l'université, universitaires et personnels. Ce désespoir est mortel. Et il est mortel à bien des titres. Je voudrais, si vous le permettez, en citer un ou deux. Il est naturellement profondément destructeur pour le climat, l'ambiance, l'engagement, c'est ce que chacun conclura. Je voudrais vous rendre attentifs à ceci : il est destructeur parce qu'il menace l'idéal même que porte depuis des siècles l'université française. L'université s'est construite autour de l'idée que le progrès était possible dans la société. Progrès de la connaissance et changement dans la communauté que les citoyens forment pour la vie sociale, la vie économique, la vie démocratique. Le progrès, c'est l'idéal de l'université française. Et on ne peut plus porter l'idéal de progrès dès lors que l'on fait le constat que ce progrès est impossible pour soi-même. Il y a donc quelque chose qui menace profondément l'idéal de l'université dans le constat qu'elle serait incapable d'accepter son propre changement. Et deuxième remarque, qui est parallèle à celle-là et qui est une remarque historique : comme l'école primaire au temps de Jules Ferry, comme l'enseignement secondaire dans les années 70, l'université porte aujourd'hui l'enjeu de démocratisation. C'est là que les choses se jouent et c'est donc là que se juge la capacité à répondre à la vocation républicaine de justice, d'homogénéité sociale. Vous êtes porteurs de ces deux idéaux, et c'est ce qui fait tout le prix de l'université de la République. Vous êtes à la racine des choses, non seulement parce que vous formez des femmes et des hommes, mais parce que vous formez les projets qui animent ces femmes et ces hommes. Et en cela l'université ne peut pas être regardée comme un corps social ordinaire. C'est donc dire l'importance de l'entreprise dans laquelle nous allons entrer et dont je voudrais maintenant vous dire un mot.

Cette entreprise vise à essayer de conduire les changements nécessaires sans crise. Conduire le changement sans provoquer la crise. Alors, je ne suis pas uniquement un idéaliste naïf, je ne suis pas, comme on dit en termes plus savants, uniquement irrémiste, du mot grec qui signifie la paix, quelqu'un qui ne vit qu'avec l'idée que tout peut être pacifié dans les relations sociales. Je ne suis pas uniquement irrémiste. Je sais qu'un grand nombre de progrès de société se concluent dans et par la crise, mais je fais le constat, et vous le ferez aussi, que depuis trente ans l'université française ne progresse plus par la crise. La crise est devenue incapable de porter le progrès. On a des crispations, on a des poussées de tension, on a des défilés, on a des pancartes, on a des moments d'excitation, on a l'enflammement des médias, et qu'est-ce qu'il en sort ? Bien sûr quelques moyens nouveaux, c'est toujours ça de pris et c'est bien. Sur le fond des choses, si l'on interrogeait nos compatriotes, ils répondraient : il n'en sort rien. Alors, je suis complètement d'accord, naturellement, avec le président Monteil, comme avant lui avec le président Alien, comme avant lui avec le président Disambaut, trois président de la conférence avec qui j'ai travaillé pour dire, bien entendu, que nous savons-nous, les initiés, que l'université a profondément changé, qu'elle s'est adaptée, qu'elle a réussi à digérer ce terrible défi que représentait l'augmentation massive, multiplication par deux ou par trois du nombre des étudiants. Mais l'image intérieure et extérieure est celle d'un monde qui n'a pas réussi à trouver exactement les bonnes réponses. Et si nous voulons que l'université entre dans le XXIe siècle dans ce climat de confiance que je décrivais au début de cette intervention, il faut que nous conduisions le changement, que nous acceptions d'évoquer, de définir, de fixer les réformes dont nous avons besoin et que nous en construisions l'économie. C'est ce que je propose. C'est le but des états généraux, et ces états généraux ont une méthode. Le président de la République indiquait dans le message qui suit une méthode que je définirai en un mot : la participation.

