Déclaration de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au numérique, sur les mesures prises et les négociations en matière d'ouverture et d'accessibilité aux données publiques, Paris le 25 avril 2014.

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Circonstance : Conférence de Paris sur l'open data et le gouvernement ouvert, à Paris les 24 et 25 avril 2014

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,


Permettez-moi tout d'abord de remercier les organisateurs, Etalab et le Conseil national du numérique, pour cette initiative et pour leur invitation.

Remercier également tous les participants à ces deux journées pour la qualité de leurs interventions et, plus largement, leur action en matière d'ouverture des données et de gouvernement ouvert.

Il pouvait paraître un peu présomptueux d'appeler ce rendez-vous « Conférence de Paris » tant, de la conférence de 1856 mettant un terme à la Guerre de Crimée — et l'actualité rejoint ici l'histoire —à celle de 2007 sur l'aide financière à apporter à la création d'un état palestinien, les conférences tenues à Paris ont jalonné les grands moments de notre monde moderne.

Pourtant, sans oser de comparaison hasardeuse, cette conférence internationale s'inscrit dans un mouvement d'ampleur mondiale, radical sinon révolutionnaire. Un mouvement dans lequel l'information, la donnée n'est plus considérée comme un pouvoir à conserver jalousement mais bien comme une ressource à partager, un bien commun, un vecteur aussi de création de richesses citoyennes, sociales et économiques.

La révolution numérique, comme ont coutume de l'appeler les journalistes, est en marche, elle touche toutes les strates de la société, les citoyens comme les entreprises ou les territoires. L'État et l'ensemble des acteurs publics ont la responsabilité, je dirais même le devoir, de s'insérer pleinement dans ce mouvement.

Pour cela, ils doivent naturellement soutenir, encourager et accompagner les acteurs à créer et à innover.

Je pense là, bien sûr, aux entreprises mais aussi aux associations, aux collectifs et à toutes les communautés qui, de la santé à la cartographie, de l'alimentation aux déplacements, ont développé des modèles ouverts et riches tout à la fois de sens, d'utilité sociale et de valeur économique.

Mais, les pouvoirs publics doivent également devenir eux-mêmes acteurs de cette transition numérique, s'appliquer à eux-mêmes les principes et les modes d'organisation qui la fondent.

Le Président de la République, dès sa prise de fonctions, avait rappelé son engagement à aller plus loin et plus vite en matière d'ouverture et de transparence.

Depuis lors, que de chemin accompli ! De l'instauration du principe de gratuité de la réutilisation fin 2012 à la suppression de redevances en décembre dernier, du lancement de la nouvelle plate-forme data.gouv.fr à l'adoption de la Charte du G8 pour l'ouverture des données publiques, le gouvernement a, avec obstination et persévérance, décliné les grands axes de la feuille de route adoptée, en février 2013, lors du séminaire gouvernemental sur le numérique.

Et, nous voulons aller encore plus loin.

Plus loin, en matière d'ouverture et d'accessibilité, tout d'abord.

La prochaine transposition en droit français de la directive européenne PSI concernant la réutilisation des informations du secteur public nous offre tout à la fois un cadre juridique et une opportunité majeure d'évolution et d'affirmation de notre volonté.

Je souhaite qu'à cette occasion, plusieurs principes soient réaffirmés et gravés dans le marbre législatif :
* le fait que, par défaut, une donnée publique se doit d'être ouverte et que toute fermeture soit explicitement expliquée, justifiée et réversible ;
* le principe fondateur de la gratuité des données publiques qui ne sauraient faire l'objet de redevances que sur des motifs d'intérêt général ;
* la définition et l'inscription dans les pratiques administratives d'un bloc d'informations et de données publiques faisant l'objet d'une obligation de publication ;
* le renforcement, enfin, des pouvoirs de la CADA et du pouvoir de saisine de la commission du secret statistique, avec l'assurance que la hiérarchie des normes soit appliquée strictement en la matière.

Cette inscription dans la loi nous permettrait, collectivement, d'en finir avec les actions au coup par coup, les appréciations en pure opportunité et, partant, avec des décisions parfois arbitraires, antonymes en tout point de l'idée même d'ouverture et de transparence.

Le gouvernement prépare un projet de loi sur le numérique qui sera précédé d'une concertation ouverte confiée au CNNum qui débutera dans les tout prochains jours. Je ne doute pas que ces questions seront abordées à cette occasion.

Le gouvernement souhaite également aller plus loin dans son soutien aux démarches innovantes portées par tous les acteurs.

Les tables rondes de ce matin ont montré la diversité des initiatives et de leurs promoteurs : des entreprises privées et publiques, des associations, des fournisseurs de logiciels, des acteurs institutionnels.

Les ateliers ont donné à voir des projets formidables en matière de culture, d'enseignement supérieur, de recherche ou de santé dans lesquels l'ensemble des communautés et des territoires s'investit pour faire émerger des modèles qui soient tout autant protecteurs des libertés fondamentales et producteurs de valeur.

