Texte intégral
Le Parisien - 11 mai 1998
Le Parisien : La semaine qui commence est placée sous le signe des « initiatives citoyennes », mais aussi des « parents dans l’école ». Que va-t-il se passer ?
Ségolène Royal : Les initiatives citoyennes ont été lancées en novembre. Depuis, chaque recteur a fait l’inventaire des actions qui ont eu lieu dans son académie. Je vais donc pouvoir généraliser les expériences qui ont le mieux marché. Mais cette semaine va aussi permettre de rappeler que nous avons besoin des parents, que l’éducation à la citoyenneté ne se fera pas sans eux.
Le Parisien : Quelles initiatives allez-vous généraliser ?
Ségolène Royal : D’abord, tous les établissements de la maternelle au lycée auront leur « charte de la vie scolaire », indiquant les droits et les devoirs de chacun. Il s’agira d’un document signé par les adultes de l’établissement – enseignants ou non enseignants -, par les parents et par les élèves. Chacun connaîtra ses droits et ses devoirs et s’exposera à des mises en garde en cas de non-respect.
Le Parisien : L’éducation civique reste un peu le parent pauvre, le cours qu’on remplace volontiers par les matières dites « importantes » …
Ségolène Royal : Pour qu’on n’utilise plus le temps imparti à cette matière pour rattraper d’autres, cours, une épreuve d’éducation civique sera introduite au brevet des collèges. Les questions ne se réduiront pas à la connaissance des institutions, mais elles porteront également sur les valeurs citoyennes. Il existe déjà au collège une heure hebdomadaire de vie scolaire, elle s’intitulera désormais heure de « citoyenneté et de vie scolaire ». Lors de la grande consultation que nous avons lancée, les lycéens ont exprimé une forte demande à ce sujet. Nous y réfléchissons dans le cadre de la réforme. Mais, en attendant, je souhaite d’ores et déjà introduire à titre expérimental une heure d’éducation à la citoyenneté en seconde et une initiation à la vie juridique et citoyenne en classe de première. Les enseignants seront formés pour cela. En maternelle et en primaire, les programmes laissent place à cet enseignement qui passe chez les plus petits par le respect du corps, de l’environnement ou des biens d’autrui.
Le Parisien : N’aurez-vous pas besoin d’une symbolique forte pour réinstaller ces enseignements ?
Ségolène Royal : Oui, je vais inciter tous les établissements à réinscrire à leur fronton ou dans leur entrée la devise « liberté, égalité, fraternité ». Beaucoup d’adolescents n’ont jamais entendu ces mots, qui ne sont pas anodins et qui doivent frapper les esprits dès le plus jeune âge.
Le Parisien : Un sénateur centriste proposait, il y a quelques jours, que chaque élève dispose d’un cahier de comportement qui le suivrait toute sa scolarité. Etes-vous favorable à une telle mesure ?
Ségolène Royal : Favorable à la démarche, oui. Mais pas le même cahier toute la vie scolaire. Parce qu’il ne faut pas qu’un enfant soit étiqueté, il faut qu’il ait droit au progrès. Mais je suis favorable à l’ajout d’une rubrique « vie scolaire » sur les bulletins remis chaque trimestre aux élèves. C’est-à-dire une observation sur le comportement de l’enfant. Ce projet pourrait faire partie d’une réforme globale du bulletin qui limiterait l’appréciation de l’enseignant à ce qu’a vraiment fait l’enfant dans une matière, et non à ce qu’il est. Il faut faire disparaître les « médiocres » qui dévalorisent l’élève, ou les mauvaises notes soulignées en rouge. Car ce qu’il faut mettre en valeur et encourager c’est les réussites. Pourquoi ne pas souligner en rouge, plutôt, les bonnes notes et expliquer les moyens de faire progresser les mauvaises ?
Le Parisien : S’agit-il d’inventer une nouvelle manière de s’adresser aux parents ?
Ségolène Royal : Oui. Ils doivent être bien informés de ce que fait leur enfant. Voilà pourquoi il faudrait renforcer les cahiers de vie (lire notre reportage), de la maternelle au collège. L’école a besoin des parents. Surtout sur l’éducation à la citoyenneté et pour renforcer le sens du travail à l’école : c’est la coéducation. Il faut en finir avec les relations parfois limitées aux convocations en cas de problème avec un enfant.
