Discours de M. Jacques Chirac, maire de Paris, président du RPR, sur le bilan de son action et son programme, Paris le 17 février 1983.

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Circonstance : Campagne pour les élections municipales des 6 et 13 mars 1983

Texte intégral

Mes chers amis,

Je ne vous apprendrai rien en vous confiant, à vous qui êtes venus ce soir nombreux et attentifs, que l’élection municipale des 6 et 13 mars prochains à Paris revêtira une importance exceptionnelle.

C’est en effet la première fois dans l’histoire de Paris qu’un maire, démocratiquement élu, est en mesure, au terme de six années bien remplies, de rendre compte de l’action qu’il a menée au service des Parisiennes et Parisiens.

L’événement, en soi, mérite d’être relevé car il témoigne en faveur de l’exercice de la démocratie locale que nous avons restituée à la capitale par la loi de 1975 et que toutes les manœuvres brutales ou sournoises entreprises ces derniers mois ne sont pas parvenues à entamer, en raison justement de la détermination dont le peuple de Paris a fait preuve et dont vous êtes ce soir l’expression vibrante et convaincue. Oui, les Parisiens veulent rester les maîtres de leur avenir : ils veulent pouvoir choisir sans truquage ceux qui demain seront appelés à mener les affaires de la cité. Ce sont eux qui, en définitive, auront sauvé l’unité et la liberté de la capitale de la France.

Paris l’une des villes les plus anciennes, l’une des villes les plus chargées d’histoire, l’une des plus riches de sa diversité qui sans cesse culmine dans l’affirmation de son vouloir vivre en commun, Paris au peuple fier et délié, Paris qui a donné au monde ses premières leçons de liberté, eh bien Paris, dans un grand élan populaire dont notre capitale a le secret sous l’apparente réserve que donne à son peuple la longue cohabitation avec l’histoire, Paris saura demain prouver sa détermination face aux médiocres et navrantes entreprises de ceux qui, après avoir voulu la réduire, ont la prétention aujourd’hui de la régir pour la mettre au service de leur idéologie partisane.

Je fais confiance à la lucidité des Parisiens qui, tout naturellement, reconnaissent leurs vrais défenseurs et qui n’ont pas besoin d’une longue explication pour comprendre que depuis six ans tout ce qui a été entrepris en leur nom, l’a été au profit de tous, sans discrimination.
Quand on aime Paris, on ne saurait tenir à ses habitants le langage de l’affrontement, du sectarisme ou du dénigrement. Quand on s’est placé au service des Parisiens, de tous les Parisiens, quel que soit le quartier qu’ils habitent, quels que soient leur âge et leur condition, on sait parfaitement que ne sauraient être substituées à la rigueur d’une gestion ambitieuse pour tous et profitable pour chacun, les chimères d’une imagination débridée mais stérile qui ne peut que détourner des exigences de la réalité parisienne telle qu’elle est vécue quotidiennement dans chacun de vos foyers.

J’ai voulu me placer à l’écoute constante de cette réalité de Paris. C’est elle qui donne son sens et sa valeur au bilan que je n’ai pas peur de présenter tel qu’il est au jugement de chacun. C’est elle qui m’a guidé lorsque j’ai rédigé les grandes orientations pour le Paris des années qui viennent et qui nous mènent jusqu’au seuil du XXIe siècle. C’est elle encore qui, chaque jour, malgré l’ampleur de la tâche, malgré les difficultés de tous ordres que les chicaniers de la réglementation et de la contrainte administrative ont inventées pour brider nos libertés chèrement acquises, me donnera la force de maintenir l’unité de gestion et d’action sans laquelle il n’est pas possible de réaliser le bien commun de tous les Parisiens.

Je ne voudrais pas ce soir vous accabler de chiffres, de statistiques ni de commentaires compliqués. Chacun d’entre vous sait trop bien ce que nous avons réalisé, en particulier dans ce 14e arrondissement où l’équipe gagnante doit être celle de mon premier adjoint Christian de La Malène.
Je désire simplement, devant vous, réaffirmer les trois fondements et raisons de notre combat :
– oui, le bilan de la municipalité est bien un bilan substantiel et honnête que chacun peut apprécier librement et confronter à la réalité des faits ;
– oui, notre projet est un projet ambitieux et réaliste, dont le sérieux est garanti par les résultats déjà réalisés ;
– oui, afin de mener à bien notre action, nous devons impérativement sauvegarder l’unité de Paris à l’heure où elle risque d’être à nouveau menacée si dans un même élan, dans chacun de nos arrondissements, les Parisiens ne portaient pas au pouvoir les équipes qui veulent travailler en étroite harmonie avec le maire responsable de l’avenir de Paris tout entier.

