Texte intégral
PIERRE DE VILNO
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
PIERRE DE VILNO
Vous prenez de l'homéopathie ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Pas du tout.
PIERRE DE VILNO
Pas du tout ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Parfois j'en donne à mes enfants quand il faut leur faire un petit soin câlin.
PIERRE DE VILNO
Et le fait que ça soit déremboursé, ça vous fait ni chaud ni froid ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense que c'est important que dans notre pays on remette la science dans la décision publique.
PIERRE DE VILNO
C'est-à-dire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense que ce qu'a fait Agnès BUZYN, c'est-à-dire de faire confiance à la Haute autorité de santé, de demander à ce qu'on fasse un bilan des études scientifiques et donc d'arriver à la conclusion qu'il était tout à fait possible de continuer à acheter de l'homéopathie mais qu'elle ne devait plus bénéficier du remboursement. Je pense que c'est une façon de remettre de la science et de la rationalité dans notre décision publique.
PIERRE DE VILNO
Le fait que les Laboratoires BOIRON, qui est une excellence française, doivent peut-être être obligés de licencier un millier d'emplois, ça…
AMELIE DE MONTCHALIN
Je crois qu'il ne faut pas faire forcément un lien entre l'utilisation qu'en feront les Français et le remboursement. Je pense qu'il y a des Français qui continueront, parce qu'ils souhaitent acheter des médicaments ou des produits homéopathiques, ils continueront à le faire, simplement que ce ne sera pas assis sur la solidarité nationale et sur les impôts des Français.
PIERRE DE VILNO
Le feuilleton de ce qu'on appelle les tops jobs, les postes clef au sein de l'Union européenne, a duré longtemps, et ce n'est pas fini puisque dans une semaine le Parlement votera pour ou contre Ursula VON DER LEYEN, ça veut dire qu'on peut repartir pour un tour ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça veut surtout dire qu'aujourd'hui en fait il faut qu'on arrive à faire que le projet sur lequel les chefs d'Etat et de gouvernement se sont mis d'accord. Le projet sur lequel les groupes politiques au Parlement européen se travaillent, puissent être repris par Ursula VON DER LEYEN, c'est pour ça qu'elle rencontre tout le monde, pas pour magouiller, pas pour offrir des postes…
PIERRE DE VILNO
Pas pour se faire aimer ? Parce qu'il paraît qu'elle n'est pas très aimée en fait ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas une question d'amour, vous savez, c'est une question de projet. Est-ce que ce qu'elle va dire…
PIERRE DE VILNO
L'incarnation c'est quand même beaucoup une question d'amour, il y a l'amour politique, et vous savez de quoi je parle.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, c'est qu'est-ce qu'elle va dire mercredi… mardi matin, qui va permettre que les différents partis politiques des différents groupes politiques, retrouvent le projet qui est le leur, qui sont les priorités que les citoyens ont notamment fixées lors des élections du 26 mai dernier, et donc s'assurer au fond qu'on marche en ligne, que ce qu'auront dit les chefs d'Etat, que la priorité climatique, que la priorité sociale, que la priorité de protection de défense et également sur les migrations, que la priorité avoir une voix forte dans le monde, eh bien ce soit repris dans son discours, que les députés européens retrouvent aussi dans son discours ce sur quoi ils se sont mis d'accord, et qu'au fond elle ait une cohérence entre le projet du Parlement, le projet du Conseil et sa feuille de route à elle.
PIERRE DE VILNO
Et on parle tous ensemble, y compris avec la droite nationaliste, qui aujourd'hui espère obtenir des postes clef au Parlement européen ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je crois que les parlementaires européens, et j'en suis même certaine, ont mis une forme de barrière sanitaire, de ligne rouge…
PIERRE DE VILNO
Sanitaire !