Au lieu de conduire la réforme du haut, comme si les pouvoirs étaient omniscients avant d'être omnipotents, de voir cette réforme descendre comme un coup de massue sur le crâne des étudiants, des universitaires et des personnels, nous allons essayer de conduire le mouvement inverse. C'est-à-dire de poser avec eux les questions, d'instruire avec eux les dossiers, de préparer avec eux les réponses. Ça ne veut pas dire, bien entendu, que nous serons dans le spontanéisme le plus pur, et ça ne veut pas dire non plus que le ministre sera réduit et le gouvernement, au rôle de notaire, des décisions qui auront été prises ailleurs, ça serait absurde et ça ne serait pas la démocratie. Peut-être faut-il ajouter que ce ne serait pas non plus le tempérament d'un certain nombre d'entre nous, au nombre desquels j'accepte de me compter. Mais c'est autre chose de mettre les cartes sur la table, d'indiquer les questions que l'on va traiter, d'associer les acteurs selon une méthode que je définirai dans une seconde, de préparer la décision avec eux, de la nourrir et ensuite d'énoncer la décision qu'on aura préparée ensemble que conduire les discussions dans le secret des cabinets et un jour de la découvrir comme si, tombant de haut, elle était parée de toutes les vertus. Je suis persuadé qu'il y a là une clé. Alors, naturellement, cela demande un peu de temps. Pourquoi ? Eh bien parce que, comme vous le savez, j'ai par, exemple, conduit, depuis deux mois et demi, une préparation en profondeur avec toutes les organisations représentatives que j'ai pu identifier qui se sont manifestées de notre enseignement supérieur. J'ai reçu personnellement plus d'une centaine d'organisations, syndicats, associations, conférences, des présidents, des directeurs, Conseil national des universités dans toutes ses formations, associations de spécialistes, corpos comme on disait autrefois, mutuelles, tout le monde a pu s'exprimer. Naturellement, une centaine d'organisations, ça prend quelques jours si on veut être sérieux, si on veut avoir un vrai dialogue avec elles, ça prend même quelques semaines. Je suis assez fier d'avoir pu conduire cette réflexion qui rendait sceptiques plus d'un de mes interlocuteurs avant, dans l'espace de deux mois et demi. Mais nous l'avons fait, et au terme de cette première phase, je suis en mesure de vous soumettre le cahier des charges des états généraux de l'université.

C'est-à-dire les questions qui me semblent synthétiser l'ensemble des interrogations qui ont été exprimées à propos de notre enseignement supérieur.