Le bilan

Le bilan que je vous présente après six années de mandat est un bilan honnête et vous le constaterez par vous-même, irréfutable.

Il est à ce point irréfutable que faute de pouvoir le contredire en détail, nos adversaires en sont réduits à le présenter comme un « bilan moyen » et à lui trouver un défaut principal qui serait le manque d’imagination ! Je sais bien que pour certains l’imagination est le remède miracle qui va lever toutes les contraintes et permettre toutes les facilités, notamment celles que le simulacre propose à un peuple qui en a trop vu pour se laisser abuser. Je n’ai rien a priori contre les critiques lorsqu’elles sont constructives et lorsqu’elles procèdent d’un examen honnête et de bonne foi : mais il me faut hélas reconnaître – je dis hélas pour la démocratie et la loyauté du combat politique – que les critiques qui nous sont faites sont volontiers irresponsables, souvent haineuses et tristement démagogiques.

Les Parisiens pourront juger en toute connaissance de cause, puisque ce bilan a commencé d’être très largement diffusé sous la forme d’un numéro spécial du journal « Ville de Paris » et qu’il figurera, en résumé, avec notre programme, dans une plaquette que recevra chaque foyer parisien.

A cet égard, comment ne pas s’étonner des attaques qui sont portées contre nous en raison de l’effort d’information auquel nous nous astreignons dans le souci d’informer les Parisiens de ce qui a été fait, avec leur argent et en leur nom ? Si nos adversaires manifestent tant de hargne contre l’information municipale, c’est parce qu’elle a visé juste et qu’elle confond leur prétention à proposer une alternative véritablement crédible.

Alors on n’hésite pas à pratiquer le mensonge. J’en veux pour preuve un exemple qui, justement, concerne le 14e arrondissement. C’est ainsi que j’ai appris, il y a deux jours, en lisant la presse, que dans cet arrondissement où nous nous trouvons, « plus d’un millier d’ateliers d’artistes ont été victimes de la rénovation alors que la ville n’en a construit qu’une soixantaine ». Les gens qui font courir ce bruit sont-ils inconscients au point de ne pas se rendre compte que mille ateliers d’artistes, c’est au bas mot 50 000 m2 qui ne seraient certainement pas passés inaperçus s’ils avaient existé ? En bien non, ils se contentent de cette affirmation calomnieuse que dément la vérité des chiffres : depuis le début des opérations de rénovation dans le 14e, 57 ateliers branlants ont été démolis et 82 reconstruits, 5 sont encore actuellement en cours de construction pour le relogement des « artistes » encore installés dans les locaux du 50, rue Vercingétorix.

Cette campagne trouve malheureusement dans cette partie du 14e arrondissement un terrain d’élection, car elle profite des retards apportés aux opérations d’urbanisme que nos adversaires ont eux-mêmes provoqués. Mais il faut être logique : ceux-là mêmes qui prétendent nous accabler en dénonçant l’insuffisance de notre politique du logement sont les mêmes que ceux qui ont tout fait pour faire échouer nos projets de rénovation. Malgré eux, nous avons réalisé dans le 14e, entre 1977 et 1982, près de 2 000 logements sociaux et ce quartier demain renaîtra, il est d’ailleurs déjà en train de renaître, parce que nous y aurons bâti des logements accueillants, installé des commerces, développé des activités aux dimensions humaines qui, ici, comme en tant d’autres lieux dans Paris, témoignent que notre capitale n’est pas une ville figée dans son histoire, mais vivante et prête à affronter les temps nouveaux qui s’annoncent pour elle.

Je n’égrènerai pas plus longtemps devant vous les points forts de notre bilan, car je m’en voudrais de vous lasser par la technicité et le sérieux de chacune des grandes actions que la municipalité, fidèle à ses promesses, a menées à leur terme ou est en train d’achever.

Je me bornerai seulement à vous poser cette question : est-ce que notre ville n’a pas profondément changé depuis que nous assumons la responsabilité de sa gestion ? Et les changements que tout le monde constate, même s’il y a encore beaucoup à faire, ne s’analysent-ils pas comme des améliorations apportées à la condition des personnes âgées, des familles, de tous ceux pour qui la vie continue d’être dure en raison de leur solitude et de leur dénuement ?