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est comme ça qu'ils le disent, en disant : il faut qu'on soit clair. On ne peut pas être nous des forces pro-européennes, et parce qu'on n'arrive pas à se mettre d'accord ensemble, au fond laisser ceux qui veulent déconstruire l'Europe, arriver à prendre des postes de responsabilités. Donc ils s'organisent, vous savez que le Parlement européen c'est 751 députés, c'est une matrice compliquée, parce qu'il y a des gens qui ont à la fois une étiquette nationale et une étiquette de parti et donc il y a beaucoup de mécaniques assez complexes à suivre, mais il en reste qu'à la fin les choses sont assez claires. Les quatre groupes…
PIERRE DE VILNO
Et on ne veut pas d'eurosceptiques, même pour le dialogue, pour la démocratie européenne ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Personne ne les interdit de parler, mais les quatre groupes politiques pro-européens travaillent ensemble…
PIERRE DE VILNO
Pas les tops job.
AMELIE DE MONTCHALIN
Travaillent ensemble, ils ont des responsabilités dans les Commissions, ils ont des responsabilités au Parlement, ils travaillent ensemble sur une feuille de route, une forme de projet de coalition, pas pour se mettre d'accord sur tout, pas pour revenir au plus petit dénominateur commun…
PIERRE DE VILNO
Donc vous approuvez cette barrière sanitaire comme ils disent.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense qu'il faut qu'au Parlement européen les choses soient claires. Il y a ceux qui veulent que l'Europe progresse…
PIERRE DE VILNO
Donc vous approuvez.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je l'approuve, parce que je pense qu'il y a ceux qui clairement disent … et puis il y en a d'autres, vous savez, ils vont au Parlement européen, soit ils ne se lèvent pas pendant l'Hymne à la joie, soit ils tournent le dos. Bon, il faut être clair.
PIERRE DE VILNO
Ça vous choque.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire qu'il y a est ceux qui veulent que ça avance, et puis ceux qui veulent que ça n'avance pas.
PIERRE DE VILNO
Amélie de MONTCHALIN, où en est-on du couple franco-allemand, avec une Angela MERKEL, on l'a vu, fragilisée, politiquement en tout cas ? C'est un peu Emmanuel MACRON maintenant qui mène la barque tout seul dans ce couple.
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, le couple franco-allemand il a vécu des épisodes où parce qu'il y avait des temporalités politiques intérieures différentes, il marchait de manière parfois pas exactement symétrique.
PIERRE DE VILNO
C'est vrai.
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous en France on est au milieu du quinquennat, en Allemagne on voit qu'effectivement la coalition, on le voit par des élections locales parfois est remise en cause, ça ne veut pas dire qu'on souhaite quoi que ce soit, et d'ailleurs ce n'est pas notre rôle. J'observe juste deux choses. La première c'est que sur des projets concrets, le budget de la zone euro, l'Europe des batteries, la défense…
PIERRE DE VILNO
On est d'accord.
AMELIE DE MONTCHALIN
On continue de faire des choses très concrètement. La semaine dernière on a ratifié au Sénat le traité d'Aix-la-Chapelle. Le traité d'Aix-la-Chapelle c'est des projets très concrets, c'est le moment où on commence à converger avec l'Allemagne sur des choses qui nous sont bénéfiques et qui sont bénéfiques également au peuple allemand, et au territoire allemand et à l'emploi, à notre industrie en commun. Donc on fait des choses concrètes. Après, est-ce que politiquement on est au même stade, vous voyez, de notre… Pas du tout, es agendas politiques intérieurs sont différents.
PIERRE DE VILNO
Et ça peut changer dans le futur.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, ce qui compte pour moi, c'est qu'on ne fasse pas des grands discours de concept, est-ce que l'amitié elle est très bonne, est-ce qu'elle est… Ce n'est pas ça.