France 2 - 11 mai 1998
E. Vannier : Il y a une double actualité dans l’éducation, c’est d’abord la semaine des initiatives citoyennes, et la semaine des parents à l’école. Commençons par l’apprentissage de la citoyenneté, comment allez-vous faire concrètement pour inciter les jeunes au civisme ?
Ségolène Royal : Concrètement, comme l’avait d’ailleurs demandé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, c’est un de ses objectifs politiques prioritaires pour l’éducation de renforcer l’éducation civique et la morale citoyenne, j’ai donc lancé dès le mois de novembre dernier les initiatives citoyennes. C’est-à-dire que j’ai demandé à chaque école, chaque collège, chaque lycée, d’engager des actions concrètes qui renforcent la citoyenneté pour lutter contre les incivilités, pour lutter contre la violence, contre l’indifférence, le manque de respect parce que je crois que chaque fois qu’un établissement scolaire est secoué par des comportements qui ne sont pas conformes à la dignité humaine, la mission de l’école est affaiblie. L’école sera plus efficace si tout le monde s’y comporte bien, élèves et adultes d’ailleurs.
E. Vannier : Et dans les programmes, qu’est-ce que concrètement cela va changer ?
Ségolène Royal : Concrètement, ce qui va changer, c’est que les horaires d’éducation civique vont enfin être respectés. Ils existent déjà de la sixième à la troisième, mais bien souvent, c’est le moment où on rattrape les cours, etc… Deuxièmement, l’heure de vie scolaire, qui existe dans les collèges, va être transformée en heure de vie scolaire et de citoyenneté, c’est-à-dire une heure par semaine, il y aura un travail concret de comportement citoyen dans les collèges. Troisièmement, l’éducation civique prend place dès l’école maternelle où déjà, cette année, j’ai donné les instructions pour que l’on commence par exemple à apprendre le respect du corps. Je crois que tout part de là chez les tous petits. On respecte son corps, on respecte le corps des autres, donc ensuite on a un comportement respectueux de la règle scolaire.
E. Vannier : Vous voulez également qu’au fronton des écoles, on réinscrive la devise de la République, vous ne pensez pas que c’est un peu de l’ordre du gadget ?
Ségolène Royal : Non, j’observe, dans certains collèges, des élèves qui ne connaissent même pas ces trois mots de liberté, d’égalité, de fraternité. Et lorsque l’on regarde l’ensemble des initiatives citoyennes – j’ai parcouru de nombreux collèges, cette semaine encore, je vais dans plusieurs collèges, plusieurs écoles et plusieurs lycées – j’observe que lorsque les élèves ont fait un travail sur ces notions de liberté, c’est-à-dire le respect de sa liberté, mais de celle d’autrui, d’égalité, par exemple, le travail de solidarité, ou le fait pour les adultes de donner l’exemple, et de se comporter bien quand on demande aux élèves de bien se comporter, comme d’arriver à l’heure. Et puis de fraternité, c’est-à-dire toutes les actions de solidarité ; l’intégration d’un enfant handicapé par exemple est un élément majeur d’éducation à la citoyenneté. Et donc, je pense que lorsqu’un enfant entre à l’école et qu’il a déjà sous les yeux ces trois concepts, c’est déjà un élément éducatif important. Mais ce travail symbolique ne s’arrête pas là, puisque très concrètement, je vais intégrer dans les épreuves du brevet une épreuve d’instruction civique, et ce dès l’année prochaine. Donc, je crois qu’il y a une démarche concrète. J’essaye de repérer dans les établissements scolaires ce qui marche, ce qui fonctionne, les chartes de vie scolaire qui existent et qui sont très efficaces. Il y a des chefs d’établissement qui arrivent à la tête d’un collège où règne l’incivilité et qui, en quelques semaines, arrivent à rétablir la sérénité dans ce collège. Donc, je veux généraliser ce qui marche, comme les chartes de vie scolaire, les droits et les devoirs sur lesquels s’engagent les adultes de la communauté éducative et les élèves.
E. Vannier : Et que pensez-vous de l’idée de Tony Blair qui voudrait doter les enfants de bracelets électroniques pour les empêcher de faire l’école buissonnière ?