Nous entrons donc dans la deuxième phase, dont je vous indique tout de suite l'objet : elle vise à ce que nous essayions de mettre noir sur blanc tous les principes qui vont désormais organiser les évolutions de notre enseignement supérieur. J'ai observé depuis longtemps qu'on se dispute rarement sur des faits, on se dispute sur des arrière-pensées. Les crises naissent rarement sur des textes, elles naissent à propos des textes, sur le soupçon que l'on a de ce que on veut faire du texte en question. Vous avez tous présent à l'esprit un certain nombre de textes récents qui paraissaient anodins, qui ont suscité des mouvements qui ne l'étaient pas, jusqu'à des rapports, pour que vous voyez ce que signifie l'ère du soupçon dans laquelle nous sommes, et la nécessité d'en sortir préalablement à toute décision. Je propose donc que cette deuxième phase ait pour objectif d'exprimer clairement les réponses non pas en technique, mais en principe. Missions de l'université, manière de remplir ces missions, manière de l'évaluer, évolution dans la gestion, évolution des rapports avec l'environnement, etc., je vais énumérer les problèmes qui nous semblent cruciaux et synthétiques de l'ensemble de ces interrogations. Je m'empresse de dire qu'il n'y a qu'une chose que je ne traiterai pas, et c'est un grand problème, c'est l'aspect disciplinaire des problèmes qui m'ont été posés. Il y a là d'ailleurs une question de principe. Quel doit être l'espace d'originalité dévolu à chacune de nos grandes disciplines ? Cette question sera traitée dans la gestion, mais je n'ai pas voulu exposer en détails les problèmes des littéraires, des sciences sociales, des juristes, des médecins, des techniciens, des écoles d'ingénieurs, etc., il y aura peut-être des ajouts à tout cela, c'est très intéressant, mais ça ne me paraissait pas pouvoir être synthétique des problèmes de l'université française. J'ai résumé l'ensemble des questions qui m'ont été posées en dix questions que je vais énumérer devant vous. Lorsque ces questions seront rendues publiques, elles le sont aujourd'hui, commencera la phase de réflexion, j'allais dire d'instruction du dossier. Pour que cette instruction soit efficace, j'ai préparé dix dossiers correspondants aux dix questions. Un dossier par question. Comment sont construits ces dossiers ? De manière très simple, pour nourrir la discussion, deux chapitres : premier chapitre, des faits, des éléments factuels, objectifs, qui peuvent amener des réflexions ; deuxième chapitre : les questions que tous les interlocuteurs ont posées à propos de la question générique. Pour que chacun soit assuré d'y retrouver sa problématique. Si, en effet, j'avais écouté les gens pour poser les questions qui m'intéressent moi, ce qui est arrivé une ou deux fois en politique jusqu'à maintenant, on aurait été fondé à me faire un procès, et puis je trouve que chaque fois qu'on pose une question, on fait progresser la réflexion. Mais ce deuxième chapitre, cette deuxième partie, n'est pas la mienne, elle est celle de mes interlocuteurs. Alors, j'ai pris une petite liberté, je n'ai pas identifié les interlocuteurs parce que j'aurais eu à gérer des problèmes de proportion d'interventions, je n'y serais pas arrivé. Et donc, les dosages habituels au monde des organisations n'avaient pas leur place ici mais chacun reconnaîtra, je crois, les types d'interrogations qui sont les siens. Voilà les dossiers. J'essaierai d'ajouter à cela une préface pour expliquer, un peu comme je suis en train de le faire, la méthode, et je vais publier l'ensemble de ces questions et de ces dossiers en livre de poche, à suffisamment de centaines de milliers d'exemplaires pour que chacun de ceux qui sont intéressés puissent en avoir un exemplaire entre les mains. Cette édition aura lieu dans les tout premiers jours du mois d'avril, c'est-à-dire pas la semaine prochaine, mais la semaine suivante. À partir de là, vous aurez entre les mains les états généraux de l'université. Lorsque je dis « vous », naturellement pas les présidents seuls, ils ont des partenaires et des interlocuteurs, ils ont des recteurs, ils ont l'ensemble des organisations, ils ont leurs élus des conseils, ils ont les associations, ils ont les mutuelles, mais ils seront mes interlocuteurs. Les présidents d'université seront mes interlocuteurs, et je vous confierai la charge d'organiser le débat sur le terrain, comme le dit le président de la République. Pour obtenir quoi ? Je crois que ce que nous devrions nous fixer comme objectif, c'est un texte synthétique sur les chapitres qui vous intéresseront, on n'est pas obligé de les traiter tous, sur les points qui vous intéresseront, chapitre synthétique qui ressemblera un peu à ce que vous avez exprimé, monsieur le président Monteil, dans votre introduction ou dans votre rapport, c'est-à-dire qui donnera la vision des acteurs et partenaires de votre université, face aux problèmes que nous énoncerons là. À la suite de quoi, ça prend un bon mois pour faire ça, ça ne peut pas se faire en quelques jours, mettons cinq semaines, mais je tiens à conclure avant la fin de l'année, sans cela, on va m'accuser de noyer le poisson et je ne m'exposerai pas à cette accusation. Donc, pendant le mois de mai, il y aura une phase nationale dont nous définirons ensemble le profil et cette phase nationale nous permettra, je l'espère, de conclure avec des principes ouvertement affirmés. Pendant le temps où vous délibérerez, je serai allé devant le Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat, le Conseil économique et social, les académies pour écouter ce que les interlocuteurs de l'université, représentant la nation ou représentant la science française ont à dire. Je prendrai ma part de la tâche comme je l'ai prise jusqu'à maintenant. Et nous essaierons d'écrire ensemble ce principe. Et puis, il nous restera une période équivalente, mettons un mois ou un mois et demi, pour essayer d'écrire les décisions techniques qui s'imposent. Décisions techniques qui peuvent être d'ordre législatif, réglementaire, financier, budgétaire, administratif, que sais-je, je n'en exclus aucune. J'indique à l'avance, pour qu'on soit renseigné sur mon état d'esprit, mais ça n'est pas un blocage, le peu de goût que j'ai pour les cathédrales législatives. Je n'ai jamais eu l'ambition d'attacher mon nom à une loi qui aurait coupé la France en deux et qui demeurerait dans l'histoire. Principalement pour cette raison, les lois sur l'éducation, c'est principalement cela qui les fait entrer dans l'histoire. Et donc, je n'ai pas cette ambition. Mais s'il le faut, si les états généraux concluent sur ce point, je n'exclus rien, bien entendu, qui soit législatif, même de grande ampleur. Je dis que je n'y ai pas beaucoup de goût, mais si on conclut que c'est indispensable, pourquoi pas ? Pour le reste, toutes les décisions seront à prendre. Et naturellement, elles comporteront un aspect de programmation, puisque je n'ai qu'une seule certitude, c'est qu'une réforme de l'ampleur de celle que nous envisageons ne peut pas se réaliser en une seule rentrée.

Je prends un exemple, si nous décidons de construire une université technologique ou des départements technologiques dans les universités, vous savez bien que ça ne se fait pas en une seule rentrée. Il y faudra du temps. S'il y faut du temps, il y faut de la programmation. Il faut que nous acceptions cette méthode de regarder en face les objectifs et de nous fixer un calendrier pour que ces objectifs soient respectés. Voilà la méthode. Voilà la phase dans laquelle nous entrons. Elle commence dans vos établissements, elle s'achèvera par un moment national. Alors, maintenant, que traitera-t-elle, quelles sont les questions qui me paraissent synthétiser l'ensemble des interrogations sur l'université française ?

