Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Jean-Baptiste LEMOYNE.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous êtes notamment en charge de cette question du CETA. Le CETA, c'est ce contrat, cet accord économique et commercial entre l'Union européenne et le Canada, il sera discuté tout à l'heure à l'Assemblée avant d'être voté, peut-être adopté par le Parlement français pour rentrer véritablement en vigueur. Mais une première question, depuis quelques jours, lorsqu'on se penche véritablement sur ce CETA, il y a cette inquiétude notamment sur le bœuf canadien qui débarquerait dans nos assiettes, un boeuf canadien qui pourrait être nourri de carcasses animales ou de restes d'animaux, est-ce que là-dessus, vous êtes absolument sûr de votre coup, ou est-ce qu'il y a un doute ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, mais vous savez, quand on est amené à faire en sorte que le Parlement français se prononce, eh bien, le gouvernement, lorsqu'il présente un tel projet de loi, il a bien tout regardé. Et donc, on a le recul maintenant d'un an et demi d'entrée en vigueur provisoire de cet accord…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, pardon, mais moi, je vous arrête un instant là-dessus, parce que ça, du point de vue démocratique, est-ce que vous trouvez ça acceptable, c'est-à-dire qu'on fait voter aujourd'hui le Parlement français, et d'ailleurs, l'ensemble des parlements européens, pour un contrat dont on réalise qu'il est déjà en vigueur de manière provisoire, c'est un déni de démocratie ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Du tout, pardonnez-moi d'être un peu technique, c'est un accord qui comporte une partie commerciale et une partie investissement, la partie commerciale, ce sont les compétences de l'Union européenne, et donc c'est le Parlement européen qui représente les citoyens européens, nous avons voté, tous, il y a quelques semaines, qui a ratifié cette partie-là, et le Parlement national est amené à se prononcer pour cette partie relative à l'investissement, mais donc sur la partie commerciale, elle est en vigueur parce que le Parlement européen, représentant les citoyens européens, a donné son feu vert. Et donc nous avons ce recul de 18 mois, et nous voyons quoi, nous voyons que, déjà, les exportations de boeuf canadien vers la France, sous le contingent CETA, sont dérisoires, 12 tonnes équivalent carcasses, alors que nous avons une consommation en France de 1,5 million de tonnes, je vous laisse faire le ratio, on est à 0,00 quelque chose…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais enfin, la question n'est pas seulement la quantité, c'est aussi la qualité de cette viande.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Eh bien, la qualité, nous avons des normes, nous avons des exigences, eh bien, ces normes et ces exigences, elles existaient avant le CETA, et elles demeurent après le CETA. Ça veut dire pas de boeuf, comment dire, OGM naturellement, pas de saumon transgénique, et pas de boeuf issu justement de filières nourries avec des farines animales, du type FVO, farines de viande et d'os, donc ça, c'est très clair.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors, c'est très clair, mais si on rentre vraiment dans les détails, il semble qu'au Canada, certes, il n'y a pas le droit au cannibalisme, c'est-à-dire effectivement, des boeufs ne vont pas manger des boeufs, mais cela dit, il y a d'autres formes de farines issues de protéines animales, et disent-ils, notamment de sang séché, de poils, de bêtes, de peau, est-ce que ça, vous êtes absolument sûr que le boeuf, qu'ensuite, nous, nous allons ingurgiter n'a pas mangé cela ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors, pardon, mais je vais vous livrer un scoop, les protéines animales transformées que vous évoquez, elles sont autorisées en Europe depuis 2013, et elles servent à nourrir par exemple des poissons en Europe, donc il faut avoir…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous trouvez ça rassurant ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas, là, de règles qui soient distinctes, puisque les Européens utilisent eux-mêmes des protéines animales transformées pour certains types de produits, donc, voilà, il faut savoir aussi être précis, parce que je vois beaucoup de gens qui utilisent des craintes, et c'est normal, parce que, ce qui est normal, c‘est qu'en tant que consommateur…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que votre rôle, ce n'est pas précisément de remonter la barre de ces normes ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
En bien, c'est ce qu'on fait avec cet accord, parce que, avec cet accord, figurez-vous que des dizaines et des dizaines d'indications géographiques protégées, c'est-à-dire les produits, les bons produits de nos terroirs, qui sont faits avec de l'amour, de la qualité, je pense par exemple, moi, qui ai des attaches en Bourgogne et au Pays basque, eh bien, à l'époisses ou au jambon de Bayonne, eh bien, ces produits-là, désormais, ils sont protégés au Canada, ils ne pourront plus être copiés, ils ne pourront plus être… comment dire… appelés de la même façon, et donc, ça veut dire qu'on tire vers le haut également les pays avec lesquels on contracte, parce qu'ils ne reconnaissaient pas jusqu'à maintenant cela, et donc là, je crois que c'est une avancée majeure sur un continent américain qui refusait jusqu'à maintenant ce type de…
APOLLINE DE MALHERBE
Jean-Baptiste LEMOYNE, inquiétude notamment dans la filière bovine, mon invité hier sur RMC et BFM TV, Christian JACOB, qui est issu de la famille politique dont vous venez, à l'origine, disait que le groupe de la droite classique voterait ce CETA si, et seulement si, vous sortiez la viande bovine de l'accord, est-ce que c'est envisageable ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, quand un accord a été signé, et la signature de la France a été apposée, d'ailleurs pas par Emmanuel MACRON, mais, je le rappelle, par François HOLLANDE, et cet accord a été initié par Nicolas SARKOZY, donc voilà, que monsieur Christian JACOB peut-être reprenne les origines de tout cela, eh bien, quand la signature de la France, elle est là, elle engage. Et donc nous, ce qu'on a voulu faire, avec le président de la République, avec le gouvernement, justement, c'est de pouvoir compléter cet accord, pour lui donner une ambition environnementale et climatique plus importante. Et nous avons obtenu, et c'est grâce aussi au volontarisme d'Emmanuel MACRON, eh bien, que les Canadiens reconnaissent ce qu'on appelle un veto climatique qui empêchera les investisseurs, les entreprises canadiennes de remettre en cause nos législations environnementales ou sociales.