Cette conférence a permis de tisser des liens avec nos partenaires européens qui sont confrontés à ces mêmes enjeux et avec qui nous avons beaucoup à faire ensemble. Francis Maude citait en ouverture hier Victor HUGO : "On ne peut arrêter une idée dont l'heure est venue". Aujourd'hui, c'est une autre de ses citations qui doit nous animer : "Ouvrir une école, c'est fermer une prison". Ouvrons l'école de la donnée, formons-nous à leur utilisation - et c'est à l'émancipation citoyenne, au progrès de la liberté que nous participerons.

Les discussions de ce matin ont aussi mis en lumière la nécessité de la pédagogie. Ainsi, il est nécessaire de rappeler parfois quelques évidences :
* open data et big data ne sont pas synonymes ;
* l'ouverture des données publiques n'équivaut pas à la divulgation de données personnelles ;
* l'open data n'est pas une simple affaire de techniciens ou de spécialistes, mais bien une question politique, culturelle, citoyenne et économique.
* l'utilisation de données personnelles pour valider des modèles ou des algorithmes, je pense par exemple à des données liées à la santé, est possible dans un cadre très contraint, protecteur des libertés des individus et sous le couvert d'organisations de confiance

Sur ce dernier point, la démarche est complémentaire de l'ouverture des données publiques comme l'ont démontré la Haute Autorité de Santé et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) qui ont développé des services utilisant leurs données, présentés hier par SantéScope, avant de s'engager à leur tour dans la mise à disposition ouverte de certaines de leurs données sur data.gouv.fr.

Sur ces questions en perpétuelle évolution, je souhaite que nous puissions avoir la discussion ensemble, sans préjugé, sans a priori et avec le souci constant de la fiabilité au service de la protection et de l'innovation au bénéfice de l'intérêt général.

Dans cette même optique, le gouvernement a à coeur d'être aux côtés des innovateurs de tout bord : les collectivités territoriales qui s'engagent avec détermination dans les données ouvertes, les acteurs de l'économie collaborative qui s'appuient sur les fondamentaux de l'ouverture et du partage pour inventer de nouveaux modèles de création de richesse, les makers pour qui l'ouverture est partie intégrante de leurs process de création, les chercheurs qui souhaitent faire vivre une science ouverte et collaborative, les entreprises pour qui l'innovation ouverte est devenue un vecteur de progrès et de profits.

Je ferai tout mon possible, avec Arnaud MONTEBOURG et l'ensemble du gouvernement, pour que toutes ces dimensions, toutes ces pratiques soient encouragées, soutenues et reconnues comme de véritables leviers de croissance pour notre pays.

Aller plus loin, enfin, en débordant du seul cadre de l'ouverture des données.

L'annonce par François HOLLANDE, lors de sa visite présidentielle au Mexique, de l'adhésion de la France à l'Open Government Partnership, réaffirmée hier par Marilyse LEBRANCHU, concrétise sa volonté et celle du gouvernement de dépasser la seule question des données ouvertes pour avancer vers celle de la gouvernance ouverte.

Cette notion est au coeur du traité fondateur de l'Union européenne, au coeur également des principes qui régissent notre République. Force est pourtant de constater que ses applications concrètes restent pour le moins incertaines quant à leur périmètre et à leur efficacité.

Pourtant, au-delà de l'ouverture nécessaire des données publiques, la gouvernance ouverte recouvre un champ vaste de pratiques qui dépassent, largement, le seul accès à l'information. En matière d'expression, de participation, d'élaboration collective en particulier.

Là encore, appuyons nous sur les expériences d'autres acteurs : acteurs publics internationaux bien sûr, mais aussi méthodes issues du monde du logiciel libre, des communautés du collaboratif pour lesquels do, make ou decide riment avec contribute, open et share (faire, construire ou décider riment avec contribuer, ouvrir et partager).

Je souhaite, par exemple, que la politique en faveur du numérique conduite par ce gouvernement soit fortement irriguée dans ses principes, ses choix et ses actions par les contributions de toutes celles et tous ceux qui partagent nos objectifs. L'implication des citoyens est essentielle pour faire de nos services publics des services par et pour le public, de notre économie un foyer d'innovations ouvertes, de la société toute entière un lieu d'inclusion.

Je m'engagerai personnellement dans la réalisation opérationnelle de ces principes.

Dans cette attente et dans le même état d'esprit que celui qui m'anime, je vous encourage à participer, cet après-midi, au Tech Camp organisé par Etalab pour améliorer, par vos contributions et vos réflexions, la plate-forme française d'open data.

C'est bien ce travail de coopération que je souhaite mettre au coeur de mon action.

Car, comme l'a si justement dit Jack DORSEY, le créateur de Twitter, même si, en matière d'ouverture, il y aurait deux ou trois choses à redire de cette entreprise : « tout le monde a une idée. Mais, il s'agit surtout de la mettre a exécution et d'attirer d'autres personnes pour vous aider à travailler et à l'améliorer ».

Alors, au travail ! Et améliorons ensemble !

Je vous remercie.


Source http://www.economie.gouv.fr, le 21 août 2014