Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur la participation des salariés aux bénéfices des entreprises, l'intéressement et les allégements de charges, Paris le 22 septembre 2008.

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Circonstance : Présentation du projet de loi en faveur des revenus du travail à l'Assemblée nationale le 22 septembre 2008

Texte intégral

Notre projet est clair : il vise à remettre le travail au coeur de notre modèle de société.

Parce que pour partager des richesses, il faut d'abord en créer, et que c'est par le travail que l'on crée des richesses et donc du pouvoir d'achat. C'est par le travail que l'on prépare mieux l'avenir de la société et c'est toujours par le travail qu'on améliore sa situation personnelle.

Tous nos efforts, toutes les réformes engagées depuis un an en matière économique et sociale ont permis de donner une place centrale à la valeur travail.

Avec ce texte, comme l'a rappelé le Président de la République, il s'agit de donner au travail la juste part des richesses qu'il contribue à produire et de le faire dans le cadre du dialogue social.

Il est évident qu'une société qui propose la juste rétribution des efforts de chacun, et qui privilégie la discussion, est plus forte et mieux armée dans la compétition économique. Il est évident que le capital et le travail sont tous les deux indispensables au développement économique et à la vitalité d'une entreprise : l'un ne va pas sans l'autre et les opposer n'a jamais rien produit de positif et de constructif.

La participation, ce sont 5 millions de salariés qui ont touché un peu plus de 7 milliards d'euros (en 2006). L'intéressement, ce sont 4,3 millions de salariés, qui ont bénéficié de 7 milliards d'euros.

Voilà un outil important pour continuer à améliorer le pouvoir d'achat des Français !

L'intéressement et la participation donnent donc déjà des résultats, mais nous devons faire plus et mieux. Car aujourd'hui ce dispositif reste essentiellement limité aux grandes entreprises : seul 1 salarié sur 10 dans les PME de moins de 50 salariés bénéficie de ces dispositifs.

Or les PME sont des partenaires importants, particulièrement dans la conjoncture économique actuelle : c'est là que nous saurons trouver de nouveaux gisements de croissance. Il nous faut donc dynamiser et faire connaître les bénéfices de ce système plus largement, au plus près du terrain.

6 millions de salariés ne bénéficient ni de l'intéressement ni de la participation. C'est cela qu'il nous faut changer.

Ce projet de loi nous l'avons préparé avec Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, et nous avons voulu qu'il permette de développer les revenus du travail rapidement et efficacement.

Nous avons voulu qu'il soit clair et simple à mettre en oeuvre : c'est pourquoi il ne comporte que 5 articles qui présentent les deux versants de notre projet :
- L'intéressement et la participation, pour mieux associer les salariés à la réussite économique des entreprises.
- Les salaires, parce qu'il nous faut aujourd'hui moderniser et dynamiser la politique salariale dans notre pays.

Je veux maintenant vous présenter les détails qui concernent l'intéressement, la participation et le SMIC, avant que Laurent Wauquiez ne vous présente plus précisément la conditionnalité des allègements pour les entreprises et les branches.


I- L'intéressement et la participation aussi dans les PME...

L'Intéressement et la Participation, Mesdames et Messieurs les Députés, sont de belles et grandes idées, nous en convenons tous. Pourquoi alors ne pas en faire profiter le plus grand nombre de salariés, et notamment dans les PME ?

Ce projet s'inscrit dans une réhabilitation plus générale de la participation. Avec la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, nous avons voulu permettre une plus grande participation des salariés au fonctionnement de l'entreprise. C'est dans ce but que nous avons souhaité renforcer la légitimité des représentants et appliquer aux contrats les principes de la démocratie.

Nous voulons donner une nouvelle impulsion à la Participation financière.

Pour cela, notre projet fixe des objectifs simples :

1) Premier objectif, que les entreprises distribuent davantage à leurs salariés.

Nous voulons doper l'Intéressement, en doublant les montants distribués d'ici 2012 : cela signifie passer d'environ 7 milliards d'euros aujourd'hui à 14 milliards en 2012. Pour y parvenir, le projet de loi crée un crédit d'impôt des sociétés de 20% sur l'augmentation des sommes distribuées.

