Texte intégral
Extrait ou script de l'intervention de Jacques Chirac sur l'immigration lors de la réunion publique de Marseille le jeudi 10 mars 1988
Je comprends parfaitement les Marseillais et, pour connaître une situation dans certains quartiers à Paris qui est de la même nature, je les comprends d'autant mieux.
Je comprends par conséquent leur réaction qui est due au fait que trois phénomènes se sont développés un peu conjointement, essentiellement depuis 1981 d'ailleurs, et qui ont été le chômage avec la nouvelle pauvreté, l'immigration clandestine, fortement encouragée en particulier par la régularisation d'un grand nombre de clandestins qui ont instantanément fait un phénomène d'aspiration pour d'autres clandestins, et enfin l'insécurité qui est allée croissante.
Ces trois phénomènes, qui je le répète sont un peu convergents, expliquent une sorte de ras-le-bol exprimé par un certain nombre, notamment dans les grandes villes, de nos compatriotes.
Alors que faire ? S'agissant de l'immigration, elle a été justifiée dans le passé, il est tout à fait évident qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure d'accueillir des immigrés supplémentaires pour des raisons qui tiennent à leur activité - nous avons beaucoup de chômage - et donc pas la possibilité d'accueillir de nouveaux travailleurs.
Le premier problème c'est donc de maîtriser l'immigration, c'est ce que nous avons fait depuis deux ans. Le deuxième problème consiste à lutter efficacement contre l'immigration clandestine. Il y a un grand nombre d'immigrés clandestins qui, n'ayant pas un statut juridique régulier, n'ayant pas de travail en général, deviennent forcément candidats par la marginalité à la délinquance. Ce n'est pas parce qu'ils sont étrangers qu'ils fournissent des délinquants, c'est parce qu'ils deviennent marginaux qu'ils alimentent la délinquance.
Il faut donc lutter avec fermeté contre l'immigration clandestine.
Car il ne s'agit pas de contester, naturellement, le fait que nous soyons une terre d'hospitalité. Mais le fait que nous soyons une terre d'hospitalité ne doit pas nous conduire à accueillir n'importe qui, n'importe comment, naturellement...
(Vifs applaudissements)
Alors qu'avons-nous fait ? D'abord, nous avons institué des visas pour mieux contrôler l'entrée. Ensuite nous avons pris un certain nombre de dispositions pour contrôler mieux nos frontières.
Puis nous avons fait voter deux lois importantes, l'une en septembre 86 concernant le séjour des étrangers, l'autre en janvier 87 concernant le travail clandestin.
Nous avons, de la même façon, engagé une politique d'aide au retour des immigrés, si j'ose dire, "réguliers".
Alors tout ceci s'est traduit tout de même par une politique de refoulement important à nos frontières qu'on n'avait absolument pas connue dans le passé et une politique d'expulsion qui a atteint des niveaux que nous n'avions jamais, et de très loin, atteints dans le passé.
Et d'ailleurs, vous savez, vous êtes marseillais, allez voir à l'aérogare de Marignane ou à la gare maritime, ou à la porte d'Aix, et vous verrez que les choses ont profondément changé depuis quelques mois, je dirais depuis un an ou un an et demi que nous avons commencé à maîtriser le phénomène.
Bien entendu, nous devons poursuivre. Ce n'est pas une politique qui peut porter ses fruits en un an ou en un an et demi.
C'est une politique qui portera ses fruits en cinq ans, à condition, naturellement, qu'elle soit poursuivie avec ténacité.
Moi, personne ne m'a jamais reproché d'être xénophobe, ou d'être raciste. Car ce sont des sentiments qui ne sont pas naturels chez les Français et qui n'ont absolument aucune raison de l'être dans un pays comme le nôtre.
Mais, je dirais que l'évolution que nous avons connue récemment conduit un certain nombre de nos concitoyens à des sentiments de cette nature. Et si je ne peux pas l'admettre, je dis que je peux le comprendre. C'est un phénomène de réaction.
Donc nous devons continuer à maîtriser ce problème, c'est-à-dire empêcher l'immigration, c'est-à-dire extirper l'immigration clandestine, autrement dit faire exactement le contraire de ce qui a été fait pendant cinq ans par les socialistes, de façon à contrôler notre système qui d'ailleurs joue aussi contre les immigrés, je dirais "réguliers", jouant le jeu de notre société, car ils sont également nombreux. Et généralement par des sentiments que provoquent les clandestins ou les délinquants, ils sont les premières victimes des réactions que l'on éprouve à leur égard.
Moi je suis naturellement partisan d'un grand respect à porter aux immigrés, mais réguliers, qui travaillent et respectent notre droit, nos coutumes, nos traditions et nos lois, autrement dit ceux qui sont intégrés, et je suis partisan d'une politique aidant cette intégration. Voilà les deux volets un peu répressif, préventif et d'intégration qui doivent marquer une politique qui en cinq, six ans, doit nous permettre de régler ce problème dans la dignité et conformément à nos traditions nationales.
(Vifs applaudissements)
(Question sur la lutte contre les clandestins)
Il faut naturellement renforcer nos moyens. Depuis deux ans, le ministre de l'Intérieur, avec, nous en parlerons pour les problèmes de sécurité, l'aide très active du garde des sceaux, ministre de la Justice, se dote des moyens permettant d'exercer ces contrôles. Ils doivent recevoir d'ailleurs l'appui notamment des municipalités. Moi je travaille la main dans la main, à Paris, avec le ministre de l'Intérieur pour reprendre en main, parfois îlot par îlot, parfois immeuble par immeuble, une situation totalement anarchique et dégradée, mais que nous
reprenons en main. Et la sécurité revient, l'ordre, le calme et la sérénité reviennent, généralement pour la plus grande satisfaction des immigrés réguliers qui travaillent normalement et qui sont les premiers bénéficiaires de cette amélioration des choses. C'est ce que nous devons continuer à faire ; bien entendu, Marseille est un cas un peu limite dans ce domaine mais Paris aussi. Cela exige de la part de la municipalité une association dynamique et constante avec le gouvernement pour permettre de maîtriser ce phénomène. Et je le répète, et j'en apporte la preuve à Paris : c'est possible.
(Applaudissements)