La première question part du constat le plus brûlant qui est fait à propos de l'université, c'est la question de l'échec, de la transmission du savoir, et donc de l'échec de cette transmission lorsque des étudiants, au terme de parfois plusieurs années, ne réussissent pas à s'intégrer dans l'université. Naturellement, je ne suis pas de ceux qui pensent que l'université idéale serait une université sans échec, il faut être complètement naïf pour dire cela. Mais vous avez eu une formule très juste, monsieur le président, en disant que, il fallait que les études soient utiles même si elles ne sont pas couronnées de succès. C'est le premier aspect des choses. Il y en a un deuxième, c'est que l'échec est à relativiser s'il est juste, mais le constat que nous faisons tous, c'est qu'il arrive très souvent que l'échec soit injuste, que les secrets pour l'éviter, si on les avait connus, on aurait rencontré la réussite comme les autres, et que ceux qui connaissent les secrets, ce sont naturellement ceux qui, par prédisposition sociologique, familiale en général, sont prédisposés à entrer dans ce monde-là. Donc, tout ce qui tient aux pratiques pédagogiques, à l'accueil, au suivi, à l'initiation méthodologique à l'enseignement supérieur, tout cela est dans cette question. La question de la transition du savoir, je vous la lis comme elle est écrite : « Les étudiants sont trop nombreux à connaître l'échec, notamment dans le premier cycle, comment mieux transmettre le savoir ? Quelle réforme proposer pour que la mission de service public de l'enseignement supérieur – c'est le terme de la loi Savary – soit mieux assurée, de manière plus efficace, plus juste, plus rassurante, pour les jeunes et pour la nation. » Vous sentez bien que cette question de l'échec est au coeur du contrat de confiance. Entre les jeunes, l'université, les étudiants, les universitaires, les personnels.

Deuxième question. Je l'ai intitulée « L'orientation ». Alors, je ne suis pas tout à fait naïf. Je sais très bien que la question de la sélection va ressortir à propos de cette interrogation sur l'échec à l'université. Je sais très bien qu'un certain nombre de cercles d'opinions ont tout à fait l'intention de poser cette question. Je veux simplement indiquer que je m'inscrirai contre ce qu'on appelle la sélection à l'université, à l'entrée dans les premiers cycles. Et je vais dire pourquoi. Il y a deux raisons principales. La première, c'est que la sélection, d'une certaine manière, elle existe déjà de manière brutale. Qu'est-ce qu'on veut inventer de plus sélectif qu'un certain nombre de diplômes de premier cycle qui existent aujourd'hui et qui connaissent une majorité d'échecs. Je considère, quant à moi, que c'est l'échec qui doit être combattu et non pas l'échec qui doit être accru. C'est l'échec qui est un scandale et pas la présence des jeunes à l'université. Deuxième observation : l'idée selon laquelle il suffirait pour résoudre les problèmes de l'université de fermer ses portes, d'interdire à un certain nombre de jeunes de tenter leur chance ; cette idée est à mon avis socialement injuste et surtout nuisible à l'intérêt général de la France. Elle est socialement et personnellement injuste parce que, quand vous mettez une sélection précoce, naturellement, on sait quels sont ceux qui réussissent, ce sont ceux qui étaient, par leur famille, prédisposés à ce succès. Deuxièmement : elle est nuisible à l'intérêt général de la France parce que dans la concurrence des pays développés où nous vivons, nous avons besoin du plus haut niveau de formation possible. Et troisième observation : si cette idée de la sélection était défendue et retenue, sélection à l'entrée du premier cycle ou sélection plus sévère dans la première année, ça signifierait une chose à laquelle je voudrais vous rendre attentifs, c'est que notre enseignement secondaire serait profondément changé dans sa définition. Vous le savez, en France, le baccalauréat est le premier grade de l'enseignement supérieur. Si les lycées ne préparaient plus au baccalauréat, mais en réalité à des concours d'entrée à telle ou telle université, vous verriez immédiatement se mettre en place des lycées à plusieurs vitesses. Les lycées qui prépareraient aux facs prestigieuses et les lycées qui prépareraient aux facultés de proximité. On me dira que c'est déjà un peu le cas. Mon oreille de prof a entendu la réflexion dans la salle. C'est précisément parce que c'est déjà un peu le cas pour un certain nombre d'établissements que je ne souhaite pas renforcer cette disposition. Je ne souhaite pas que nous nous trouvions devant des lycées à plusieurs vitesses. Et pour toutes ces raisons, je m'inscrirai dans le camp de ceux qui disent : la sélection n'est pas le remède aux problèmes de l'université française. Elle n'est pas juste, elle n'est pas généreuse, elle n'est pas utile pour la nation. Je sais très bien que la question sera en effet posée, et je sais très bien qu'il faudra la traiter au fond. Je n'ai pas l'idée qu'on puisse organiser des états généraux de l'université sans que cette question vienne à la surface, de manière ouverte ou subreptice. J'espère convaincre. C'est en tout cas la position que le Premier ministre a exprimée lui aussi à plusieurs reprises. Je crois que c'est cela le bon jugement sur cette question. Mais si l'on dit, comme nous le disons, qu'il ne faut pas que l'université se ferme, et qu'elle réponde à de nombreux jeunes, non, vous n'avez pas le droit de tenter votre chance. Alors, il faut répondre à une autre question : comment éviter le très grand nombre d'erreurs d'orientation dont les étudiants souffrent et qui les conduisent irrémédiablement à l'échec. Alors vous savez que dès cette année, dès les semaines que nous vivons, on a distribué dans tous les lycées français, à tous les lycéens, des dossiers que vous avez peut-être vus, si vous ne les avez pas vus, on vous les enverra, qui leur permettent d'avoir au moins des renseignements objectifs sur les filières qu'ils pourraient suivre, sur les chances et sur les risques. Je suis persuadé que c'est là qu'est la clé. Information, orientation, mise à disposition de véritables éléments de choix, sans complaisance, en considérant les jeunes qu'on a en face de soi comme de véritables jeunes filles et garçons libres qui vont devoir prononcer le choix le plus important de leur vie, et capables d'y réfléchir. Mais naturellement, les principes et les dispositifs restent à mettre au point pour faire une vraie politique d'orientation et qui concernera naturellement l'amont des universités, c'est-à-dire notre enseignement secondaire. Je vous lis la question : « La majorité des échecs sont dus à des fautes d'orientation, c'est un gaspillage dramatique puisque beaucoup de jeunes sont sacrifiés et que beaucoup de talents utiles à la nation sont empêchés de s'épanouir. Quels doivent être les principes et les dispositions de la nouvelle politique d'orientation ? »