Si un chef d'entreprise distribue, en plus, 1000 euros d'intéressement à ses salariés, cela lui reviendra à 800 euros grâce au crédit d'impôts. C'est simple et c'est immédiat.

20% de crédit d'impôt sur toutes les nouvelles sommes versées en plus, voilà ce qu'amène, pratiquement et concrètement, ce texte.

Pour inciter les entreprises à jouer le jeu sans attendre, pour que les salariés puissent percevoir immédiatement une prime, les entreprises qui auront signé un accord d'intéressement avant la mi- 2009 pourront verser aux salariés une prime de 1500 euros exonérée de charges et d'impôt.

2) Notre 2e objectif est que l'on fasse confiance aux salariés, et qu'au moment où ils perçoivent leur participation, ils aient la liberté de choisir s'ils souhaitent disposer tout de suite de leur épargne ou de la bloquer.

Il est temps de sortir d'une conception dirigiste, qui consistait à choisir à la place du salarié, pour lui constituer une épargne automatique, sans prendre en compte ni sa situation, ni ses projets ni même ses besoins.

Naturellement, cette réforme n'entrera en vigueur que pour les droits à Participation nouvellement distribués. Elle ne modifiera pas les cas de déblocage anticipé.

Je tiens également à souligner qu'elle ne réduira pas non plus l'intérêt et le développement de l'épargne salariale. Celle-ci poursuivra son essor, beaucoup d'entre vous sur tous ces bancs y sont légitimement attachés, je le sais.

En simplifiant les règles de ces mécanismes, nous voulons développer leur attrait, pour les entreprises, comme pour les salariés. Car plus d'intéressement et plus de participation, c'est plus de pouvoir d'achat qui s'ajoute aux salaires.

J'ai bien dit « qui s'ajoute », car l'intéressement et la participation, ce n'est pas à la place des salaires, c'est en plus des salaires. D'ailleurs, ce projet de loi est un tout qui dynamise également la politique salariale, l'échelle des salaires et la négociation sur les salaires.


II - Moderniser la fixation du SMIC

Nous pensons aussi à ceux dont la rémunération se situe en bas de l'échelle des salaires, et c'est pourquoi nous voulons moderniser la manière de fixer le SMIC.

Depuis trop longtemps, la fixation du SMIC est devenue un rendez vous de plus en plus politique, de plus en plus déconnecté de la réalité économique et sociale. Les coups de pouce gouvernementaux, les multiples SMIC liés aux 35 heures, le rendez vous annuel autour des partenaires sociaux qui plaident les uns pour une augmentation significative, les autres pour un statu quo, n'ont pas vraiment conduit à améliorer la situation des salariés et des entreprises.

Ils n'ont pas non plus permis de disposer d'une rémunération plancher dynamique pour la croissance des entreprises et celle de l'échelle des salaires.

Il faut donc que l'évolution du SMIC soit davantage en phase avec les conditions économiques et le rythme des négociations salariales et qu'on sorte du jeu de rôle.

En avançant la date de la revalorisation annuelle au 1er janvier, nous donnerons enfin de la visibilité aux négociations salariales annuelles dans les entreprises et les branches.

Nous proposons que des experts indépendants soient consultés et remettent chaque année à la Commission Nationale de la Négociation Collective et au Gouvernement un rapport sur les évolutions souhaitables du SMIC.

Il ne s'agit pas de créer une commission de plus, mais de faire en sorte que la fixation du SMIC fasse l'objet d'une analyse sereine, objective, indépendante, comme cela se fait chez nos voisins européens. Nous veillerons à ce que les nouveaux moyens soient mutualisés avec ceux d'une instance existante, comme la Commission des Affaires sociales le souhaite.


III- Allègements de charge conditionnés par la négociation collective

Enfin, nous allons conditionner les allègements de charges, pour qu'ils soient versés à ceux qui jouent le jeu de la négociation salariale.

Laurent Wauquiez vous exposera plus en détail cet axe de notre projet, mais je soulignerai certains points qui me tiennent particulièrement à coeur.