Est-ce qu’une certaine joie de vivre n’est pas en train de s’installer aux carrefours et sur les places de nos quartiers ? C’est ce Paris là qui est en train de prendre forme et dont je suis fier qu’il parvienne à répondre de mieux en mieux à la vocation humaine qui, par-delà toutes les évolutions, doit rester son idéal.

Le programme

Quant à mon programme, ceux qui ne l’ont pas lu ont récemment parlé de son imprécision : mais mon bilan répond de mon programme et je me suis gardé d’en faire une présentation en 101 points ou en 83 points. Je m’engage sur des objectifs réalistes, qui sont d’abord le prolongement de notre action passée. Mon intention n’est pas de lancer une proposition gadget par jour, pendant un mois, car j’ai la volonté, si les Parisiens me confirment leur confiance, d’assurer un deuxième mandat comme maire de Paris. Il m’est donc plus difficile qu’à d’autres de promettre la lune car mes promesses sont des engagements.

Si je peux par exemple m’engager à porter le nombre de places de crèches à 14 000 à la fin du prochain mandat, c’est bien parce que j’ai effectivement doublé le nombre des crèches entre 1977 et 1983, le portant de 5 000 à 10 500.

Si je peux m’engager à revaloriser régulièrement les allocations Ville de Paris pour les personnes âgées et les handicapés, c’est parce que je l’ai déjà fait, pour qu’elles soient constamment à 50 % au-dessus du minimum vieillesse garanti par l’Etat.

Si j’ai promis de développer la concertation, c’est parce que je la pratique depuis six ans au sein des commissions extra-municipales que j’ai créées sans attendre les conseils de démocratie locale tardivement prodigués.

Si je m’engage à faire un effort en faveur du logement des associations, c’est parce que plus de 400 associations parisiennes sont déjà logées par la ville et ses organismes constructeurs et que nombre de nos maisons de jeunes, de nos centres sociaux, ou d’initiatives privées, que nous hébergeons et que nous aidons, fonctionnent déjà comme des centres interassociatifs de  quartiers ou des maisons d’associations.

Si je promets qu’au terme du prochain mandat chaque arrondissement aura son conservatoire installé dans des conditions convenables, c’est parce que j’en ai fait construire huit depuis 1977.

Si j’annonce la poursuite de notre politique familiale qui permettra de porter à trois ans le congé parental d’éducation rémunéré à hauteur d’un demi-SMIC, c’est parce que j’ai voulu lancer une politique dynamique de la famille, respectueuse du choix de chacun, restaurant la justice au profit de ceux qui préparent l’avenir de la nation, au moment où notre pays est menacé de mort lente par le déclin de sa démographie et par l’affaissement des valeurs spirituelles dont les foyers restent par excellence les gardiens vigilants.

Certes, je ne peux pas promettre aux Parisiens ce qui ne dépend pas de moi et, à cet égard, je prendrai deux exemples : la sécurité, le logement.

Comme tout le monde ne la sait pas encore, le maire de Paris n’a aucune compétence en matière de sécurité. J’ai dit et répété qu’en ce domaine la dégradation de la situation est intolérable. Mais je ne me suis pas contenté de déplorer cet état de fait ; j’ai très clairement chiffré les besoins et je maintiens que pour rattraper le retard accumulé et compenser les nouvelles mesures sociales réduisant la présence des effectifs sur le terrain, il nous faut à Paris 3 000 policiers supplémentaires. Vous pouvez compter sur moi pour maintenir très fermement cette exigence parfaitement connue de tous les responsables et que j’ai présentée personnellement et solennellement au chef de l’Etat. Mais je ne me suis pas contenté de rappeler les responsabilités de l’Etat. J’ai pris les miennes, dans le cadre de mes attributions, en créant deux corps de vigiles urbains, l’un pour les jardins, l’autre pour les parcs publics de stationnement, et j’ai installé une brigade de gendarmes à cheval dans le bois de Boulogne. J’ai développé l’éclairage de nos artères et je le développerai encore, car c’est un incontestable facteur de sécurité.