Troisième question. « Le statut de l'étudiant à l'université ». Alors, vous savez que c'est une question qui fait couler beaucoup d'encre. Elle a été un des sujets de la campagne présidentielle et elle concerne, pour moi, tous les aspects de la vie de l'étudiant. Les aides, le statut proprement social, les bourses, les aspects de leur vie quotidienne, leur logement, leurs transports, leur assurance, mais elle dépasse de beaucoup ces aspects-là, car elle touche, me semble-t-il, à la place de l'étudiant dans vos établissements, dans l'université. Vous savez qu'il m'est arrivé de dire devant vous que les étudiants étaient moins citoyens de l'université que les lycéens ne l'étaient du lycée, et il suffit de voir les taux de participation aux élections internes pour en juger. Mais ce n'est pas non plus le seul sujet de la place des étudiants à l'université. La vie sur les campus, à la fois vie pédagogique et vie de relations, et quelquefois, vous le savez bien, la vie de relation est une vie pédagogique. Naturellement, à traiter dans cette question et de cette manière, nous allons essayer de rendre compte, de tracer les dessins d'un statut de l'étudiant profondément renouvelé et qui permettra de répondre, y compris, s'il le faut dans le temps, à toutes ces attentes jusqu'à maintenant informulées mais qui font naître, les étudiants me le disent, ils me l'ont dit tout à l'heure encore à Quimper, beaucoup d'insatisfaction. Je lis la question : « Le statut de l'étudiant est un des grands engagements du président de la République, les aides apparaissent à beaucoup comme mal organisées, leur destination inadaptée, les oeuvres universitaires sont peu connues des étudiants, de grands progrès pourraient être réalisés, l'effort de la nation amélioré, mieux orienté, rendu plus transparent. Mais la question du statut des étudiants est plus large encore car l'accueil à l'université, l'accompagnement pédagogique, les stages, la professionnalisation, l'aide à la vie associative, la vie sur les campus, ne peuvent pas y être étrangers. C'est aussi la question de la citoyenneté de l'étudiant au sein d'une université qui se pose, de sa participation et de son implication dans le fonctionnement démocratique des établissements. Selon quels principes et avec quel calendrier d'application le statut de l'étudiant doit-il être mis au point ? »