Est-il normal que presque un quart des entreprises qui ont l'obligation légale de négocier chaque année sur les salaires n'en fassent rien ?

Il ne s'agit pas d'augmenter les salaires par la loi. Mais l'Etat peut en revanche choisir de retirer des allègements de charges sociales à ceux qui ne respectent pas un engagement minimal, à savoir dialoguer et échanger avec les représentants des salariés sur les possibilités de revalorisations salariales.

Les entreprises qui ne respecteront pas leur obligation de négociations salariales se verront retirer 10% des allègements de charges dont elles bénéficient : c'est simple et surtout c'est direct.

Par ailleurs, il n'est pas admissible que des minima de salaires fixés par la négociation de branche soient encore inférieurs au SMIC. 7 branches, sept !, sont encore dans cette situation, qui touchent plus de 200 000 salariés.

Certes des progrès ont été notés ces dernières années puisqu'en 2005, la moitié des branches était encore dans ce cas ! Pour autant la situation actuelle n'est pas acceptable.

Une grille de salaires avec des minima inférieurs au SMIC, c'est autant de salariés qui perdent des perspectives d'évolution salariales et qui stagnent au SMIC. C'est le signe d'un dialogue social et de discussions qui s'enlisent.

Pour remédier à cette situation, les allègements ne seront plus calculés sur le SMIC mais sur le minimum de salaire le plus bas lorsqu'il est inférieur au SMIC.

Avant de conclure, je veux souligner un dernier point, qui est, à mes yeux, essentiel : il faut que chaque entreprise puisse mettre en oeuvre ce système de la façon la plus simple et la plus adaptée à sa situation. C'est pourquoi je souhaite que nous fassions ensemble un immense effort de pédagogie sur ce sujet. Nous avons pour notre part commencé à prendre contact avec les experts comptables, par exemple, et avec les organisations professionnelles, qui vont contribuer à expliquer le dispositif et à le rendre accessible, par exemple en proposant des canevas d'accords types.

C'est ce que j'appelle le service après vote : parce que je suis convaincu qu'une réforme n'existe vraiment que quand elle rentre dans le quotidien de nos concitoyens, quand elle est appliquée, qu'ils la comprennent et en mesurent les effets, en un mot, lorsqu'ils se l'approprient.

Durant tout le débat parlementaire, et donc avant ce vote, le Gouvernement sera attentif aux propositions que vous pourrez faire pour améliorer ce texte.

Je veux d'ores et déjà saluer le travail de la Commission des affaires sociales, de son président, de ses membres, et de son rapporteur Gérard Cherpion dont les propositions d'amendements permettront d'enrichir le projet.

Je veux également dire combien je suis sensible aux propositions formulées par la Commission des affaires économiques et son Président et rapporteur pour avis Patrick Ollier. _ Je tiens à saluer sa contribution et son investissement dans ce projet. _ Je partage son souci d'un développement économique et social, dont les deux versants ne peuvent aller l'un sans l'autre. _ Je partage cette vision d'une économie où les salariés perçoivent les dividendes de leur travail, et les actionnaires les dividendes de leur apport, et plus largement, cette vision d'une société où le capital et le travail marchent de pair, marchent ensemble. Je veux enfin saluer le travail du rapporteur pour avis de la commission des finances, Louis Giscard d'Estaing sur ce texte.

Avec ce texte, nous envoyons un signal clair aux entreprises et aux salariés. Nous créons les conditions pour que le partage des richesses favorise ceux qui travaillent. Nous poursuivons les réformes qui visent à développer le dialogue social dans les entreprises pour mieux associer les salariés aux succès de leur entreprise. Nous pensons qu'il est juste que les salariés touchent le dividende de leur travail, aussi bien que les actionnaires touchent le dividende de leur investissement.

Avec ce projet de loi, l'action politique prend tout son sens moderne : la loi incite et fixe un cap, ce sont ensuite les acteurs de l'entreprise qui lui donneront toute sa portée. Je vous remercie.


Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 25 septembre 2008