Ségolène Royal : C’est inquiétant sur ce que cela signifie de l’état de l’école en Grande-Bretagne. Heureusement qu’en France, le service public a beaucoup mieux résisté, que la communauté éducative est solide même s’il y a un certain nombre de problèmes d’absentéisme chronique, de retard des élèves. Il y a des endroits, en effet, où ces comportements s’aggravent. Je pense qu’une des bonnes réponses est la mise en responsabilité des parents et des familles par rapport à la présence de leurs enfants à l’école.
E. Vannier : Justement, c’est aujourd’hui que débute la semaine des parents à l’école. Comment allez-vous faire, là encore, concrètement, pour inviter les parents à s’impliquer un peu plus dans la vie scolaire ?
Ségolène Royal : Concrètement, j’ai demandé aux établissements scolaires d’ouvrir leurs portes et au fond, mon objectif c’est que la méfiance réciproque qui a existé très longtemps entre l’école et les familles puisse reculer, parce que je le dis sans ambages : l’école a besoin des parents pour réussir.
E. Vannier : Mais si les parents ne veulent pas y aller ?
Ségolène Royal : Il faut les y inciter. Il faut leur faire comprendre qu’ils ont un rôle très important à jouer pour la réussite scolaire de leurs enfants, y compris les parents qui eux-mêmes ont été en difficulté scolaire ou en échec scolaire : un mot d’encouragement, un soutien même s’ils ne peuvent pas concrètement aider leurs enfants dans leurs devoirs, ce que l’école doit faire aussi. Je crois qu’il ne faut non plus laisser se privatiser le soutien scolaire et j’ai l’intention, d’ailleurs, de laisser ouverts les collèges jusqu’à 19 heures le soir pour les élèves qui souhaiteraient y recevoir du soutien scolaire gratuit, organisé par les aides éducateurs, par les associations, en y associant précisément les parents. On rentre dans un système où on a besoin d’être co-éducateurs. C’est-à-dire qu’on n’a pas de trop de tous les adultes qui entourent l’école pour faire cheminer sur la réussite scolaire.
E. Vannier : Vous allez en Seine-Saint-Denis aujourd’hui, qu’allez-vous proposer de nouveau ?
Ségolène Royal : J’y vais dans le cadre des initiatives citoyennes. Partout, il se passe des réalisations de qualité, de l’éducation des élèves au comportement, et je crois que ce que je vais voir à Neuilly-sur-Marne est très intéressant. C’est un projet de citoyenneté dans la ville qui a été fait en articulation avec la mairie. Donc, je veux me déplacer sur le terrain pour voir aussi ce qui marche bien. On parle trop souvent des difficultés.
E. Vannier : Mais pour rencontrer les professeurs en grève ? Que leur proposez-vous, ils sont toujours en grève ?
Ségolène Royal : Bien sûr. J’espère qu’ils ne le seront plus. Mais je pense qu’il faut reprendre le travail dans l’intérêt des élèves. Ils ont été entendus, un plan a été mis en place par Claude Allègre et moi-même, je vais concrètement me rendre compte sur place avec le nouveau recteur, la nouvelle inspectrice d’académie, de la mise en place de ce plan. Il faut maintenant que le travail reprenne. Il faut penser aux élèves. Il y a bientôt les épreuves du brevet et il faut que dans les mois qui viennent, les semaines qui restent, les élèves puissent bénéficier de leur enseignement parce que nous sommes aux côtés des enseignants pour mettre en place concrètement les projets.
France Info - 11 mai 1998
France Info : La semaine de la citoyenneté dans les écoles coïncide avec une série de meurtres dont des jeunes gens sont auteurs et victimes. Ça s’est produit en dehors de l’école, mais d’une certaine façon, c’est un échec aussi de l’école.
Ségolène Royal : Je crois que c’est un échec de la société toute entière, cette souffrance terrible, à la fois pour la famille qui perd un enfant, et pour l’auteur du crime. Et je crois que ça prouve à quel point notre société a besoin de reconquérir un certain nombre de repères pour ces jeunes, et en tout premier lieu leur apprendre à maîtriser leurs pulsions. On vit dans une société d’extrême violence. Les jeunes sont élevés sans tabous. Je crois que c’est une erreur que d’élever des jeunes sans tabous, qu’il faut des interdits pour savoir grandir, ne serait-ce que pour mettre en cause ces interdits et pour les surmonter pour devenir adulte.