Quatrième question. C'est celle de la voie technologique. Si on voulait être plus précis, on dirait de l'adéquation des réponses de l'université aux attentes de la nation. Vous êtes frappés sûrement comme moi du fait que, lorsqu'on dit université en France, on pense voie générale. Les voies de formation générale et de culture générale. Or, tout un pan de la vie de la nation est presque absent de la majorité des départements universitaires. C'est tout ce qui concerne la criminologie. Comme si demeurait encore en France cette idée proprement de caste selon laquelle ce qui est bien est ce qui relève du savoir pur, de la tête, de la culture générale, et ce qui est moins bien, c'est ce qui relève du savoir-faire, de la main, et là, nous avons un besoin considérable. Moi, je pense qu'une partie de la crise du tissu industriel français est venue du peu de valorisation de la culture technologique en France. Il me semble donc que nous avons là à la fois des besoins et des réponses possibles. Je n'ai pas besoin d'y insister davantage, j'en ai souvent parlé devant vous, je vous lis la question : « De grands secteurs de l'activité nationale comme la technologie sont insuffisamment reconnus dans l'université française. En termes d'enseignement comme en termes de recherche. La nation en souffre et les jeunes aussi puisque tous les talents ne trouvent pas à s'épanouir. Comment garantir que l'université réponde à l'ensemble des besoins de la nation en formation et en savoir ? »

Cinquième question. Et je vous rends attentifs au fait que cette cinquième question est distincte de la quatrième. C'est l'insertion professionnelle. Alors, je sais bien que beaucoup de gens disent : technologique et professionnelle. C'est encore un reflet de cet esprit de caste que je signalais tout à l'heure. Si vous y réfléchissez bien, c'est même d'une certaine manière un incroyable contresens. L'idée qu'il n'y ait de profession que dans le technologique ou que seul le technologique soit une professionnalisation aille vers une professionnalisation, alors ça, c'est proprement la vieille histoire : on déroge si on travaille. Il y a d'un côté les clercs et de l'autre ceux qui bossent. Et j'ai donc souhaité rompre avec cette culture d'ordre en distinguant technologique et professionnel. Il me semble que la crise a fait désormais que s'est ajoutée une mission aux missions traditionnelles de l'université, c'est la mission de professionnalisation. Et pour moi, cette mission s'impose pour toutes les filières d'enseignement, pas seulement pour la filière technologique. Et j'ai donc souhaité que nous traitions cette question, elle a des aspects très variés, vous les connaissez aussi bien et mieux que moi, depuis les stages jusqu'à la définition de formation professionnelle, proprement professionnelle, c'est un grand impératif, il me semble que cette question devait être traitée, je vous la lis : « Dans la crise, pour répondre à l'inquiétude des jeunes qui ont du mal à trouver un emploi, l'université a une mission nouvelle, celle de faciliter l'entrée des étudiants dans la vie professionnelle. Ceci vaut pour toutes les formations, qu'elles relèvent de la voie générale ou de la voie technologique, c'est un changement en profondeur. Quelles propositions concrètes peut-on formuler pour que l'université remplisse cette mission nouvelle ? »

Sixième question. Une question qui est au coeur de votre métier et qui est, d'une certaine manière, au coeur d'un certain quiproquo entre l'université et la société française, c'est la question de la recherche. Pour le citoyen français moyen, l'université est un organisme de formation supérieure, c'est un organisme d'enseignement. Il ne fait d'ailleurs aucune différence entre les différents organismes d'enseignement supérieur. Et pour ceux qui ont réfléchi au problème comme pour les universitaires, l'université, c'est aussi, en même temps et peut-être avant tout un organisme de recherche. Un organisme où se développe la recherche française. Il faut dire aux interlocuteurs dans l'opinion que toutes les universités du monde – et celles qui ont manqué à cette règle s'en sont mordu les doigts – ont un impératif de recherche, sont considérées comme des lieux de recherche. Pourquoi ? Parce que le savoir, cela s'entretient. Pour être transmis comme pour être valorisé, le savoir fait objet de recherche. C'est même, pour moi, encore plus fondamental, sans doute parce qu'il y a dans la démarche de recherche quelque chose de l'originalité de la démarche universitaire, y compris pour les étudiants. Mais nous aurons à reparler de cette très importante question. Mais la France a choisi, depuis plus de cinquante ans maintenant, une organisation particulière très originale de sa recherche et d'une partie de sa recherche publique, ce sont les grands organismes : le CNRS, l'INSERM, l'INRA, l'INRIA, etc. Eh bien, cette dualité de la recherche, alors qu'ailleurs la recherche est principalement universitaire, pose des problèmes d'orientation, de reconnaissance, d'évaluation, qui me semblent devoir être très peu. Voilà la question comme elle est formulée : « La création et la mise à jour du savoir est partout dans le monde une des deux missions majeures de l'université. En France, nous avons choisi, parallèlement à l'université, de construire de grands organismes entièrement consacrés à la recherche, CNRS, INSERM, INRA, etc. Comment mieux assurer la reconnaissance et l'orientation de la recherche universitaire dans l'effort national de recherche ? Quel type de partenariat peut-on développer entre les universités et les grands organismes ? ».