Le logement : en 1977, j’avais défini un programme de 10 000 logements sociaux à financer dans les deux ans. Cet objectif a été tenu, et, entre 1977 et aujourd’hui, ce sont 27 700 logements sociaux qui ont été financés. Mais il est clair qu’en ce domaine l’insuffisance des crédits de l’Etat devient dramatique. C’est ainsi qu’en 1983, les crédits que la ville consacre au logement représentent près de 70 % de l’aide de l’Etat pour la construction à Paris. Entre 1977 et 1983, la ville a multiplié par près de quatre les crédits consacrés au logement social. Il n’est pas possible de poursuivre à ce rythme et de se substituer aux obligations de l’Etat. 
C’est la raison pour laquelle l’honnêteté, la vérité me commandent de n’avancer aucun objectif quantitatif, sinon celui du maintien et du développement constant de l’effort budgétaire de la municipalité en ce domaine.

L’unité nécessaire

Ce qui nous distingue de nos adversaires c’est, à vrai dire, une philosophie de la société, donc une philosophie de l’action municipale.

Quand j’entends nos adversaires prôner le pouvoir de l’imagination, je sais ce que cela veut dire derrière l’apparence des mots. Cela veut dire la subversion des structures locales et de l’équilibre séculaire qui s’est instauré dans notre pays, et singulièrement à Paris, entre les responsabilités du pouvoir central et les libertés communales.

Nous avons depuis six ans reconquis nos libertés. J’ai déjà dit que je respecterai la loi qui nous a été imposée. J’ai dit aussi que lorsque nous reviendrons au pouvoir nous restaurerions pleinement la liberté et l’unité de la capitale. En attendant je n’ai pas l’intention de sacrifier l’efficacité nécessaire de notre action au chaos des comités, des commissions et des conseils qui diluent les responsabilités, brisent les efforts, engendrent les palabres sans fin.

Nous avons fait à Paris une grande politique sociale, une vraie politique de solidarité. Nous la poursuivrons. Mais nous n’en concluons pas qu’il faille instaurer le socialisme municipal, cet avatar du socialisme d’Etat qui exigerait que la collectivité locale supplée, concurrence et finalement réduise à rien l’initiative des individus, des groupes, des associations et des entreprises.

Nous avons fait à Paris une authentique politique de concertation. Nous n’accepterons pas pour autant d’abdiquer les responsabilités politiques qui nous seront confiées par le suffrage universel de tous les Parisiens, aux mains de comités fantômes dont nous savons tous qu’ils auront forcément tendance à s’abandonner à la loi des minorités les plus agitées.

Parce que nous aimons Paris, nous défendrons la capitale dans son unité profonde que l’histoire a scellée, contre les entreprises de l’adversaire qui nous tend complaisamment le miroir où se reflètent nos différences, nos égoïsmes, nos particularismes. Oui, Paris est diverse, complexe, comme tous les organismes vivants. Qui le sait mieux que nous qui avons eu la responsabilité de conduire le destin de la cité depuis qu’elle a acquis sa pleine responsabilité ? Mais nous savons de même que Paris ne serait plus elle-même si elle était livrée aux forces centrifuges que certains exploitent avec délectation et qui la désagrégeraient.

C’est pourquoi la sauvegarde de nos libertés et de notre capacité de progrès ne seront préservées que si la prochaine équipe municipale se rassemble autour du projet que je vous propose.

Ce projet, c’est d’abord la poursuite de ce que nous avons déjà fait ensemble, ce sont les fruits des efforts que nous avons déjà accomplis. C’est aussi la voie ouverte vers le développement constant et harmonieux de la capitale qui la maintienne, sur le plan du rayonnement de la culture et de l’esprit, au premier rang des grandes métropoles mondiales.

La réalisation de nos objectifs suppose que chacun soit convaincu d’appartenir au même corps, de partager la même et noble mission. Sa réussite implique l’élargissement de nos solidarités, sans lesquelles nous ne pourrions rien entreprendre de prestigieux ni de durable.

Aussi, je renouvelle mon appel pour que dans chacun des arrondissements de Paris toutes les chances soient données aux équipes qui se réclament de notre bilan et qui se réfèrent à notre projet, afin que Paris, demain, continue à être gérée comme une ville unie et harmonieuse.

J’ai la certitude que si nous le voulons, nous pouvons remporter ce combat. Mais il faut que vous le vouliez, intensément, que vous en persuadiez vos proches, vos amis et jusqu’à ceux qui ne partagent pas nos convictions parce qu’ils vivent dès à présent et qu’ils vivront demain avec nous dans une cité que nous voulons rendre toujours plus fraternelle.