France Info : Il y a trente ans, on disait : il est interdit d’interdire. Ces jeunes gens élevés sans tabous, n’est-ce pas une séquelle de Mai 68 ?
Ségolène Royal : La phrase que vous citez était une phrase poétique, mais c’est vrai que dans les années 70, l’école a renoncé, pour des raisons idéologiques à continuer à transmettre ce qu’elle faisait dans les années précédentes, en particulier, depuis les années 50 : l’éducation à la morale civique. Et je crois que l’école publique doit reconquérir cette légitimité, de réapprendre aux enfants un certain nombre de règles de comportements.
France Info : Est-ce que les parents ne devraient pas aussi reconquérir leur légitimité de parents, abandonnée dans la foulée de Mai 68 ?
Ségolène Royal : Sans doute, d’ailleurs l’école ne peut pas faire tout sans les parents. Et c’est pourquoi cette semaine des initiatives citoyennes, je l’ai voulue de façon concordante avec la semaine des parents à l’école. Parce qu’il faut absolument que, ce que l’enfant entend dans sa famille soit la même valeur que ce qu’il entend à l’école. Tous les adultes qui sont, aujourd’hui, autour de l’enfant et des adolescents doivent tirer dans le même sens, et j’entends réinstaller à l’école une dynamique de coéducation entre celle-ci et les parents d’élèves, et les familles.
France Info : Vous réhabilitez la notion de parents d’élèves, un peu désuète ?
Ségolène Royal : Je la réhabilite, et surtout, je dis à l’école : ouvrez vos portes, ouvrez vos fenêtres ; on a besoin des parents d’élèves à l’école. Par exemple dans la foulée des initiatives citoyennes, l’une des mesures que j’aurai à prendre c’est la création de cahiers de vie pour qu’il y ait un lien permanent entre l’école et la famille, et que la famille sache ce que l’enfant fait à l’école. »
France Info : Ce sera concrètement quoi ?
Ségolène Royal : C’est ce qui se passe déjà dès la classe maternelle et les classes primaires dans beaucoup d’écoles que je suis allée voir : ce sont des procédures qui marchent. Ce qui m’intéresse dans ces initiatives citoyennes c’est de repérer ce qui est mis en place dans les écoles pour pouvoir le généraliser. Concrètement, c’est un cahier où l’élève écrit toutes les semaines ce qu’il a fait ; et les parents peuvent, à leur tour, écrire. L’élève peut raconter ce qui se passe dans la famille, les parents peuvent aussi mettre des messages aux enseignants. Et surtout, l’enfant se trouve valorisé, parce que toutes les semaines il montre à ses parents ce qu’il a fait à l’école. Et inversement, cela peut permettre aux parents d’engager un dialogue très régulier avec l’élève pour valoriser cet élève.
France Info : Où commencent la citoyenneté, selon vous, à la maternelle ?
Ségolène Royal : Oui, très tôt. Dès cette année, j’ai donné des instructions pour que, dans les écoles maternelles, il y ait un temps qui sont consacré à la formation citoyenne. C’est l’apprentissage de la propreté ; c’est de la politesse ; c’est apprendre à un enfant que son corps lui appartient, qu’il a le droit de se faire respecter ; que le corps des autres ne sont pas un jouet – cette notion de respect du corps est essentielle : c’est ce qui conduit à la maîtrise des pulsions - ; savoir écouter les autres, savoir se taire lorsqu’un autre enfant parle ; savoir respecter le matériel de l’école. Toute une série de choses qui permet à l’enfant d’apprendre très tôt qu’il est une personne à part entière : qu’il doit respecter les autres, mais qu’il a le droit d’être respecté. Et c’est là aussi que l’on aborde le problème de prévention de la maltraitance dont sont victimes les enfants. Cela fait partie de cette éducation citoyenne.
France Info : Ce n’est pas plutôt du savoir-vivre-ensemble que de la citoyenneté, qui est un bien grand mot ? On est citoyen quand on devient un jeune adulte, que l’on vote, que l’on s’inscrit dans la société. Là c’est l’individu d’abord.