(Bande inaudible)

… l'insertion professionnelle et d'autres. Plusieurs missions pour l'université. Or, les carrières ne reconnaissent principalement qu'un seul critère par rapport à cette diversité. J'entends bien qu'il y a à l'intérieur corps des évolutions, mais pour l'essentiel, un seul critère, c'est le critère de la recherche. Cette question est revenue incessamment au travers des entretiens que nous avons eus. Elle est naturellement très importante. Comment faire pour que soient reconnus dans les carrières des engagements comparables sur les différentes missions de l'université ? Si l'on considère que les missions sont à égalité de dignité, alors les carrières devraient être à égalité de dignité dès l'instant que l'engagement est semblable. C'est très difficile. Je ne me dissimule pas que c'est très difficile. Mais je vous propose que nous en traitions calmement, sereinement. Comment faire pour reconnaître des engagements particuliers dans la pédagogie ? Comment faire pour reconnaître des engagements particuliers, pardon de dire cela devant vous, dans l'administration et dans la gestion ? Comment faire pour reconnaître des engagements particuliers dans les relations avec les entreprises ? Toutes missions essentielles à l'université et qui ne peuvent pas être traitées par des personnels et des universitaires qui auraient l'impression, ce faisant, de choisir une impasse. En tout cas, c'est ce principe que je souhaite examiner. Et parallèlement, naturellement, les autres personnels, les personnels non enseignants de l'université, revenus presque unanimement là aussi dans les entretiens, dont la pluralité des corps de gestion apparaît comme un véritable maquis, dont la dignité et la place doivent être affirmées, reconnues à l'université. Cette question mérite d'être traitée.

Huitième question. Le personnel. Je vous lis : « Fières d'appartenir à une grande communauté, les universitaires et les personnels non enseignants sont profondément attachés aux valeurs qui fondent le service public d'enseignement supérieur. Pour les enseignants et enseignants-chercheurs, il n'est de formation universitaire que si elle est issue de la recherche, or les missions indissociables d'enseignement et de recherche des universitaires ne sont pas toujours bien connues par les étudiants, par la nation elle-même. Comment mieux prendre en compte l'engagement des universitaires, voire davantage d'accompagnement pédagogique, davantage d'ouverture pour favoriser l'insertion des jeunes et pour moderniser la gestion de leurs établissements. La communauté universitaire unanime rappelle par ailleurs la place essentielle des personnels non enseignants dans le fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur, comment leur intégration au fonctionnement des établissements et leur contribution aux activités de formation et de recherche peuvent-elles être mieux assurées et reconnues ? »

Neuvième question. C'est la vôtre. « La gestion de l'université ». Naturellement, la loi reconnaît l'autonomie des universités. Quel est le contenu de cette autonomie ? Que signifie une autonomie lorsqu'on a des interlocuteurs qui vous distribuent les moyens ? Toutes ces questions sont familières à votre esprit. Nous allons les traiter sur le fond. Ça nous permettra d'ailleurs de traiter les affaires des statuts des universités nouvelles. Quelle relation avec l'État, quel type de relation avec l'État ? Quel type de relation avec les collectivités locales ? Quel type de responsabilité réelle pour les universités, leurs conseils, leurs présidents ? Et, naturellement, sera traitée dans ce thème la question de la programmation. Programmation de l'effort de la nation, programmation des moyens entre l'État et les universités. Le contrat et la programmation, c'est la même chose. Cela ressort du même ordre de principes. Et donc, la question de la gestion est naturellement une question centrale. Je vous la lis : « Au terme de la loi, les établissements jouissent de l'autonomie pédagogique, administrative et financière. Quelle est, aujourd'hui, la réalité de cette autonomie ? La grande diversité des structures des différents établissements invite à poser la question de leur simplification ou de leur mise en cohérence. La question se pose également des rapports que doivent entretenir les établissements avec l'État qui attribue les moyens, la contractualisation a été le choix de la période la plus récente comme des périodes antérieures. Faut-il poursuivre dans ce sens ? La question des normes n'est pas moins brûlante. Selon quelles clés de répartition les moyens doivent-ils être attribués ? Enfin, la programmation de l'effort national est une revendication de la communauté universitaire. Quels sont les modes de gestion les plus favorables au développement de l'université française ? »