APOLLINE DE MALHERBE
Jean-Baptiste LEMOYNE, l'inquiétude des agriculteurs, vous l'entendez sans doute, mais autant l'entendre tout de suite et pouvoir lui répondre, on est avec Cédric. Bonjour Cédric.
CEDRIC
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour. Bienvenue sur RMC. Le ministre est là pour vous entendre. Vous êtes vous-même agriculteur, comment est-ce que vous voyez l'arrivée du CETA ?
CEDRIC
Alors, je la vois avec beaucoup de mensonges et d'hypocrisie de la part du gouvernement, parce qu'on nous demande beaucoup d'efforts en France notamment, on peut entendre parler du glyphosate en France, où on parle de l'interdire, il faut savoir qu'au Canada, le glyphosate, étant donné que le climat ne permet pas de pousser le blé jusqu'à maturité, il est utilisé comme défoliant pour faire mûrir le blé plus rapidement. Ça veut dire que là, il y a la certitude, contrairement au blé français, d'avoir des résidus de glyphosate sur le blé, après, comment seront faits les contrôles, étant donné qu'on n'a déjà pas les moyens de contrôler aux frontières. Deuxièmement, sur le sujet des farines animales dont il parlait, qu'en Europe, c'est autorisé sur les poissons, on se rappelle que jusqu'avant 96, c'était aussi autorisé sur les bovins, ça a quand même – pour rappel – provoqué la vache folle, et une petite anecdote, et…
APOLLINE DE MALHERBE
Cédric, Cédric, je voudrais que le ministre puisse vous répondre, on comprend bien vos inquiétudes, mais précisément, vous parlez d'hypocrisie, là tout est transparent, il est là en studio et il peut vous répondre, Jean-Baptiste LEMOYNE, qu'est-ce que vous répondez à Cédric ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce que je réponds, c'est qu'encore une fois nous faisons respecter nos exigences, nous faisons des contrôles, 52 de contrôles ont été faits sur des lots de viandes bovines venant du Canada depuis 2018.
CEDRIC
C'est que dalle 52 contrôles, ce n'est pas assez.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Aucune non-conformité n'a été détectée, par ailleurs nous avons obtenu un nouvel audit qui se tiendra d'ici la fin de l'année parce que nous allons nous-mêmes européens voir les abattoirs, voir les fermes au Canada et d'ailleurs ça me permet de dire que seulement 36 fermes sur 75.000 au Canada sont en mesure de répondre à nos normes et à nos exigences. Ca veut dire que c'est un chiffre très petit parce que le Canada n'est pas outillé pour répondre à nos normes.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous pourrez garder cette même rigueur ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non seulement, on la garde, mais on voit toujours l'accroître, c'est pour ça, vous savez, la liste Renaissance, nous on a porté aussi dans la campagne européenne le fait d'avoir une agence sanitaire européenne pour pouvoir renforcer les contrôles et nous au niveau français, on le fait, parce qu'on a recruté 700 douaniers supplémentaires, notamment en raison du Brexit et que ces 700 douaniers, eh bien ils vont aussi oeuvrer pour tous les produits qui viennent de pays tiers ?
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup Cédric, Cédric qui nous appelait d'Indre-et-Loire. Autre volet bien sûr face à vous, Jean-Baptiste LEMOYNE, la question de la démission de François de RUGY, Laurent NEUMANN et Eric BRUNET nous ont rejoints pour le face-à-face. D'abord je m'adresse à vous Jean-Baptiste LEMOYNE pour reposer à nouveau le débat, la démission de François de RUGY, vous l'avez accueillie avec soulagement ou en étant dépité ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
C'est une décision qui l'honore, elle est sage parce qu'il y a un moment, il ne faut pas que le collectif soit pénalisé par le buzz qui existe autour d'un des membres et de ce point de vue-là il a souhaité pouvoir se défendre sereinement. C'est vrai que lorsqu'on est ministre, on l'est 24 heures sur 24, il y a des dossiers très lourds et on voit bien qu'il a souhaité du coup pouvoir assurer sa défense.
APOLLINE DE MALHERBE
Je veux juste comprendre, vous dites le problème c'était le buzz, le problème c'était le buzz ou c'était ce qu'il avait fait ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non mais on voit bien qu'aujourd'hui au-delà même de certaines normes juridiques, etc, il y a un regard permanent de la société et ça veut dire qu'on doit chacun dans l'exercice de notre mission, eh bien faire attention parce que voilà on peut comprendre que des images choquent, ça a été le cas, le poids des mots, le choc des photos s'est avéré.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y avait à la fois les mots et les photos.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juillet 2019