PIERRE DE VILNO
On va au-delà de l'image d'Helmut KOHL avec François MITTERRAND, on arrête ça et on avance.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais si on s'arrête aux photos, ça peut être intéressant, ça porte symboliquement des choses, ce qu'il faut c'est que concrètement la France et l'Allemagne puissent proposer des choses en Europe, qu'on propose et qu'on rassemble. Sur le climat par exemple, l'Allemagne au départ n'était pas dans la coalition de ceux qui proposaient que la neutralité carbone soit atteinte en 2050. Angela MERKEL a rejoint la coalition, ce qui fait qu'au départ il y avait 4 pays autour de la France, au milieu on était 15 et à la fin on finit à 24, et le fait que l'Allemagne se mette dans le mouvement, eh bien ça change la donne, et là-dessus on avance, et maintenant la chancelière est l'une de celles qui est plus motivée sur ce sujet.
PIERRE DE VILNO
Autre dossier sensible, les Européens se retrouvent à devoir trancher dans le dossier du nucléaire iranien. Les observateurs disent qu'on marche sur des oeufs, qu'on essaie de gagner du temps. Ou est-ce qu'on va exactement dans ce dossier ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La priorité c'est la désescalade, c'est s'assurer qu'on ne marche pas sur une ligne dangereuse ou par accident on se retrouve avec au fond des militaires qui reprennent la voie du dialogue. Aujourd'hui, Emmanuel MACRON a envoyé son conseiller diplomatique en Iran, on essaie de faire en sorte que le triangle, si je peux dire, Europe Etats-Unis, Iran, soit un triangle où on se parle. Aujourd'hui des Iraniens ils voient bien le risque aussi de finalement poursuivre dans une direction qui les amènera à s'isoler. Ils voient bien le risque que même économiquement cet isolement aura d'énormes conséquences sur la vie quotidienne des Iraniens, dont ils ont la responsabilité.
PIERRE DE VILNO
C'est déjà le cas, il y a pas mal d'entreprises françaises notamment qui ont claqué la porte, parce qu'il fallait « obéir » aux injonctions de monsieur TRUMP.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, aujourd'hui, parce qu'ils respectaient à l'Accord de Vienne, parce que les Européens leur faisaient confiance dans le respect de l'Accord de Vienne, on continuait de pouvoir avoir des échanges avec eux. C'est pour ça que, aujourd'hui, la ligne de crête sur laquelle on marche c'est qu'on aimerait qu'effectivement du côté américain il y ait une forme de désescalade, et du côté iranien, eh bien ils réentrent dans le respect de l'Accord de Vienne. On y travaille, on est extrêmement attentive Jean-Yves LE DRIAN l'a dit hier notamment, la situation est dangereuse, et donc il faut dans ces situations de danger être extrêmement prudent.
PIERRE DE VILNO
L'agriculture, c'est un autre sujet avec l'éternel PAC, la Politique Agricole Commune dont le but était de nourrir, on s'en souvient, les populations après-guerre. N'est-il pas temps de changer de modèle ? Est-ce qu'il ne faut pas une nouvelle PAC, une nouvelle réorganisation, j'allais dire presque un nouveau business model en 2021 ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, moi je viens d'une famille agricole, et je peux vous dire qu'il est essentiel que l'agriculture se transforme. Les agriculteurs le souhaitent, mais ils ne vont pas se transformer sans argent et donc c'est pour ça que je me bats aussi pour que le budget de la PAC soit à la même hauteur que ce qu'il était auparavant, pas pour faire la même chose, mais bien pour accompagner les agriculteurs…
PIERRE DE VILNO
Donc plus pour accompagner les plus gros agriculteurs, puisque c'est un peu ça le sens aujourd'hui.