Dixième et dernière question. « L'aménagement du territoire et les interlocuteurs des universités ». Les interlocuteurs sont multiples, on a quelquefois du mal à préciser les rôles respectifs des uns et des autres, cette question doit être traitée. L'aménagement du territoire est une condition de l'égalité des chances entre les étudiants. Comment garantir cette égalité sur l'ensemble du territoire national ? Je m'empresse de dire que là, nous aurons à traiter des thèmes aussi intéressants que les universités thématiques, les réseaux, etc. Les établissements ont à traiter avec un grand nombre d'interlocuteurs et de partenaires, l'État est le premier d'entre eux, mais les collectivités locales interviennent désormais régulièrement dans la formation, dans l'investissement immobilier, parfois dans le fonctionnement des établissements. Les entreprises elles-mêmes sont désormais reconnues comme partenaires à part entière. Dans le domaine de la professionnalisation des études comme dans celui de la valorisation de la recherche, les grands organismes de recherche gèrent avec les universités des laboratoires mixtes ou contractent avec leurs laboratoires propres. Le rôle de ces partenaires mérite d'être précisé. Faut-il écrire de nouvelles règles du jeu et pour répondre à quelles attentes ? Je m'empresse de dire en codicille qu'il y a un aspect que j'ai oublié dans une des questions traitées qui peut se placer aisément dans la question de l'orientation, c'est celle que j'ai signalée souvent devant vous de l'incroyable maquis de sigles que les formations présentent à l'observateur pour la plus grande peine des étudiants et de leur famille, de ceux qui les conseillent pour faire leur choix. Je considère que ce maquis est dans son illisibilité antidémocratique. Il est un obstacle majeur à l'orientation. Je souhaite que nous traitions cette question. C'est un codicille, je vous prie de m'excuser de l'avoir oublié en cours de route, emporté par mon élan.

Voilà les dix questions. Je crois que ces dix questions rendent compte, d'une manière ou d'une autre, de l'ensemble des interrogations que les uns et les autres ont pu énoncer. C'est un programme large et ambitieux. Mais je veux dire en conclusion, en m'excusant d'avoir retenu si longtemps votre attention, que ce que nous allons essayer de construire ensemble n'importe pas seulement à l'université et pas seulement aux universitaires, aux personnels des universités ou aux étudiants. Cela importe à notre société dans son ensemble. Non pas seulement pour les raisons que vous avez à l'esprit parce que nous formons l'avenir. Cela importe à notre société parce que cela pose deux questions majeures. La première : est-elle réformable ? Vous savez qu'il y a de grandes interrogations sur ce sujet aujourd'hui. Dans tous les esprits. Comme on dit dans les assemblées, sur tous les bancs. Et à juste titre. Parce que tout se passe comme s'il y avait une schizophrénie de la société française, une aspiration très éloquente à la réforme la plus urgente et un rejet dès que la réforme est proposée. Sur tous les sujets. Il est donc très important de savoir si des aspects de la société sont réformables ou pas. Et il me semble que de ce point de vue-là, vous serez exemplaire, ou paradigmatiques, si je voulais aller dans votre sens. Exemplaires. Parce que le niveau de formation est, par définition, plus haut parmi les acteurs de l'université qu'en dehors, et deuxièmement parce que même si la question des moyens est majeure, la contrainte strictement économique, les sites d'activités, la croissance ou au contraire les risques de récession y sont moins directement ressentis. Il y a, d'une certaine manière, un filtre entre l'activité et les bilans et vous. Si donc avec un très haut niveau de formation et une certaine protection contre les accidents de conjoncture on ne pouvait pas réformer une partie de la société, alors, en effet, la question du mode de gestion de la réforme se trouverait sûrement posée. Donc je considère que de ce point de vue-là, c'est un exemple à proposer à la société française si nous réussissions. Et il y a une deuxième question qui se pose et qui est celle sur laquelle vous avez conclu vous-même, monsieur le président : est-ce que nous sommes capables d'avoir un modèle français, européen et français d'université ou est-ce que nous devons perpétuellement aller chercher nos modèles ailleurs dans le monde ? Ma conviction est que nous sommes détenteurs d'un modèle français. D'un héritage précieux de l'université française. Et que, c'est à partir de ce modèle et de cet héritage, de la fierté de ce qu'elle est, que l'université doit se reconstruire. C'est à partir de son originalité que l'université française doit trouver son nouvel équilibre. Et c'est d'ailleurs comme ça que la confiance se rétablira le plus facilement entre l'université et la nation. C'est si la société française sent son université en cohérence profonde avec son identité. Je suis persuadé qu'il y a là une des clés du rétablissement de ce pacte de confiance tellement nécessaire. Voilà pourquoi ce que nous allons faire est très important, voilà pourquoi c'est crucial, voilà pourquoi une partie essentielle de cette entreprise est entre vos mains et voilà évidemment pourquoi, à l'avance, je vous remercie.