Ségolène Royal : Bien sûr, mais il y a une convergence entre les deux. C’est pourquoi j’ai appelé ces initiatives citoyennes, des initiatives pour apprendre à vivre ensemble. Et, en même temps, si on a envie de vivre ensemble, c’est parce qu’on adhère à un certain nombre de règles, de principes. Et au bout du compte c’est aussi la démocratie qui fonctionne bien à l’école, et qui, plus tard, fonctionnera bien dans le pays, quand en effet l’enfant deviendra citoyen à part entière, c’est-à-dire adulte.
France Info : Vous avez assisté, ce matin, à un conseil d’enfants à Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis : qu’est-ce que vous avez vu, qu’est-ce qui s’est passé, qu’est-ce qui vous a frappé ?
Ségolène Royal : J’ai trouvé intéressant de voir quelque chose qui fonctionnait bien, et pour mettre l’éclairage sur un travail formidable qui a été fait. Il s’est passé que les enfants, dans des actions qu’ils allaient conduire pendant toute cette semaine – autour des problèmes de la maîtrise de l’agressivité par le langage, de la politesse, de la tenue dans la classe, de l’articulation avec les parents – ont mis au point une exposition sure « savoir vivre dans la ville », avec une sensibilisation à la lutte contre les tags. Et ils ont conduit leurs parents pour visiter cette exposition qu’ils avaient réalisée. Donc, il y a ce lien de valorisation du travail de l’enfant, de lien avec les parents pour qu’ils comprennent ce que l’enfant fait à l’école. La coéducation se met tout naturellement en place.
France Info : Qu’est-ce qui se passe quand les enfants n’ont jamais vu leurs parents travailler ?
Ségolène Royal : Cela déstructure beaucoup, et toute la difficulté c’est de leur redonner le sens de l’école, l’intérêt de l’effort. Ce n’est pas évident – lorsque le grand frère, par exemple, bachelier est au chômage – ce n’est pas évident pour un enfant plus jeune de comprendre le sens de l’école. C’est pourquoi aussi, nous faisons aussi les emplois-jeunes, précisément parce que rien n’est pire que le chômage des jeunes qui ronge le sens même de la réussite scolaire. L’école c’est aussi acquérir un bagage culturel global, c’est acquérir une dignité de personne humaine, lorsqu’on maîtrise les savoirs de base. Et ce travail là, de réinstaller l’enfant dans la projection du futur, cela veut dire aussi qu’il y ait en face de lui des exemples d’adultes valorisants.
France Info : La première source de distraction des jeunes, c’est la télévision. Quelle vision leur donne-t-elle du monde des adultes ?
Ségolène Royal : Il y aurait beaucoup à dire. La première chose, c’est que dans les initiatives citoyennes, j’ai intégré justement une formation à l’esprit critique par rapport à la télévision et par rapport à l’image. Aujourd’hui, l’école est parfois en situation de faiblesse par rapport à l’impact de la télévision. Ne serait-ce qu’en termes de temps passé devant la télévision, de contre-exemples, de contre-valeurs. Je pense aussi qu’un appel à la responsabilité des programmateurs de chaîne n’est pas un vain mot, et que là aussi, la coéducation doit se faire avec la télévision, avec la maîtrise de la violence et la dégradation de l’image des adultes.
France Info : Vous parlez des citoyens en herbe. La première source d’informations, ce sont en fait « Les Guignols de l’Info », le « Vrai Journal » de Karl Zéro, donc une culture de la dérision…
Ségolène Royal : C’est un peu dommage. Il n’y a pas que là, d’ailleurs, qu’il y a une culture de la dérision. Il y a certaines émissions où l’on rit de tout, du crime, de l’humiliation des femmes. Je pense que cette culture de la dérision doit être remise en cause. Là aussi, il y a une hiérarchie entre les valeurs.
France Info : Il faut avoir le courage de le faire là, parce qu’il y a une démagogie qui dit : c’est le « jeunisme », dont on accepte, puisque cela plaît aux jeunes.
Ségolène Royal : Justement. Je crois que la responsabilité des adultes et des enseignants est de transmettre leurs connaissances, leurs savoir-faire. Un modèle culturel qui peut être contestable, mais si l’enfant n’a plus rien contre quoi se heurter, se construire, s’il n’y a que des édredons en face de lui ou des adultes démagogiques, il n’arrivera pas à grandir.