AMELIE DE MONTCHALIN
On peut toujours accompagner les… Alors, on veut mettre vous savez un plafond, pour qu'au-dessus de 100 000 € par an on considère qu'ensuite vous avez a priori par vous-même des revenus, que vous n'avez plus besoin de la solidarité, de la politique agricole commune. En revanche, on est très clair sur le fait qu'il faut soutenir les agriculteurs, pour que si on leur demande de se transformer dans leurs pratiques agricoles, dans le fait qu'il y ait moins de pesticides, dans le fait qu'on leur demande aussi de diversifier au fond leur production pour être moins sensibles aux aléas climatique…
PIERRE DE VILNO
Et vous allez être écoutés sur ces sujets-là ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais on est écoutés. On a deux propositions très claires. Un, on voudrait que 40 % du budget de la PAC soit un budget de transformation notamment en lien avec l'environnement. Aujourd'hui on est arrivé…
PIERRE DE VILNO
Donc avec de l'agro-écologie.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et surtout faire en sorte que la méthanisation, c'est extrêmement bon pour l'environnement, c'est un vrai investissement pour les agriculteurs. Est-ce qu'aujourd'hui ils ont tous les moyens pour y arriver ? On n'est pas sûr. Qu'on puisse regarder aussi la question de la constitution des filières. On parle beaucoup de circuits courts, mais si les agriculteurs n'ont pas de filières pour transformer leurs produits, c'est un beau concept, ça ne marche pas. Donc on a travaillé aussi avec les coopératives sur l'innovation, sur la recherche. Donc bien sûr qu'on veut autant d'argent dans la PAC, pas pour faire la même chose mais pour vraiment aider les agriculteurs de toute l'Europe parce qu'ils … Et puis il y a un point important…
PIERRE DE VILNO
Rapidement.
AMELIE DE MONTCHALIN
50 % des agriculteurs, dans toute l'Europe, partiront à la retraite d'ici 2025. Donc on a un énorme enjeu aussi d'attractivité, d'installation de jeunes agriculteurs, et là-dessus, notamment la Banque européenne d'investissement a un grand projet, et je pense que c'est des sujets essentiels, bien concrets, qui montrent que l'Europe elle peut travailler, non pas seulement dans les discours, mais bien à la réalité des Français au quotidien.
PIERRE DE VILNO
Dernière question, avec une réponse courte s'il-vous-plaît, désolé le temps nous poursuit, Amélie de MONTCHALIN. On quitte l'Europe pour Paris avec les hommes en lice pour la municipale au sein de la REM. Vous roulez pour qui ? Pour Cédric VILLANI ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je ne roule que pour celui qui pourra avoir un projet, le plus cohérent, le plus convaincant, et surtout je pense qu'il est essentiel que nous ne fassions pas de primaires, trop de partis se sont abîmés à se batailler les…
PIERRE DE VILNO
Donc vous êtes les contre ce qui se passe en ce moment, ce choix ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais aujourd'hui il n'y a pas de primaires, aujourd'hui ce n'est pas une élection sur…
PIERRE DE VILNO
Mais cette pluie d'auditions…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils ont présenté un projet, on a fait confiance à une Commission nationale d'investiture pour leur poser des questions précises, je crois d'ailleurs que les retours de Benjamin GRIVEAUX et Cédric VILLANI, qui ont tous les deux en fait une personnalité, une façon d'approcher le sujet, différente…
PIERRE DE VILNO
Donc exit Hugues RENSON.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et Hugues RENSON bien sûr, mais aujourd'hui je pense que c'est surtout entre…
PIERRE DE VILNO
Cédric VILLANI et Benjamin GRIVEAUX.
AMELIE DE MONTCHALIN
Que vous me posiez la question. Entre eux, en tout cas les trois qui ont présenté…
PIERRE DE VILNO
Votre coeur balance entre les deux ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas à moi, vous savez, moi je ne suis pas membre de la Commission d'investiture, et ce que je sais, c'est que…
PIERRE DE VILNO
Vous êtes une proche du président.
AMELIE DE MONTCHALIN
Si on s'abîme dans une primaire, alors en général on a abîmé la dynamique de campagne et surtout la capacité à rassembler après.
PIERRE DE VILNO
Merci beaucoup Amélie de MONTCHALIN d'avoir été l'invitée politique aujourd'hui d'Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juillet 2019